Tisane ou digestif

Deux couples. Une petite vie calme et tranquille. Trop calme. Mais grâce à la rencontre du “détenteur” officiel de l’élixir de Jouvence, tous les espoirs sont enfin permis.

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Décor (1)

Tisane ou digestifUn salon ancien qui rajeunit à chaque acte (Costumes idem)

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ACTE 1

Scène 1 : Rosine / Achille

Achille est à table et prend lentement ses médicaments. (On peut entendre le tic tac caractéristique d'une vieille horloge)

Achille / Alors.. La petite pilule bleue.. ? Anti-inflammatoire.. La pilule rouge.. Contre les accidents vasculaires.. La blanche... Calcium... La jaune... Hypertension artérielle.. L'orange ? (Rosine entre) C'est pour quoi déjà l'orange ?

Rosine / Troubles de la mémoire !

Achille / Et la verte ? C'est bon pour quoi ?

Rosine / C'est bon pour tout.

Rosine et Achille versent de l'eau dans leurs verres. Rosine prend aussi une pilule verte.

Achille / Ça sent bon.

Rosine / Ça sent l'sapin.

Achille / (Il hume l'air vers le public) Ça sent l'sapin ?

Rosine / Ça doit être toi, t'es toujours en train de te plaindre. «J'ai mal là ! J'ai mal là ! J'ai mal là».

Achille / C'est pas d'ma faute si j'ai mal partout.

Rosine / T'en fais pas, ce s'ra bientôt fini.

Achille / Comment ça ?


Rosine / La pilule verte, c'est un anti douleurs. C’est radical. Avec cette pilule là, après, t'as plus mal nulle part.

Achille / On ne ressent plus rien ?


Rosine / Rien du tout ! Après, t'es mort.


Achille / Non ? Tu m'as..? Tu m'as empoisonné ?

Rosine / J'aime pas les gens qui souffrent.


Achille / C'est pas possible ! La saleté.. Elle m'a empoisonné. J'appelle les flics. (Il prend son portable)

Rosine / Ça ne servira à rien.

Achille / Si ! Tu finiras en taule. (Fébrile, il compose le numéro) Allô ? La police ? .. Ah ? Je suis à la boucherie.. Excusez-moi. (Il raccroche) Je vais te..


Rosine / T'énerves pas, je l'ai prise aussi.


Achille / T'as avalé la pilule ?

Rosine / Je n'pouvais pas te laisser partir sans moi.


Achille / T'as fait un suicide collectif avec moi ?

Rosine / Comme Roméo et Juliette. C'est une belle fin. C'est romantique. Tu aurais pu finir tout seul. Mais à deux, dans l'journal, on va faire un tabac ! Les amants terribles, c'est beau non ?

Achille / Elle m'aura fait chier jusqu'au bout. (Il suffoque)

Rosine / Dis moi quelque chose de gentil avant que tout soit fini. Un dernier mot.

Achille / J't'emmerde !

Rosine / (Elle rit) Mais non patate ! La pilule verte, c'est seulement pour la digestion.

Achille / La sal, la sal.. (Il a des spasmes comme pour une crise cardiaque)

Rosine / Mais qu'est-ce qu'il a ? Le con, il me fait une crise cardiaque !

Achille / J'étouffe.


Rosine / Merde. Faut que j'lui fasse du bouche à bouche ! (Elle lui en fait et le secoue pour le ranimer ) La vache ! Il sent la picole à plein nez.

Achille / (Après quelques instants..) Ça c'est d'la gamelle !

Rosine / T'avais rien !

Achille / Si on n'peut plus rigoler..

Rosine / L'ordure..

Achille / Qu'est-ce tu f'rais sans moi ?

Rosine / Tout. Même le ménage ?


Achille / Évidemment. C'est facile de me rabaisser avec des trucs que je n'sais pas faire.


Rosine / Excuse-moi, j'oublie toujours que j'ai épousé un intellectuel.

Achille / Avec toi, ça fait baisser la moyenne.

Rosine / Suffit pas d'avoir un cerveau dans la vie, faut aussi savoir s'en servir.

