100 monologues prêts à jouer – performance ready

Genres :
Thèmes : · · · · ·
Distribution :

Des tranches de vie, des instants en famille, des escapades au magasin de bricolage, des moments de solitude face aux ordinateurs, des questionnements de couple, de drague, de sexualité ; sur les hommes, les femmes, leurs choix, et leurs idéaux politiques…
Ces monologues couvrent un large éventail de situations de la vie quotidienne, offrant aux actrices et acteurs l’opportunité d’explorer la psychologie humaine et tous ses recoins amusants, touchants, ou détestables. Indépendants les uns des autres, ils fournissent un matériel riche et diversifié pour celles et ceux qui souhaitent travailler sur scène ou à l’image. Traduits et adaptés en anglais* par l’auteur, ils sont conçus pour être accessibles à toutes et tous, hommes et femmes.

Scenes from life, family time, trips to the hardware store, moments of solitude in front of the computer, questions about relationships, dating, sexuality, DIY; questions about men, women, their choices and their political ideals . . .
These monologues cover a wide range of everyday situations, giving the actors the opportunity to explore the human psyche in all its funny, touching and uncomfortable aspects. These stand-alone monologues provide rich and varied material for those wishing to work on their acting for stage or screen. Translated and adapted into English* by the author, they are meant to be accessible to all, men and women alike.




100 monologues prêts à jouer

  1. Nouvelle ère

Il n’y a aucune raison de s’inquiéter. Ce sont des choses qui arrivent. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère. Nous sommes simultanément dans le présent et ici ; ici et nulle part ailleurs. Donc sourions autant que possible, la chance sourit aux gens lumineux. Dansons autant que possible, et nous ferons danser le monde jusqu’à l’extase. Ne nous emmerdons plus avec le passé. On a beaucoup mieux à faire avec l’avenir. Et on ne laissera personne nous voler notre temps. On ne vend rien. On ne donne rien. On offre tout. Nous savons d’où nous venons et où nous sommes. La réalité se trouve au nord, et le nord est à l’opposé de notre main droite. Il nous suffit de faire ce qui nous semble être le bon choix pour nous. Ensemble, nous serons forts ; divisés, nous périrons. Gardez ça à l’esprit.

  1. La tarte aux fraises

La recette de la tarte aux fraises ? Super simple : tu prends de la tarte, des fraises, et tu as une tarte aux fraises. Moi je cuisine comme ça. Hop hop hop, super efficace, t’as plus qu’à déguster. Non, en fait j’ai passé mon après-midi à la préparer, cette tarte, j’ai refait quatre fois la pâte sablée, parce qu’elle s’effritait, j’arrivais pas à la mettre dans mon plat à tarte, jusqu’à ce que je comprenne que ce n’était pas grave et qu’il fallait simplement plus ou moins l’étaler directement dans le plat à tarte… Et après je l’ai trop cuite, puis pas assez cuite, puis juste assez cuite et je me suis attaqué·e à la crème pâtissière. Et comme son nom l’indique, faut être pâtissière pour faire cette crème. Tu l’auras compris, ce n’est pas du tout mon cas. Je n’ai rien d’une tapissière, même pas un tablier ni le rouleau à tapisserie, à pâtisserie, oui, tapissier non plus. Si tu veux que je refasse de la tapisserie chez toi, laisse tomber, je ne suis pas le bon numéro. Je déteste le bricolage, mais je m’égare. J’espère que tu vas aimer… En plus on a de la chance, j’ai pensé à mettre les fraises, et je t’assure, ça non plus c’était pas gagné. Parce que faire pousser des fraises, c’est long ! En tous les cas, je te remercie d’avoir accepté mon invitation et j’espère avoir été à la hauteur, parce que comme tu peux t’en apercevoir j’ai tout donné et je ne suis pas du tout stressé·e. Ça me fait plaisir de te voir sourire à mes conneries.

