Cosmos

“Cosmos” est un rêve d’espace. Une tentative d’abattre les murs.

Dans une partition chorale entièrement féminine, se croisent les destins de trois pilotes d’avion américaines dans les années 1960, testées en secret par la NASA pour devenir astronautes — et les parcours de deux astrophysiciennes, en France aujourd’hui, qui enquêtent sur les grands cycles de l’univers.

Ensemble, les héroïnes de cette fiction qui s’inspire du réel déplacent notre rapport au temps et à l’espace, proposant une cartographie du vivant où « rien ne commence ni ne se termine avec nous ».

Se mêlent dès lors, l’histoire intime des combats de leur vie et l’histoire d’une époque pas si lointaine, posant sensiblement, les questions de la rareté de la vie et de la transmission des rêves d’une génération à l’autre.

Et si l’enjeu de nos existences était de permettre, à celles et ceux qui viendront après nous, d’accomplir ce qui semble aujourd’hui impossible ?




Cosmos

1/ L’espace, qu’est-ce que c’est ?

Domi

En fait, pour démarrer…

Bon, déjà, en français, je suis pas certaine de réussir à tout bien expliquer…

Me llamo Dominique Joannon… Je m’appelle Dominique Joannon.

Je suis chercheuse en astrophysique.

Moi, mon domaine de spécialité, c’est le cycle de vie et de mort des étoiles jeunes…

Enfin, jeunes, tout est relatif quand on commence à parler d’espace…

Une chose avant de continuer, c’est important de se mettre d’accord sur ce qu’on veut dire quand on dit « espace » :

L’espace, qu’est-ce que c’est ?

Souvent, les gens, ils disent l’espace… dans l’espace… c’est la Station spatiale internationale.

Mais ça c’est pas…

C’est à 300 kilomètres de nous, c’est… la distance de Paris-Bruxelles.

C’est pas l’espace, pour moi.

C’est juste la Terre, l’environnement terrestre.

Le système solaire… c’est déjà un petit bout d’espace.

Quand on envoie le James Webb Telescope, par exemple, à 1,5 million de kilomètres, c’est déjà pas mal.

On pourrait pas justement envoyer des astronautes là-bas, c’est trop loin.

Mais enfin, ça reste le système solaire.

C’est l’espace, évidemment, mais c’est vraiment chez nous encore.

L’espace, pour moi, c’est quand on commence à arriver aux premières galaxies. Par exemple, la galaxie d’Andromède.

Ça, ça commence à être l’espace !

C’est à 2 millions d’années-lumière, déjà…

Mais ça reste quand même la banlieue, Andromède.

C’est qu’une seule galaxie.

Et des galaxies, on sait qu’il en existe 2 billions…

Je ne suis pas enrhumée, hein…

Donc deux fois mille milliards de galaxies… ça fait relativiser…

Alors, la Station spatiale ou aller faire un petit tour dans l’espace comme les touristes, c’est pas l’espace, pour moi…

C’est très près, c’est comme prendre l’avion.

C’est plus rapide d’aller sur la Station spatiale internationale que de rentrer chez moi au Chili.

Chile, nous on dit, Chile

Ça vous dit quelque chose ? Le Chili.

C’est ce pays d’Amérique latine, comme ça, tout en longueur…

En fait, c’est un peu une île, le Chili, parce que d’un côté il y a la cordillère des Andes, et de l’autre il y a l’océan Pacifique…

Si on va au nord, il y a le désert, l’Atacama…

Et au sud, c’est la glace, c’est l’Antarctique…

Donc pour s’échapper, pour s’évader…

Et pendant la dictature, c’était une question de survie, tu es obligé de regarder comme ça… Le ciel.

Et en fait, au Chili, il y a cette particularité du ciel… très limpide…

C’est pour ça qu’il y a les grands observatoires, c’est là où je travaille.

Alors bien sûr c’est beau, c’est époustouflant, la beauté même à l’œil nu, mais moi ce qui m’a surtout marquée quand j’étais petite, c’est le rapport au temps dans l’observation des étoiles.

Et je sais que d’une certaine façon, ça a déterminé ma passion et donc mon métier.

Avec ma grand-mère, la nonna…

Parce que je vivais avec la nonna…

Le soir, on s’installait sur la terrasse, comme ça.

On regardait le ciel et elle me disait :

« Tu vois, Domi, regarder le ciel, c’est à la fois regarder le passé et le futur…

Parce que la lumière qu’on voit, elle a mis parfois des millions ou des milliards d’années à nous parvenir.

Elle a traversé le temps et l’espace pour que toi et moi, assises ensemble, on puisse la voir… »

Je disais : « OK nonna, je comprends pour le passé, mais pourquoi le futur ? »

« Parce que, ma chérie, dans le ciel, il y a tous les mystères qu’il nous reste à découvrir.

Mais ça, seul le temps nous le dira. »

Le temps…

On a l’impression que c’est une donnée stable, fiable, mais en fait, quand tu t’intéresses à l’espace, tu te rends compte que pas du tout.

On parle beaucoup du temps quantique, ces dernières années, et c’est vrai, on fait beaucoup de découvertes.

D’ailleurs, même le grand public commence à savoir qu’il peut y avoir des courbures dans l’espace et le temps.

