Elle est Elle

Elle : aime la mode (table basse avec des magazines de mode), lit les auteurs à la mode (bibliothèque, fauteuils, polars et romans), boit du thé (bouilloire, boîtes de thé).
Il : aime la musique, en particulier le rock (CD, chaîne hifi), aime le cinéma (canapé, DVD, télé), est professeur en mathématiques (grande table en guise de bureau, cahiers, copies, livres).
Ils : aiment le vin (table basse, bouteilles, petite cave à vin, tire-bouchon moderne, ….) et la peinture (tableaux colorés)
L’autre : une jeune femme d’une trentaine d’années…

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ACTE I

 

 

Scène 1

 

 

Il entre le premier par le côté cour (porte d’entrée) avec manteau chapeau et écharpe et une petite sacoche en cuir.

Elle le suit avec manteau, bonnet et écharpe, un sac et un constat vierge à la main.

 

Pendant qu’il enlève son chapeau, son manteau et son écharpe, elle reste à l’entrée et pose son sac par terre.

 

 

 

L’autre observe tout autour d’elle.

Il enlève ses chaussures et met des pantoufles type charentaises mais avec des motifs modernes et colorés dessus.

Il sort d’un placard une paire de pantoufles femme et les lui tend.

Elle ne le voit pas absorbée dans son observation de l’appartement.

 

Il : Entrez…  Stop, attendez.  S’il vous plaît…

 

L’autre : Oh pardon !

 

Elle garde ses chaussons à la main en regardant ses charentaises à lui et sourit.

 

L’autre : c’est drôle !

 

Il : Pardon ?

 

L’autre : Je voulais dire les pantoufles…ça ne vous correspond pas.

 

Il : Vous ne me connaissez pas.

 

L’autre : Votre façon de vous habiller et votre âge, ça ne colle pas avec les charentaises.

 

Il lui indique le canapé puis ses chaussures.

 

Il : vous devriez mettre les chaussons avant de salir tout mon parquet.

 

L’autre : Oh ! Excusez-moi.

 

Elle s’assoit sur le canapé, pose le constat sur la table basse devant elle, se déchausse, enfile les pantoufles et reste assise.

 

L’autre : C’est drôle.

 

Il : Décidément !

 

L’autre : Les pantoufles sont à ma pointure.

 

Il s’arrête, la regarde, puis va remplir la bouilloire.

 

Il : Vous voulez du thé ?

 

L’autre : Volontiers ! Mais je ne voudrais pas vous importuner.

 

Il : Nous devons le remplir ce constat, autant le faire dans de bonnes conditions. Et il recommence à neiger.

 

L’autre : Si vous voulez qu’on s’arrange autrement…

 

Il s’arrête de préparer le thé.

 

Il : C’est-à-dire ?

 

L’autre : Je veux dire, si cela vous arrange de ne pas faire de déclaration à votre assurance, je peux vous payer les réparations directement. Ce n’est qu’un peu de tôle froissée. Une portière à changer et une aile à reprendre, j’ai finalement plus de dégâts.

 

Il : Vous vous y connaissez en mécanique auto ?

 

L’autre : Non.

 

Il : Alors C’est préférable pour tout le monde de faire un constat.

 

L’autre : Soit.

 

Il : Vous avez une préférence pour le thé ?

 

L’autre : Oui du Oolong mais vous n’en aurez sûrement pas, personne ne boit du Oolong.

 

Lui reste interdit.

 

L’autre : Ah vous voyez !... J’ai un faible pour ce thé, vous savez que les feuilles de ce thé sont légèrement torréfiées, ce qui leur donne ce petit goût de châtaigne grillée et c’est ce que j’aime en particulier.

 

Il s’arrête et semble affecté quelques instants, puis il se reprend.

Elle a remarqué ce moment de trouble.

 

L’autre : ça ne va pas ?

 

Il : Je reviens.

 

Il revient avec le thé en question et elle joue la surprise.

 

L’autre : C’est drôle !

 

Il s’arrête et la regarde fixement.

 

L’autre : Enfin je veux dire…c’est un heureux hasard… (un temps). Je n’imaginais pas que vous buviez du thé.

 

Il : Je n’en bois pas. Mais qu’est-ce que vous imaginez sur moi ?

 

L’autre : Rien. Enfin, vous savez, en voyant les gens, on s’imagine parfois qui ils sont, ce qu’ils font, comment ils vivent, ce qu’ils aiment. Je ne me trompe pas souvent, vous savez.

 

Il : Non, je ne sais pas. Vous permettez que je téléphone, j’avais un rendez-vous et je dois prévenir que je ne pourrai y être.

 

L’autre : Je vous en prie, faites comme chez vous…

 

Il s’arrête et la regarde durement quelques secondes. Il prend un téléphone et appelle.

 

Il : Madame Genton ? ... Bonjour, Franck Louis, je suis désolé, je viens d’avoir un accident de voiture et je ne pourrai donner le cours aujourd’hui. … Non, rien de grave, juste de la tôle froissée…

 

Elle approuve en hochant de la tête

 

Il : Bien évidemment, nous pouvons reporter le cours comme cela vous arrange…Vous voyez avec votre fils et vous me rappelez ? … Et bien d’accord. Merci et toutes mes excuses …. Je vous en prie…Au revoir.

 

Il raccroche.

 

L’autre : Vous donnez des cours ?

 

Il : Oui.

 

L’autre : Des cours de quoi ?

 

Il : De mathématiques…mais si vous voulez bien, nous avons un constat à remplir.

 

L’autre : Oui, bien sûr.

 

Elle prend le constat et commence à le lire.

 

L’autre : Excusez-moi, vous n’auriez pas un stylo ?

 

Il : Bien sûr.

 

Il apporte un stylo et repart préparer un plateau avec le thé.

 

L’autre : Date de l’accident, heure, ça va…localisation, nous sommes bien rue de Crimée, c’est ça ?

 

Il arrivant avec le plateau avec une seule tasse et s’asseyant à côté d’elle sur le canapé : Oui, c’est ça, rue de Crimée.

 

L’autre : On est dans quel arrondissement ici ?

 

Il : 4ème

 

L’autre : Beau quartier.

 

Il commençant à servir le thé pour elle : Oui, enfin, ce n’est pas non plus le quartier….

 

L’autre : Je vous l’accorde. Je peux vous poser une question ?

 

Il : Pour le constat ?

 

L’autre : Non, personnelle.

 

Il : Essayez.

 

L’autre : Comment se fait-il que vous ayez du thé Oolong et que vous n’en buviez pas ?

 

Il : Parce que je bois du café.

 

L’autre : Ce n’est pas suffisant.

 

Il : Pardon ?

 

L’autre : Oui, ça explique que vous ne buviez pas de thé, mais ça n’explique pas pourquoi vous avez du thé Oolong.

 

Il : Si nous revenions au constat ?

 

L’autre : Bien…Blessé.

 

Il énervé : Je vous demande de vous en tenir au constat, s’il vous plaît.

 

L’autre : Non, je ne parlais pas de vous, je suis sur le constat. Blessé même léger : oui ou non ?

 

Il : Remplissez déjà votre partie, vous êtes le véhicule A, je suis le B.

 

L’autre se levant et se dirigeant vers l’entrée pour aller chercher son sac : Alors, j’ai besoin de mes papiers.

 

Elle revient s’assoir sur le canapé, pose son sac sur la table basse et sort ses papiers, prend le stylo.

 

L’autre : Bon et bien allons-y !