Achille / T'es contente ? Tu m'as fichu le moral en l'air pour la journée.


Rosine / T'as qu'à aller faire un tour au cimetière, ça te changera les idées.

Sne 2 : Achille / Rosine / Kevin / Sylvaine

On sonne à la porte. Rosine va ouvrir

Rosine / Déjà d'la visite ! On devrait faire comme dans les maisons de retraite ; Pour voir les vieux, c'est l'après-midi. (Elle regarde par l’œilleton) Tiens ! Notre fils et sa coincée habituelle. Franchement il aurait pu trouver mieux.

Achille / On trouve ce qu'on peut.

Rosine / A tous les coups, ils vont nous demander du pognon.

Rosine ouvre. Kevin et son épouse entrent. Ils sont habillés de façon très classique, puis dans les scènes suivantes, dans un style de plus en plus daté.

Rosine / (Faussement) C'est gentil de rendre une visite à ses vieux parents..

Kevin / On passait par là, alors on s'est dit, on ne va quand même pas passer sans s'arrêter.

Rosine / (Sur le même ton) Vous avez bien fait..

Sylvaine / Comment ça va ?

Achille / On n'est pas encore mort.

Rosine / Ce qui compte, c'est l'moral.

Kevin / Tant mieux ! Parce que, faut faire attention.

Sylvaine / Faut faire attention à tout.

Achille / Oh mais on fait attention. Jamais d'excès !


Rosine / (Avec une allusion à l'amour..) Ça s'est sûr.

Achille / La vie est trop courte pour ne pas en profiter jusqu'au bout.


Rosine / Pour en profiter, on en profite ! Et les enfants ? Ils ne sont pas avec vous ?

Kevin / Ils sont chez des amis.

Achille / J'ai compris ! Vous voulez faire une petite escapade en amoureux.

Kevin / Vous devriez en faire, vous aussi, des escapades.

Achille / Mais on en fait. On sort. Hier, on est allé à un enterrement.


Sylvaine / Nous allons en Espagne.

Kevin / C'est parce qu'on a eu des réductions. Vingt pour cent !

Achille / Avec la réduction, vous pourriez emmener les enfants ?

Sylvaine / On voudrait bien, mais ils parlent pas l'Espagnol.


Kevin / Sylvaine adore l'Espagne, et je lui ai toujours promis qu'un jour je l'emmènerai

Rosine / Ah ça c'est gentil ! T'entends Achille ? Tu ne m'as jamais emmenée en Espagne.

Achille / Et la paella qu'on a mangé y'a deux ans au restaurant pour ton anniversaire ; ça compte pas ?

Kevin / On ne va pas vous déranger plus longtemps. Faudrait pas qu'on rate l'avion.

Achille / Vous auriez pu nous apporter les enfants, on les aurait gardés.


Sylvaine / On ne voulait pas vous encombrer.

Kevin / Et puis, nos amis gardent aussi le chien.

Achille / Même garder le chien, ça nous aurait fait plaisir.


Rosine / C'est quand même de la famille..

Kevin / Les enfants se plaisent bien chez nos amis.

Rosine / C'est sûr que c'est mieux que chez des vieux.

Sylvaine / Et eux, ils ont aussi des enfants.

Kevin / Bien sûr, c'est des amis, mais on leur paye une pension.

Sylvaine / Les enfants, ça revient toujours à cher.

Kevin / En plus, en Espagne, même avec la réduction, c'est quand même pas gratuit..

Rosine / On est là pour vous aider.

Kevin / Ben..

Achille / C'est bientôt mon anniversaire, on peut bien leur faire un cadeau. Allez ! Deux cents !

Sylvaine / Ah ça c'est gentil.

Achille / On ne va quand même pas priver nos enfants de leurs vacances ! Quand t'étais petit, on ne pouvait t'emmener qu'à la mer.

Rosine / C'est vrai, c'est tellement nul, la mer.. Par rapport à l’Espagne..

Kevin / On vous ramènera des photos !

Rosine / (Faussement enjouée) Des photos ! C'est super !