Comme dans Interstellar, tu reviens sur terre, et pour toi il s’est passé six mois, mais ta fille a 96 ans…

Mais ce que je pense, c’est qu’on n’est pas obligé de traverser l’espace pour faire des expériences quantiques du temps…

On peut en faire une tous ensemble, là, maintenant.

Je crois que l’amour.

Je vais continuer en espagnol.

Elphège, tu peux me traduire ?

Yo creo que el amor

El amor profundo nos permite tener una experiencia cuántica.

Elphège

Je crois que l’amour

L’amour profond nous permet d’éprouver une expérience quantique.

Domi

Pensez à la personne que vous avez le plus aimée dans votre vie.

Ça y est, vous l’avez ?

Pour moi, c’est ma grand-mère.

Con mi nonna, dormíamos juntas todas las noches y yo le decía

Elphège

Avec ma grand-mère, on dormait ensemble toutes les nuits et moi je lui disais

Domi

Te lo suplico, nonna, no me abandones.

Y si un día te mueres, quiero meterme en tu ataúd…

Elphège

Je t’en supplie, grand-mère, ne m’abandonne pas.

Et si un jour tu meurs, je veux te suivre dans ton cercueil…

Domi

Creo que el amor desafía al tiempo.

Elphège

Je crois que l’amour défie le temps.

Domi

Por ejemplo, esa persona puede estar muerta hace veinte, treinta años atras…

Nonna, por favor, dejame contarlo…

Elphège

Par exemple, cette personne peut être morte depuis vingt ou trente ans…

S’il te plaît, grand-mère, laisse-moi le raconter…

Domi

Algo del dolor… y por tanto del amor sigue intacto.

Elphège

Il y a quelque chose de la douleur… et du coup de l’amour qui reste intact.

Domi

Creo que lo que trato de decirles, es que por eso quise trabajar el tiempo…

Los ciclos, pero en una escala distinta a la del tiempo de mi vida terrenal.

Elphège

Je crois que ce que j’essaye de vous dire, c’est que c’est pour ça que je travaille sur le temps. Les cycles… Mais à une échelle différente que le temps de ma vie terrestre.

Domi

Me libera pensar que, como las estrellas, sé que todo es parte de un ciclo que no comienza ni termina conmigo, ni con mis padres o mis hijos.

Elphège

Ça me libère de penser que, comme les étoiles, je sais que tout fait partie d’un cycle qui ne commence et ne se termine ni avec moi, ni avec mes parents, ni avec mes enfants…

Des coups sont portés au mur.

Le mur explose.

Par la fissure dans la paroi entrent trois astronautes qui rejouent les premiers pas de l’humanité sur la Lune en apesanteur. Puis, ils enlèvent leurs casques d’où sortent des chevelures infinies, surréalistes. On dirait des sirènes. Elles ont des écailles irisées au cou.

2/ Go for landing

Wally apparaît dans une lumière boréale. C’est une vieille dame qui se déplace lentement, mais elle est vive pour son âge. On le voit dans la malice des yeux, dans la grâce des mains qui s’animent lorsqu’elle parle.

Crachins de radio.

Old Wally

La première chose que je fais quand je rentre dans un espace…

C’est regarder où je vais pouvoir me suspendre.

Je regarde où sont les prises. Et très vite je grimpe. J’ouvre une voie.

Je trouve le chemin vers la hauteur.

Les autres s’éloignent.

Ils restent là sur le plan normal de ceux qui vivent en deux dimensions.

Moi je vais me percher.

Je vais où l’air a un autre goût.

Radio

This is Apollo control.

The situation is go for landing.

Repeat again, we are go for landing.

Old Wally

La première fois que j’ai volé, j’avais 9 ans.

C’était un avion sans habitacle fermé, des lunettes et c’est tout…

Je me rappelle le vent dans mes cheveux.

Je me rappelle m’être dit « je fais partie du vent ».

Et puis, il y a eu mon premier vol en solo à 15 ans.

J’ai obtenu mon brevet de pilote à 17.

Woman on radio

Roger.

You’re five by Jim. We’re sailing free.

Okay, Jim. How do you read ? Over.

Jim

I read you loud and clear.

You sound beautiful.

Old Wally

Dans le ciel.

Je peux aller où je veux.

J’ai des ailes.

Woman on radio

Okay. Seven, six percent. Pretty fast.

Old Wally

Je me suis toujours dit que si quelqu’un devait un jour aller dans l’espace.

Ce serait moi.

3/ Notre histoire commence

Jane

On peut se mettre d’accord sur le fait que ça commence aux États-Unis.

Jerrie

Bon, ça c’est sûr.

Jane

Le début, c’est ça :

On est à la toute fin des années cinquante.

En 1957 exactement…

Jerrie

J’ai dix ans d’écart avec Wally, et dix ans d’écart avec Jane.

Wally

Si vous avez pas compris, on est toutes les trois pilotes d’avion.

On n’est pas au sol. On est dans le ciel. On vole.

Jerrie

On s’est croisées à des meetings, des démonstrations d’aviation.

Saluées de loin mais c’est tout.

Wally

Parce que le milieu de l’aviation est petit...

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