Ouverture du rideau sur le séjour du couple Michel ; c’est le matin, Daisy est installée dans son canapé. Son portable sonne et durant sa conversation on sonne à la porte.
Daisy Qu’est-ce qu’il a oublié ? Oui Jacques ?...ah voilà, je me disais aussi à peine parti et
voilà qu’il m’appelle…attends…(on sonne à la porte) oui, il est là…bien je le laisse
sur le bar…tu n’as qu’à dire à ton chauffeur de venir le prendre…
Lucette arrive des appartements.
Lucette On n’a pas sonné ?
Daisy Si, si…(en montrant la porte)
Lucette va ouvrir la porte
Daisy Non pas à toi à Lucette…tu rentres tard ? Bon, tant mieux…j’ai à te parler.
Non, non ne t’inquiètes pas mais il faut juste que j’aborde un sujet avec toi…c’est
ça…bonne journée Monsieur le Député.
Lucette va ouvrir la porte et revient accompagnée d’Isabelle puis retourne à ses occupations.
Lucette Entrez, entrez ! Elle est là…je retourne….enfin j’y vais !
Isabelle Bonjour ma chérie, comment vas-tu depuis notre téléphone ?
Daisy Je vais comme une femme à qui l’on a annoncé qu’elle ne pouvait plus avoir de
bébé.
Isabelle Je m’en doute… mais après notre conversation, j’ai beaucoup réfléchi et je me suis
dit qu’il fallait que l’on en reparle.
Daisy A quoi bon ?
Isabelle Tu vas vite comprendre. Tout d’abord Daisy, ce que je vais te dire est confidentiel ;
nous n’avions pas prévu de parler de ce projet si tôt.
Daisy Quel projet ?
Isabelle C’est un sujet très sérieux et complètement révolutionnaire. C’est bien
parce que tu es mon amie et que j’ai confiance en toi que je t’en parles. Tu ne dois
pas t’attendre à des miracles. Comme je te l’ai dit physiquement tu ne peux plus
porter de bébé. Tu n’as plus toutes les fonctions ou les conditions physiques pour
procréer.
Daisy Tu me l’as déjà dit…
Isabelle Attends, depuis 6 ans avec le professeur Girolle nous étudions différents procédés
qui pourraient, au sein d’un couple, palier à un souci gynécologique qu’aucune
technique actuelle ne peut résoudre. Nous avons eu énormément d’échecs mais
depuis 10 mois, l’une de nos théories est testée sur des souris et dans 52% des cas
avec succès.
Daisy Ah oui ! Vous avez réussi à générer des grossesses alors que ce n’était à priori plus
possible ?
Isabelle C’est ça.
Daisy Mais c’est génial !
Isabelle Ne t’emballes pas, 52% c’est peu.
Daisy C’est peu ? Jacques serait là, il te dirait qu’avec déjà 50,5% tu peux être élu
Président de la République !
Isabelle Mais moi je ne te parle pas de politique mais de médecine.
Daisy C’est quoi cette nouvelle technique ?
Isabelle J’y viens. Ton souci ma chérie n’est pas vraiment un souci de fertilité puisque tu
produis toujours des ovules, mais plutôt un souci d’utérus. Les analyses démontrent
que l’endomètre est appauvri et ne peut pas nourrir l’embryon.
Daisy Et…
Isabelle Et donc, si vous avez la capacité de pouvoir arriver jusqu’à la fécondation, à ce
stade il vous manque un utérus pour le développement de l’embryon, du bébé.
Daisy Ok, il nous manque un utérus et je ne veux pas d’une mère porteuse, je ne veux
pas que quelqu’un d’étranger participe, alors on fait quoi ? On appelle la Redoute ?
Castorama ?
Isabelle C’est sérieux Daisy. Avec le professeur Girolle, nous avons mis au point une
technique qui peut sembler complètement folle. Nous avons transplanté des utérus
de souris à des mâles et pour avoir le plus de chance de succès, nous avons
procédé à une fécondation in vitro et ensuite replacés les embryons dans l’utérus
transplanté. 20 à 23 jours plus tard, dans 52% des cas, nous avons eu des petits.
Daisy Mais pour l’accouchement, la mise bas….ça passait par où ?
Isabelle (rires) …pas par où tu penses Daisy, évidemment ce n’est pas possible. Par
césarienne et une fois les petits dehors, on extrait l’utérus de substitution et ni vu ni
connu à part une petite cicatrice.
Daisy Mais c’est fantastique ! Quand vous allez annoncer ça, vous êtes bon pour le prix
Nobel de médecine.