 

Noir

Scène 2

 

 

Ils sont assis tous les deux sur le canapé, leurs constats devant eux, sur la table basse.

 

L’autre : je vous le concède, vous sortiez de votre place de parking…

 

Il outré : Vous me le concédez ?

 

L’autre : vous avez commencé à déboîter et je suis arrivée pendant la fin de votre manœuvre. Tout est donc de ma faute. Heureusement que je n’allais pas vite !

 

Il : Vous rouliez quand même.

 

L’autre : J’aurais dû me douter avec ces magazines de mode.

 

Il : Pardon ?

 

L’autre levant les pieds et regardant ses pantoufles : Et bien oui, que suis-je bête il y aussi les pantoufles !

 

Il : Vous pouvez m’expliquer.

 

L’autre : Vous ne vivez pas seul ici. C’est elle qui boit du thé.

 

Il se levant : Oui, mais cela ne vous regarde pas.

 

L’autre : Un peu quand même.

 

Il : Je ne vous suis pas.

 

L’autre troublée : Oui, enfin, je veux dire, sinon je n’aurai pas eu de thé…

 

Il : Oui, bon, je ne vous retiens pas.

 

L’autre : On se sent bien chez vous.

 

Il impatient : Merci.

 

L’autre : Bon, et bien, je vais vous laisser.

 

Elle se lève, prend son sac et va vers la porte. Il récupère les chaussures de la femme près de la table basse. Elle s’arrête devant un tableau accroché près de l’entrée.

 

L’autre : J’adore le choix des couleurs de Steckmann.

 

Il : Vous connaissez ?

 

L’autre plantée devant le tableau : Il a l’art de créer des atmosphères par la simple association de couleurs. Finalement le trait ne compte pas. Ses couleurs, seules, parlent.

 

Il : Je suis étonné que vous le connaissiez. Steckmann est inconnu en France, il l’est en Norvège où il vit. Comment le connaissez-vous ?

 

L’autre : Je suis abonnée à la revue ‘L’art du siècle’, il y avait un petit article sur lui dans le numéro de mai de l’année dernière.

 

Il : Ma femme adorait ses peintures…

 

L’autre : Parce qu’elle ne l’aime plus ?

 

Il : Elle m’a quitté…

 

L’autre : Comment pouvez-vous en être sûr ?

 

Il : Je ne vous suis pas.

 

L’autre : Oui, comment pouvez-vous être sur qu’elle n’aime plus Steckmann si elle vous a quitté.

 

Il : Et bien…elle a quitté ce monde. Un accident de voiture.

 

L’autre froide : Désolée.

 

Il troublé : Excusez-moi, j’ai un cours à préparer.

 

L’autre : Bien sûr. Ah, j’ai encore une question. Je peux faire réparer ma voiture maintenant que le constat est fait ?

 

Il : Non, vous devez la faire expertiser.

 

L’autre : C’est-à-dire ?

 

Il : Et bien, vous appelez votre assurance, ils vous indiqueront un garage où un expert passera l’examiner pour estimer les coûts de réparation.

 

L’autre : Bon, donc il faut que j’appelle mon assurance.

 

Il : C’est ce que vous avez de mieux à faire.

 

L’autre : Vous savez moi et les papiers…

 

Il : Ce n’est pas toujours évident, surtout si c’est votre premier accident.

 

L’autre : Oui, évidemment. Bien. Merci.

 

Il montrant les chaussons : Si ça ne vous dérange pas, je vais les récupérer.

 

L’autre enlevant les chaussons, les lui donnant et récupérant ses chaussures : Oui, bien sûr.

 

Elle met très lentement ses chaussures. Quand elle a fini de les mettre, Il ouvre la porte et lui tend la main.

 

Il : Faites attention en rentrant, vous n’avez plus qu’un phare.

 

Elle hésite avant de lui serrer la main.

 

L’autre : Excusez-moi encore pour le dérangement. Merci de m’avoir reçu chez vous.

 

Il : C’est bien normal, je n’allais pas vous laisser dehors avec ce temps alors que nous étions en bas de chez moi.

 

L’autre : Je peux vous appeler s’il y a un problème avec l’assurance ?

 

Il : Oui, si c’est nécessaire.

 

L’autre sortant doucement : Merci encore, au revoir.

 

Il : Au revoir.

 

Il ferme la porte, s’arrête un moment devant le tableau, regarde les chaussons, les remet délicatement dans le placard, va s’assoir sur le canapé et se prend la tête dans les mains.

 

Noir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène 3

 

 

Il est à son bureau et corrige des copies.

 

Le téléphone sonne.

 

Il : Oui allo ! … Ah, bonjour… bien merci, et vous ? ...Oui j’ai bien reçu les papiers de la part de mon assurance, tout est en ordre, merci…Oh c’était bien normal avec cette neige…un petit service ? C’est-à-dire ? … Vous voulez m’en parler de vive voix ?…Je suis pas mal pris en ce moment, c’est la fin du trimestre et … oui, si vous voulez…quand voulez-vous passer ?... Ah vous êtes en bas !... Bon et bien…Mais je n’ai pas beaucoup de temps…Je vous ouvre.

 

Il va vers l’interphone et déclenche l’ouverture de la porte de l’immeuble.

 

Il parlant dans l’interphone : je vous ouvre…

 

Il range les copies sur son bureau et va ouvrir la porte d’entrée.

 

L’autre entrant : Bonjour, merci, je vous promets de ne pas être longue. J’ai juste un petit service à vous demander.

 

Il lui indiquant le canapé : Je vous en prie…

 

L’autre restant à l’entrée : Les chaussons sont toujours au même endroit ?

 

Il s’arrête et lui fait signe de se servir dans le placard : Oui, je vous en prie…

 

L’autre prenant les chaussons et les mettant : C’est-à-dire que je ne voudrais pas tout salir…avec cette neige…

 

Elle finit de se chausser et le regarde toujours debout.

 

Il : Alors dites-moi quel est ce petit service ?

 

L’autre : Vous allez dire que je suis envahissante, mais vous n’avez pas un peu d’eau chaude ?

 

Il : Alors, je vous confirme, je vous trouve envahissante et je n’ai pas beaucoup de temps comme je vous le disais.

 

L’autre : Excusez-moi, je ne me rends pas toujours compte…non, c’est parce qu’il fait si froid dehors…

 

Il se dirigeant vers la cuisine : Bon, et bien c’est mon jour de bonté, je vous fais du thé…

 

L’autre s’asseyant sur le canapé : vous êtes adorable.

 

Il : N’exagérons rien…je peux me montrer plus directif.

 

L’autre : je l’espère.

 

Il : pardon ?

 

L’autre : Oui, enfin, je veux dire, il vaut mieux avec vos élèves…surtout à leur âge, ils ont tendance à être rebelles à quinze ans !

 

Il la coupant : Attendez ! Comment savez-vous que j’ai des classes de collèges ?

 

L’autre : Oh ! Pardon ! Par pur hasard…J’ai des amis …dont la fille est dans ce collège et…je suis tombée par hasard en recherchant la classe de leur fille sur internet… car je devais aller la chercher pour les dépanner…et j’ai vu votre nom dans la liste des professeurs.

 

Il : Comment s’appelle-t-elle ?

 

L’autre : Estelle... oui, c’est ça Estelle…

 

Il : Estelle comment ?

 

L’autre : Oh, ça… vous savez …je n’ai jamais eu la mémoire des noms.

 

Silence

 

Il préparant le thé : Oolong ?

 

L’autre : Oolong oui merci.

