Ploucs-sur-mer
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Attention, Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y compris pour les troupes amateurs.
Distribution : 7H –7F – 1 Enf ou 9H – 7F – 1 Enf ou même 10H – 7 F
MNS : Maître-nageur un peu cow-boy sur les bords et franchement CRS au milieu.
Vieux loup de mer : Vieux marin flegmatique et coquin avec pipe et marinière. Roi du proverbe.
Henri : Bourgeois parvenu et couard.
Simone : Bourgeoise parvenue, hautaine et pas futée avec de gros soucis de vocabulaire.
Dédé : Titi parisien mangé par sa femme. Casquette de marine blanche, short blanc sale, marcel bleu, socquettes de ville dans les sandales.
Paulette : Mégère du titi en question. Forte femme, gouailleuse et sans-gêne. Craint le soleil.
Lulu : Leur fils. Petit grognon. (Le rôle peut être tenu par un adulte.)
Femme Seule : Femme assez mûre, visiblement à la recherche de l'âme sœur. Drague ouvertement le MNS.
Bernard : Jeune homme dragueur très lourd et très vantard.
Jean-Paul : idem.
Brigitte : Jeune femme pas vraiment farouche.
Marie-Christine : Idem.
Monique : Vieille fille, copine des deux premières.
Voyeur : Pervers de service. Jumelles et imperméable sur slip de bain.
Pêcheur : Traqueur infatigable de crevettes, éternellement bredouille, avec tout l'attirail.
Le vendeur : Vendeur de beignets ambulant. Haut en couleurs et fort en gouaille. Roudoudou pour les clients. Sombrero, corne de chasse et corbeille de beignets.
Les trois derniers rôles peuvent être tenus par le même comédien.
Décors :
Aucun décor particulier n'est nécessaire mais on essaiera de faire en sorte que tous les comédiens, une fois allongés sur le sol, soient bien visibles du public. On pourra par exemple aménager l'espace scénique sur deux ou trois niveaux à moins que le public ne soit lui-même placé sur des gradins. L'avant-scène représentera le bord de l'eau.
Le MNS sera assis sur une chaise haute de surveillance et le vieux loup de mer sur quelque chose simulant un quai. Tous les deux sont en arrière-scène.
Quand le rideau s'ouvre, on découvre le vieux loup de mer assis sur le quai et on entend le bruit de la mer et des mouettes puis le MNS entre et s'installe sur sa chaise haute.
MNS – Z'êtes déjà là père Kermadec ?
Vieux loup de mer – Ouai ! Je viens de prendre mon quart.
MNS – Fidèle au poste.
Vieux loup de mer (une fois le MNS installé) – Cormoran perché sur l'artimon, touristes à foison !
MNS – Vous et vos proverbes !
Entrée de Simone et Henri. Elle, large chapeau et grosse lunette de soleil, ne porte qu'un petit sac à main alors que Henri croule sous les accessoires de plage dont deux chaises longues pliantes
Simone – Quelle journée "splendieuse" ! Nous avons bien fait de venir tôt, la plage est déserte.
Henri – Une plage rien que pour nous. Ne te l'avais pas promis mon amour ?
Simone – Heureusement ! Si j'ai "compati" à venir en Bretagne, c'est pour éviter la cohue-bohue de la côte d'Azur. Avec la chance qu'on a, on serait fichu de tomber sur une cliente du salon. Elles sont une "multiplitude" à y aller.
Henri – Ne crains rien mon ange, je connais bien l'endroit. Ici, il n'y a jamais personne.
Simone – Tu en es bien sûr ? Tu connais mon "inversion" pour la populace.
Henri – Fais-moi confiance. Installons-nous. (Il déplie les deux chaises longues qu'il portait.) On n'est pas bien ici ? Seuls, face à l'immensité sereine et majestueuse de l'océan.
Simone – Oh ! Mais tu es un vrai poète, mon canard.
Henri – Mais c'est ta beauté qui m'inspire ma petite mouette. Tu es si belle qu'on te croirait née de l'écume telle une Aphrodite des temps modernes.
Simone – Une quoi ?
Henri – Une Aphrodite.
Simone – Aphrodite ! Aphrodite ! Dis tout de suite que je suis moche !