  1. Les paramètres

Je ne t’entends pas… Tu m’entends, toi ? OK, faut que tu regardes dans les paramètres. Regarde dans les paramètres de ton ordinateur. T’es Mac ou PC ? T’es Mac ? Fais oui ou non de la tête. T’es Mac ? Non, OK, donc tu es sur PC ? Non ? Bah si, tu es forcément sur Mac ou sur PC. Il y a une pomme sur ton ordinateur… Non, pas une pomme à manger, un logo de pomme. OK, s’il y avait, tu le saurais. Donc tu dois être sur PC. Alors, va dans le menu « Démarrer ». Tu vois où c’est ? Oui ? Non ? Je comprends pas. Oui, OK, donc tu cliques sur le menu « Démarrer » et tu vas chercher dans tes paramètres. Tu vois où c’est, les paramètres ? Non ? Oui ? Je ne comprends pas… Fais signe de la tête… Une petite roue dentée ? Non ! Quand tu fais non, fais vraiment non, parce que des fois on dirait oui, on n’est pas bien sûr ! Alors, tu dois avoir un petit champ de recherche, en haut normalement, tu le vois ? Super. Clique dedans et tape « paramètres ». Tape « paramètres ». « Paramètres. » Avec ou sans « s », on s’en fout. OK, tu vois la roue dentée ! Top ! Clique sur « Ouvrir » et là ça ouvre une fenêtre… Tu la vois, la fenêtre ? Elle est ouverte. Oui ? Non ? Une fenêtre, c’est une sorte de… je sais pas, moi, pourquoi ils ont appelé ça « fenêtre », c’est complètement idiot. OK, en fait je pense qu’on va s’appeler, hein ? On n’a pas besoin de se voir pour se parler, de toutes les façons. Ça te va ? On s’appelle ? Je t’appelle. Oui, allume ton téléphone portable. Et tu décroches, OK ? Je t’appelle !

  1. Technologie

Allô ? Bonjour, Yann ! Merci de prendre des nouvelles… Oui, je vais mieux, merci… Oui… Oui… Je sais… J’ai été malade pendant très longtemps, et j’ai hâte de retourner au bureau !… Oui… dites-moi ! Oui. Je sais. Oui… Oui… Je comprends… Oui… Oui… Non… Bien sûr que non… Je comprends… OK… Oui… Non… Oui… Oh… Oui… OK OK OK… Oh… Oh… Oh oh oh ! Quoi ? Qui a dit ça ? John ? John a dit ça ? Mais ce n’est pas vrai !… Et Barbara ? et Suzanne ? Oh ! Thomas a dit ça aussi ! Waouh ! Je n’en reviens pas… OK… OK… oui… oui… quoi ? Vous voulez dire… je suis viré, genre viré ? Vraiment viré. Mais… Yann… Vous ne pouvez pas faire ça… Je sais, je sais… Attendez, attendez… Allô ? Allô ? Il m’a viré ! Au téléphone ! Au téléphone, putain !! J’ai été viré par téléphone portable, bordel de merde ! MERDE ! JE VOUS EMMERDE TOUS ! Je vous hais ! Je hais les téléphones ! (Il jette son téléphone par terre et saute dessus.) JE HAIS LA TECHNOLOGIE !!!

  1. Garfield et Snoopy

C’est la guerre. Il l’a dit. Six fois. Il a dit six fois « Nous sommes en guerre ». Et quand le président [des Français] dit « Nous sommes en guerre », il veut que tout le monde comprenne « Faites des réserves et planquez-vous ! » Donc nous, qu’est-ce qu’on va faire ? [Laisser les Français être les seuls survivants ? Certainement pas !] On va faire des réserves, et on va s’enfermer [comme les Français]. Il faut qu’on tienne pendant un an. Oui, un an, pas un mois, pas deux mois ! Un an. Alors j’ai calculé. Il nous faudra 150 boîtes de conserve de 500 grammes, 100 kilos de viande, 100 kilos de poisson. Faudra acheter 50 litres de savon et, le plus important, 500 rouleaux de PQ. Y a une époque, on pouvait se torcher avec du papier journal ; maintenant, avec les portables, on est foutus ! On fera pousser les légumes dans des grands bacs qu’on mettra dans la chambre de Pierre et on mettra deux congélateurs dans la chambre d’Émilie. Bon, il reste le cas de Garfield et de Snoopy. Je ne sais pas si on aura la place pour leur réserve de croquettes. On a donc deux solutions. On peut décider de leur rendre leur liberté, et espérer les retrouver quand on aura traversé cette guerre. Ou alors, on les cuisine. Bah non, Émilie, pleure pas ! C’est pas grave. C’est la guerre. Et, pendant la guerre, on mange des chats et des chiens ! Arrête de pleurer, je te dis !