 

Il revient s’installer à côté d’elle sur le canapé avec un plateau avec du thé.

 

L’autre : Vous ne buvez rien ?

 

Il : Non, merci.

 

Il la regarde se servir du thé.

 

Il : Alors ? Ce petit service ?

 

L’autre : Oui ! Voilà, je vais passer prochainement un concours pour devenir adjoint administratif territorial.

 

Il : C’est bien. Et ?

 

L’autre :  Et bien, il y a une épreuve de français, mais je suis plutôt à l’aise en français, et une épreuve de mathématiques…

 

Il : Je vois.

 

L’autre : Le sujet est composé de petits exercices, mais j’avoue que les maths, c’est mon gros point faible…et j’aurai bien besoin d’un petit coup de main.

 

Il : c’est ça le petit service ?

 

L’autre : Si vous pouviez me donner quelques cours… je suis prête à payer, je me suis renseignée sur les prix…

 

Il : Quel est le niveau des épreuves ?

 

L’autre : Oh, c’est tout au plus au niveau Bac, des fractions, des pourcentages, des équations simples…

 

Il : Je vais en parler auprès de mes collègues, il y en a bien un qui pourra vous dépanner.

 

L’autre : Ah…C’est gentil…Parce que vous, vous ne pouvez pas ?

 

Il : Non, là je sature, entre le collège et les cours particuliers que je donne déjà, c’est impossible. Mais je vous assure, j’en parle à mes collègues et je pense qu’il y en a au moins deux qui devraient vous rappeler. Vous aurez le choix !

 

L’autre : Vous avez mon numéro ?

 

Il : Oui, avec le constat…

 

L’autre : Oui, bien sûr.

 

Il se lève.

 

L’autre se levant : C’est dommage que vous ne puissiez pas… je vous trouve sympathique et je me sens en confiance avec vous.

 

Il : Mes collègues sont très sympas et très compétents…vous ne serez pas déçue.

 

L’autre : Si vous le dites.

 

Il : Bon et bien, je suis désolé, j’ai beaucoup de travail pour demain.

 

L’autre enlevant ses chaussons : Oui, bien sûr, je vous laisse. Merci.

 

Elle les replace elle-même dans le placard à chaussures.

Il la regarde faire.

Il ouvre la porte, elle commence à sortir.

 

L’autre : Merci pour le thé. Merci pour tout.

 

Il : Je vous en prie.

 

L’autre : A bientôt

 

Il : Au plaisir.

 

Elle sort.

Scène 4

 

 

Ils sont tous les deux installés à la table, l’un à côté de l’autre.

 

 

Il : Je vous répète l’énoncé. Agathe possède dans un tiroir des paires de chaussettes : cinq paires de chaussettes noires, trois paires de chaussettes blanches et deux paires de chaussettes rouges. Ces chaussettes sont indiscernables au toucher et elles ne sont pas rangées par paires. Elles se trouvent mélangées dans le plus grand désordre. Lorsqu'Agathe veut prendre une paire, une panne de lumière survient. Elle prend donc deux chaussettes au hasard.
Calculez la probabilité qu'Agathe ait tiré :
a) 2 chaussettes noires

  1. b) 2 chaussettes de la même couleur
  2. c) Combien de chaussettes doit-elle prendre pour être sûre d’avoir deux chaussettes de la même couleur ?

 

L’autre : Je ne mets pas de chaussettes.

 

Il : Oui mais là, il s’agit d’Agathe.

 

L’autre : Je n’aime ni le noir, ni le blanc, ni le rouge.

 

Il : Et bien vos examinateurs apprécieront…

 

L’autre : Bon. Et je fais comment alors ?

 

Il : Commençons par le début. Combien de combinaisons de deux chaussettes peut-on faire ?

 

L’autre : Trouées ou pas ?

 

Il : Dites-donc vous voulez le réussir ce concours ?

 

L’autre : Excusez-moi, je vous avais prévenu, moi et les maths…

 

Il : C’est absurde ! Tout le monde peut faire des maths, c’est une question de motivation et de représentation. On ne vous a pas bien appris et encore moins intéressé aux maths. C’est tout.

 

L’autre : Vous croyez ?

 

Il : Oui je pense qu’on ne vous a pas suffisamment sensibilisée à la beauté des mathématiques, qu’on vous les a mal enseignées, que vous n’avez jamais été motivée et donc vous avez eu de mauvais résultats qui vous ont découragé. C’est la spirale du rejet.

 

L’autre : Celle-là j’ai dû la prendre très tôt.

 

Il : Vous aimez la littérature ?

 

L’autre : Oui.

 

Il : Je parie que vos parents lisaient ou que vous vous souvenez encore d’un de vos professeurs de français que vous adoriez.

 

L’autre : Madame Berton.

 

Il : Madame Berton ?

 

L’autre : Oui, Madame Berton au collège Victor Hugo.

 

Il : A Tassin ?

 

L’autre : Oui, à Tassin, pourquoi ? Vous connaissez ?

 

Il : Non. Pas directement.

 

L’autre : C’est une professeure exceptionnelle, qui m’a fait aimer la littérature.

Elle n’avait pas une approche scolaire. Je me souviens, elle interrogeait au hasard deux ou trois élèves tous les lundi matin pour savoir ce qu’ils avaient fait le week-end. Si on n’avait rien lu, rien vu ni au cinéma ni au théâtre, ni visité aucun musée, elle nous ignorait et elle passait à quelqu’un d’autre.

 

Il : Oui et elle vous emmenait au théâtre.

 

L’autre : Oui, vous la connaissez donc.

 

Il : Non, c’est ce qu’on m’a dit.

 

L’autre : Qui vous a raconté ça ?

 

Silence

 

L’autre : Excusez-moi, c’était votre femme ?

 

Il bouleversé lui fait un signe de tête.

 

L’autre : Elle y était en quelle année ?

 

Il : Ecoutez cela ne vous regarde pas. On peut reprendre ?

 

L’autre : Oui.

 

Il : Non. Si vous n’êtes pas pressée, je vous propose une pause. Vous buvez quelque chose ?

 

L’autre : Un thé alors !

 

Il : J’aurai dû m’en douter.

 

Il se lève et va préparer le thé.

 

Elle se lève aussi et va vers la bibliothèque et détaille les livres.

 

L’autre : C’est vraiment gentil de votre part de pouvoir me prendre en cours particulier. Vos collègues ne pouvaient pas sur les créneaux horaires où j’étais libre. Je sais que vous étiez déjà bien chargé, j’apprécie d’autant plus.

 

Elle s’arrête sur un livre qu’elle sort de la bibliothèque.

 

L’autre : J’ai adoré Dourbetchov ! Surtout ‘La mémoire du printemps’… vous avez aimé vous aussi ?

 

Il : Je ne l’ai pas lu.

 

L’autre : Ah ! Décidément.

 

Il : Oui, décidément…

 

L’autre va s’assoir sur le canapé avec le livre.

 

Il : Moi je suis plutôt polar.

 

L’autre : Ah oui ? Et quels auteurs en particulier ?

 

Il : J’ai des goûts très hétéroclites mais ces derniers temps j’aime bien Gouttenoire.

 

L’autre : Excellent ! Son meilleur est ‘L’aigle ne surgit qu’une fois’. Gouttenoire…avec un nom pareil, il était prédestiné à l’écriture de romans policiers.

 

Il : Oui, enfin, il y a beaucoup de Gouttenoire qui n’écrivent pas de polars.

 

L’autre : je vous l’accorde.

