Acte I
Musique strip-tease. Une jambe de femme sort du côté du paravent.
Elle enlève langoureusement son bas.
Un homme en caleçon, marcel et chaussettes, regarde, tout excité.
Le Mexicain, embrasse le bout de ses doigts. — Ma qué cé beau ! (La femme dépose une robe à cheval sur le haut du paravent.) Sors dé là, coquine !
Nelly. — Ne sois pas si pressé… L’attente fait partie du plaisir…
Le Mexicain. — Ma, yé n’en po plou ! (Une main sort de côté, agite un soutien-gorge et le dépose sur le dessus du paravent.) Si tou né viens pas tout dé souite, yé fais oune malheur !
Nelly. — On a tout le temps, t’inquiète…
Le Mexicain. — Tou es soure qué ton mari né rentre qué cé soir ?
Nelly. — Mais non, pas ce soir, demain soir ! (Elle sort enfin, en nuisette et déshabillé vaporeux.) Alors ? Je te plais ?
Le Mexicain, rugissant. — Rouâou !!! Yé souis oune lion dé la savane et yé vais té dévorer touté croue !
Nelly. — Il faut d’abord que tu m’attrapes !
Tous deux tournent autour du canapé.
Le Mexicain. — Pétite polissonne, tou perds rien pour attendré !
Finalement, il l’attrape, la renverse sur le canapé et se jette sur elle en la couvrant de baisers. Elle rit, se débat, pousse des cris de plus en plus forts.
La porte s’ouvre violemment. Un homme surgit.
Noël. — Ah ! je t’y prends !
Nelly. — Toi ? Mais… Mais enfin…
Noël. — Alors dès que j’ai le dos tourné, t’en profites pour t’amuser un peu, c’est ça ?
Nelly. — C’est la première fois, je t’assure…
Le Mexicain. — Moi aussi cé la prémière fois…
Noël. — Toi, l’avorton, je t’ai rien demandé. T’es peut-être le premier, mais tu seras le dernier ! (Il sort un revolver de sa poche et le braque sur sa femme.) T’aurais pas dû…
Nelly. — Pardon, je le ferai plus, je te le jure !
Le Mexicain. — Moi aussi yé lé joure ! Elle lé féra plous et moi non plous ! (Noël tire. Sa femme porte la main à son cœur, puis sa main glisse. Une large tache de sang macule sa nuisette. Elle est morte. Le Mexicain est horrifié.) Ma… Ma… Vous l’avez touée !!! Aaaahhh !!!
Noël le pousse sur le canapé, à côté de la morte, et le vise.
Noël. — Tout ça, c’est de ta faute.
Le Mexicain. — Ma non ! Ma non !
Noël. — À ton tour. Je vais transformer ton crâne en bouillie !
Le Mexicain, se mettant à genoux. — Non ! Pitié ! Yé n’y souis pour rien. C’est elle qui m’a attiré ici, yé né voulais pas, moi ! Et pouis yé né savais pas qu’elle était mariée…
Noël. — Je peux pas laisser un témoin en vie. Désolé, l’asticot.
Le Mexicain. — Yé souis yamais vénou ici, yé vous ai yamais vou, yé disparais, vous entendrez plous parler dé moi, yé lé youre sour la Madona !
Noël, se laissant tomber sur une chaise. — Mais qu’est-ce que j’ai fait ? Pourquoi ? Pars ! Pars vite ou je réponds plus de mes nerfs !
Le Mexicain. — Oui, oui, oui… Tout dé souite… (Il se dirige vers la porte.) Euh… (Il attrape ses chaussures, sa chemise et son pantalon, va pour partir mais revient, montrant la chaise sur laquelle est assis Noël.) Pardon, ma…
Noël. — T’es encore là ? T’es fatigué de vivre ou quoi ?
Le Mexicain. — Ma vesté, là, derrière vous… (Noël la met en boule et la lui jette. Le Mexicain l’attrape au vol et part à reculons. Noël tire dans sa direction. Le Mexicain part en courant.) Aaaahh !!!
Un court silence. Noël regarde par la fenêtre et se retourne vers Nelly.
Noël. — C’est bon. Il est parti.
Nelly, s’asseyant. — Pfou !… T’en as mis du temps pour entrer ! T’attendais quoi ?
Noël. — Que tu cries.
Nelly. — Mais j’ai crié ! Plusieurs fois !
Noël. — Fallait crier plus fort. Derrière la porte, c’est pas évident d’entendre.
Nelly. — Je savais plus comment le contenir, moi ! Enfin, bon… T’as son portefeuille ?