Achille / Vous nous raconterez votre voyage. (Il donne l'argent à Sylvaine)


Sylvaine / On ne voudrait pas abuser.

Rosine / (Sur un ton vachard) Les parents, faut bien que ça serve à quelque chose..


Achille / Vous restez à dîner ?


Kevin / Merci mais faudrait pas qu'on rate l'avion.

Sylvaine / On mangera sur le pouce, .. Parce que le restaurant..

Kevin / C'est un peu cher..

Achille / Bien.. (Il redonne des billets) Et bon appétit.

Kevin / Ca me gêne..

Achille / Mais faut pas.

Rosine / Achille ! T'as entendu ! Tu vois pas que tu les gênes ?

Achille / (A Rosine) T'en veux aussi pour que tu t'barres ?

Kevin / C'est bien pour te faire plaisir. (Il prend l'argent)

Sylvaine / Qu'est-ce que vous êtes gentils.

Kevin / C'est promis, on repassera vous faire un coucou au retour.

Sylvaine / Avec les photos.

Rosine / C'est formidable.. On les mettra dans l'album de vos voyages.

Achille / Vous appelez quand vous êtes arrivés.

Kevin / On va essayer, mais tu sais, en Espagne, le téléphone..

Achille / (Il donne un billet à Kevin) Pour nous téléphoner.


Kevin et Sylvaine embrassent les parents puis partent

Scène 3 / Achille / Rosine / Roland / Marguerite

Rosine / C'est pas possible, c'est pas moi la mère.

Achille / Ils sont jeunes, faut bien qu'ils en profitent.


Rosine / Qu'ils profitent de nous c'est sûr..

Achille / Je serais bien allé avec eux.


Rosine / Ils n'emmènent pas les vieux, les vieux ça fait ralentir.


Achille / Et alors ! Quand on a des enfants, c'est pour les rendre heureux non ?

Rosine / Un d'ces jours, ils iront sur la lune. Et qui c'est qui paiera, ce s'ra nous !

Achille / Dans la vie, faut savoir donner

Rosine / Avec toi, j'ai beaucoup donné..

On sonne à la porte

Achille / Ca doit être Roland et Marguerite. Ils sont de bonne heure.


Rosine / C'est normal ; quand on est chez soi, on s'emmerde.


Rosine va ouvrir. Roland entre en brandissant une bouteille

Roland / Alors les amoureux ? La forme ?

Marguerite / On s'est dit, on va y aller plus tôt, ça va leur faire plaisir. Alors comment ça va ?

Achille / J'ai un peu mal.. Et là, et là aussi.


Rosine / Vous en faîtes pas, il n'est pas contagieux.


Achille / Ce matin, j'ai failli pas m'lever.

Rosine / C’est normal, t’as toujours été fainéant.


Roland / Alors, moi j'ai la forme.


Marguerite / Forcément, tu fous rien de tes journées.

Roland / Je te fais remarquer qu'hier j'ai rangé la vaisselle.

Marguerite / T'as rangé la vaisselle dans l'armoire.


Rosine / Ca nous dit pas ce qu'on va faire.

Marguerite / Si on faisait une partie de dominos !

Achille / Ah non ! Je préfère les échecs. Les échecs, c'est un jeu de stratégie. C'est pas donné à tout l'monde.

Rosine / C'est sûr que pour les échecs, t'es champion du monde !

Roland / On pourrait jouer aux dames...

Marguerite / Avec quoi ?

Roland / (A Marguerite) Tu m'aimes plus comme au début ?

Marguerite / (Avec un air de sous-entendu) Tu sais bien qu'il n'y a que toi.

Roland / C'est vrai ! Hein marguerite ?

Marguerite / (Avec regret) Et oui.. Y’a que toi. (Toujours sur un air de sous-entendu) Heureusement j'ai la vue qui baisse.

Roland / Pourquoi tu dis ça ?

Marguerite / Je préfère t'imaginer dans l'brouillard que de te voir en plein soleil.

Rosine / On s'fait une p'tite belote ?

