Merci du cadeau

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Pourquoi René, après trente ans d’absence et de silence, revient-il soudain du Canada, immensément riche, pour se faire descendre dans l’auberge de sa soeur Pauline, en pleine partie de belote et sous les yeux de ses trois copains, Claude, Gilbert et Maurice… Pourtant habitués à raconter des blagues aux touristes et craignant de tomber dans le plus morne ennui après la fin de la saison estivale, les quatre amis n’en reviennent pas. D’autant que René, avant de s’écrouler sur leur table, leur a fait part de ses craintes d’être abattu et qu’il leur a fait promettre de veiller sur Anaïs, la nièce un tantinet naïve que sa soeur Pauline essaie désespérément de dégourdir, sans succès d’ailleurs, et dont il voulait faire son héritière.
Avoir un macchabée sur les bras et devoir, en prime, servir d’éducateurs et de gardes du corps à Anaïs…” Merci du cadeau ! ”

L’action se déroule de nos jours, au mois de septembre, après la saison estivale, quelque part sur la côte bretonne ou vendéenne. Un petit bar tabac faisant pension de famille.

NB: Un même acteur peut tenir 2 rôles: ceux de René et de Francis (soit 5h-5f)
On peut aussi changer le rôle du gendarme en gendarmette et occuper ainsi une actrice (soit 5h-6f)

ACTE I

Un petit café bar pension de famille. A l’ouverture du rideau, Gilbert, Claude et Maurice sont assis à une table, près du bar et jouent à la belote en compagnie de Pauline, la patronne du bistrot. Visiblement, Pauline ne suit pas le jeu et se fait rappeler à l'ordre par ses copains.

GILBERT - Eh ben joue Pauline, c'est à toi !

PAULINE (absorbée dans ses pensées) - Hein ? Ah, c'est à moi !

MAURICE (comme une évidence) - Forcément que c'est à toi, puisque tu viens de faire le pli avec ton as de trèfle. (S'énervant.) Mais sois au jeu, bon sang !

PAULINE – Alors là, c'est carrément la poêle qui se moque du chaudron ! Je te rappelle, Maurice, qu'il y a quinze jours, c'est toi qui rêvassais devant ton jeu de cartes...

Elle va poser une carte et la partie va continuer, ponctuée d'arrêts, pendant la discussion.

GILBERT (confirmant) – Elle a raison. Tu rêvassais tellement qu'à cause de toi, on aurait presque pu figurer dans le livre des records.

CLAUDE – Ouais ! La partie de carte la plus longue du monde. Une matinée entière pour se taper un mille à la belote... Faut quand même le faire, c'est pas courant !

PAULINE – Quatre heures de réflexions, d'hésitations, de profondes méditations...

CLAUDE (lyrique et moqueur) – Joue-je ou joue-je pas ?... Dois-je poser une carte ?... Mettre ou ne pas mettre... ah ah, voilà la question !

GILBERT - Du jamais vu ! Même les vieux tremblotants du club du troisième âge, ils te ramassent ça plus vite que toi !

PAULINE – Tout ça parce que ta Gisèle te menait une vie de chien !

GILBERT – Et que monsieur Maurice, perturbé, broyait des idée noires.

MAURICE (se rebiffant) – Peut être, mais n'empêche que maintenant, elle file doux. J'ai bien repris la situation en main.

GILBERT (riant, aux autres) – Vous l'entendez ? Il a repris la situation en main ! (A Maurice, ironiquement.) Ça va, tu ne te sens pas trop gêné ?

CLAUDE – T'as pas l'impression qu'on y est un peu pour quelque chose dans l'apprivoisement de ta femme ?

MAURICE (un peu gêné) – Ben... c'est à dire que...

GILBERT (le coupant) – C'est à dire que si on ne t'avait pas fait passer pour un héros à ses yeux en lui racontant des exploits que tu étais bien incapable d'accomplir d'ailleurs, tu serais sans doute encore à faire la vaisselle ou le ménage chez toi, en ce moment !

PAULINE – Alors que maintenant, elle t'admire, elle te respecte, elle te vénère comme un dieu.

MAURICE (protestant mollement) – Vous exagérez les copains, y a pas que ça quand même...Elle trouve que j'ai une nature de héros, d'artiste, de mâle viril et conquérant...

