Le jour où j’ai compris que le ciel était bleu

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Claire, 22 ans, vit avec son frère car son attitude et ses comportements hors du commun l’empêchent d’être autonome. Elle ne pense qu’à une chose : devenir chanteuse et participer à l’émission de télévision To be a star. Mais le jour où son voisin tente de l’étreindre contre son gré, Claire réagit si violemment qu’elle le plonge dans le coma. S’ensuit un long procès au cours duquel il s’agira de déterminer qui est victime et qui est coupable. Pour cela, il faudra établir un diagnostic psychiatrique précis.

Être normal, c’est quoi ? Si ce n’était qu’une question de point de vue ? Le texte met en jeu ces questions et nous parle des « différents », des accompagnants, des soignants, mais aussi de justice, d’amour et de rêves.

1 – JE ME SENS PAS

 

Un hôpital psychiatrique.

Une chambre de patient. Un lit.

Claire et Raphaël.

 

RAPHAËL : Claire ? Ça a été la nuit ?

CLAIRE : Oui.

RAPHAËL : Comment tu te sens ?

CLAIRE : Je me sens pas.

RAPHAËL : Qu’est-ce que tu as fait ce matin ? Tu as parlé à Maman ?

CLAIRE : Non. J’avais rien à lui dire.

RAPHAËL : Qu’est-ce que tu as fait alors ?

CLAIRE : Je suis restée longtemps sous le lit.

RAPHAËL : Arrête de faire ça, Claire. Je ne veux pas que tu te mettes sous le lit. Je te l’ai déjà dit.

CLAIRE : Je fais ce que je veux.

RAPHAËL : Ce que tu veux, ce n’est pas forcément bien pour toi.

CLAIRE : Quand est-ce qu’on rentre à la maison ?

RAPHAËL : Bientôt.

CLAIRE : Pourquoi on n’est pas à la maison ?

Claire se gratte le bras.

RAPHAËL : Arrête de te gratter.

CLAIRE : Pourquoi je suis pas à la maison avec toi ?

RAPHAËL : Claire…

CLAIRE : J’ai besoin d’être à la maison pour m’entraîner. Je dois m’entraîner pour To be a star.

RAPHAËL : Écoute, pour l’instant, l’émission ce n’est pas notre priorité.

CLAIRE : Je dois m’entraîner pour To be a star. Je dois être à la maison. Ici, j’ai pas mon micro, j’ai rien. Je peux pas chanter. J’ai rien. Je peux pas chanter. Je dois aller à la maison.

RAPHAËL : Je sais. Ça va s’arranger.

CLAIRE : Tu dis toujours que ça va s’arranger mais t’arranges jamais rien.

Claire se glisse sous son lit. Silence.

RAPHAËL : Je vais essayer d’aller le chercher à la maison ton micro, d’accord ?

CLAIRE : D’accord.

Silence.

CLAIRE : Tu peux partir maintenant.

 

Raphaël sort.

 

 

2 – POURQUOI JE SUIS ICI ?

 

La chambre d’hôpital.

Claire et Antoine.

 

ANTOINE : T’es bien là-dessous ?

CLAIRE : Oui.

ANTOINE : Tu veux qu’on aille voir le jardin ?

CLAIRE : Je sais pas.

ANTOINE : Tu préfères peut-être qu’on discute un peu ?

CLAIRE : Je sais pas.

ANTOINE : Tu ne sais pas.

CLAIRE : Oui.

ANTOINE : Tu veux que je m’en aille ?

CLAIRE : Pourquoi je suis ici ?

ANTOINE : On en a parlé hier midi quand tu es arrivée. Tu te souviens ?

CLAIRE : J’ai toujours pas compris pourquoi je suis ici.

ANTOINE : Tu es ici parce que tu es sûrement choquée par ce qui s’est passé hier justement.

CLAIRE : Non je suis pas choquée, je veux rentrer chez moi.

ANTOINE : Pour l’instant, tu ne peux pas rentrer chez toi.

CLAIRE : Pourquoi ?

ANTOINE : Parce qu’il s’est passé quelque chose de très grave, Claire. Et moi, je suis là pour m’occuper de toi en attendant.

CLAIRE : En attendant quoi ?

ANTOINE : En attendant de savoir si tu pourras rentrer chez toi ou pas.

CLAIRE : Je veux rentrer chez moi.

ANTOINE : Je sais mais tu ne peux pas. Silence. Il fait très beau dehors, ça te ferait du bien de prendre l’air.

 

Elle sort de sous le lit. Antoine va pour l’aider à se lever.

Claire se recroqueville en poussant un cri.

 

 

3 – L’INTERROGATOIRE

 

Un bureau au sein de l’hôpital.

La flic et Raphaël.

 

LA FLIC, lisant un récapitulatif : « Suite à des actes de violence sur la personne de Monsieur Fabrice Mourier, 65 ans, Madame Claire Blanchard, âgée de 22 ans, domiciliée chez son frère, Monsieur Raphaël Blanchard, au 3 rue des Amandiers 21560 Couternon, a été amenée au centre hospitalier la Chartreuse ce dimanche 14 mars car son état de santé a été considérée comme incompatible avec la garde à vue. » C’est bien ça ?

RAPHAËL : Oui.

LA FLIC : Très bien. Monsieur Blanchard, je vais vous poser quelques questions. Je vous informe que l’interrogatoire est filmé, d’accord ?

RAPHAËL : D’accord.

Elle le filme avec un petit camescope posé sur le bureau.

LA FLIC : Dites-moi ce que vous avez vu quand vous êtes arrivé chez vous hier matin.