Henri – Mais non ma chérie. Tu es ravissante, Aphrodite était une déesse grecque connue pour sa beauté. Oh Simone, ma déesse, ma muse, ma sirène ! Tu es la perle de la plage.
Simone – Que c'est beau ce que tu dis ! Ce que je t'aime, toi ! Prends-moi…
Henri – Hein !!! Ici ?
Simone – Oui. Allez vas-y !
Henri – Mais… Là ?… Tout de suite ?
Simone – Ben oui, prends-moi en photo. Avec la mer en fond. Ici. (Elle prend la pose.) En rentrant, on la montrera à Madame Gachon, elle en sera verte la bourrique.
Premier passage du pêcheur. Il fait tout pour être sur la photo.
Henri – Mais poussez-vous voyons ! Vous êtes dans mon champ.
Le pêcheur – Ah non ! Je suis sur la plage.
Henri – Sortez de mon champ !
Le pêcheur – Votre champ de quoi ?
Henri – De vision, pas de blé ou de maïs ! Vous voyez bien que vous me gâchez la vue.
Le pêcheur – Oh bon, bon ! (Il sort.)
Henri – Reprends la pose ma chérie. (Ils font une ou deux prises et vont sur leurs chaises longues.)
Entrée de la femme seule qui s'installe au pied du MNS en le dévorant des yeux et en minaudant tant qu'elle peut.
Femme Seule – Bonjour Monsieur le sauveteur.
MNS (le regard fixe sur la mer) – Bonjour Madame.
Femme Seule – Quel soleil aujourd'hui !
MNS – Affirmatif.
Femme Seule – Vous n'avez pas peur des coups de soleil.
MNS – Négatif, l'habitude.
Femme Seule – J'ai de la pommade, si vous voulez.
MNS – Négatif. C'est pas de la peau, c'est du cuir.
Femme Seule – Moi, je me protège. J'ai la peau fragile. Hier j'ai pris un de ces coups de soleil. Regardez. (En dévoilant son épaule lascivement)
MNS – Pas le temps. Surveillance de tous les instants. Pas quitter l'eau des yeux.
Femme Seule (bombant ostensiblement le torse) – Vous devez avoir une belle vue de là-haut ?
MNS – Bof !
Femme Seule (lascive) – Ah oui ?
MNS – Si je vous le dis.
Femme Seule (en aparté) – Pfeuh ! Tu ne sais pas ce que tu manques.
Vieux loup de mer – Limande affamée ; si tu veux pas être bredouille toute l'année, faut la ferrer.
Entrée des deux dragueurs, serviettes autour du cou, ballon de volley sous le bras.
Bernard – Ben dis donc, y'a pas foule !
Jean-Paul – Ouai ! Y'a surtout pas grand gibier.
Bernard – Y'a bien celle-ci, là-bas, sous la chaise du cow-boy. (Il désigne la femme seule.)
Jean-Paul – Bof ! Y'en n'a pas pour deux et puis elle a l'air tarte.
Bernard – T'as raison. On va voir un peu plus loin ?
Jean-Paul – Ouai mais j'ai bien peur que ce soit pareil, la poulette n'est pas de sortie aujourd'hui.
Bernard – C'est pas l'heure. Ça va venir. Le soleil commence à chauffer. Elles vont rappliquer. Les filles c'est comme les lézards, plus il fait chaud, plus t'en vois. Ça va venir. Fais-moi confiance. (Ils sortent.)
Vieux loup de mer – Maquereaux en chasse, surveille ta rascasse.
Femme Seule – Vous les avez entendus ces deux malotrus, Monsieur le sauveteur ?
MNS – Affirmatif.
Femme Seule – Vous aussi vous me trouvez tarte ?
MNS – RAS. Pas d'opinion.
Femme Seule – Vous pourriez vous en faire une, si vous le vouliez.
MNS – Une quoi ?
Femme seule – Une opinion de moi.
MNS – Pour quoi faire ?
Femme Seule – Pour rien, comme ça. Pour causer.
MNS – Pas le temps.
Femme Seule (en aparté) – Pfeuh ! Espèce de gros balourd !