Note : Les passages entre crochets sont optionnels.

  1. Juste l’embrasser

C’est pas parce que je peux être seul avec elle que tout va être réglé. C’est pas si facile. OK, elle est à dix pas de moi, c’est un signe, d’accord, mais les dix derniers c’est les plus durs à faire ! Je suis désolé, j’ai juste envie de l’embrasser, pas de lui parler. Je sais pas quoi lui dire ! Et je peux pas arriver comme ça… Émilie, j’ai envie de t’embrasser. Non, je pourrais pas, va falloir que je fasse diversion. Que je parle d’autre chose. C’est pas facile, putain, de dire à une fille qu’on veut l’embrasser sans qu’elle ait l’impression qu’on veut forcément plus… Je vais pas y arriver… Je vais pas y arriver, va falloir que je démarre par autre chose. Faut bien démarrer par quelque chose, non ?

  1. Le pouvoir d’achat

Tu veux savoir pourquoi je pars ? Parce que moi, je crois en l’amour. Même mieux : je crois au pouvoir de l’amour. Et j’ai envie de vénérer l’amour comme d’autres vénèrent l’argent, je veux qu’on s’envahisse d’amour comme d’autres envahissent des pays, je veux qu’on se bombarde d’amour. J’ai envie que l’amour dépasse les frontières, les genres, les orientations sexuelles, les religions, les convictions. Et je n’en peux plus de ces discours politiques à deux balles : aider les plus faibles, taxer les riches, accueillir les miséreux, abolir les privilèges, consommer bio, écolo, industriel, empaqueté, zéro déchet, en vrac, je ne veux plus entendre parler de gestion financière, sociale, sanitaire, militaire, on ne parle que de mesures, de loi, de décisions, de pouvoir d’achat ; de pouvoir d’achat ! Moi je suis sûr·e que le pouvoir d’aimer a bien plus d’avenir que le pouvoir d’achat. Quand est-ce que l’amour sera dans les programmes présidentiels ? Oui, je sais tout ça, ça fait discours de bisounours, mais je suis fatigué·e de toutes les conneries qu’on nous demande d’avaler tous les jours. Voilà, voilà pourquoi je pars. Je voudrais que tu partes avec moi. Avec l’argent qu’on a gagné grâce à ce système capitaliste de merde, le meilleur soi-disant qu’on ait trouvé, on se prend une ferme autosuffisante, on cultive nos carottes, on élève nos chèvres et on vit d’amour, de sexe et de vin qu’on aura vinifié nous-mêmes.