RAPHAËL : Quand je suis rentré, j’ai trouvé Monsieur Mourier allongé sur le sol dans le salon, avec beaucoup… beaucoup de sang par terre autour de la tête… alors j’ai cherché ma sœur partout et je l’ai trouvée cachée sous son lit. Et après j’ai appelé les secours…

LA FLIC : Vous avez cherché votre sœur avant d’appeler les secours ?

RAPHAËL : Ouinfin, je ne sais plus. J’ai paniqué. J’ai pris le téléphone tout de suite mais je voulais trouver ma sœur d’abord.

LA FLIC : Quand vous l’avez trouvé sous son lit, elle était dans quel état ?

RAPHAËL : Elle tremblait. Elle était en état de choc.

LA FLIC : Vous êtes parti combien de temps ?

RAPHAËL : Je dirais environ une heure.

LA FLIC : Non Monsieur Blanchard, ce n’est pas « environ » mais précisément.

RAPHAËL : Une heure dix.

LA FLIC : Pourquoi vous êtes sorti ?

RAPHAËL : J’avais une course à faire.

LA FLIC : C’est-à-dire ?

RAPHAËL : Je suis allé en ville, acheter du liquide pour ma cigarette électronique.

LA FLIC : Quel est votre relation avec Monsieur Mourier ?

RAPHAËL : C’est notre voisin. C’est un voisin normal.

LA FLIC : C’est-à-dire ?

RAPHAËL : On se croise, on se salue, on se rend service de temps en temps. C’est tout.

LA FLIC : Il vit seul ?

RAPHAËL : Oui. Il m’a dit qu’il était veuf. Ses enfants viennent le voir assez souvent.

LA FLIC : Vous pouvez aller chercher votre sœur.

Raphaël va chercher Claire qui attendait dans le couloir. Ils rentrent dans le bureau.

CLAIRE, voyant la caméra : Ça passe à la télé ?

RAPHAEL : Chut… Assied-toi.

LA FLIC : Madame Blanchard, je vais vous poser quelques questions et je vais vous filmer, d’accord ?

CLAIRE, souriant à la caméra : D’accord.

LA FLIC : Alors, racontez-nous ce qui s’est passé pour vous hier matin.

CLAIRE, souriant : Non !

Silence.

RAPHAËL : Apparemment, quand je suis sorti…

LA FLIC le coupe : J’ai posé la question à votre sœur, Monsieur. À Claire : Vous pouvez nous raconter ce qui s’est passé ?

CLAIRE, souriant : Non !

RAPHAËL : Claire s’il te plaît…

CLAIRE : Non. J’ai pas envie. Je dois aller à la maison pour m’entraîner.

RAPHAËL : Oui mais là on est obligé tu vois, la dame nous demande et c’est important, ça va nous aider.

CLAIRE : Non !

LA FLIC : Madame Blanchard, actuellement on a une personne en réanimation, entre la vie et la mort. C’est très sérieux. On a besoin de comprendre ce qui s’est passé, donc maintenant je vous écoute.

Silence

CLAIRE : J’étais à la maison toute seule, et quelqu’un a toqué à la porte. J’ai pas ouvert parce qu’il faut pas ouvrir aux inconnus, il faut pas. Après, ça a toqué encore à la porte. Je suis allée voir et j’ai vu que c’était Monsieur Mourier alors j’ai ouvert. C’était Monsieur Mourier qui m’a demandé si j’étais toute seule, alors j’ai dit oui, parce que j’étais toute seule. Il m’a dit : « Je peux entrer pour prendre du lait ? » et moi j’ai dit : « non » parce qu’il y avait plus de lait. Mais lui, il a quand même voulu rentrer pour prendre du lait. Sauf qu’il y avait plus de lait.

LA FLIC : Et qu’est-ce qui s’est passé après ?

CLAIRE : J’ai pas envie de raconter ça.

LA FLIC : Ah… Mais nous, on a besoin de savoir.

CLAIRE : Non.

LA FLIC : Si.

CLAIRE : Non.

RAPHAËL, nerveux : Je suis désolé Claire mais il faut que tu racontes. C’est pour nous aider.

CLAIRE : J’ai pas envie.

LA FLIC : Quand vous dites que vous lui avez ouvert la porte, c’était pour l’inviter à entrer ?

CLAIRE : Je sais pas.

LA FLIC : Il est rentré de force ou vous l’avez invité à entrer ?

CLAIRE : Non, je l’ai pas invité.

LA FLIC : Donc il est entré de force ?

CLAIRE : Je comprends pas.

RAPHAËL : Ça veut dire qu’il t’a poussé pour rentrer ?

LA FLIC : C’est moi qui pose les questions ici, Monsieur. Claire, s’il-vous plaît, racontez-moi.

CLAIRE : Non !

 

Noir.

 

 

4 – J’AI DISPARU

 

La chambre d’hôpital.

Claire, un téléphone à la main, passe un appel.

On entend la tonalité de l’appel téléphonique.

 

VOIX DE CHRISTINE BLANCHARD : Vous êtes bien chez Christine Blanchard, merci de laisser un message.

CLAIRE :

Allo Maman ?

Un jour j’ai disparu

 

Tu m’as dit qu’il fallait se faire tout petit dans la vie

Pour ne pas déranger personne

 

Tu m’as dit de me faire toute petite comme un point

Que sinon les autres allaient se moquer

Que j’allais avoir mal

 

Tu avais raison

J’ai eu mal plusieurs fois

Dès que quelqu’un me touche

J’ai tellement...

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