Brigitte entre, suivie de Marie-Christine.
Brigitte – Oh ! Que c'est beau, que c'est beau, que c'est beau !
Marie-Christine – Quel soleil ! Aujourd'hui, Brigitte, on va le soigner notre bronzage.
Brigitte – Ça c'est sûr ! On s'installe où ?
Marie-Christine – Ben là, on sera très bien. Dis donc, t'as vu le maître-nageur ?
Brigitte – Oui, je le connais, c'est un ours mal léché.
Marie-Christine – Oui mais il plutôt pas mal.
Brigitte – Oui, si on aime les tarzans ou les yétis.
Marie-Christine – Oh ! Comme tu y vas, toi alors !
Simone (à Henri) – Je croyais qu'on devait être seuls ?
Henri – Mais on est presque seuls, ma chérie. Il n'y a pas grand monde.
Simone – Oui mais la plage est petite. Toute petite. Encore deux ou trois personnes et ce sera "bombé", complètement "bombé". La "promisecuité", tu sais très bien que je ne la supporte pas la "promisecuité".
Henri – Oui ma chérie.
Brigitte – Alors Monique, tu viens ?
Monique (off) – J'arrive, j'arrive ! C'est moi qui traîne tout aussi !
Marie-Christine – Arrête de râler, c'était ton tour.
Monique (entrant, fortement chargée) – Mais j'ai l'impression que c'est toujours moi le bourricot.
Brigitte – Pas du tout. C'est chacune son tour, n'est-ce pas Marie-Christine ?
Marie-christine – Parfaitement ! Rappelle-toi, lundi c'était moi, mardi c'était toi, mercredi c'était Brigitte, jeudi c'était toi, vendredi c'était moi et aujourd'hui samedi c'est toi. Normal non ?
Monique (convaincue) – Ah ben oui !
Brigitte – Allez, pose le barda. (Elles s'installent et Marie-Christine passe une cabine souple.) On va être super bien ici, mes petites chéries. Du sable fin, le soleil et la mer, que demander de plus ?
Brigitte – Des garçons !
Monique – Oh ! Toi alors !
Vieux loup de mer – Sardines sur la plage, cocus dans le village !
Brigitte – Tu me passes la crème Marie-Christine, s'il te plaît.
Marie-Christine – Tiens… Qu'est-ce que tu fais Monique ?
Monique – Je passe mon maillot.
Brigitte – Tu aurais pu le mettre au camping.
Monique – J'aime pas le garder, ça gratte. Et puis le camping est loin ; je serai arrivée toute échauffée.
Brigitte – Pour une fois, ça te changerait.
Monique – Qu'est-ce que tu veux dire ?
Brigitte – Rien, rien.
Première apparition du voyeur avec ses jumelles.
MNS (qui est descendu de sa chaise) – Toi, je t'ai déjà dit de circuler.
Voyeur – Mais j'observe les oiseaux.
MNS – C'est ça. Tu observes les oiseaux, les mouettes, les tourterelles, les bécasses et surtout les dames… Fous-moi le camp ou je te fais coffrer ! (Le voyeur prend ses jambes à son cou et sort.)
Femme Seule – Quelle autorité ! Bravo, bravo monsieur le sauveteur.
MNS – Merci ma petite dame.
Femme Seule – Je vous admire. Avec vous on se sent en sécurité. Vous voulez un petit bonbon ?
MNS (remontant sur la chaise) – Négatif, pas bon pour la forme… (Elle est prête à en manger un…) Pour les formes non plus d'ailleurs. (Elle se ravise.)
Marie-Christine – Alors Monique, tu y arrives ? Tu ne vas passer une heure à mettre un maillot ?
Monique – Je l'ai pris un peu trop juste et j'ai du mal à…
Brigitte – Ça, je te l'avais dit, tu as grossi Monique, tu as grossi.
Monique – Non, j'ai pas grossi, j'ai pris des formes… Moi. Tout le monde ne peut pas en dire autant.
Brigitte – Qu'est-ce que tu veux dire ?
Monique– Rien, rien. (Elle s'entrave et tombe avec la cabine) Oups !
Brigitte – On a tout vu !
Monique – Mon Dieu !
