Ce texte est une réécriture de CENDRILLON OU LA PETITE PANTOUFLE DE VERRE de Charles Perrault, on y retrouve l'histoire et certains personnages en filigrane. En outre, les titres des scènes font directement référence au conte original.
1. Aujourd’hui, il n’y a pas que la mort qui sépare
(Salon, petit déjeuner, Hélène en déshabillé ; bruit de sonnette)
Hélène :
Oui
Sandrine :
Bonjour
Je
Alexandre est là
Hélène :
Vous êtes
Sandrine :
Il est là ou pas
Hélène :
Pas très polie visiblement
Sandrine :
Pardon
Sandrine
Hélène :
Sandrine
Sandrine :
Sa fille
Hélène :
Sa fille
Sandrine :
Oui
Hélène :
Ah
Sa fille
Bonjour
Je suis Hélène
Sandrine :
Hélène
Hélène :
Oui
La femme de votre père
Sandrine :
Ah oui
Mais
En fait
Je ne savais pas votre prénom
Je ne l’ai jamais su
Hélène :
Je me doute
Sandrine :
Ah oui
Hélène :
Filtre maternel
Sandrine :
Heu
Hélène :
Entrez
Alexandre est dans la salle de bain
Sandrine :
Oh vous en êtes encore au p’tit-dej’
Je suis désolée si j’avais su
Hélène :
Je vous en prie
Un petit-déjeuner un dimanche à dix heures c’était très peu probable
Sandrine :
désolée
Hélène :
Poulet
Tu peux venir s’il te plait
Sandrine :
Je suis confuse
Hélène :
Faut pas
Sandrine :
J’aurais dû téléphoner
Hélène :
Ça effectivement
Sandrine :
Mais c’est un peu compliqué en ce moment
Hélène :
De téléphoner
Sandrine :
Non
De faire des choses
Tout court
Hélène :
Ah
Sandrine :
Donc voilà
Hélène :
Poulet
Voix d’Alexandre :
Salle de bain
Hélène :
Je sais poulet mais là ça me semble important que tu viennes
Sandrine :
Je tombe mal
Hélène :
Pensez-vous
Voix d’Alexandre :
C’est quoi le problème
Hélène :
Trois fois rien
Sandrine :
Il ne doit pas s’attendre à me voir
Hélène :
Il s’en remettra
Voix d’Alexandre :
Si c’est trois fois rien ça devrait pouvoir attendre
Hélène :
Viens quand même
(Alexandre râle ; il apparaît en serviette)
Alexandre :
Alors c’est quoi
Sandrine :
Bonjour Papa
(Un temps)
Alexandre :
Comment elle est entrée
Sandrine :
Moi aussi je suis contente de te voir
Hélène :
Elle a sonné comme n’importe quelle personne civilisée
Sandrine :
Papa bonjour
Alexandre :
Et tu lui as ouvert toi
Hélène :
Bah j’ai ouvert simplement comme on ouvre quand ça sonne
Tu voulais quoi
Sandrine :
Bonjour
Alexandre :
Mais tu ouvres à n’importe qui
Ça serait un cambrioleur tu ouvrirais grand la porte
Hélène :
Poulet je pense que tu recommences avec le déni digressif
Sandrine :
Heu
Je suis là
Alexandre :
N’importe quelle greluche débarque en disant je ne sais quoi et toi tu ouvres
Comme ça
Sandrine :
Greluche
Alexandre :
Tu veux pas lui offrir un panier garni aussi
Hélène :
Non mais tu vas te calmer
Je n’y suis pour rien
Ça sonne j’ouvre c’est tout
Pas de quoi se mettre dans cet état
Sandrine :
Hello
Alexandre :
Mais quel état merde
Tu me fais venir à poil pour ça
Hélène :
Ecoute je crois vraiment que c’est pas le moment de parler de ça
Alexandre :
Mais si justement c’est le moment
On est tranquille
On est dimanche
Tu traînes en déshabillé avec ton thé au jasmin et moi je suis à poil dans la salle de bain et toi tu ouvres et tu fais entrer cette cette
Sandrine :
Cette
Hélène :
Excusez-le Sandrine il est dans un processus psycho-régressif tout à fait courant
Sandrine :
Vous êtes psy
Hélène :
Non
Styliste
Alexandre :
Allez moi je retourne dans ma douche et toi tu lui dis de foutre le camp
Sandrine :
Papa on s’est pas vu depuis dix ans tu pourrais pas
Alexandre :
Et dis-lui de fermer sa gueule
Sandrine :
Maman est morte
(Un temps)
Hélène :
Poulet
Si tu veux utiliser tes bras noue d’abord ta serviette
Sandrine :
La semaine dernière
Incinérée cette semaine
(Elle sort une urne de sa valise)
Elle est là
Maman je te présente Hélène
Hélène :
Bonjour madame
Sandrine :
Et tu te souviens de Papa
Hélène :
Poulet
Tu dis bonjour
Alexandre :
C’est quoi ce bordel
On peut même pas se reposer le dimanche
Sandrine :
Oui Maman il n’a pas changé
Hélène :
Ça
Je vous le certifie
Alexandre :
Impossible
Im
Po
Ssible
Hélène :
Toutes mes condoléances au fait
Sandrine :
Merci
Alexandre :
Impossible de se poser quoi
Hélène :
Vous voulez un café
Sandrine :
Ça ira