 

Il apporte un plateau sur la table basse avec du thé, du café et des gâteaux.

 

Ils se servent. Silence.

 

L’autre : on a un beau programme d’ici le mois de juin. Ça vous embête si je vous tutoie ?

 

Il : non, si vous voulez.

 

L’autre : Oui mais ça ne marche que si vous aussi vous me tutoyez !

 

Il : Je n’ai pas l’habitude avec mes élèves…mais bon je vais essayer.

 

L’autre : Merci. Je voulais te remercier aussi d’avoir pu trouver un créneau pour mes cours, tu es déjà bien pris.

 

Silence

 

L’autre : tu sais que la semaine prochaine c’est la période des soldes ? A partir de mercredi !

 

Il : Ah…les soldes !

 

L’autre : Cette année je trouve qu’il y a des choses superbes pour homme.

 

Il : Sûrement…

 

L’autre : Et si je t’emmenais en ville le week-end prochain ? Je pourrais te conseiller.

 

Il : C’est gentil…mais non…merci.

 

L’autre : J’ai déjà repéré des trucs qui seront soldés à cinquante pour cent ! Des écharpes, des chemises magnifiques super modernes, un manteau très classe pour la mi-saison…

 

Il (autoritaire) : Non !

 

L’autre : Ben pourquoi ? C’est bien d’avoir un œil féminin auprès de soi…

 

Il : Non !

 

L’autre : Ah oui…

 

Il : Ah oui …quoi ?! Qu’est-ce que ça veut dire ?

 

L’autre : Excuse-moi…ça te rappelle des souvenirs…ta femme.

 

Il se levant et allant d’un pas décidé vers l’entrée : Bon, l’heure est terminée…je te remercie…pour le prochain cours merci de réviser sérieusement les probabilités. Je ne te retiens pas.

 

L’autre se levant : Promis je révise…

 

L’autre enlève ses chaussons, se rechausse lentement…puis avant de sortir : je peux t’embrasser ?

 

Il soupire et baisse la tête.

 

L’autre s’approche lentement de lui et l’embrasse sur la joue : A mardi.

 

Noir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène 5

 

Ils entrent tous les deux les bras chargés de paquets en rigolant.

L’autre rentre jusqu’au canapé où elle se laisse tomber.

Il est resté les bras chargés dans l’entrée.

 

L’autre : Ouf ! Je n’en peux plus ! On a dû faire l’équivalent d’un marathon !

 

Il : Raison de plus pour enlever ses baskets …

 

L’autre se relevant et allant vers l’entrée : Oh ! Pardon !

 

L’autre en commençant à se déchausser : Excuse-moi ! C’est parce que je me sens bien ici.

 

L’autre termine de se déchausser se sert dans le placard, chausse les chaussons et va se rassoir dans le canapé.

Il est toujours dans l’entrée les bras chargés attendant.

 

L’autre : il y avait un monde aujourd’hui ! Normal, le premier samedi de soldes !

 

Il : Hum !

 

L’autre : Oh ! Pardon !... Je viens t’aider.

 

L’autre retourne vers l’entrée pour lui prendre les paquets et les ramener au canapé où elle s’assoit.

 

Il : Merci !

 

L’autre lui prend les paquets et les pose sur le canapé

Il se déchausse, met ses chaussons et va vers la cuisine.

L’autre commence à déballer les paquets : une robe, un pantalon, un tee-shirt, …

 

L’autre : Qu’est-ce qu’il fait froid avec ce vent ! tu me prépares un thé ?

 

Il : ça tombe bien l’eau est déjà en train de chauffer.

 

L’autre : Super ! Tu es un…

 

Un silence s’installe entre eux, lui dans la cuisine, elle sur le canapé, gênée…

 

L’autre rigolant soudainement : Qu’est-ce que tu m’as fait rire quand tu t’es trompé de cabine d’essayage et que le gros monsieur dedans était presque tout nu...quel spectacle !

 

Il : Surtout qu’il y avait aussi sa femme ! Je ne sais pas comment ils faisaient pour tenir tous les deux dans cette cabine !

 

Rires

 

Il : De toutes façons, je n’aurai pas pu rentrer !

 

Rires

 

L’autre : Avec son string il était ridicule !

 

Rires

 

Il : Comment on peut mettre un string ….Un homme !…A cet âge ! …

 

L’autre : J’aurai bien voulu le voir l’enlever !

 

Rires

 

Un temps

 

L’autre sur le ton de la confidence : je voulais te dire…ça fait longtemps.

 

Il toujours à la cuisine : Longtemps ?

 

L’autre : Ça fait longtemps que je n’ai pas été aussi bien. J’ai passé un super après-midi.

 

Il : Oui, c’était sympa et pourtant moi et les magasins !

 

L’autre : C’est grâce à toi.

 

Il toujours côté cuisine : Non, c’est toi qui a réussi à m’intéresser aux soldes…un exploit !

 

L’autre : Je veux dire, c’est grâce à toi que je me sens bien.

 

Il : C’est bien... C’est bien… Dis-donc tu as révisé tes probas ?

 

L’autre : Quoi ?

 

Il : Oui, est-ce que tu as révisé ton cours sur les probabilités ?

 

L’autre : Je m’en fous des probas, je te parle de moi !

 

Il : Et bien moi aussi.

 

L’autre : Tu ne comprends pas ce que je te dis ?

 

Il : Et bien, non.

 

L’autre en colère se levant précipitamment et hurlant : Et merde ! …T’entends pas ? T’entends pas ce que je te dis ?...

 

Il : Mais calme toi qu’est-ce qu’il y a ?

 

L’autre très agressive : Ah ! je vois. Tu le fais exprès hein ? Tu fais exprès de ne pas comprendre ? C’est ça ?

 

Il : Ecoute, excuse-moi, j’ai dû rater quelque chose. Mais calme-toi, on va en parler.

 

L’autre : Me calmer, c’est ça oui ! Je me casse !

 

Elle se précipite vers l’entrée et sort laissant ma porte ouverte.

Il se précipite vers la porte.

 

Il : Attends !   Attends !

 

Il : Merde alors ! Elle a embarqué les chaussons !

 

Il sort l’appelant : Laurie ! Attends ! Reviens ! Excuse-moi ! Je veux te parler…

 

Il et l’autre rentrent en silence, elle a pleuré.

 

Il : Excuse-moi. Installe-toi.

 

Ils s’installent tous les deux sur le canapé.

 

Il : Excuse-moi je ne t’ai pas écoutée, j’étais distrait. Un peu fatigué sûrement…ce n’est pas tous les jours que je fais un marathon en ville !

 

L’autre sourit.

 

Il : Ecoute, moi aussi, je suis bien avec toi. Mais c’est bizarre.

 

L’autre : Qu’est-ce qui est bizarre ?

 

Il : C’est difficile à dire…mais toutes ces coïncidences…

 

L’autre : Des coïncidences ?

 

Il : Oui, depuis le début, toutes ces ressemblances avec Aurélie : tu aimes le thé Oolong, tu connais Stekman, tu as fait le même collège qu’elle et tu appréciais aussi Mme Berton, la professeure de français, tu as aimé la Mémoire du Printemps de Dourbetchov…tout comme elle ! Jusqu’à avoir la même pointure !

C’est troublant non ?

 

L’autre : Oui…je comprends. C’était quand cet accident de voiture ?

 

Il : Il y a un peu plus d’un an. Au retour du réveillon du nouvel an. Un chauffard a grillé le feu, il allait vite, il nous a percuté par la droite, je conduisais, le choc a été si violent qu’elle s’est retrouvée contre moi...j’ai senti son dernier souffle…et puis je suis tombé dans le coma.