Vieux loup de mer – Quand les haubans sont mous, faut pas prendre le vent debout.
Simone – Comme coin tranquille, on ne fait pas mieux, en effet. Quel cirque ! Quel "Tintinamarre" !
Henri – Mais non, ma chérie ! C'est une agitation passagère et, j'en suis certain, tout à fait exceptionnelle. Ça y est, écoute, on n'entend plus que le bruit des vagues. C'est pas calme là ? Franchement ? Ah, ça c'est des vacan…
Entrée tonitruante de Paulette, Lulu et Dédé
Paulette – Ah ! Enfin on y est ! Je croyais qu'on n'arriverait jamais ! Fait un de ces cagna ce matin ! Lulu, lâche pas ma main, tu vas te perdre. Alors Dédé, tu nous trouves une place oui ou non ?
Dédé – Tout de suite Pupuce, tout de suite. Tiens, là on sera bien. (Près de la femme seule.)
Paulette – Trop près !
Dédé – Ah bon. Alors ici. (Près des trois copines)
Paulette – Trop près !
Simone – Tu vas voir que ça va être pour nous.
Henri – Mais non, il y a plein de place.
Paulette – On se met là et puis c'est tout. (Quasiment sur les pieds de Simone et Henri) On va pas faire le tour du pays, non. On dérange pas au moins ?
Henri – Ben c'est que…
Paulette – Merci ! Allez Dédé, déplie le fourbi.
Dédé (déballant les serviettes, le parasol, le pique-nique…) – Pardon m'sieur dame ! Vous dérangez pas. Vous voulez bien me tenir ça une minute ? Merci. Voilà.
Simone – Tu me la copieras ! Bonjour la tranquillité. Fais-moi confiance, hein ?
Henri – Ce n'est rien. On va se pousser un peu. Voilà tout. (Ce qu'ils font.)
Dédé – Ah ce qu'on est bien ici ! Pas vrai, m'sieur dame ?
Simone – On ne peut pas être mieux, en effet !
Dédé – Tu te mets pas en maillot, Pupuce.
Paulette – Non. Tu sais bien que j'ai une peau qui craint. Je bronze que des pieds. Allez Lulu ! On va faire des pâtés au bord de l'eau. (Ils s'avancent au bord de la scène.)
Lulu – Moi j'aime pas l'eau !
Dédé – Prends ton temps Pupuce. Je surveille les affaires.
Paulette – Pardon m'sieur dame. Lulu, marche pas sur les gens.
Lulu – Moi j'aime pas les gens.
Paulette – Tais-toi et fais des pâtés.
Lulu – Moi j'aime pas les pâtés.
Paulette – Et celle-là, tu l'aimerais ?
Retour des deux dragueurs.
Bernard – Hé ! Jean-Paul ! Vise un peu l'arrivage !
Jean-Paul – Mazette ! C'est du premier choix ça ! Allez, au boulot mon gars. Faut qu'elles nous remarquent tout de suite.
Bernard – C'est parti.
Après une série de pompes et d'étirements très exagérés, ils se mettent à jouer au volley en roulant les mécaniques et gênent Paulette et Lulu.
Paulette – C'est pas vrai ! Viens lulu ! (Elle retourne à sa place.) On nous marche presque dessus et toi tu dis rien ?
Dédé – Ben …
Paulette – Ça devrait pas être permis d'envahir l'espace des autres comme ça. (En se collant à Simone.)
Simone – Oh !
Henri – Quel sans-gêne !
Paulette – Vous avez raison ! Ah elle va être belle la France de demain avec une jeunesse pareille !
Premier passage du vendeur de beignets.
Vendeur – Ils sont bons, ils sont beaux, ils sont chauds, tout chauds, les bébés, les gnégnés, les rourous, les doudous, les beignets de Roudoudou.
Lulu – Moi j'aime bien les beignets.
Vendeur – Un Euro le beignet, cinq Euros les quatre ! Profitez-en !
Lulu – Moi j'aime beaucoup les beignets.
Dédé – Tu en veux un mon Lulu ?
Lulu – Oh oui ! J'en veux un, j'en veux un, j'en veux un !