Alexandre :
Mais pourquoi t’es là
Sandrine :
Papa
Maman est morte
Hélène :
Oui Poulet c’est évident
Sa mère est
Alexandre :
Oui c’est bon j’ai entendu
Hélène :
Bon
Alexandre :
Mais pourquoi
Tu es
Là
Tu pouvais pas
Sandrine :
Appeler
Alexandre :
Par exemple
Sandrine :
T’aurais répondu
Alexandre :
Non
Sandrine :
Bah voilà
Hélène :
Bon bah moi je vais finir mon petit-déjeuner dans la cuisine
Alexandre :
Tu finis rien du tout dans la cuisine
Tu finis ici
Tu t’affales sur le canapé car c’est dimanche et qu’on se repose
Je retourne à poil dans la douche et après on ira
On ira
Hélène :
On ira
Alexandre :
On ira en forêt
Sandrine :
Toujours alors
Hélène :
En forêt
Avec ce temps
Alexandre :
Je dois prendre l’air
Hélène :
Et si simplement tu t’asseyais et que tu écoutais ce que Sandrine
Ta fille
Et
Ce qu’il reste de ton ex-femme
Ont à te dire
Sandrine :
Ça serait cool
Alexandre :
Pourquoi t’es venue putain
Tu connais pas les faire-part de décès
Ou même les mails
Les cartes électroniques
Les
Les
Les e-faire-part
Hélène :
Ça existe pour les décès
Sandrine :
Non je ne connais pas les e-faire-part
Je connais mes pieds qui sont venus jusqu’ici et qui pourraient bien finir dans tes fesses
Alexandre :
Non mais tu as vu comment elle me parle
Hélène :
Oui si vous commencez à le menacer là je ne suis plus d’accord
Alexandre :
Mais bon sang
Ta mère est morte
OK
Je suis désolé
OK
Mais c’était
Une
Enfin
Sandrine :
Une connasse
Alexandre :
Voilà
Sandrine :
Ecoute
Tu as remarqué je t’ai pas invité aux funérailles
Je voulais pas
Si c’était pour entendre ça je voulais pas
Mais j’ai un autre problème
Alexandre :
Oui tu as un problème
Et il est enfermé dans une petite boîte en ferraille
Sandrine :
La proprio m’a expulsé
Hélène :
Oh je suis désolée
Alexandre :
La garce
Sandrine :
J’ai nulle part où aller
Alexandre :
La salope
Hélène :
Poulet
Le langage
Sandrine :
J’ai pas trop réfléchis
J’ai fait mon sac
Quelques vêtements
Ma trousse de toilette
Et Maman bien sûr
Alexandre :
Putain c’est pas vrai
Sandrine :
Je me suis dit que peut-être
Maintenant que Maman est morte
On pourrait
Enfin
Je le fais pas de gaité de cœur
J’ai personne
Je vois pas ce que je peux faire d’autres
Alexandre :
Et juste bosser et te payer un appart
Tu as trente balais tu ne fais rien dans la vie
Sandrine :
C’est compliqué de bosser en ce moment
Hélène :
On comprend
Alexandre :
Non on comprend rien
Putain
Même après sa mort elle arrive à me faire
Hélène :
Langage
Alexandre :
Suer
Sandrine :
Ça sera pas pour longtemps
Je suis seule
Perdue
Et
(Elle se met à pleurer en marmonnant des choses incompréhensibles)
Hélène :
Mais bien sûr qu’on va vous accueillir
Alexandre :
Hors de question
Hélène :
Mais si
Alexandre :
Et où
Hélène :
Bah ici
Le canapé est suffisamment grand
Alexandre :
Mais enfin
Hélène :
C’est décidé
Tu ne vas pas la laisser à la rue
Alexandre :
Mais Poupoule
Hélène :
Y a pas de poupoule qui tienne
C’est ta fille
Elle est en train de pleurer et de geindre sur ton ex-femme dans notre salon
Tu crois qu’on va la laisser tomber
Alexandre :
Bon
Hélène :
Allez
File sous la douche
C’est décidé
(Alexandre sort en grommelant)
Sandrine :
Merci
Hélène :
Seule au monde hein
Sandrine :
Oui
Hélène :
À d’autres
Y a toujours une pote avec un sofa
Tu viens pas pour ça
Sandrine :
Mais madame
Hélène :
Hélène
Sandrine :
Pardon
Hélène :
Tu veux quoi en fait
Sandrine :
Renouer
Hélène :
Je me doute
Alors c’est d’accord
Mais attention
Je veille au grain
Si tu caquettes trop fort je te vole dans les plumes et exit du poulailler
Capito
Sandrine :
Capito
(…)
Voix de Mamy :
Oui Alexou c’est Mamy
C’était pour te dire que j’ai eu ton message mais j’ai pas tout compris tu sais à cause de mes machins dans les oreilles ils ont des piles et faut les remplacer et là ça marche plus
Alors j’ai pas tout compris tu disais que Sandrine est chez toi
C’est sans doute pas ça mais si tu as des nouvelles tiens-moi au courant
Ça sert à rien de m’appeler cet après-midi je serai avec Maryvonne au scrabble jusqu’à six heures et après je débranche le téléphone parce que même si je l’entends pas j’ai toujours...