CLAUDE – Fais gaffe à tes chevilles Superman, tu vas faire péter tes lacets de godasses !

GILBERT – Taratata ! Si on ne lui avait pas fait croire qu'au péril de ta vie, tu avais participé à l'arrestation d'un dangereux trafiquant de drogues...

CLAUDE – Et que tu avais reçu les plus hautes félicitations de la brigade des stupéfiants...

PAULINE – Eh ben tu ne serais pas ici, tranquillement, à taper le carton avec tes potes.

CLAUDE – Parce que ta Gisèle, elle aurait débarqué comme une furie dans l'auberge depuis déjà un bon moment pour t'emmener manu militari à la maison ! Je l'entends encore arriver dans l'auberge comme si c'était hier (Imitant la voix forte de Gisèle en détachant bien les mots.) : « Où il est ce fainéant de Maurice ? »

GILBERT (gentiment moqueur) – Et il était où le fainéant de Maurice, hein ?

CLAUDE (même jeu que Gilbert) – Planqué derrière le bar, par dessus lequel il avait sauté à toute vitesse pour échapper à son dragon de bonne femme...

PAULINE (en rajoutant une louche) – Vautré parmi mes casiers à bouteilles. (Ils éclatent de rire.)

MAURICE (protestant mollement) – Vous n'êtes pas très sympa de me rappeler ce dur moment de mon existence...

GILBERT – N'empêche que c'est une blague qui t'a drôlement rendu service. Tu es quand même redevenu maître chez toi.

CLAUDE (nostalgique) – Qu'est ce qu'on a pu se marrer cet été avec les touristes...

PAULINE (acquiesçant) – Les conneries que vous avez pu leur raconter.. Vous avez fait fort les gars ! Je me demande comment je peux encore avoir des clients après ça !

GILBERT (lui tapant sur le bras) – Oh, tu te souviens du parisien, le féru d'écologie, qu'avait tout vu, qu'avait tout fait...

MAURICE (le coupant) – On lui a fait croire que le taureau du père Basile, c'était la meilleure laitière de l'ouest...

CLAUDE (moqueur) – C'est tout juste s'il ne voulait pas assister à la traite cet innocent!

PAULINE (gentiment, presque avec regret) – Et cette pauvre demoiselle Crampon à qui vous avez conseillé la nouvelle plage des Mines pour y faire sa bronzette tranquille...

GILBERT (continuant l'histoire) – Et qui s'est pointée là-bas sans se douter qu'elle arrivait sur une plage pour nudistes...

MAURICE (revivant la scène) – Comme elle n'a pas osé rebrousser chemin, elle a été contrainte de se mettre à poil, comme tout le monde...

CLAUDE (précisant) – En ne conservant à la main que son journal...

PAULINE (même jeu que Claude) – Qu'elle n'a pas pu lire de tout l'après-midi d'ailleurs, vu qu'elle s'en servait pour cacher l'essentiel de son anatomie...

GILBERT (mimant) – Et sur ce journal qu'elle tenait pudiquement devant elle, tous les nudistes ont pu lire, à la une et en gros caractères : « Découverte d'une grotte préhistorique aux richesses insoupçonnables ! »

Ils rient tous de bon cœur.

MAURICE (nostalgique) – C'était le bon temps quand même !

CLAUDE (gentiment moqueur) – Tu te faisais engueuler à tour de bras par ta femme, mais qu'est ce qu'on se marrait !

PAULINE (amusée) – Maintenant que la Gisèle est calmée et que les touristes sont partis, qu'allez-vous faire en attendant la prochaine saison ?

GILBERT (dépité) – J'en sais rien. Tais-toi, tu me fous le bourdon ! Je sens que je déprime déjà...

MAURICE (espiègle) – A tout hasard, il ne reste pas un touriste égaré dans ta pension de famille... qu'on s'occupe un peu de lui ?

CLAUDE (espiègle lui aussi) – Juste histoire de ne pas perdre la main.

PAULINE (regardant vers l'escalier) – Ben...

MAURICE-GILBERT et CLAUDE (posant leurs cartes, se levant ensemble et entourant Pauline, radieux) – Il t'en reste un ?

PAULINE (n'osant pas trop parler) – Ben... c'est à dire que...