Marguerite / On y a joué hier.

Rosine / Un scrabble !

Roland / Le scrabble, c'est pour les filles.

Marguerite / C'est parce qu'elles savent lire, elles !

Achille / Et si on n'foutait rien du tout.

Marguerite / Ca va pas !

Achille / On resterait assis, on regarderait les gens passer, et on viderait la bouteille..

Marguerite / (A Rosine) Il a vu un docteur ?

Rosine / Oui, il l'a foutu dehors.

Marguerite / On pourrait sortir.

Achille / Pour aller où ?

Marguerite / (A Achille) Tu ne nous ferais pas une petite dépression ?


Roland / On n'a qu'à boire un coup.

Rosine / Tu veux le faire boire ? Déjà qu'il a du mal à tenir debout.


Roland / Achille ! Faut réagir ! Ce qui compte, c'est de garder le moral. Après le reste, c'est rien du tout.


Marguerite / Ca c'est vrai. Faut garder l'moral.


Roland / On en a tellement fait ensemble.

Marguerite / Vous allez pas nous raconter vos souvenirs !

Rosine / (A propos d’Achille) Moi, y'a des souvenirs que j'aime mieux pas me rappeler.

Achille / En plus, on vit dans un quartier d'vieux.


Roland / Dès que tu sors, tu tombes sur quoi ? Au Super ! A la Poste ! Partout ! Y’a toujours un vieux.

Achille / Ils sont où, les jeunes ? Hein ? Ils sont où ?

Roland / J'vais te dire, c'est fait exprès. C’est pour faire des économies. En mettant les vieux ensemble, ça les encourage pas à durer..


Rosine / Et tu rentres chez toi, pareil ! Même ton chat, c'est un vieux.

Roland / Alors les vieux, à force, ils comprennent qu'ils dérangent, et ils deviennent de moins en moins résistants.. Et un jour, clac !

Roland / Et c'est tout bénef pour les caisses de retraite.


Achille / Ils nous exterminent en douce.

Roland / Des fois, je dis pas que je suis vieux.

Achille / Moi non plus. Tiens au ciné, les réductions pour les vieux. Je refuse. Je dis toujours que j'ai dix ans d'moins. Résultat, je paye le double.

Roland / On est quand même des êtres humains.

Rosine / Nous, on se conserve mieux.

Achille / Forcément, les femmes, elles sont moins touchées, les femmes, ça dure plus longtemps.

Roland / Alors évidemment, c'est pas leur problème.

Rosine / Bon. Moi j'en ai ras l'pompon ! Si on sortait ?

Roland / On pourrait aller au Super, c'est l'heure de pointe.

Achille / La dernière fois, on a fait un bouchon.

Marguerite / Non. On va aller au Parc.

Achille / Le parc c'est nul.

Marguerite / On va donner à manger aux pigeons.


Roland / J'aime pas les pigeons. C'est con, un pigeon.

Rosine / Y'a pas qu'les pigeons.

Achille / Et bien nous on va rester ici à discuter. Entre hommes.

Rosine / (Elle prend la bouteille) Sans la bouteille. Tu sais bien que tu n'supportes pas l'alcool.


Achille / Y'a pas que l'alcool que je n'supporte pas.

Rosine / Et si tu vas dans la chambre, tu prends les patins !

Achille / J'en ai marre de tes patins !

Rosine / (Menaçante) Ou tu prends les patins, ou tu t'prends une casserole !

Achille / La violence, toujours la violence. Fasciste !


Elles sortent


Scène 4 : Achille / Roland

Ils soupirent pendant d'interminables secondes..

Roland / Et oui.


Achille / Oh la la

Roland / Oh oui !

Achille / Qu'est-ce qu'on s'emmerde !

Roland / Oui mais c'est mieux de s'emmerder à deux.

Scène 5 / Achille / Roland / Prêtre

On sonne à la porte

Achille / Tiens, on sonne ? On peut jamais être tranquille. (Achille va ouvrir) Ben ?

Prêtre / N’ayez pas peur ; je viens pour vous aider.


