Un dîner d’affaires (ou presque)

Résumé de la pièce
La répétition d’”Un dîner d’affaires” doit avoir lieu, mais un événement de taille se produit… Le public est déjà dans la salle, un mois avant la première, c’est un peu tôt pour que tout soit prêt ! Le public ne veut pas sortir… Il ne reste qu’une chose à faire : jouer la pièce coûte que coûte, et ce, malgré le naufrage annoncé !

Résumé d’”Un dîner d’affaires”
Suite à un mensonge, Albert engage une prostituée sexy pour se faire passer pour sa femme le temps d’un dîner d’affaires avec son patron, son directeur financier et leurs épouses. À l’arrivée de son patron, il découvre que sa femme n’est rien de moins que sa maîtresse…




Un dîner d'affaires (ou presque)

Acte 0

« L’avant spectacle »

Kevin, le technicien

Kevin s’est glissé dans le staff d’accueil du public. Il est nerveux, voire affolé, car il est surpris de voir le public arriver. Pendant toute la réception du public, il improvise.

Il essaye régulièrement de joindre Jean-Marc à son talkie-walkie, par exemple :

« Jean-Marc, réponds. »

« Kevin à Jean-Marc, réponds. »

« Jean-Marc, réponds c’est assez urgent. »

« Jean-Marc, je ne comprends pas, le public rentre en salle. »

« Jean-Marc, allôôô, tu ne m’as pas prévenu que c’était aujourd’hui. »

« Il ne sait toujours pas se servir d’un talkie-walkie. »

« Je suis sûr qu’il ne l’a pas allumé. »

Il peut demander à des personnes du staff d’aller voir Jean-Marc parce qu’il ne répond pas, et le staff répond qu’ils sont occupés.

Il s’adresse au public, par exemple :

« Vous êtes venus voir quelle pièce ? »

« Vous ne vous êtes pas trompés de jour ? »

« Vous avez acheté la place sur quel site ? C’était bien pour cette date ? »

Pendant que le public entre en salle, le technicien est sur scène en train de préparer le décor. Il chante : « Je, je suis libertine, je suis une catin… » Casque sur les oreilles, il ignore la présence du public. Il a son escabeau et ses outils pour installer un lustre. Il est très maladroit : il installe son escabeau qui tombe aussitôt, n’arrive pas à le décoincer, fait tomber ses outils…

Acte 1

« Le quiproquo »

Scène A1 – Y a du public !

Tous (sauf Sara et l’apprenti)

Jean-Étienne parle dans le hall d’entrée avec Kevin, puis entre dans la salle. Kevin s’arrête à la porte de la salle.

Kevin. — Tu leur diras toi-même, parce que Jean-Marc a bien son talkie-walkie, mais visiblement il ne sait pas s’en servir !

Kevin ferme la porte et sort. Jean-Étienne ralentit lorsqu’il se rend compte de ses yeux que le public est déjà en salle. Il traverse la scène en manquant de tomber sans quitter le public des yeux.

Jean-Étienne, se dirigeant vers la coulisse. — Rolalaaaaaa ! Jean-René… Jean-Renéééééé ! (Il sort.)

Jean-René, voix efféminée depuis les coulisses. — Oui ? Quoi ? Qu’est qu’y a ? Eh ! oh ! On n’est pas le 1er avril ! (Il entre d’un pas décidé, puis ralentit au fil de la découverte du public. Jean-Étienne passe la tête au bord des coulisses.) Tabarnack ! (Il sort sans quitter le public des yeux.) Jean-Marc… Jean-Maaaaarc !

Jean-Étienne. — Ah ! tu as vu !

Jean-Marc, voix efféminée depuis les coulisses. — Oui ? Quoi ? Qu’est qu’y a ? Eh ! oh ! On n’est pas le 1er avril !

Jean-René. — Tiens, c’est marrant, c’est justement ce que je disais à Jean-Étienne quand…

Jean-Marc. — Ta gueule ! (Il entre d’un pas décidé, puis ralentit au fil de la découverte du public. Jean-Étienne et Jean-René sont rentrés au bord des coulisses.) Oh putain, oh putain, oh putain !

Jean-Étienne et Jean-René. — Ah ! tu as vu !

Jean-Marc. — C’est quoi ce bordel ? (La costumière et Pénélope passent la tête, puis Zoé tombe dans les pommes. Elle est tirée par les pieds et disparaît dans les coulisses.) Qu’est-ce que vous foutez là ? (Jeu avec le public.) C’est Kevin qui vous a dit d’entrer ? Je vais appeler Kevin à l’accueil, il va m’entendre ! (Il prend son talkie.) Kevin, tu es là ? (Plus lentement et en articulant.) Youhou ! Kevin ? Pourquoi il ne répond pas, ce con ?

Jean-Étienne. — Tu l’as allumé ?

Jean-Marc. — Kevin ? Non, pas encore, mais j’vais pas tarder !