Je me suis réveillé un mois après…elle était déjà enterrée, je n’arrête pas de me souvenir de son dernier souffle.

 

Il s’effondre. L’autre le prend dans ses bras.

 

L’autre doucement : c’est drôle…

 

Il se dégageant de l’autre : Quoi ? Tu trouves ça drôle ?

 

L’autre : Mais non, bien sûr. Moi aussi j’ai eu un accident de voiture à cette époque et moi aussi je suis restée quelque temps dans le coma…quinze jours.

 

Il : Et alors ? Qu’est-ce que tu veux dire ?

 

L’autre : Je ne sais pas…rien.

 

Il : Qu’est-ce que tu imagines ? Tu crois au paranormal toi ?

 

L’autre : Je ne sais pas…

 

Il : Bon allez, je t’avais préparé un thé.

 

Noir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène 6

 

Il et l’autre sont à table, ils déjeunent.

 

L’autre : Excellent ! Tu m’avais caché tes talents de cuisinier !

 

Il : Ce n’est qu’un bœuf bourguignon, rien d’extraordinaire.

 

L’autre : C’était délicieux. C’est quoi alors l’extraordinaire ?

 

Il : Quelque chose de moins banal, et avec une présentation soignée.

 

L’autre : Tu sais faire aussi ? Par exemple ?

 

Il : Je n’ai pas d’exemple précis. Je n’ai pas de recette toute prête, j’aime bien essayer de nouvelles associations de saveurs.

 

L’autre : Alors c’est une petite passion la cuisine ?

 

Il : Un peu. Mais j’ai des périodes où je vais beaucoup cuisiner et puis d’autres où je préfère aller au fast-food ou m’acheter une pizza.

 

L’autre : Tu n’es pas un fanatique de la cuisine.

 

Il : Je suis contre tout fanatisme.

 

L’autre : Tu es contre tout fanatisme, mais pas contre toute passion ?

 

Il : Une passion, c’est plus positif, et puis généralement ça ne concerne que soi.

 

L’autre : Ça dépend.

 

Il : C’est-à-dire ?

 

L’autre : Une passion amoureuse se nourrit à deux.

 

Il : Oui, bien sûr, mais il peut y avoir amour sans passion.

 

L’autre : Une passion est violente par nature, destructrice, dévastatrice. L’amour peut durer lui.

 

Il : Ecoute, je t’ai invitée parce que j’ai quelque chose à te dire.

 

L’autre : Rien de grave j’espère !

 

Il : Non. Mais j’ai pris une décision.

 

L’autre : Pour cet été, tu viens avec moi aux Etats Unis ! Tu t’es décidé ?

L’ouest américain !

 

Il : Non.

 

L’autre : Comment ça non ?

 

Il : Non, je ne peux pas venir avec toi cet été aux USA. Je devrais déménager.

 

L’autre : Déménager !

 

Il : Oui, j’ai demandé ma mutation au Rectorat.

 

L’autre : Quoi ?

 

Il : J’ai besoin de changer d’air.

 

L’autre : Je te remercie !

 

Il : Ce n’est pas à cause de toi…enfin un peu quand même.

 

L’autre dépitée, après un silence : Tu t’en vas…et c’est à cause de moi. Je ne comprends pas. Qu’est-ce que je t’ai fait ?

 

Il : Mais rien, … mais depuis l’accident je ne suis pas bien dans cet appartement. Je revois Aurélie partout et tout le temps. Je n’ai même pas eu la force d’enlever ses affaires. Ici, c’était nous deux. C’est trop dur à vivre. J’ai besoin de changer de cadre. Ça n’a pas été facile, mais je me suis décidé à faire une vraie rupture avec ce passé.

 

L’autre : Tu as demandé ta mutation pour aller où ?

 

Il : L’outre-mer.

 

L’autre : L’outre-mer ! Et où exactement ?

 

Il : Je m’en fous.

 

L’autre : Mais pourquoi tu ne déménages pas en restant dans la région ?

 

Il : Non, je veux aller loin d’ici. Je veux changer d’atmosphère.

 

L’autre : Et moi ?

 

Il : Mais toi aussi tu me rappelles Aurélie : les mêmes goûts, les mêmes idées ! Tu es sa copie conforme !

 

L’autre : Ben justement…

 

Il : Ben justement non.

 

L’autre se lève et va vers la porte. Il se lève et la retient par le bras.

 

Il : Tu me comprends ?

 

L’autre : Non.

 

Il : Excuse-moi…

 

L’autre : Non.

 

Ils se regardent.

 

Il : Je suis désolé.

 

L’autre soudain distante et calme, elle libère sa main de lui : Tu es désolé…ben voyons…tu es désolé. Tu es minable oui. Je t’offre une occasion de vivre une nouvelle histoire…et toi tu t’en vas. Tu n’as rien compris. Tu es minable. En fait, je pense que tu n’aimais pas Aurélie…

 

Il : Comment peux-tu dire ça ?

 

L’autre : Si tu l’avais vraiment aimé…

 

Il l’interrompant : Je t’interdis !

 

L’autre continuant : Si tu l’avais vraiment aimée, tu continuerais à la faire vivre, à parler d’elle… mais tu fais tout le contraire. Tu ne me parles jamais d’elle, de tes souvenirs, rien !

Et depuis ton accident tu ne vois plus personne. Tu vis reclus ici quand tu n’es pas en cours.

Tu n’as plus d’activité, de loisirs, je me demande à quoi tu passes ton temps.

 

Il criant : Je pense à elle ! Tout le temps…

 

L’autre : Mais tu n’en parles jamais.

 

Il :  C’est trop dur ! Et puis tu lui ressembles trop !

 

L’autre : Désolée ! Désolée de trop lui ressembler… désolée de…

 

Un temps

 

L’autre prend son sac, va vers la porte et se retourne avant de sortir : Réfléchis bien.

 

Un temps

 

Il : Et merde ! Elle a encore embarqué les chaussons !

 

Noir

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène 7

 

L’autre prépare le thé à la cuisine et lui est assis dans le canapé, la tête entre les mains.

 

Lui : Je ne comprends pas, j’ai l’ancienneté, la notation, tout pour la mutation. Je ne comprends pas. Comment peuvent-ils me la refuser ? Je me suis renseigné, il y a un poste vacant à Saint-Denis.

 

L’autre : Saint-Denis, ce n’est pas très loin, c’est à côté de Paris.

 

Lui : Non, Saint-Denis de la Réunion.

 

L’autre : Ah, ben oui, évidemment, c’est plus loin.

 

Lui : C’est incompréhensible. Il faut que je leur demande des explications.

 

L’autre : Ça ne sert à rien.

 

Lui : Pourquoi dis-tu ça.

 

L’autre : D’abord, ils n’ont pas à se justifier, et ensuite, ton dossier est peut-être dans les méandres de l’administration.

 

Lui : Mais au Rectorat, ils m’avaient dit que j’avais toutes mes chances ! Qu’a priori, ce n’était qu’une formalité compte tenu de mon ancienneté et de mes notes.

 

L’autre : A l’Académie de Lyon peut-être, mais à Paris, au Ministère, tu ne pourras pas savoir ce qu’il s’est passé. Et puis ça ne sert pas à grand-chose, la décision est prise et tu continues l’année prochaine au même poste.

 

Lui : C’est incompréhensible.