Achille / M’aider ? M’aider à quoi ?  

Prêtre / J’ai appris..

Achille / Vous avez appris quoi ?


Prêtre / On m’a dit que.. Vous étiez très.. Enfin, ce serait une question d’heures..


Achille / Une question d’heures ?


Prêtre / Oui. Mais au contraire ! Vous devez vous réjouir. Bientôt vous verrez notre père.

Achille / Le père de qui ?


Prêtre / Le nôtre. Le père de tous les enfants. Mais, d’abord, je vais vous confesser.


Achille / Mais ça va pas ; j’ai rien à dire !

Prêtre / On dit ça..


Achille / Et je ne suis pas malade !


Prêtre / Il faut soulager votre conscience avant de partir.


Achille / J’irai nulle part.


Prêtre / Je sais, c’est difficile, mais ça vous fera du bien.

Achille / La vache !

Prêtre / Pardon ?

Achille / J’ai compris ! C’est ma femme qui vous a dit que..


Prêtre / Non mais on m’en dit tellement.


Achille / Parce que c’est pas moi qui est malade. (Désignant Roland) C’est lui.

Prêtre / Ah bon ?


Roland / Je suis pas malade ! Qu’est-ce que c’est que ces conneries ?

Prêtre / Vous n’avez pas mal quelque part ?

Roland / Pourquoi j’aurais mal ? Je pète la forme.

Prêtre / Parce que déjà, en vous regardant..

Roland / En me regardant ?

Prêtre / Je ne suis pas docteur mais j’ai l’habitude.

Roland / Mais vous êtes malade !


Prêtre / Faites moi confiance. Bientôt vous vous sentirez mieux.

Achille / Euh.. Mon père.. Si vous voulez bien nous laisser un peu seuls. Je vais essayer de le convaincre. Vous comprenez, Y’a des nouvelles, ça fait pas toujours plaisir.


Prêtre / Je comprends. Faut se faire à l’idée. Alors je vous laisse, mais je reviendrai. Je finis toujours par revenir.

Le curé sort

Scène 6 / Achille / Roland

Roland / Pourquoi t’as dit que j’étais malade ?

Achille / Je savais pas quoi dire.

Roland / Oui, mais.. Merci.

Achille / La saleté. Faut toujours qu’elle en invente.


Roland / Je vais te dire ; elles ne nous méritent pas.


Achille / On donne ça, elles veulent ça.

Roland / Quand elles veulent pas plus !


Achille / Et puis je ne vais jamais à la messe. Je ne vais qu’aux enterrements ! Les enterrements, ça compte pas.  

Roland / Elles profitent de notre faiblesse.

Achille / Oh ! Attend ! Est-que tu connais Gogol.

Roland / C'est qui Gogol ?

Achille / C'est quelqu'un dans l'internet ? Y'a même des trucs pour des gars pour nous. Des trucs de rencontre. «Inter-nénettes». Je vais t'faire voir.

Achille va chercher son ordinateur portable

Roland / C'est pour rencontrer qui ?

Achille (Il installe l'ordinateur) Des femmes. Et des bien ! Et si tu veux, tu dis même pas qui t'es, et tu peux en avoir plein. Tiens, c'est là. T'as vu, je m'suis déjà inscrit.

Roland / C'est toi, là ?

Achille / Sûr que c'est moi, mais j'ai pas mis ma photo. Ca augmente les chances.

Roland / Et tu t'appelles... Labraise.

Achille / Faut mettre des noms comme ça. Hé ! Labraise ! Chaud comme la braise.

Roland / T'as vingt deux ans ?

Achille / Ben oui. Plus t'es jeune, plus t'attires.

Roland / T'as pas mis une photo de toi ?


Achille / Pour me faire jeter dès l'départ ! Hé ! (En riant) Comme photo, j'aurais pu mettre une photo de ma radio, quand je m'étais cassé l'fémur. J'aurais dit que j'étais médecin chef dans un hôpital.


Roland / Et t'as mis quoi comme boulot ?


Achille / PDG ! C'est bien, PDG.