Paulette – C'est pas l'heure ! Si tu manges maintenant, tu pourras pas te baigner. (A Dédé) Tu veux qu'il ait la colique, toi ?
Dédé – Mais non, Pupuce mais…
Lulu – Ouin ! Ouin !
Paulette – Arrête ou t'en prends une.
Dédé – Fais attention Lulu, la mer est agitée.
Paulette– T'en veux une aussi toi ?
Dédé – C'était pour rire Pupuce.
Paulette – C'est pas drôle. Lulu, va faire des pâtés.
Lulu – Mais moi, j'aime pas les pâtés !
Paulette – On a fait six cents kilomètres pour te faire faire des pâtés, tu vas faire des pâtés.
Lulu (allant au bord de l'eau) – Si j'aurais su, j'aurais resté chez mamie.
La femme seule, soudainement passionnée de volley-ball, va au bord de l'eau. Dédé la regarde passer et prend une claque sur la casquette. Elle trouble les joueurs et le ballon finit sur Simone.
Simone – Ça c'est le bouquet ! Vous ne pouvez pas jouer un peu plus loin ?
Bernard – Pardon Madame.
Simone (jetant le ballon dans la salle) – Là ! Tant que vous vous noierez pour le récupérer, on aura la paix.
Jean-Paul – C'est malin ! Tu pourrais pas la calmer un peu ta bonne femme ?
Simone – Oh ! Henri, tu ne dis rien ?
Henri – Mais si, mais si… Euh !…
Simone – Allez, Henri, lève-toi et montre leur.
Henri – Euh !… Oui… C'est-à-dire que…
Bernard – C'est-à-dire qu'on est deux et beaucoup plus baraqués que toi.
Henri – C'est cela, oui. Mais attention hein… !
Bernard – Oui ?
Henri – Ne vous y trompez pas… Hou là là !… Attention…
Jean-Paul – Oui ?
Henri – Ne comptez pas sur moi pour…
Jean-Paul et Bernard – Pour ?
Henri – Pour… Pour aller chercher votre ballon. Là !
Bernard – On va y aller le chercher nous-même le ballon et en crawl encore.
Jean-Paul – Ouai, en crowl Australo-Norvégien même.
Bernard – Admirez le travail ! (Ils passent dans la salle.)
Henri – Tu as vu chérie, comment je leur ai rivé leur clou, hein ?
Simone – Pfeu ! Pauvre type !
Dédé – Allez, c'est pas bien grave tout ça. On est tous en congés. Pas vrai ? Tenez ma petite dame, prenez un bout de sauciflard, pour vous remettre.
Simone – Pouah ! Du saucisson maintenant ?
Dédé – Ouai et du à l'ail s'il vous plaît.
Simone (écœurée) – Oh ! J'en ai vraiment assez de tous ces "congés payés" ! Poussez-vous ! De l'air par pitié !
Paulette – Comment ? Qu'est-ce que t'as contre les congés payés ?
Simone – Tous des malotrus, mal embouchés, mal habillés, mal coiffés, mal… !
Paulette – Tu t'es pas regardé, radasse !
Dédé – Tu sais ce qu'ils te disent les congés payés ?
Henri – Ça suffit, Simone, partons !
Simone – Ah oui je pars ! (Elle le fait en laissant tout.) On m'insulte et tu fuis.
Dédé – Oh la chochote !
Paulette – La voilà dans tous ses états, la princesse. Princesse de bastringue, oui !
Simone – Voilà, on m'humilie et tu ne fais rien, tu ne dis rien ! . Bou hou hou ! Je suis "mumiliée", je suis complètement "mumiliée" ! Ah, on peut te faire confiance !
Henri (ramassant les affaires) – Mais enfin, Simone ! Attends-moi ! (Il sort.)
Paulette – Eh ben comme ça, on a de la place !
Vieux loup de mer – Quand les dorades pullulent ; les merlans reculent !
Les deux dragueurs remontent sur scène et se remettent au volley sans prêter attention à la femme seule qui multiplie pourtant les oeillades et qui, en désespoir de cause, fait mine de se tordre la cheville.
Femme Seule – Aïe ! Ouille ! Ouille ! Ouille !
Pêcheur (qui repasse) – Vous vous êtes fait mal ?