 

L’autre : Oh ! Les mystères de l’administration française…

 

Lui : c’est à te dégoûter de rester prof.

 

L’autre vient s’installer sur le canapé à côté de lui avec un plateau avec café et thé.

 

L’autre : Alors, cet été dans l’ouest américain ? Tu peux te décider quand tu veux, de toutes façons j’ai tout réservé pour moi et j’ai pris des chambres doubles…Il y a juste le billet d’avion…ça, ça va être de plus en plus difficile. Las Vegas, la vallée de la mort, le grand canyon, Los Angeles. Tu te rends compte ! Tu ne peux pas louper ça ! Et puis ça te sortira, ça te fera du bien.

 

Lui : C’est sûr, ça fait rêver. Mais je te rappelle que je n’ai qu’une petite paye de prof moi. Il faut un sacré budget pour ton voyage. C’est en dehors de mes moyens.

 

L’autre : C’est ça qui te bloque ?

 

Lui : Mon banquier ne va pas apprécier la blague.

 

L’autre : Bon et bien tu pars avec moi, je m’occupe de tout.

 

Lui : C’est-à-dire ?

 

L’autre : Je te le paye ce voyage. Je te l’ai dit, il est déjà en parti payé, il ne reste que ton billet d’avion à prendre, je m’en occupe ce soir.

 

Lui : Non. Non. Je ne peux pas accepter.

 

L’autre : Je n’ai pas envie de partir toute seule et tu en crèves d’envie.

 

Lui : Oui, mais ça coûte cher !

 

L’autre : Je te dis que je m’occupe de tout.

 

Lui : Mais tu es au chômage !

 

L’autre : Oui, mais je compte bien réussir ce concours et puis j’avais une tante très argentée dont j’ai hérité. Il n’y avait plus que moi dans la famille et elle avait vraiment un très beau patrimoine. L’argent n’est plus un souci pour moi. Alors laisse-moi te faire plaisir !

 

Lui : J’ai besoin de réfléchir, de m’organiser, j’ai besoin d’un peu de temps pour te répondre.

 

L’autre : De t’organiser ? Mais tu veux organiser quoi ? Ta vie se limite à tes cours et ton appartement. Je suis la seule personne que tu vois depuis ton accident. Et moi, je me suis organisée pour toi. Voilà ! Donc on part le vingt juillet pour trois semaines.

 

Lui : Tu es gentille, mais je dois réfléchir.

 

L’autre : allez ! Lâche-toi ! Laisse-toi porter !

 

Lui : Tout va si vite avec toi…j’ai besoin de temps. Tu comprends ?

 

L’autre : Non.

 

Lui : Aurélie aussi voulait aller voir l’ouest américain.

 

L’autre : Et bien…raison de plus.

 

Lui : J’ai besoin d’y réfléchir. Laisse-moi un peu de temps.

 

L’autre : Ok. Mais ça va être de plus en plus difficile de trouver un vol. Les avions pour les US sont blindés en été. Je te laisse trois jours. Pas un de plus. Sans réponse de ta part, je te prends un billet.

 

Un temps

 

Lui : Pourquoi ?

 

L’autre : Pourquoi quoi ?

 

Lui : Pourquoi tu fais tout ça ?

 

Elle va s’assoir près de lui.

 

L’autre : Et bien, disons que percuter un professeur de mathématiques sympathique, pédagogue et sexy, ça n’arrive pas tous les jours.

 

Ils se regardent.

 

Lui : Sexy ?

 

L’autre : Oui, plutôt.

 

Elle l’embrasse, il se laisse faire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Acte II

 

 

 

Scène 1

 

Il est assis à la table du salon, elle fait la vaisselle à la cuisine

 

Il : Tu me passeras tes papiers pour que je puisse faire la demande d’autorisation d’entrée sur le territoire américain.

 

L’autre : Pour faire quoi ?

 

Il : La demande d’autorisation d’entrée sur le territoire américain, c’est obligatoire.

 

L’autre : Ah bon.

 

Il : ça se fait par informatique. Tu me passes tes papiers.

 

L’autre : Euh…je les ai laissés à mon appartement. Tu me montreras, je la ferai moi-même.

 

Il : C’est plus simple si tu m’amènes les papiers, je ferai les deux demandes en même temps.

 

L’autre : Non, non. Ne t’embête pas, je vais me débrouiller.

 

Il : Je croyais que tu n’aimais pas les papiers, les formalités, …

 

Elle vient vers lui et l’embrasse dans le cou.

 

L’autre : Tu es un amour…mais je suis grande je dois savoir me débrouiller.

 

il : Comme tu veux. Au fait, je rentrerai plus tard vendredi, je dois passer au Rectorat.

 

L’autre : Pour quoi faire ?

 

Il : Pour l’organisation des examens. Ça t’ennuie ?

 

L’autre : Non, non. Tu penses rentrer vers quelle heure ?

 

Il : Dix-huit heures trente au plus tard.

 

L’autre : Ok.

 

Il: Au fait, tu veux qu’on aille chez toi pour une fois ?

 

L’autre : Je t’ai déjà dit que mon appartement était minable et en plus il sent le moisi depuis quelque temps. On est beaucoup mieux ici.

 

Il : Oui, mais tu pourrais au moins me le faire visiter une fois. Que je découvre ton chez toi, ta décoration, tes habitudes, ton ambiance, …je ne sais rien de tout ça.

 

L’autre : Je me sens plus chez moi ici que dans mon appartement.

 

Il : Tu te rends compte que je ne connais même pas ton adresse !

 

Elle va se lover contre lui.

 

L’autre : Tu as vraiment besoin de mon adresse là tout de suite… profite…le colis est livré à domicile.

 

Franck se dégageant : Tu es gentille mais là je suis sur le formulaire informatique pour les US.

 

L’autre se levant et retournant à la cuisine : Oh là là ! Monsieur est trop sérieux !

 

Il : Laisse-moi au moins terminer ce formulaire.

 

L’autre : Ok ! Je vais me faire un thé. Tu veux quelque chose ?

 

Il : Non merci.

 

 

Noir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène 2

 

L’appartement est dans le noir.

Il est assis sur le canapé, la tête entre ses mains.

 

Elle entre, allume la lumière et dépose ses courses dans la cuisine.

En se retournant elle se rend compte qu’il est là.

 

L’autre : Tu es là ? Pourquoi tu es resté dans le noir ?

 

Il : Un mal de tête…

 

L’autre se précipitant vers lui : tu as pris un cachet ?

 

Il se levant pour l’éviter : Non.

 

L’autre faisant demi-tour vers la cuisine : je t’en prépare un.

 

Il : Non.

L’autre : Si, ça te fera du bien.

 

Il haussant le ton : Non je te dis !

 

L’autre : Mais, enfin, qu’est-ce qu’il y a ?

 

Il : Rien, laisse-moi.

 

L’autre : A propos tu ne devais pas rentrer plus tard aujourd’hui ?

 

Il : Justement.

 

L’autre : C’est-à-dire ? Explique-toi.

 

Il : Je suis bien passé au Rectorat.

 

L’autre : Et alors ?

 

Il : J’ai rencontré Pierre Monville. Je le connais depuis que nous avons été affectés ensemble au collège Ampère. Trois années ensemble, sur les classes de quatrième, lui en français et moi en mathématiques.

 

L’autre : Ah ? C’est bien !

 

Il : Sauf que Pierre Monville est passé Inspecteur et qu’il participe maintenant aux commissions d’affectation.

 

L’autre : Ah ?