  1. Avant le début de la suite

Écoute… Je voulais te dire quelque chose d’important. Pardon si je suis un peu direct… Mais voilà, j’aime la sodomie. Je voulais juste le dire parce que c’est pas évident pour tout le monde ce genre de pratique. D’autant que tout le monde n’aime pas ça. Moi, oui. Je ne savais pas comment m’y prendre pour te le dire ni comment tu le prendrais, au moins maintenant tu sais que tu peux me prendre comme ça. Mais pas d’obligation, hein, c’est juste une information que je te donne pour qu’il n’y ait pas de faux-semblants et qu’on puisse trouver d’autres terrains de jeux et faut pouvoir en parler… Après tout, tout à l’heure, tu m’as dit que tu aimais le maroilles, ça ne m’a pas choqué, donc je ne vois pas pourquoi tu serais choqué de ce que je viens de te dire. C’est vrai, on est au xxie siècle, on est en Occident, on a cette chance-là de pouvoir dire ce qu’on aime, ce qu’on n’aime pas, ce qu’on veut, ce qu’on ne veut pas, et tout ça sans avoir la crainte de se faire emprisonner, torturer ou je ne sais quoi. Du coup, ce serait idiot que tu te prives de me dire que tu aimes le maroilles et moi que je me prive de te dire que j’aime la sodomie. C’est vrai, quoi ! D’autant que la dernière fois qu’on s’est vus, j’ai trouvé frustrant que tu ne me le proposes pas. Et en même temps je ne t’en avais pas parlé, donc comment tu pouvais t’en douter ? C’est pas écrit sur mon front. Et c’est pas non plus très courant. Alors voilà, si par un heureux hasard tu voulais qu’on s’aventure profondément dans cette zone, sache que je suis tout à fait d’accord. Et au cas où, j’ai tout ce qu’il faut pour… dans le deuxième tiroir de ma table de nuit. Mais pas d’urgence ! On peut prendre le temps. Je te sers un autre café ?

  1. Insomniaque

Je sais que tu penses que je traverse une période difficile ces derniers temps… Je veux dire, ces douze derniers mois. Tu penses que Tom et toi, vous êtes faits l’un pour l’autre. Tu penses peut-être que je devrais passer à autre chose. Oui, je sais, je suis mignonne, je suis jeune, je suis intelligente, je suis drôle dans mes bons jours, alors je trouverai sûrement quelqu’un d’autre. Mais c’est pas la question. Tom est à moi. J’en suis sûre. Et parfois, j’ai l’impression que je pourrais te tuer. Et peut-être qu’un jour, je le ferai. Ouais, je te menace. Je veux te faire peur ! Si seulement tu pouvais avoir peur à en crever et devenir insomniaque. Comme moi. Alors, à partir de maintenant, vérifie que tes portes sont bien fermées quand tu vas te coucher ou qu’il n’y a pas de fuite de gaz chez toi.

  1. Les étagères

Oui, bonjour, voilà, je vous explique, je dois poser des étagères sur mon mur, et je ne sais pas exactement ce que je dois prendre. Déjà, j’imagine qu’il me faut une perceuse, hein, pour percer mon mur. Ensuite, il doit me falloir des vis et puis il me faudrait aussi des trucs en forme d’équerre que je pourrais visser dans mon mur et ensuite je pose mon étagère dessus. Et la question que je me pose, c’est est-ce que, avec la visseuse que mon voisin m’a prêtée, je ne pourrais pas directement visser mon étagère dans le mur, ce qui m’éviterait de percer ? Et entre nous, ça m’arrangerait parce que le bruit de la perceuse, ça me dérange, et en plus, on m’a dit que ça faisait beaucoup de poussière et moi j’ai pas envie de devoir faire la poussière juste pour une étagère. S’il faut en passer par là, je veux bien… Mais moi je préférerais ne pas avoir à percer mon mur juste pour deux malheureuses vis, vous êtes bien d’accord, en plus je n’ai pas de perceuse, j’imagine que vous n’en prêtez pas. Donc je peux ou pas les visser directement ?