Roland / C'est sûr, c'est pas avec un retraité du public qu'elle va toucher l'gros lot. Et elle, c'est qui ?

Achille / C'est ma copine.


Roland / C'est ta copine !

Achille / Ca va pas tarder.

Roland / La vache ! Elle fait même pas trente ans.

Achille / Et quand on va s'rencontrer, j'te dis pas. On va fout' le feu.


Roland / Tu vas la rencontrer ?

Achille / A moins que j'en prenne une autre. Y'en a plein. T'as vu les noms ! Petite fouine ! La pieuvre ! Marie-France !

Roland / Mais t'as pas peur, quand elles te verront, qu'elles changent d'avis ?


Achille / T'as raison. Faut pas que j'm'emballe. Faut les préparer. Faudrait pas que ça leur fasse un choc.

Roland / Et vous vous parlez ?

Achille / Elle me dit tout. Et je sais ses goûts. Tiens, la pieuvre, elle est comme moi, elle aime l'aventure et les moules frites.

Roland / Et ta femme ?

Achille / Elle est pas au courant. Je lui ferai la surprise.

Roland / Tu lui feras la surprise ?

Achille / Ben oui. Alors, quand je s'rai avec l'autre, au revoir madame, et démerde toi !

Roland / C'est pas sympa.

Achille / Elle a assez profité de moi, j'ai quand même le droit de vivre.

Roland / Elle va pas apprécier.


Achille / Tu devrais en faire autant ! Tiens, tu pourrais t'appeler.. Cabri bouillant !

Roland / Ah non, moi, j'aime encore ma femme.

Achille / C'est nul.


On sonne à la porte

Scène 7 : Achille / Roland / Irina

Achille / (Il se lève péniblement et va ouvrir en se traînant) Ca doit être l'infirmière pour la piqûre.. (Crié) Ça vient ! Ça vient doucement mais ça vient..

Il ouvre la porte, une jeune femme (en pleine forme) entre. Elle peut éventuellement être en short

Achille / (Très étonné) Euh... (voire au bord de l'infarctus) Bonjour.. Vous êtes la nouvelle infirmière ?

Irina / Pas dut tout. Je suis votre nouvelle voisine.

Achille / Notre nouvelle voisine ? Ils ont déménagé, les vieux c.. Les autres ?

Irina / Ils ont déménagé hier, et comme je cherchais un logement, j'ai eu de la chance. Ce serait idiot que je dorme dans la rue.

Roland / Ah ça oui ! A votre âge, faudrait pas avoir de cœur pour vous laisser dormir toute seule dehors.

Irina / J'adore votre quartier, c'est tellement calme.

Roland / On se l'disait y'a encore cinq minutes : qu'est-ce que c'est calme !


Achille / Je n'ai même pas entendu les voisins partir.

Irina / Vous n'avez rien entendu ?

Roland / C'est normal, il est sourd.

Achille / Sourd ? Je n'suis pas sourd. J'ai six sur dix à l'oreille droite et quatre à l'oreille gauche !

Irina / (Elle crie) En tout cas, vous avez l'air en pleine forme.


Roland / On s'entretient..

Irina / Ca c'est bien ; moi aussi je m'entretiens.


Roland / (La regardant..) Ca c‘est bien.


Achille / (La regardant..) J'adore le sport.

Irina / Vous faîtes du sport ?

Achille / En amateur.


Irina / Vous faîtes quoi comme sport ?


Achille / Du patin. Je patine beaucoup.

Ensuite Achille et Roland jouent la scène comme des vieux beaux

Roland / Et moi, de la muscu.

Irina / De l'amuse quoi ?

Roland / De la muscu. Une fois par mois, je soulève des trucs, mais j'ai dû arrêter, j'ai attrapé une hernie «fiscale». Mais je vais m'y r'mettre.

Irina / Bien sûr, vous faîtes encore jeune.


Achille / Et en plus, moi, j'ai l'esprit jeune !

Irina / Pardonnez moi si je suis indiscrète. Vous vivez ensemble ?


Roland / On n'est pas mariés.