Noël. — C’te blague ! (Il l’ouvre, siffle.) Eh… pas mal ! Il aime avoir du liquide sur lui.
Nelly. — T’oublies sa carte bancaire !
Noël. — Y a trop de contrôles, même sur Internet. C’est un truc à se faire pincer.
Nelly. — Trente-trois, trente-trois.
Noël. — Tu te crois chez le toubib ?
Nelly. — C’est son code. Il était tellement excité qu’il l’a tapé devant moi.
Noël. — Le pigeon idéal, quoi…
Marie entre, suivie de Claudette et Viviane.
Marie. — Vous le croirez pas, on a croisé un type dans la rue qui courait comme un malade en se rhabillant !
Noël. — Il sortait d’ici.
Marie, louchant sur la tenue de Nelly. — Nelly ! Ne me dis pas que tu étais avec ce…
Nelly. — Maman ! C’est pas du tout ce que tu penses.
Noël. — On a testé un nouveau truc…
Nelly. — La pêche au couillon !
Claudette, attrapant le revolver. — Je connais ! T’attires le gogo chez toi, tu te fais surprendre par ton mari qui, fou de jalousie, veut le tuer.
Viviane. — Il a tellement peur qu’il détale sans demander son reste et sans se douter qu’on lui a fait les poches !
Noël. — Sauf qu’on a fait encore plus fort. J’ai tué ma femme sous ses yeux. Le mec était liquéfié !
Marie. — Et s’il va voir la police ?
Noël. — On dénonce pas un meurtrier qui a vos papiers avec votre nom et votre adresse. Il aurait bien trop peur des représailles.
Nelly. — En plus c’était un Mexicain de passage à Paris. Il repart demain et voulait se payer une soirée mémorable.
Noël. — Il a été servi !
Marie. — Non, désolée, mais je ne suis pas d’accord. Notre devise est de prendre aucun risque. Faire les poches, piquer des valises, on sait le faire ; mais se lancer dans un scénario pareil, non, je ne veux pas que ça se reproduise, en tout cas pas ici.
Nelly. — Tu veux qu’on aille où ? À l’hôtel, c’est pas possible avec les coups de feu.
Viviane. — Ta mère a raison. On s’en tient à ce qu’on fait d’habitude.
Claudette. — Et puis d’abord on ramène pas du travail à la maison.
Marie. — En plus, j’aimerais bien qu’on me demande la permission avant de prendre des initiatives.
Nelly. — OK… C’est dommage, c’est rentable…
Marie. — Possible, mais c’est trop dangereux, je vous assure.
Claudette et Viviane s’installent à la table, sortent papiers et stylos, calculette…
Noël, tendant les billets. — Tenez.
Claudette. — Combien ?
Noël. — Mille.
Viviane. — Pas mal !
Noël, à Marie. — On a le code de la carte bancaire du mec. Je peux ?
Marie. — Vous avez pris des risques, autant que ça serve… mais une seule fois. Retire le maximum.
Noël. — Ça marche !
Marie. — N’oublie pas la perruque, les gants, les lunettes… Enfin, tout ce qu’il faut pour qu’on ne te reconnaisse pas sur la bande-vidéo de surveillance.
Noël. — Évidemment.
Il sort. Nelly commence à enlever le déshabillé. Marie voit la tache rouge sur la nuisette.
Marie. — C’est quoi ça ?
Nelly. — Ben, une tache de sang. On me tire dessus en plein cœur, faut que ce soit réaliste. Crois-moi, le mec a flippé à mort !
Marie. — Avec quoi tu l’as faite ?
Nelly. — Du concentré de tomate dilué.
Claudette et Viviane s’approchent.
Claudette. — Plus vraie que nature !
Viviane. — Il y a même quelques gouttes par-ci, par-là…
Blandine arrive, une valise à la main. En fait, c’est une boîte creuse avec un dessin de valise collé dessus et une fente sur le dessus permettant d’attraper une poignée. On la pose par-dessus la mallette de quelqu’un et on repart tranquillement.
Blandine. — Difficile, aujourd’hui ! Enfin, j’ai fini par réussir à en chiper une ! (Elle soulève la fausse valise et brandit un attaché-case.) Il doit y avoir du lourd… Le mec le tenait fermement, alors je l’ai bousculé et j’ai laissé échapper mon porte-monnaie. Il m’a aidée à ramasser les pièces, j’ai recouvert son attaché-case et le tour était joué ! (Elle regarde Nelly.) Mais… c’est mon déshabillé !
Nelly. — C’est juste un empr