la Transparence ou la Roue de la fortune

Un jockey (Fabrice) est assis dans un fauteuil roulant dans son salon. Parmi ses trophées, se trouve une sculpture contemporaine qui lui a été offerte par un sculpteur (Arno), turfiste chanceux. Fabrice raconte leur rencontre, leur amitié et leur initiation à des milieux si différents. On entre ainsi dans les coulisses des hippodromes et dans le secret des créations en atelier. Survient un drame dont ils se sentent responsables et qui va les séparer et modifier leur vie à tout jamais. Se retrouveront-ils ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

     

 

 

 

 

 

 

 

 

Un jockey (Fabrice) dans un fauteuil roulant. Près de lui, avec ses trophées : une sculpture contemporaine que lui a offert un sculpteur (Arno). Devenus amis ils s’initient mutuellement à leurs milieux respectifs.

 

Intro. Séquence 1

Un jockey dans son salon, sur un fauteuil roulant. On sait qu’on est chez un jockey par la déco courses et les trophées. Il s’adresse à une sculpture

  • Tu te sens toujours bien là, au milieu de tous ces trophées ? Tu es unique, toi. Tu n’es pas une récompense, tu es un gage d’amitié. Tu as été faite en pensant à moi, pour moi. Arno voulait qu’on soit amis. Quand il est venu avec toi, je n’ai pas bien compris. Je n’avais jamais vu de sculpture d’aussi près. J’en avais vu dans les musées, comme tout le monde. J’en avais aperçu dans des parcs mais je ne m’étais jamais arrêté, jamais posé de questions, jamais demandé pourquoi elles étaient là, qui les avait créées. Elles décoraient. C’est tout. Et puis, tu es arrivée avec Arno. Il a dit :

« Je voulais vous remercier. Grâce à vous, j’ai gagné assez d’argent pour faire des travaux dans mon atelier. Je vais pouvoir travailler sans m’angoisser. »

Et il t’a posée là, où tu es encore aujourd’hui. C’était bien la 1ère fois qu’un turfiste me faisait un cadeau parce qu’il avait gagné de l’argent aux courses. D’habitude, à la fin d’une course, les gens applaudissent quand ils gagnent ou nous insultent s’ils ont perdu. Ils considèrent toujours que c’est de notre faute. Nous, on a la chance d’être à cheval, donc de les dominer. Alors on esquisse un sourire ou on discute avec le lad qui mène le cheval à l’écurie, histoire de ne pas les entendre, de ne pas subir une double peine : perdre et se faire insulter.

 

Il se tourne vers le public

Je lui ai offert un verre au sculpteur. Je savais pas trop quoi lui dire. Lui, il regardait les photos de mes exploits. Les trophées aussi, il les a regardés sans faire de commentaires.

« Ça me fait tout drôle d’être chez un jockey, de voir toutes ces photos. Quand j’étais petit, j’allais au PMU tous les dimanches avec mon père pour faire son tiercé. Il discutait avec des gars, toujours les mêmes. Y en avait toujours un qui étalait un journal, le Paris Turf sur une table et qui faisait des calculs et des commentaires. « Faire le papier », ils appelaient ça. Quand ils hésitaient entre 2 n°, ils me demandaient de choisir. Quelquefois, ça marchait. Enfin, tout ça pour dire que je joue aussi. Mais je suis jamais monté sur un cheval. C’était pas un sport pour des gens comme nous, les gens des HLM. »

Moi non plus, j’étais pas un gosse de riches mais le cheval, j’avais ça dans le sang depuis que j’avais fait du poney chez ma grand-mère pendant les vacances. Après, comme mes parents étaient épiciers et qu’ils avaient pas trop le temps de s’occuper de moi, je me suis mis à trainer dans la cour d’un cercle hippique à côté de chez nous. Comme j’étais tout le temps dans leurs pattes, les gens du cercle ont fini par m’apprendre à monter en échange de petits services. Je faisais un peu le larbin pour tout le monde mais je m’en foutais : j’étais avec les chevaux. J’aimais l’odeur du crottin, leur chaleur sous la main, la douceur de leur peau veloutée autour des naseaux. Et le pansage ! Les étriller, les brosser ! Là on se rend compte que c’est vraiment grand un cheval !  Et curer les pieds ! Pas sans une petite appréhension. Il fallait faire les bons gestes pour prendre la jambe et faire accepter au cheval d’être en déséquilibre et ne pas le blesser en nettoyant sous le pied.  C’était un moment d’intimité. Comme je lui parlais, il tournait la tête vers moi et me poussait un peu. C’était une sorte de jeu. Alors, en 4e, mes parents m’ont inscrit dans une école spécialisée qui prépare aux métiers des courses. Et c’est comme ça que je suis devenu jockey.

Bon, c’est un peu un raccourci comme CV, mais on n’était pas là pour que je lui raconte ma vie ! D’ailleurs, il m’a dit qu’il devait partir, qu’il avait un rendez-vous dans une usine qui lui coupait des tubes de métal. Je me suis rendu compte qu’on avait surtout parlé de moi, que j’avais même pas posé de questions sur sa sculpture. Pourquoi des tubes en métal ? Elle représentait quoi exactement ? Pourquoi il l’avait posée à cet endroit en disant que là, elle serait transparente ? J’ai bien vu qu’il avait envie d’en parler, mais, bon, c’était trop tard. Il avait un rendez-vous et je devais repasser à l’écurie.

On a dit qu’on restait en contact, qu’on essaierait de se voir un jour aux courses. Et là, il a dit :

« Ou dans mon atelier, si ça vous intéresse ! »

Il s’adresse à nouveau à la sculpture

  • Sur ce, il est parti et toi et moi, on a commencé notre tête à tête. J’ai pris l’habitude de te regarder à toutes les heures du jour. Je ne t’ai jamais changée de place, même si, au début, je trouvais que tu n’allais pas avec le reste. Petit à petit, je t’ai trouvée presque belle, puis belle, puis très belle. J’ai pris ta défense devant les commentaires de mes visiteurs qui te critiquaient. J’ai pris l’habitude de te dire un mot, en...

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