Jean-Étienne. — Non, l’appareil.

Jean-Marc. — Ah oui ! Non.

Jean-Étienne. — Il faut que tu actives le bidule et que tu appuies sur le machin quand tu parles.

Jean-Marc. — Tu n’as pas plus précis ?

Jean-René. — Tu tournes le bouton sur le devant pour allumer le talkie, puis pour parler tu appuies sur la touche du côté de l’appareil et une fois que tu n’as plus rien à dire tu la lâches.

Jean-Marc. — Je lalache ?

Jean-Étienne. — Oui, la toutouche !

Jean-Marc, lui tendant le talkie. — Tiens, toi qui fais le mariole.

Jean-Étienne. — C’est que…

Jean-Marc. — Quoi ?

Jean-Étienne, prenant le talkie. — Non, rien. (À lui-même.) J’aurais mieux fait de fermer ma gueule.

Jean-Marc. — Quoi ?

Jean-Étienne, au talkie. — Allô ! Kevin ?

Kevin, off, au talkie. — Kevin à Jean-Marc. Parlez.

Jean-Étienne. — Non, Kevin, ici c’est Jean-Étienne.

Kevin, off, au talkie. — Kevin à Jean-Étienne. Il est pas là, le gros ? Parlez.

Jean-Marc. — Qu’est-ce qu’il a dit ?

Grosse gêne.

Jean-Étienne, au talkie. — Depuis le temps qu’on se connaît, tu sais que tu peux me tutoyer.

Kevin, off, au talkie. — Kevin à Jean-Étienne. Oui, je sais. Parlez.

Jean-Étienne. — C’est bizarre, non, qu’il me vouvoie ?

Jean-René, imitant Jouvet. — Tu as dit bizarre ? Comme c’est bizarre…

Jean-Étienne. — Oh ! excellent !

Jean-Marc, énervé. — Oh ! j’ai les papillons qui bourdonnent !

Jean-René. — Il te vouvoie parce qu’au talkie, quand tu parles, tu dis qui tu es, puis tu dis à qui tu parles, ensuite tu dis ce que tu as à dire, et enfin tu finis par « parlez ».

Jean-Étienne. — Et je finis par parler ? Une fois que j’ai fini de dire ce que j’avais à dire ?

Jean-René. — Exactement !

Jean-Étienne. — J’ai rien compris.

Jean-Marc, prend le talkie et le passe à Jean-René. — Eh, on va pas se tailler les buissons quand la caravane passe ! Vas-y, toi !

Jean-René, à Jean-Étienne. — Je ne comprends rien à ses expressions. (Au talkie.) Jean-René à Kevin. Qui sont les gens dans la salle ? Parlez.

Jean-Étienne. — Aaaaaaaaah ! Tu finis par « parlez » ! Moi j’avais compris que tu finissais par parler, pas par « parlez ». (Regard noir de Jean-Marc.) Non, rien !

Kevin, off, au talkie. — Kevin à tous les Jean-quelque chose. Ça fait une heure que j’essaye de vous le dire. C’est le public ! Parlez.

Derrière eux, le technicien se prend une décharge électrique sur la tête en montant sur son escabeau. Il crie et les plombs sautent.

Jean-Marc. — Qu’est-ce que c’est que ce bordel, encore ?

Jean-René. — C’est Jean-Pierre qui s’est encore pris un court-jus.

Jean-Marc. — Ah ! c’est pas grave ! Il est tellement entraîné qu’il pourrait se reconvertir en paratonnerre. Jean-Étienne ! Va remettre les plombs ! (Au talkie, lentement et fier d’avoir compris comment faire.) Euh… Jean-Marc à Kevin. On se doute qu’il s’agit d’un public, mais la question est plutôt : que font-ils dans la salle ? Euh… parlez.

Kevin, off, au talkie. — Kevin à Jean-Marc. C’est la première. Parlez.

Jean-Marc. — La première quoi ? (Kevin ne répond pas.) Jean-Marc à Kevin. (À nouveau fier de lui.) La première quoi ? Parlez.

Kevin, off, au talkie, énervé. — Ben, la première représentation ! Le grand soir ! Le soir où les spectateurs seront les premiers à voir la pièce ! La première, quoi ! Le soir où les critiques débarquent pour tailler un short au metteur en scène ; à toi, Jean-Marc. Le soir où tout le monde va faire dans son froc, le soir où…

Jean-Marc. — On a compris, on a compris !

Kevin, off, au talkie. — Le soir où les balloches vont transpirer ! Le soir où les intestins vont se liquéf…

Bruit du bouton d’arrêt.

Jean-Marc. — Qu’est-ce qu’il raconte ? La première ? C’est toi, Jean-René, qui t’occupes du planning des répétitions et des représentations, tu nous as dit que la première était dans un mois pile.

Jean-René. — Oui, la première c’est le (date du jour).