Ils quittent la table, heureux, en se frottant les mains.

MAURICE (faussement sévère) – Il lui reste un touriste et elle ne voulait pas le dire...

CLAUDE (lui pinçant la joue) – Mais c'est qu'elle deviendrait cachottière notre Pauline...

GILBERT (au pied de l'escalier, tout émoustillé) – Qui c'est ?

CLAUDE (même jeu) – On le connaît ?

MAURICE (rigolard) – On s'est déjà occupé de lui ?

CLAUDE (comme un gamin avec un jouet) – Dis, tu nous le prêtes qu'on s'amuse encore un peu !

PAULINE (faussement sévère) – Non mais, quel âge vous avez les mecs ? Vous ne croyez pas qu'il serait temps d'arrêter de prendre mes clients pour des pokémones ou des playmobils !

CLAUDE ( la suppliant) – Pauline s'il te plaît, tu nous le prêtes ton dernier client de la saison ?

PAULINE (fermement) – Non, je ne vous le prête pas ! Et d'abord, ce n'est pas le dernier client de la saison, c'en est un nouveau qui est arrivé tard, hier soir !

GILBERT (emballé) – Un nouveau ? Chouette, on va le mettre au parfum sans tarder.

PAULINE (pleine de sous entendus) – Celui-là, il a dû en renifler pas mal de parfums et je ne suis pas certaine qu'il apprécierait beaucoup le vôtre...

Entrée d'Anaïs, côté rue. Elle porte un sac cabas rempli de provisions, légumes divers, viandes etc... C'est une jeune fille mignonnette, mais extrêmement naïve.

ANAIS (toute guillerette) – Bonjour tout le monde ! (Elle les regarde tous au pied de l'escalier.) Ah ben tiens, vous attendez tonton pour jouer à la belote ?

Ils se regardent tous sans comprendre.

MAURICE-GILBERT et CLAUDE (ensemble) – Quel tonton ?

ANAIS (toute joyeuse) – Ben tonton René !

MAURICE-GILBERT et CLAUDE (ensemble) – Quel tonton René ?

ANAIS (toute joyeuse, à Pauline) – Tu ne leur as pas dit que mon tonton était revenu ?

CLAUDE (montrant Anaïs) – Je croyais qu'elle n'avait plus d'autre famille que toi !

PAULINE (gênée, hésitante) – Ben oui, moi aussi je croyais...

CLAUDE (à Pauline) – Et que tu l'avais prise en charge à la mort de ta sœur !

MAURICE (confirmant) – Pour la sortir de l'ornière, compte tenu de son retard mental et de son échec scolaire...

PAULINE (gênée, hésitante) – Ben oui, mais...

ANAIS (rectifiant naïvement) – Échec scolaire, échec scolaire, alors là, vous poussez le bouchon un peu loin, monsieur Maurice ! C'est pas de ma faute si j'ai pas pu suivre mes études, elles allaient bien trop vite pour moi. Même les cours de rattrapage, eh ben j'ai jamais réussi à les rattraper alors...

GILBERT (à Pauline, montrant Anaïs) – Eh ben dis donc, t'as encore du pain sur la planche, la taille n'est pas belle !

PAULINE (un peu accablée) – Je crois qu'elle ne se rend pas compte de tout l'argent que je dépense pour ses études.

ANAIS (rectifiant naïvement) – Et encore t'as de la chance parce que je suis de celles qui étudient le moins, alors ça doit pas te coûter bien cher ! De toute façon je m'en fiche puisque mon tonton est de retour, il va m'apprendre plein de choses, lui !

CLAUDE (agacé) – Mais enfin, qui c'est ce tonton ?

ANAIS (naïvement heureuse) – Tonton René !

CLAUDE (essayant de rester calme) – Tonton René, tonton René, on le sait, tu nous l'a déjà dit. Mais d'où il sort ce tonton René ?

ANAIS (toute fière) – Il a une grande cabane au Canada, bien blottie au fond des bois.

MAURICE (parodiant la chanson de Line Renaud) – Ah oui ! Avec des écureuils sur le seuil ?

ANAIS (haussant les épaules) – J'sais pas, il m'a pas dit !

GILBERT (qui vient de comprendre ) – René le Canadien ?! (Pauline acquiesce de la tête.)