  1. Avocat chéri

Tu sais que c’est facile de savoir quand quelqu’un te ment ? Non, bien sûr, tu ne sais pas. Alors, je vais t’expliquer un truc. Quelqu’un ment quand il cligne des yeux. Tu vois où je veux en venir ? Tu es en train de cligner des yeux, mec. Donc tu es en train de me mentir. Et j’aime pas les menteurs. Ne le prends pas personnellement. Remarque, je n’aime pas les avocats non plus. Bon, pas tous. Mais y en a, c’est de sacrés menteurs. Tu ne peux pas imaginer ce qu’ils peuvent faire pour se gaver sur leurs clients. Ils sont tellement malins ! Incroyable, tu trouves pas ? En même temps, peut-être que tu ne connais pas d’avocat. Oh ! pardon ! J’avais oublié. Tu es avocat ! Bordel ! C’est vrai ! Je suis désolé·e ! Tu es avocat et tu es mon avocat. Pardon, je suis un peu dur·e des fois. Je ne peux pas dire le contraire. Mais j’ai une excuse. Tu clignes des yeux. Et jamais je n’aurais pu penser qu’un mec qui cligne des yeux pouvait être mon avocat ! Mais voilà ! Mon avocat qui cligne des yeux est un menteur ! Et je n’aime pas ça du tout ! Comment tu as pu me faire ça, après toutes ces années ? C’est la pire erreur que tu aies pu faire. Et donc, maintenant, explique-moi sans cligner des yeux. Concentre-toi. Explique-moi, petit avocat menteur chéri : c’est quoi la suite ? Est-ce que je vais être traîné·e dans la boue à cause de toi, à peine plus important qu’un cafard dans ma vie ? Et je te conseille de ne pas cligner des yeux quand tu réponds !

  1. Réchauffement

Il a plu hier. Il pleut aujourd’hui, il pleut demain, et on rentre après-demain. Tu parles de vacances au soleil ! Sérieusement ! Ça, on oublie de nous le dire : réchauffement climatique ne veut pas obligatoirement dire grand soleil. Ils ont mal choisi le nom. Réchauffement… Quand on dit « réchauffement », il n’y a que moi qui entends chaud, chaleur, qui imagine le soleil, le ciel bleu, les transats, le maillot de bain, les jus de fruits glacés au bord de la piscine et des esclaves qui te font de l’air avec des feuilles de palmier… Oh ! ça va, me regarde pas comme ça… les esclaves, je sais bien que ça ne se fait plus. C’est juste une image ! En tous les cas, pardon, hein, mais quand tu entends « réchauffement climatique », jamais tu te dis pluie, vent, ouragan, orage ô désespoir… Ah ça, on s’est bien fait avoir ! Sur leurs photos, on nous montre l’hôtel sous un beau ciel bleu avec un soleil bien chaud, et ils font bien l’impasse sur la piscine après un typhon. C’est honteux !

  1. Le lama

Alors voilà, j’aimerais m’excuser d’avoir loupé mon rendez-vous de ce matin mais j’avais un lama devant ma porte, un beau grand lama avec des longs poils blancs comme ça et avec des grandes oreilles bien dressées. Il me regardait avec des yeux grands ouverts, on aurait dit qu’il voulait me dire quelque chose… Et il était là, devant la porte de ma maison, et il ne voulait pas bouger. Je lui ai dit « Va-t’en, lama, va-t’en ! » mais il ne devait pas comprendre le français, donc j’ai appelé la police parce que je ne savais pas quoi faire. Et le policier que j’ai eu au téléphone ne m’a pas cru. C’était d’ailleurs très compliqué de le convaincre, parce que moi aussi j’avais du mal à y croire. Mais j’ai insisté parce que je voulais vraiment honorer notre rendez-vous de ce matin et deux policiers sont venus. Ils ont parlé au lama. Mais ça n’a pas marché non plus. A priori c’était un lama du Pérou, mais ça, on l’a su après… Allez savoir comment il est arrivé jusque chez nous. Certainement pas à la nage. En tous les cas, les pompiers ont appelé un spécialiste animalier qui a, lui, réussi à faire en sorte que le lama s’en aille. Il devait parler péruvien, je me suis dit. Tout ça paraît complètement improbable mais pourtant je vous promets que c’est la vérité. Alors du coup, quand seriez-vous disponible pour un nouveau rendez-vous ?

