L’Amour est derrière la porte
« Cent pour cent des clients qui arrivent seuls repartent à deux. » Voilà le nouveau slogan de l’agence matrimoniale, mais… Plus facile à dire qu’à faire, quand certains clients s’avèrent être de drôles de spécimens.
Une agence matrimoniale. Sur scène, Mme Hortense. Elle dépoussière les meubles.
Mme Hortense - Faire le ménage dans une agence matrimoniale… C’est drôle quand on y pense… Je fais le ménage pour des clients qui cherchent à se mettre en ménage… Se mettre en ménage… Vous parlez d’une expression ! Surtout quand on sait qui fait le ménage… Je les connais les bonhommes, ils ne cherchent pas spécialement à se mettre en ménage, non… Si vous voulez mon avis, ils cherchent surtout une ménagère ! D’ailleurs on dit « une ménagère », on ne dit pas « un ménager »… Ça veut bien dire ce que ça veut dire… En tous les cas, ce n’est pas moi qui aurais ce genre d’idée… Pas folle la guêpe ! Trouver un bonhomme pour avoir le plaisir de lui laver ses slips et ses chaussettes, merci bien ! Je veux bien faire le ménage chez les autres mais je n’ai pas envie de faire des heures supplémentaires chez moi.
Entrée de Claudette et de Mme Colombani.
Mme Colombani - Eh bien ? Madame Hortense, vous parlez toute seule à présent ?
Mme Hortense - Ouais… Et je me disais que celui qui veut se mettre en ménage avec la femme de ménage, eh ben… il n’est pas encore né.
Mme Colombani - Et pourquoi pas ? Je vous verrais bien avec un gentil mari.
Mme Hortense - Alors là ! Ça ne risque pas… Je ne supporterais pas d’avoir un fainéant à la maison… J’en ai eu un… Oh ! il y a longtemps… Comme on dit, il y a prescription… Celui-là, il m’a vaccinée à tout jamais… Quand je passais l’aspirateur, il me disait, les fesses bien calées dans le fauteuil : « Bouge pas ! Je vais t’aider… » Et vous savez ce qu’il faisait ? Eh ben, il soulevait ses jambes… C’est ça qu’il appelait aider.
Mme Colombani - Madame Hortense, ce n’est pas parce que vous avez eu une expérience malheureuse qu’il vous faut renoncer…
Mme Hortense - J’en ai eu un, ça m’a suffit que je vous dis ! Vous savez, un homme c’est comme l’appendicite : ça peut faire très mal et quand on en a plus, on se rend compte que finalement ça ne servait à rien… Bon, allez ! Je papote, je papote… mais c’est que j’ai encore du travail.
Mme Colombani - Madame Hortense, ne dites jamais : « Fontaine, je ne boirai plus de ton eau. » Si un jour vous changez d’avis, n’hésitez pas à vous inscrire à l’agence, je vous ferai profiter de tarifs préférentiels…
Mme Hortense - Ce n’est pas demain la veille.
Elle sort.
Claudette - Heureusement que nous ne l’avons pas comme cliente, celle-là… Mais si nous l’avions eue, elle vous aurait, elle aussi, apporté la preuve que ce n’était pas réalisable… Il vous faut vous résigner, madame Colombani… Et surtout ne considérez pas cela comme un échec. Vous savez, vous n’y êtes pour rien.
Mme Colombani - Comment cela ? Je n’y suis pour rien ? Mais détrompez-vous ma petite Claudette ! Vous ne vous imaginez tout de même pas que les quatre cent cinquante-deux couples que j’ai constitués jusqu’à présent se sont trouvés réunis par la seule opération du Saint-Esprit ?
Claudette - Je n’ai pas dit cela madame Colombani. Votre réputation n’est plus à faire, tout le monde sait que l’agence Colombani est la plus performante de toutes les agences matrimoniales, mais avouez que votre idée de slogan était tout de même exagérée.
Mme Colombani - Exagérée ? Je ne trouve pas…...