 

Il s’approchant d’elle agressif : Lui aussi s’est étonné de me voir candidater pour l’Outre-Mer pour annuler ma candidature dans la foulée…

 

L’autre : Je vais t’expliquer…

 

Il : C’est toi ! C’est toi qui a envoyé un courrier pour annuler ma demande ? Dis-le-moi c’est toi ?

 

L’autre toujours très calme : Tu faisais une bêtise. Tu n’aurais pas pu vivre là-bas. Tu as horreur de la chaleur et de l’humidité.

 

Il : Quoi !?

 

L’autre s’approchant de lui : Et puis maintenant on est bien ensemble non ?

 

Il lui échappant : Laisse-moi !

 

Il va à l’opposé de la scène.

Elle va s’assoir calmement sur le canapé.

Il est effondré et à bouts de nerfs, elle reste calme et froide.

 

Il : Comment as-tu pu ? Comment as-tu pu faire ça ? Comment as-tu pu me faire ça ?

 

L’autre : Pas difficile de faire un courrier sur ordinateur et d’imiter ta signature…

 

Il : Ben voyons ! Et ça ne te dérange pas de décider pour moi ?

 

L’autre : C’était pour ton bien.

 

Il explosant : Qu’est-ce que tu en sais ? Qui es-tu pour décider pour moi ? Au nom de quoi ?

 

L’autre : Au nom de l’amour.

 

Il : Quoi ? Au nom de l’amour ? Mais qui es-tu pour décider seule au nom de l’amour ?

L’amour n’existe que s’il est partagé.

 

L’autre : Il l’est.

 

Il : Arrête ! Tu as décidé seule et tu ne m’as pas respecté ! Ce n’est pas de l’amour.

 

L’autre : Si. Mais tu ne le voyais pas encore.

 

Il : Arrête ! Arrête !

 

L’autre s’approchant lentement de lui : Calme-toi. Maintenant c’est fait. Et puis on est ensemble maintenant. On est bien. Ne gâche rien. Si tu veux on partira ensemble dans les îles, tu demanderas une nouvelle fois. Ton ami l’inspecteur te défendra en commission d’affectation.

 

Elle s’approche doucement de lui et le prend dans ses bras. Il se laisse faire.

 

L’autre : On partira ensemble. On changera de cadre, on changera d’air, mais on sera tous les deux.

 

Noir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène 3

 

Il est au téléphone, seul.

Sur la table base il y a un seau à champagne avec des biscuits apéritifs.

 

Il : C’est ça oui,… d’accord, merci !

 

Elle entre, froide.

 

Il : Oui merci ! A bientôt !

 

Il raccroche immédiatement et se lance vers elle pour la rendre dans les bras.

L’autre : C’était qui ?

 

Il : Mon prochain cours particulier qui est annulé, il a une gastro !

 

L’autre se détendant et regardant la table basse : Tu as préparé l’apéro ?

 

Il : Oui, j’avais quelque chose à me faire pardonner. J’ai été un peu sec hier…mais tu avais raison.

 

L’autre : ça s’arrose !

 

Ils s’embrassent, elle met ses chaussons, ils s’installent tous les deux sur le canapé.

 

Il ouvrant la bouteille de champagne : Bien passée ta journée ?

 

L’autre : Oui, je suis passée chez moi pour aller prendre mon courrier.

 

Il : Des nouvelles ?

 

L’autre : Des factures…

 

Il : Ce serait plus simple si tu emménageais avec moi ici.

 

L’autre : On va attendre ton affectation dans les îles maintenant. Je ne vais pas déménager pour six mois.

 

Il : Je n’ai pas encore postulé.

 

L’autre : Tu vas le faire ?

 

Il : Je ne sais plus. Tu as raison je n’aime ni la chaleur ni l’humidité.

 

L’autre : cette fois, je te laisse décider, tu vois, je te suis.

 

Il : Oui. Excuse-moi pour hier.

 

L’autre : Je comprends.

 

Ils s’enlacent. Silence

 

Il : Tu ne m’as jamais parlé de ton accident.

 

L’autre se dégageant de lui : Mon accident ? Mais quel accident ?

 

Il : Tu m’as bien dit que tu avais eu un accident toi aussi l’année dernière et que tu avais été dans le coma… ?

 

L’autre : Oui, mais c’est une période difficile et je préfère ne pas en parler.

 

Il : Tu es restée longtemps dans le coma ?

L’autre : Ecoute, parlons d’autre chose, ça a vraiment été très difficile pour moi, profitons de cet apéro !

 

Elle lève sa coupe.

 

L’autre : A nous !

 

Noir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène 4

 

Ils sont toujours à l’apéro, il y a deux bouteilles vides sur la table basse. Ils sont dans le canapé, elle est allongée sur lui, ils terminent leurs verres en rigolant.

 

Il : Et quand je lui ai rendu sa copie…il a fait une tête !

 

Tous les deux rient aux éclats.

 

L’autre se rasseyant en se dégageant de lui : Ouh ! J’ai un peu trop bu moi ! Deux bouteilles à deux…ça fait beaucoup !

 

Il : Farpaitement !

 

Ils rient.

 

Il se levant : Reste là j’ai prévu quelque chose à manger. Ne bouge pas.

 

L’autre : Je veux bien…parce que là…l’horizon est un peu mouvant.

 

Il rigolant va dans la cuisine : Dis-donc, tu as toujours habité à Lyon ?

 

L’autre : Ben oui, je n’ai pas demandé de mutation moi !

 

Riant toute seule.

 

Il : Mais tu as été au collège à Tassin ?

 

L’autre : Ben non à Lyon !

 

Il : Tu ne l’as pas dit que tu avais eu Madame Berton au collège Victor Hugo à Tassin ?

 

L’autre : Ah oui ! Bien sûr ! …Mais je n’ai fait qu’à partir de la quatrième au collège de Tassin car …c’était le seul collège à faire … latin et italien !

 

Il : Tu parles italien ?

 

L’autre rigolant : sous la torture !

 

Silence

 

Il : Tu ne m’as jamais parlé ni de tes amis, ni de ta famille.

 

L’autre : Ils n’en valent pas la peine, rien d’intéressant à dire… Mais pourquoi tu me demandes tout ça ?

 

Il : Au fait ! Tu as fait ta demande d’autorisation d’entrée sur le territoire américain pour cet été ?

 

L’autre : Oui, oui je vais m’en occuper… c’est bientôt prêt ? Parce que j’ai une faim moi …

 

Noir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène 5

 

Elle est dans la cuisine. Il entre côté jardin en pyjama encore endormi.

 

L’autre : Bonjour Chéri !

 

Il : Bonjour…

 

L’autre : Bien dormi dis donc il est déjà onze heures ! Heureusement qu’on est samedi matin !

Tiens je t’ai préparé un bol de café … bien chaud et bien noir !

 

Il prenant son bol et s’installant dans le canapé : Un peu mal à la tête ce matin…c’est le vin rouge qui a fait mal après l’apéro…

 

L’autre : Bois…ça te fera du bien.

 

Il boit son bol.

 

Noir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène 6

 

Il est ligoté sur une chaise et il se réveille doucement.

 

L’autre : Ah ! ça y est Monsieur émerge ! Faut dire que j’y suis allé un peu fort. J’ai dû mettre double dose…presque la dose mortelle…

 

Il émergeant doucement : Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ? Mais c’est quoi cette corde ? Qu’est-ce que ça veut dire ?

 

L’autre : ça veut dire que tu n’es pas raisonnable. Monsieur pose des questions. Monsieur a des doutes sur ce que je lui ai dit. Monsieur n’est plus ‘contrôlable’.