Femme Seule (surprise) – Hein ? Non…. Oh et puis si ! Appelez les secours !
Pêcheur – Les secours ! Les secours !
Femme Seule – Mais non, appelez le sauveteur.
Pêcheur – Ah oui ! Sauveteur ! Au secours ! Sauveteur ! Au secours !
MNS (à tout berzingue) – Place ! Place ! J'arrive ! Pas de panique ! Écartez-vous ! Surtout gardez votre calme ! Attention je plonge !
Pêcheur – Pas la peine, elle est là.
MNS (déçu) – Ah ! Dommage !
Femme Seule – C'est ma cheville ! J'ai mal.
MNS – Montrez un peu. Vous pouvez marcher ?
Femme Seule – Oh non !
MNS – Je ne vois rien de grave. Peut-être une petite foulure. Je vais vous aider.
Femme Seule – Vous ne me faites pas un petit bouche-à-bouche ?
MNS – Vous n'êtes pas en arrêt respiratoire.
Femme Seule – Si, si, regardez. Aaaah ! (Elle s'évanouit.)
MNS (la giflant) – Ça va pas non ?
Femme Seule – Ça va mieux là.
MNS – Bon, je vais vous porter.
Femme Seule – Oh oui, portez-moi ! Emportez-moi !
MNS – C'est parti ! (Il la porte sur l'épaule, comme un sac. Lulu en profite pour sortir discrètement.)
Femme Seule – Goujat !
Vieux loup de mer – Morue mal chargée, morue avariée !
Bernard (échappant quasi volontairement le ballon sur Brigitte) – Pardon mademoiselle !
Brigitte – Y'a pas de mal.
Marie-Christine – Ce que vous jouez bien vous alors !
Bernard – C'est normal, on est des champions.
Monique – Ah oui ! Des champions de quoi ?
Jean-Paul – Des champions de volley-ball.
Brigitte – Oh, c'est chouette le volley !
Jean-Paul – Mais attention, champions de volley-ball acrobatique. Vice-champions du monde qu'on est.
Bernard – Ouai, on a raté le titre de ça.
Marie-Christine – Eh ben dites donc !
Brigitte – C'est quoi le volley-ball acrobatique ?
Jean-Paul – On va vous expliquer. Vous nous faites une petite place ?
Les trois filles – Bien sûr ! (Elles s'écartent et les dragueurs s'installent de chaque côté de Monique en lui tournant le dos et en ne s'intéressant chacun qu'à l'une des deux autres.)
Bernard – C'est du volley normal sauf qu'on on joue sur trampoline.
Marie-Christine – Sur trampoline ?
Jean-Paul – Ouai, avec un filet de dix mètres de haut.
Brigitte – Dix mètres !
Marie-Christine – Ça doit être vachement dangereux.
Bernard – Je veux oui.
Jean-Paul – Y' a déjà eu des morts.
Brigitte et Marie-Christine – Non ? Oh là là !
Monique – Bon, on va se baigner ?
Bernard – Tiens, vise cette cicatrice. Un smash… Dans la charpente métallique du gymnase.
Monique – Qui veut aller se baigner ?
Jean-Paul – Et moi, regarde. Ça c'est le jour où je suis retombé dans les tribunes… A cause du vent.
Brigitte – Ça doit vous demander beaucoup d'entraînement.
Bernard – Des heures et des heures.
Marie-Christine – Vous sautez beaucoup ?
Jean-Paul – Oh là là ! Jour et nuit !
Monique – Bon, je vous préviens, moi je vais me baigner. (Elle coiffe son bonnet et s'en va à l'eau.)
Deuxième passage du vendeur.
Vendeur – Allez mesdames ! Sortez vos cinq, sortez vos cinq, sortez vos cinq Euros ! Les voilà, les voilou les beignets de Roudoudou ! Trois beignets, cinq Euros. C'est pas cher, c'est dodo, c'est néné, c'est donné !
Bernard –T'en veux ?
Marie-Christine – Oui, je veux bien.
Bernard – Allez, c'est moi qui régale. Oui ! Là ! (Il achète les beignets.) Merci bien.
Dédé : T'en veux un mon Lul… Lulu ?