Isabelle On n’en est pas là. Nos tests n’ont été faits qu’avec des souris. On doit passer à
l’étape suivante, sur des humains.
Daisy Ben oui évidemment. Mais au fait, n’importe quel souris mâle peut être
transplanté ?
Isabelle Non, et ta question est pertinente. Nous n’avons pas encore percé tous les
mystères de cette technique mais nous avons constaté que les mâles ne pouvaient
recevoir et développer un œuf que d’une femelle avec laquelle ils avaient déjà eu
des petits.
Daisy C’est extraordinaire ! Mais qu’attendez-vous pour le tester sur des humains.
Isabelle En théorie on serait prêts à le faire mais le coût est exorbitant sans parler qu’il va
falloir trouver des hommes d’accord de participer.
Daisy J’ai déjà un avantage par rapport aux autres. J’ai plus d’argent que je ne peux en
dépenser. Donc ta nouvelle technique, je peux me l’offrir. Mieux Isabelle, je peux
financer vos recherches. Si grâce à vous je peux avoir mon bébé, l’argent dépensé
n’a aucune valeur. Le problème maintenant c’est l’homme. Pas facile à trouver.
Isabelle Daisy…
Daisy Je vais m’organiser pour en sélectionner selon leurs qualités, leur culture, leur
condition physique, leur éducation, l’âge, ah oui l’âge est très important.
Isabelle Daisy…
Daisy Tu m’aideras ? Oui tu m’aideras. Celui qui sera sélectionné pourra vivre dans la
dépendance durant la grossesse comme ça je l’aurai sous les yeux. Ensuite…
Isabelle Daisy, tu n’ as pas besoin de chercher ; tu l’as déjà, c’est Jacques.
Daisy Ah oui, je suis bête Jacques bien sûr, Jacques. JACQUES ?
Isabelle Oui, ton mari. Tu ne m’as écouté, seul lui peut porter votre enfant.
Daisy Jacques ? Tu veux transplanter un utérus à Jacques ?
Isabelle Moi je ne veux rien ; je te dis juste que c’est la seule solution.
Daisy Mais ensuite il y a une grossesse normale de neuf mois ?
Isabelle Oui, à priori il n’y a presque pas de différences avec celle d’une femme. Mêmes
joies, mêmes peines, mêmes avantages et mêmes inconvénients.
Daisy Mais Jacques ne va jamais accepter une telle chose. Il n’a jamais défendu plus qu’il
ne fallait la famille et la femme, alors imagine Jacques enceint. Et avec son statut
de député, je le vois bien à la tribune de l’Assemblée faire ses intervention en se
tenant le ventre !
Isabelle En effet, chez toi la première cause de rejet c’est ton mari.
Daisy Comment veux-tu que je le persuade d’être enceint ? Jacques Michel.
Isabelle Ca, c’est à toi de trouver. Cela étant dit, la fortune du couple c’est toi…
Daisy Ah oui, c’est vrai. Mon argent serait mis à disposition d’une belle cause, d’une
grande avancée médicale ; et tu as raison, Jacques me doit presque tout, il peut
bien faire cela pour moi. Mais c’est pas gagné.
Isabelle Mhmm…remarque si tous ces arguments ne fonctionnent pas, tu as encore un atout
dans la manche…
Daisy Lequel ?
Isabelle Voyons Daisy…je te rappelle que ton cher mari, figure de la droite a quand même
réussi à fricoter avec notre chère socialiste Jeanne Grogniard…
Daisy Merci de me le rappeler, et alors ?
Isabelle Disons que…je ne suis pas sûre que sa carrière politique résisterait à une telle
annonce. Avec ses idées conservatrices il a tout de même réussi à culbuter
une féministe de première !
Daisy Je n’ai pas besoin que tu rentres dans les détails. On en a parlé, j’ai passé l’éponge
et en plus très peu de gens sont au courant ; même pas les filles.
Isabelle C’est ce que je dis. S’il y en avait plus cela causerait des dommages…penses-
y…pour toi c’est un bel atout…tu veux le ton bébé ? Crois-moi tu as tout en main
pour y arriver.
Daisy C’est un peu vache…
Isabelle Peut-être mais jusqu’ici c’est toi qui portes les cornes ! Et qui te dit que c’est
vraiment terminé entre les deux ?
Daisy Jacques me l’a dit, il me l’a juré…
Isabelle Mouais…on en connaît d’autre qui ont juré et puis après…
Daisy Quoiqu’il en soit je pense pas que j’aurai besoin d’aller jusque là. Je lui fais confiance. En admettant que je parvienne à le convaincre, tu serais prête à tenter
l’expérience avec nous ?