  1. L’ascenseur

Vous n’avez jamais médité dans un ascenseur lent ? Vous devriez, c’est très efficace. Du coup, on a l’impression qu’il va trop vite. Un ascenseur est lent quand on n’a pas le temps, et trop rapide quand on a besoin de temps. Essayez de faire l’amour dans un ascenseur. Eh ben, là, c’est pareil. À moins que vous tombiez sur un lapin, vous allez le trouver trop rapide ! C’est tout juste si on a le temps de finir, on reste sur sa faim, c’est extrêmement frustrant. C’est le problème, d’ailleurs, avec les ascenseurs modernes, c’est qu’ils vont particulièrement vite, et ça ne laisse vraiment pas beaucoup de temps. En plus, si vous le bloquez, il est relié à une brigade d’intervention qui débarque dans les dix minutes. C’est très gênant ! Je déteste ça ! Là, on est bloqués, ça nous laisserait le temps de faire plein de trucs. Par contre, j’ai plutôt l’impression que vous seriez plus du genre méditation, vous, non ? Je me trompe ?

  1. Une main sur l’épaule

Tu ne peux pas attaquer ta première mesure comme ça. C’est trop précipité. On dirait que tu ne profites pas de toutes les notes. Tu veux finir avant d’avoir commencé ! T’es pas contente d’être là ? Joue toutes les notes, pleinement, rondement. Il faut que tu chantes les notes, qu’à l’intérieur chaque note vibre. Tu dois sentir les vibrations, là, tu vois, tout le long de ta colonne vertébrale. Sens ma main sur ta colonne vertébrale. Et redresse-toi, on a l’impression que tu portes ton piano sur les épaules, là. Sois heureuse de jouer. Gonfle le torse ! Voilà… La musique doit passer là aussi, sur ton plexus solaire. C’est tellement plus joli quand tu bombes le torse. Cambre-toi un peu et laisse la musique t’envahir. Voilà, c’est bien comme ça. Personne ne t’a demandé de jouer, tu sais. Les gens n’ont pas été sonner à ta porte pour que tu leur joues un concert. C’est toi qui as voulu le programmer, ce concert. Et donc, là, tu as une salle qui t’accueille, des gens qui payent pour t’écouter. Alors maintenant, sois heureuse de nous jouer ces nocturnes, aussi poignants et tristes soient-ils. Chopin était dépressif ; si ça te déprime, fallait pas choisir Chopin, t’avais qu’à choisir Brahms ! Maintenant, assume. Allez, grandis-toi, laisse-moi voir cette nuque dégagée… Souris, et partage avec nous la tristesse et la nostalgie de Chopin. La musique doit être comme une main apaisante sur l’épaule de celui qui l’écoute. Comme ça. Tu vois ? Oh ! mais décrispe-toi !

  1. La blague

Alors j’ai appelé, je suis tombé… sur une femme avec une voix grave ou un mec avec une voix aiguë, je ne saurais te dire. Et il
ou elle — m’a répondu que je ne pouvais pas visser des étagères directement dans mon mur. Soi-disant que je devrais… écoute bien : je devrais d’abord percer le mur avec une perceuse — faire de la poussière en veux-tu en voilà au passage — et ensuite mettre des chevilles dans lesquelles je visserais mes vis. Pourquoi faire simple, je te le demande ? Mais c’est pas tout ! Visiblement, tu ne peux pas mettre le même type de cheville en fonction que ton mur soit en bois, en pierre ou en paille. Donc faut que tu saches. C’est une blague. Une grosse blague. Je te jure, ils sont d’une incompétence rare, tous ces conseillers bricolage. Et donc, après m’avoir expliqué tout ça, il ou elle, on va dire la personne que j’ai eue au téléphone, m’a dit que, puisque je n’étais pas très bricolage, je devrais plutôt choisir des étagères à monter. Non mais v’là la technique commerciale pour te faire acheter des trucs que tu ne veux pas. Je ne vais quand même pas dépenser une fortune dans une perceuse pour monter DEUX pauvres étagères. J’ai demandé s’ils en prêtaient… Non, évidemment ! C’est pas en option. Donc, j’ai décidé, je vais visser mes étagères directement dans mon mur. C’est de la pierre de taille, ça tiendra. Comment ils faisaient, dans les châteaux, avant, hein ? Ils n’avaient ni perceuse ni vis, et pourtant ils en avaient, des étagères ! On nous prend vraiment pour des débiles.