Paulette – Où qu'il est ? Lulu ! Lulu !
Dédé – Lulu ! Lulu !
Paulette – Lulu ! Au secours ! J'ai perdu mon Lulu ! Dédé, fais quelque chose ! (A partir de là et jusqu'au retour de Lulu, Paulette l'appelle, le cherche, traverse la scène, la salle, sort, entre…)
Dédé – Oui Pupuce. (Il court vers le MNS.) On a perdu Lulu, mon petit !
MNS – Pas d'affolement. On les retrouve toujours ou presque.
Dédé – Presque ?
MNS – C'est rare mais parfois… Bon, donnez-moi son signalement.
Dédé – Ben c'est un petit garçon haut comme ça, à peu près, ou plutôt comme ça .
MNS – Comment est-il habillé ?
Dédé – Ben… Euh !… Il a un slip de bain rouge et une casquette verte… Jaune… Euh non ! Bleue.
MNS – Faudrait voir à être précis mon petit monsieur.
Dédé – J'essaie, j'essaie.
MNS – Bon, vous êtes sûr de vous, parce qu'il ne faudrait pas qu'on en retrouve un qui ne soit pas à vous et qui donc serait à un autre qu'on devrait rechercher aussi en même temps qu'on rechercherait toujours le vôtre vu qu'en fait on ne l'aurait pas retrouvé.
Dédé – Hein ? Je suis un peu perdu là.
MNS – Ah non ! Il y a assez de votre fils. Bon, je résume garçon, huit ans, casquette bleue, slip rouge. C'est bien ça ?
Dédé – Oui, oui, c'est bien ça.
MNS – Pas de signe particulier, un détail distinctif ?
Dédé – Non. Euh ! Si, si !
MNS – Ah ! Je vous écoute.
Dédé – Il a une montre au poignet droit.
MNS (faussement doux) – Et elle est à l'heure ? Elle est à aiguilles ou à affichage ? Elle a peut-être aussi une trotteuse qu'on distingue facilement à trente mètres ?
Dédé – Ben c'est-à-dire que…
MNS (hurlant) – Taisez-vous ! Passez à l'ombre et laissez faire les professionnels !
Marie-Christine – Elle n'a qu'à le surveiller son gosse.
Brigitte – Pourvu qu'il ne se soit pas noyé.
Marie-Christine – Ça, à tous les coups.
Brigitte – Dis pas ça, ça nous gâcherait la journée.
Bernard – Mais ils vont bien le retrouver. C'est pas très grand ici.
MNS (avec un porte-voix) – Votre attention s'il vous plaît. On recherche le petit Lulu, âgé de huit ans. Il est vêtu d'un slip de bain rouge et d'une casquette bleue. Je répète, le petit Lulu âgé de huit ans, slip rouge, casquette bleue.
Dédé sort en appelant Lulu et le voyeur entre au pied du vieux loup de mer.
Femme Seule – Oh là là ! Quelle voix, dites donc ! J'en frissonne de la tête aux pieds.
MNS – Pour être un bon MNS il faut : une bonne vue, du muscle et un bel organe.
Femme Seule – Tout ce que j'aime !
Vieux loup de mer (au voyeur) – Tu le vois pas toi, avec tes jumelles de marin d'eau douce ?
Voyeur – Qui ça ?
Vieux loup de mer – Ben, le gamin des Parigots.
Voyeur – Ah non !
Vieux loup de mer – Et les nudistes !
Voyeur – Des nudistes ? Où ça des nudistes ?
Vieux loup de mer – Là-bas, juste après les rochers.
Voyeur – Ah bon ! Des nudistes, des vrais ?
Vieux loup de mer – Si je te le dis. Rien que des femelles.
Voyeur – Pas possible !
Vieux loup de mer – T'as juste une grille à sauter. C'est un peu haut mais…
Voyeur (partant par la salle en courant) – Je m'en fous, je m'en fous. Des nudistes. Oh, oh, oh ! Des nudistes !
MNS – Vous êtes vache père Kermadec. Cette semaine, c'est le troisième que vous expédiez chez les commandos de marine.
Vieux loup de mer – Ça lui fera les pieds à ce hareng.