Isabelle Oui, mais je suis quand même partagée Daisy, d’un côté nous avons besoin d’expérimenter cette nouvelle technique et d’un autre tu es mon amie et je ne voudrais pas que tu connaisse un échec.
Daisy Ne t’inquiètes pas Isabelle, c’est moi qui insiste; je sais faire la part des choses. Je
vais en parler à Jacques. Ce soir, j’avais prévu de lui annoncer que j’étais enceinte
mais depuis ton téléphone là…le scénario en a pris un coup.
Isabelle Oui, et c’est Jacques qui risque d’être assommé.
François entre discrètement et entend juste la phrase qu’il ne faut pas.
Daisy Donc si tout va bien dans neuf mois, Jacques et moi aurons notre bébé ?
Isabelle Oui ma chérie.
François repart éberlué !
Daisy Bon, il accepte avec ou sans menaces. Ensuite c’est quoi le programme ?
Isabelle Eh bien, je dois vous faire une prise de sang pour les analyses d’usage. Ensuite ton
mari devra recevoir quotidiennement des hormones par piqûre, puis l’intervention
pour lui greffer l’utérus, te prélever des ovules, l’implantation des embryons 2 ou 3
et ensuite…attendre que cela fonctionne et si oui, veiller sur lui durant sa grossesse.
Daisy Bon. Pour les prises de sang tu reviens demain matin ce sera réglé avec Jacques.
Isabelle Déjà ?
Daisy Oui, c’est pas le moment de perdre du temps. Et puis Jacques, je m’en occupe !
Isabelle Bien, comme tu voudras. Je t’assure que je ferai le maximum pour que cela
marche ! Je serai à tes côtés.
Daisy D’ailleurs, tu viendras vivre dans la dépendance si tu es d’accord, hein ? Je veux
qu’il soit suivi au plus près.
Isabelle Rassures-toi Daisy, je dois et je veux être là et je ne lâcherai pas des yeux ton
mari ! Je te laisse préparer ta discussion et si tu as besoin de conseils, je suis là.
Elles s’enlacent et se disent au revoir.
Daisy Merci Isabelle. Oh, quelle aventure ! A demain…
Isabelle Courage, courage et optimisme.
Isabelle repart laissant Daisy à sa joie. Lucette débarque dans le séjour.
Lucette Ca va ?
Daisy Hein, heu oui…oui Lucette tout va bien, tout va très bien.
Lucette Qu’est-ce que c’est que cette discussion qui vous met dans cet état ? Ce matin vous
aviez la tête d’un corse du lundi matin et maintenant on dirait que c’est vendredi !
Daisy Je ne veux pas en parler tant que rien n’est sûr mais dès que je pourrai le faire
je te le dirai ; d’abord parce que j’aurai besoin de ton soutien.
Lucette Ah bon ? Vous savez si je peux vous être utile…mais vous connaissez mes limites.
Daisy Ne t’inquiètes pas, tu maîtrises le sujet. Tu l’as déjà fait il y a de nombreuses
années et c’est comme le vélo ça ne s’oublie pas !
Lucette Comme le vélo ? Et ben ça promet parce que vous ne m’avez jamais vue sur un vélo
pour la bonne et simple raison que je ne tiens pas dessus plus de 10 secondes !
Daisy C’était une métaphore Lucette.
Marcella Une métaphore ? Mais j’ai jamais fait de métaphore ! D’ailleurs je ne sais même pas
ce que c’est.
Daisy C’est une expression pour dire que lorsque l’on a appris quelque chose et qu’on ne
le pratique plus durant un certain temps, le jour où l’on recommence on a rien
oublié.
Lucette Moi je ne suis pas prête d’oublier ce que j’ai appris, depuis toute petite je fais le
ménage et je n’ai jamais arrêté. Pas besoin de métaphore pour moi !
Daisy Tu es une vraie tête de turc !
Lucette Ouais mais moi je bosse fort !
Daisy Ca je ne peux pas te contredire. Tu es la championne du ménage !
Lucette Eh oui, faut dire que je suis entraînée, depuis que je suis gamine je passe
l’aspirateur ! Ce sont mes parents qui m’ont un peu dirigé dans cette voie.
Daisy Ah bon ?
Lucette Très tôt, ils m’ont dit « Réfléchis à ton avenir Lucette, à quoi tu aspires ? »
Daisy Bien. Ce soir j’aimerai être seule avec Jacques, nous avons une discussion
importante à avoir.
Lucette Pas de souci, la Lucette elle peut se faire discrète. Un tout petit coin et on me voit
plus, enfin...