Il explosant : Mais arrête tout de suite ! Enlève moi-ça ! Tu dis n’importe quoi !

 

L’autre froide : Non mon chéri. Vous êtes tous les mêmes. Vous ne voulez pas vous laisser faire. Il y a toujours un moment où vous doutez, où vous remettez tout en question. Alors vous êtes prêt à tout casser et je suis obligée de changer de méthode… une méthode un peu plus forte.

 

Il hurlant : Arrête je te dis !

 

L’autre : C’est bien dommage parce qu’à partir de ce moment, c’est vraiment le début de la fin. Tout le côté excitant et charmant disparaît…ne reste que la partie la plus mécanique…et pourtant si essentielle de la relation.

 

Il : Mais qu’est-ce que tu racontes…tu délires ?

 

L’autre : J’aimerais délirer. J’aurais aimé que nous délirions ensemble. Mais Monsieur reste sur ses gardes. Monsieur ne voit pas l’évidence ! Alors Monsieur résiste et commet l’erreur de ne pas croire.

 

Il : Croire en quoi ?

 

L’autre : Croire que tu m’aimes, comme tu as aimé Aurélie. Croire que je t’aime et que nous allons continuer à vivre comme tu le faisais avec elle.

 

Il : Mais je ne vous aime pas !

 

L’autre : Si ! Je suis Aurélie. Je suis celle que tu as toujours aimé. Mais tu ne veux pas le croire.

 

Il : Mais vous n’êtes pas Aurélie ! Vous êtes folle !

 

L’autre : Quoi ? Folle ? Moi ? Mais c’est toi qui n’as rien compris ! C’est bien dommage. Tu ne me laisse pas le choix.

 

Il hurlant : Arrêtez tout de suite ! Libérez-moi ! Vous n’êtes pas Aurélie !

 

L’autre : Mon pauvre chéri ! Je suis vraiment triste de terminer notre histoire comme ça.

 

Elle sort un bâillon et se place derrière lui pour lui mettre sur la bouche.

Elle attrape son manteau et se dirige vers la sortie.

 

L’autre : J’ai juste une petite course à faire et je reviens, à tout de suite !

 

Noir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène 7

 

Il est toujours ligoté sur sa chaise, épuisé.

Elle est assise par terre, recroquevillée sur elle-même, elle pleure.

 

Il : Vous voyez bien que tout ça n’a pas de sens. Allez, libérez-moi. Je vous jure que ça en restera là. Je n’en parlerai à personne.

 

L’autre : J’ai passé un peu plus d’un an à échanger avec Aurélie par chat. Tous les jours. Elle m’a tout raconté d’elle et de vous. Elle était très amoureuse. Nous avions trouvé les mots et nous nous livrions l’une à l’autre. Elle me disait tout ce qu’elle pensait, tout ce qu’elle faisait, j’ai tout su sur elle. Mais nous étions restées anonymes. Ni elle ni moi n’avions imaginé que nous vivions dans la même ville.

 

Il : Par chat ?

 

L’autre : Et oui par chat. Elle avait besoin de parler, de se livrer. C’est d’autant plus facile en restant anonyme. C’est tellement pratique.

 

Il : Tous les jours ?

 

L’autre : Oui, tous les jours…ou plutôt plus souvent les nuits… c’est comme ça que j’ai su que vous étiez un gros dormeur. C’est comme ça que j’ai tout appris sur vous, tout !

Et plus j’en apprenais, plus vous me plaisiez. Je suis doucement tombée amoureuse de vous.

 

Il : Mais pourquoi ? Vous aviez votre vie ?

 

L’autre : Oh ! Ma vie…

 

L’autre arrêtant de pleurer et souriant : Bien sûr j’en ai construit une pour Aurélie, pour lui faire croire que je me livrais aussi ; une vie fantasque avec plein d’amis, des voyages, des fêtes, des aventures…

 

Il : Et elle vous a cru ?

 

L’autre : Elle adorait ma vie. Il faut dire que votre vie est un peu calme par rapport à la fausse mienne. Vous avez lentement enfermé Aurélie dans votre petite vie, avec vos petites habitudes, votre petit boulot, votre petit appartement…Moi ma fausse vie c’était Paname !

 

Il : Je vous en prie ! On vit comme on veut.

 

L’autre : Oui ou comme on peut. Finalement j’avais l’impression de vivre avec vous, à vos côtés et de vous observer. Vous, vous avez un côté rassurant, sécurisant… et puis ma vraie vie…

 

Elle grimaçe nerveusement sans se contrôler.

 

L’autre de nouveau au bord des larmes : Je suis trop seule…Personne ne s’occupe de moi…ou alors c’est pour m’enfermer entre quatre murs blancs et me faire des piqûres…

 

Elle se redresse et son regard se fige.

 

L’autre : Aurélie, elle, elle avait plein de désirs, plein d’envies, plein de …plein d’amour pour vous. Elle était gaie, drôle, elle riait de tout…

 

Il : Arrêtez !

 

L’autre : Vous voyez que vous l’aimiez…

 

Quelque chose se brise dans son attitude, son regard, sa voix.

 

L’autre : Tu vois que tu m’aimes !

 

Il : Vous ne m’aimez pas ! Ce n’est pas moi que vous aimez, c’est vous ! Vous vous aimez vous-même ! Vous vous aimez en vous regardant m’aimer, vous vous aimez amoureuse de moi.

 

L’autre : Arrête ! Tu dis n’importe quoi ! De toute façon …c’est fini. Et pourtant je t’aime et tu m’aimes, mais tu m’obliges à faire ça ! Toi non plus tu n’as rien compris…c’est toujours pareil. Vous gâchez toujours tout vous les hommes !

Ça me dégoûte !

 

Il : Attendez ! C’est peut-être encore possible. Je ne t’ai pas comprise, excuse-moi. Mais bien sûr je suis avec toi comme avec Aurélie. Tu m’as emmené faire les soldes, on a ri comme jamais

 

Ils rient tous les deux

 

Il : On peut faire de beaux voyages, aller aux US ! C’est encore possible, mon amour, ma chérie…je déménagerai, on aura plein d’amis on fera toujours la fête…

 

Elle se lève et commence à valser en souriant en silence…la tête dans les étoiles.

 

Il : Je veux danser avec toi !

 

Elle se tourne vers lui et se dirige ver lui comme pour aller le chercher tout en dansant, mais elle trébuche sur la table basse et tombe dans un cri rauque.

 

Elle reste sans bouger par terre.

 

Quand elle se relève elle a un regard dur et froid.

 

L’autre : Tu as tout gâché ! Tu es comme les autres ! Incapable d’aimer !

 

Elle lui remet le bâillon en se tenant derrière lui, prends son manteau et un sac avec ses affaires et se dirige vers la sortie.

 

L’autre se retournant : Tu vas faire comme les autres. Tu vas lentement pourrir dans ton petit appartement. Personne ne s’inquiétera de toi.

 

Elle ouvre la porte.

 

L’autre : Adieu !

 

 

Noir

 

 

Voix off : Franck Louis a été trouvé dans son appartement grâce à une fuite d’eau de son voisin du dessus. Le concierge a dû ouvrir son appartement et l’a découvert ligoté et déshydraté, inconscient. Il a pu être soigné et il a déménagé en Guyane où il vit seul.

Malgré de nombreuses recherches personne n’a retrouvé la trace de Laurie.

 

 

FIN

 

 

 


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