Jean-Marc. — Comment ça le (date du jour) ? Mais c’est aujourd’hui, bougre d’abruti !

Jean-René. — T’es sûr ? Parce que d’habitude je suis quelqu’un de super fiable.

Jean-Marc. — Oh ! putain !

Tous les comédiens entrent sur scène. Brouhaha. La lumière revient. Silence. Une musique démarre à fond. Le technicien est toujours allongé au sol.

Kevin, en régie, coupant la musique. — Pardon, désolé !

Jean-Marc, voyant le public. — Oh ! putain !

Zoé tombe dans les pommes en découvrant le public. Ils se mettent maladroitement devant elle pour la dissimuler. Ils se déplacent vers la coulisse en la tirant dehors et sortent de scène. Le technicien se relève, les cheveux pointés vers le ciel. Il réinstalle son lustre vite fait, commence à s’en aller et, à peine parti, le lustre tombe. Il le réinstalle.

Jean-René, passant la tête. — Ils sont toujours là !

Jean-Marc, passant la tête. — Bon ! Il va falloir leur dire que cela ne va pas être possible. On va tirer à la courte pâte !

Jean-René. — Tu veux dire à la courte paille ?

Jean-Marc. — Oui, c’est ça, à la courte pâte.

Ils disparaissent.

Scène B1 – La dépression de Sara

Le technicien, Sara, Jean-Étienne

Une comédienne, l’air abattu, entre par la porte de la salle. Elle voit le public mais ne réagit pas. Elle monte sur scène et passe derrière le technicien qui la voit.

Le technicien. — Ben, ma petite Sara, ça n’a pas l’air d’aller…

Sara, pleurant et tombant dans ses bras. — Gabriel vient de me quitteeeeeer !

Le technicien, retirant son casque. — Quoi ?

Sara. — Gabriel m’a quittéééééée !

Le technicien remet son casque pour éviter les cris, puis le retire.

Le technicien. — Ah ! je croyais que c’était grave…

Sara s’est arrêtée sous le lustre. Le technicien le regarde et déplace Sara de quelques pas.

Sara. — Mais c’est graaaaaave ! Il m’a dit qu’il avait une maîtresse depuis trois mois. Tu te rends compte ? Une maîtreeeeeesse !

Le technicien. — Il avait peut-être envie de retournassiez à l’école.

Sara. — Mais c’est pas drôôôôôôle, en plus elle est institutriiiiiice !

Le technicien. — M’enfin, tu es comédienne, lui est expert-comptable ! C’était comme mettre en couple un tigre de Tasmanie et un chihuahua. Y en a un qui ne demande qu’à chasser le gnou, quand l’autre tombe malade quand tu lui déplaces sa gamelle. Alors, forcément…

Sara. — Mais il n’y a pas de gnou en Tasmaniiiiiie. J’suis pas en état de faire la répétitiiiiiion.

Le technicien. — T’inquiète ! On a encore le temps avant la première, ce n’est pas grave de perdre une journée. Viens, on va leur dire.

Ils sortent. On entend des voix en coulisses. Jean-Étienne rentre sur scène suivi du technicien.

Jean-Étienne. — Ben regarde si tu ne me crois pas !

Le technicien. — Tout ce monde-là pour une répétition ? C’est magnifique !

Jean-Étienne. — Mafimique, mafimique, ben pas tellement !

Le technicien. — Ben pourquoi ?

Jean-Étienne. — Ils pensent être à la première.

Le technicien. — Nan !

Jean-Étienne. — Si !

Le technicien. — Ben ils sont cons ou quoi ? Nan mais faut pas rester là, m’sieurs-dames ! C’est pas maintenant qu’il eut fallu venir. Vous vous êtes gourassé de mois !

Jean-Étienne. — Gouré. On dit « gouré ».

Le technicien. — Ah ! je sais ! Vous me faites une caméra cachée, c’est ça ? Ah non, bien joué ! Nan, vraiment, j’ai failli me laisser eu ! Où c’est qu’y sont, Camille Crotin ou Jacques Croulant ? Ah ! c’est peut-être François de… Il est d’où, déjà, ce con ? D’Amiens ! Où c’est qu’il est, François d’Amiens ? Où c’est qu’elle est, la caméra ? (Il cherche la caméra. Jean-Étienne vient lui dire un mot à l’oreille.) Nan ?

Jean-Étienne. — Si !

Le technicien, moins fort. — Nan ?

Jean-Étienne, moins fort. — Si !

Le technicien. — Oh ! les cons ! (Il sort en criant.) Euh… Sara, finalement je crois que tu ne vas pas pouvoir rentrer chez toi.

Échanges verbaux en coulisse. Sara rentre sur scène, tête baissée, abattue. Le technicien et Jean-Étienne sont rentrés sur scène au bord des coulisses. Sara s’arrête centre scène et regarde le public.

Sara. — Il m’a quittéééééééée !

Elle se met à pleurer,...

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