  1. Les gens drôles

Tu sais, pour être drôle, t’as pas besoin de faire des blagues. Hein. Enfin, si, tu peux faire des blagues. Mais c’est compliqué de faire des bonnes blagues, tu vois. En plus, tu risques de t’en prendre aux autres. Et c’est pas cool de faire rire au détriment des autres. C’est pas très fin. Et puis c’est souvent vulgaire. Donc lâche l’idée de faire des blagues. C’est lourd. Et c’est pas grave si t’es pas drôle. C’est vrai, les gens drôles souvent on les aime bien. Mais pas toujours. Et y a des gens pas drôles qu’on aime bien aussi, des fois. Donc on n’aime pas les gens uniquement parce qu’ils sont drôles. En revanche… en revanche, on n’aime pas les gens qui se croient drôles. Tu vois, ça, par contre, on n’aime pas. Alors, je te dis ça, c’est parce qu’on t’apprécie. On te trouve sympa, et c’est pour ça qu’on t’a proposé de venir avec nous en randonnée. Mais bon, nous, on n’avait pas vraiment compris que tu voulais être drôle… Quand on marche dans la nature, on n’a pas besoin de ça. C’est pas pour ça qu’on vient. On aime bien aussi quand les gens ne disent rien, tu sais ? Tu comprends ? Après, si toi ça te gêne de ne rien dire, c’est sûr que ce sera pas cool pour toi. Mais du coup, t’es pas obligé de continuer avec nous. Franchement, on ne t’en voudra pas, on ne le prendra pas personnellement. C’est comme tu veux, évidemment !

  1. Loser

Là c’est sûr qu’il ne va pas bien du tout, là. Il ne se rase plus, il pue, il ne dort plus et il pleure tout le temps. C’est chiant ! Faudrait que quelqu’un le sorte, lui fasse prendre l’air. T’as vu ses pantoufles ? C’est des pantoufles de papy ! Enfin, c’est pas possible, il ne peut pas mettre ça, pas à son âge ! Et tu connais pas la meilleure ? C’est sa mère qui lui a offert les pantoufles ! Sa mère lui offre des pantoufles. La honte ! Il est en mode régressif. Je ne comprends pas comment il a pu tomber aussi bas. Ça m’a foutu un coup. Il était si rayonnant, il avait toujours le cœur sur la main. Moi je sais qu’il m’a aidé plus d’une fois quand j’étais au fond du trou et c’était un roc, solide, sur lequel tu pouvais compter. Et là, il se fait larguer, il perd son job, et voilà : il met les pantoufles que sa mère lui offre, plus personne ne vient le voir… C’est sûr qu’il a perdu de sa superbe. J’attendrai qu’il aille mieux pour retourner le voir. Moi je peux pas. J’ai pas la force de côtoyer des losers.

  1. La moitié de la moitié de la moitié

Tu sais, moi, je suis quelqu’un d’entier, et je ressens les choses pleinement. Je suis émotif, et là je sens des émotions, tu vois. Des émotions fortes… pour toi… et j’ai envie de te les dire, mais je sais que quand je dis les choses, comme je suis entier, ça sort en entier et parfois c’est mal pris, on ne me comprend pas bien, ou en tous les cas on interprète mal, on s’imagine je ne sais pas quoi alors du coup maintenant j’ai peur, entièrement peur… Et comme je suis entier, c’est logique de dire entièrement ce que je pense, tu vois, et pas dire les choses à moitié, mais là je ne sais pas si je vais avoir entièrement le courage… Je ne suis même pas sûr que je vais avoir la moitié du courage de te dire ne serait-ce que la moitié de ce que j’ai envie de t’avouer, à quel point j’ai envie de toi, que tu m’obsèdes, que ton corps m’obsède, que je pense à toi en m’endormant et que je rêve de toi en me réveillant depuis que je te connais, et c’est là où, je t’assure, ce n’est même pas la moitié de la moitié de la moitié de ce que je pense… Alors, bon, je sais, dit comme ça, ça manque de sensualité, tu vas avoir l’impression que je te réduis à un objet sexuel, mais c’est bien là le problème. La moitié de la moitié de la moitié, c’est ça… et y a tout le reste, pour que ça soit un entier. Et tout le reste, c’est vertigineux, et je me perds. Tu comprends ? S’il te plaît, dis-moi que tu me comprends.