MAURICE (comprenant lui aussi) – Non, c'est pas possible !

CLAUDE (même jeu) – Mais je croyais qu'il était mort !

PAULINE (fataliste) – Moi aussi, depuis le temps ! Trente ans que mon frère a quitté la région sur un coup de tête, sans jamais donner de nouvelles...

ANAIS (étonnée) – Vous connaissez mon tonton René tous les trois ?

GILBERT (se remémorant) – Si on le connaît ? Difficile d'oublier un lascar pareil ! C'était même un de mes meilleurs copains d'enfance. On est allé à l'école ensemble et on s'est toujours suivi jusqu'à ce que cette tête brûlée décide de quitter le pays pour aller faire fortune au Canada. Il y a longtemps qu'ici, on a considéré qu'il était disparu corps et biens...

PAULINE (fataliste) – Et le voilà qui débarque hier soir, sans prévenir, tranquille comme Baptiste, comme s'il revenait de la foire de l'Herbergement.(ou autre lieu). (Imitant.) « Et bonjour Pauline, est-ce que tu peux me loger quelques jours, le temps que je décante certaines affaires »

MAURICE (paumé) – Quelles affaires ?

CLAUDE (même jeu) – Qu'est ce qu'il a voulu dire ?

PAULINE (à Gilbert) – Il paraît qu'il a des choses importantes à te communiquer...

GILBERT (étonné) – A moi ? Je ne vois pas ce qu'on pourrait bien se raconter depuis le temps !

René apparaît sur le palier, fringant et visiblement en pleine forme.

RENE (avec accent québécois) – Ah Gilbert, tu es venu ? Tu te souviens encore de moi j'espère ?

ANAIS (tout émoustillée) – Bonjour tonton !

RENE (gentiment) – Bonjour Anaïs, bonjour...

GILBERT (un peu ému) – Si je me souviens ! Tu n'as presque pas changé...

RENE (descendant l'escalier en riant) – Alors toi, t'as pas changé du tout, t'es toujours aussi menteur ! Comme si trente années ne m'avaient pas un peu modifié la façade !

Ils s'embrassent.

ANAIS (tout émoustillée, allant de l'un à l'autre) – C'est lui, c'est mon tonton !

Anaïs va faire plein de choses pour son oncle: lui apporter une chaise, lui préparer un café, lui brosser son vêtement etc... On doit voir qu'elle est heureuse de le retrouver et ne sait pas quoi inventer pour lui faire plaisir. Lui s'en agace un peu...

RENE (les regardant) – Attendez... laissez moi deviner... Claude et Maurice, c'est bien ça ?

CLAUDE et MAURICE (ensemble) – C'est ça !

RENE (à Maurice) – Je me souviens qu'à l'époque, y avait la petite Gisèle Bertin qu'était toujours derrière toi et qui n'arrêtait pas de te courir après.

PAULINE (amusée) – Et ben tu vois, trente ans après, c'est toujours pareil, elle est toujours derrière lui.

ANAIS (en rajoutant une louche) – Même que des fois, elle le cherche tellement qu'il est obligé de se cacher derrière le bar à Pauline.

RENE (moqueur, à Maurice) – C'est beau l'amour... T'as du bol mon vieux.

MAURICE (pas convaincu) – Du bol, du bol... Je te dirais bien que des fois, j'en ai ras le bol... d'avoir du bol !

GILBERT – Alors te voilà revenu au pays ?

RENE (faussement sérieux) – Écoute Gilbert, je vais avoir sacrément besoin de tes services...

GILBERT – Tu n'es pas revenu en France rien que pour ça parce que je te signale quand même que ça fait plus de trente ans que tu t'en passes de mes services !

RENE (s'appuyant à la table) – Oui mais là, ça devient sacrément urgent... Est-ce que je peux compter sur toi et tes copains ?

MAURICE (intervenant rapidement) – Pas de problème. Dès qu'il s'agit de rendre service, nous on est là. Pas vrai Claude ?

CLAUDE (amusé) – Absolument ! On ne compte plus le nombre de services qu'on a rendu cet été aux clients de Pauline. Vas y, on t' écoute...

RENE (presque en confidence) – Eh bien voilà. J'ai gagné pas mal d'argent au Canada et...

ANAIS (tout émoustillée) –...

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