Bernard – Alors comme ça vous êtes en vacances ?
Marie-Christine (prenant de grands airs) – Oui, pour quelques jours seulement avant de partir pour les "Baramas".
Jean-Paul (corrigeant) – Les Bahamas ?
Marie-Christine – Oui c'est ça. Ma langue a fourché.
Brigitte (très suffisante) – Nous sommes venues là pour préparer notre peau au soleil et à l'iode avant les vraies vacances, quoi.
Bernard – Et vous créchez où ?
Brigitte – Nous ne créchons pas, nous sommes descendues au Hilton.
Bernard – Fichtre ! Le Hilton ! Mais c'est à la Baule, à plus de cent bornes.
Marie-Christine – C'est Charles notre chauffeur qui nous a amenées dans ce trou. Nous avions besoin de calme. A la Baule nous sommes trop connues.
Bernard – En Mercedes, en Jaguar, en Rolls?
Brigitte – En Hélico. Qu'il est bête !
Bernard et Jean-Paul – En hélico ! Punaise ! Vous devez avoir une fortune extraordinaire ?
Marie-Christine – Oui Père est dans le pétrole… En Arabie… Nous vivons le plus souvent là-bas, d'ailleurs.
Jean-Paul – En Arabie ? Pas l'Arabie Saoudite quand même ?
Marie-Christine – Euh !… L'Arabie, c'est l'Arabie. Si vous ne connaissez pas…
Bernard – En somme, il fait le Cheik.
Brigitte – Oui mais il nous le laisse toujours en blanc. (Têtes des deux garçons.)
Monique (revenant transie) – Breuh !
Bernard – Et elle, qui c'est ?
Marie-Christine – Euh !… C'est la bonne.
Monique – Elle est tellement froide que j'ai à peine pu y plonger un orteil ! Bon, on rentre au camping les filles ?
Bernard et Jean-Paul – Au camping !?!
Monique – Ben oui, au camping. Qu'est-ce qu'il y a d'extraordinaire ?
Bernard – Vous nous avez bien menés en bateau, vous deux.
Marie-Christine – Pas plus que vous avec le volley acro-machin-chose.
Jean-Paul – OK, un partout, balle au centre.
Monique –On pourrait peut-être m'expliquer à moi ?
Brigitte – Mais oui, assieds-toi. (Ce qu'elle fait.)
Le pêcheur de crevettes ramène Lulu.
Pêcheur – Où elle est ta maman ?
Lulu – Je sais plus !
Paulette (entrant avec Dédé) – Lulu !
Dédé – Mon petit Lulu ! Merci monsieur.
Pêcheur – Y'a pas de quoi ! Pour une fois que je ramène quelque chose !
Paulette – Viens un peu par-là, toi. Où que tu étais ?
Lulu – Je m'ai perdu !
Paulette (embrassant son fils) – Oh mon Lulu ! Mon petit ange ! (Le giflant soudain.) Tiens, ça t'apprendra à nous faire une peur pareille !
Lulu – Ouin !
Dédé – T'y vas un peu fort ma…
Paulette (giflant Dédé) – Et voilà pour toi ! Ça t'apprendra à mieux le surveiller. Allez, on rentre. Ça suffit pour aujourd'hui. (Ils rangent rapidement et sortent.) Allez hop ! Tout le monde à la caravane.
MNS – Et voilà ! Encore une famille sauvée. En somme, tout est bien qui finit bien.
Femme Seule – C'est grâce à vous. Félicitation ! Quel homme vous êtes tout de même ! (Elle se renverse un peu en arrière) Ah ce soleil ! Hum ! Ça fait du bien ! Hum ! (Un goéland défèque sur sa poitrine. Prévoir une cuillerée de yaourt qui tombe des cintres.) Oh ! Zut! C'est pas vrai ! Sale bête ! (Elle se nettoie tant bien que mal.)
Vieux loup de mer – Mouette qui caquette adieu temps sec ; goéland qui chie, v'là la pluie ! (Il se coiffe d'un chapeau ciré et l'orage éclate. Il reste stoïque avec sa pipe alors que tout le monde ramasse ses affaires et fuit la plage.)
Rideau.