  1. Barbares

Il n’y a rien d’humain dans ce que vous dites. Les individus sont des pions que vous déplacez d’une case à une autre sur des tableurs. Vous êtes des bourreaux, des barbares de l’ombre. Vous achevez des vies sans discernement. Et vous êtes fiers de vos calculs et de vos bénéfices. En tenant ce discours, je dis ce qui a déjà été dit, et que vous avez déjà entendu mille fois, et que vous avez écouté avec une oreille faussement attentive mille fois, votre visage arborant fièrement un sourire et une arrogance crasse. Il y a dans votre regard un mépris de tout ce qui ne calcule pas comme vous. Rien ne bouge, et rien ne bougera jamais. Quand vous crèverez, la relève sera assurée par vos progénitures. La bête immonde ne meurt pas, elle survit de génération en génération tandis que votre cynisme est contagieux. Vous distillez votre poison partout, tout le temps. Et souvent, il agit. Et le monde se retrouve englué dans une précarité qui vous rend intouchable, et vous le savez. Je sais, tout ce que je dis ne vous atteint pas. Pire, ce que je vous dis vous donne une image de vous magnanime, et vous vous en gargarisez. Et en ce moment où je vous parle, je sais que je vous ennuie. Vous vous retenez de bâiller. Bâillez, allez-y ! Bâillez ! Mais vous ne vous endormirez pas. Dehors, il y aura de quoi vous réveiller. Vous deviendrez les victimes du barbarisme en réponse au barbarisme de votre capitalisme. Jusque chez vous, vous serez traqués, attaqués, violentés. Jour et nuit. Ni vous ni vos familles ne serez épargnés. Et ce sera alors trop tard pour venir vous plaindre lorsque vous baignerez dans votre sang.

  1. Le discours de Noël

Alors, je ne pourrais pas dire que ce n’est pas bien. Au ­contraire, c’est plutôt bien écrit. Mais c’est pas assez positif. Pardon, je ne veux pas être désagréable, mais tu crois pas que c’est un peu dramatique et triste pour un discours de Noël ? « Mesdames et messieurs », ça va. Rien à dire là-dessus. Vraiment ! Mais après : « Le temps file pendant que nous sommes toutes et tous enlisé·e·s, les pieds englués au sol, rien d’autre à faire que d’attendre notre bonheur… » Ne le prends pas mal. On sait que tu bosses dur sur ce discours, mais dire « Le temps file pendant que nous sommes toutes et tous enlisé·e·s, les pieds englués au sol, rien d’autre à faire que d’attendre notre bonheur… » c’est pas très… positif. Tu vois ? Et là, pareil. « Grâce à Dieu, nous sommes toujours vivants pour ce jour merveilleux, tous ensemble pour célébrer une année qui vient de s’écouler, ennuyeuse et… » pardon, je n’arrive pas à te lire… « vide… vide… vide de sens ». Non, tu peux pas dire ça. « Nous sommes ­toujours vivants », ça ne va pas. Même si c’est vrai, nous sommes vivants. Et je suis d’accord, le monde ne va pas bien, mais on n’a pas envie d’entendre ça pendant un discours de Noël. Donc « Mesdames et messieurs, grâce à Dieu », ça va. D’ailleurs, Dieu, c’est un bon début. Pourquoi tu n’essaies pas un truc du...

Il vous reste 90% de ce texte à découvrir.


Achetez un pass à partir de 5€ pour accédez à tous nos textes en ligne, en intégralité.



Retour en haut
Retour haut de page