Achille / On est mariés, mais avec une femme.

Roland / Toujours la même.


Irina / Vous avez une femme pour vous deux ?


Roland / Pas du tout ! On a chacun la nôtre.

Achille / Mais on est restés très libre. On est un couple moderne.

Irina / Des histoires d'amour qui durent, c'est tellement romantique.


Achille / Ca c'est sûr, ça fait longtemps que ça dure.


Irina / Les couples, ça a tellement de choses à se dire.


Achille / Ça c'est vrai, on s'en dit tous les jours !


Roland / Et vous ? Vous avez quelqu'un ?

Irina / Personne. Je dois être trop difficile.

Achille / Vous n'avez personne ?

Irina / Et puis les hommes.. Je n'ai pas confiance.. Surtout les jeunes..


Roland / C'est pas faux. Les jeunes, c'est plus c'que c'était. Avant les jeunes, d'accord, mais les jeunes, de nos jours..

Irina / C'est tellement difficile de trouver un homme bien..

Achille / Y'en a encore..

Roland / Des fois même, y'a pas besoin d'aller loin.

Irina / Et puis l'amour, ce n'est pas toujours une question d'âge.

Achille et Roland / (Ils s'exclament) Alors ça c'est vrai !


Irina / Mais je vous dérange peut-être ?

Achille / Oh mais pas du tout ! (D'un seul coup, il retrouve comme une nouvelle jeunesse) Vous voulez vous asseoir ? Une bière ?

Irina / Merci ; je fais attention à ma ligne

Roland / Alors là vous avez bien raison ! Nous c'est pareil.

Achille  / Et donc vous vous appelez ?

Irina / Irina Vésouvia. Je suis d'origine italienne.


Roland / C'est beau l'Italie.

Irina / Je n'y suis jamais allée.

Achille / Le Parthénon.. Les Pyramides.. Euh.. Vous vouliez un petit service. Si je peux être utile..

Irina / Auriez-vous un tournevis ?

Achille / Un tournevis ?

Irina / J'ai quelques petits réglages de meubles à faire. Et je n'ai pas de tournevis. Je suis un peu bête non ?


Achille / Mais pas du tout !


Roland / A votre âge, on ne peut pas penser à tout.

Irina / C'est pour monter un meuble. Je n'ai pas beaucoup de meubles. Enfin.. Je n'ai pas grand chose.


Achille / (La regardant..) Vous avez déjà l’essentiel..

Roland / Mais si vous voulez, on vous remonte tout ! La cuisine, le lit ! On en a connu des tournevis dans notre vie, et on n'a pas perdu la main. Hein Achille ? On n'a pas perdu la main.


Achille / Sûr !

Irina / C'est gentil, mais il faut que j'apprenne à me débrouiller toute seule.


Achille / Je vais vous l'chercher, votre tournevis. (Il s'active en allant dans une autre pièce)

Irina / Il est gentil, votre ami..


Roland / Oui, mais des fois.. Il s'irrite vite..

Irina / C'est vrai, les personnes âgées s'irritent facilement.

Roland / Pas tous, pas tous !

Irina / Vous êtes aussi du quartier ?


Roland / J'habite de l'autre côté. Alors, en sortant, vous prenez à droite, puis à gauche, puis encore à droite et c'est l'impasse des petits oiseaux, numéro quatre. Et des tournevis, j'en ai plein ! Alors, si jamais vous avez besoin de quoi que ce soit, un tournevis, une tronçonneuse, une bétonnière, vous pouvez m'appelez jour et nuit !

Irina / Vous êtes trop gentil.


Roland / Mais c'est normal, entre voisins..

Irina / Des gens comme vous, c'est rare. Monsieur..?

Roland / Roland. Comme l'autre, celui qui jouait de son corps.. Euh.. Du cor.

Irina / Ah oui ! Et bien dîtes donc ça ne date pas d'hier comme prénom..


Roland / Ca revient à la mode.

Irina / Et votre ami ? C'est quoi son prénom ?

Roland / Achille. Ca fait un peu antique comme prénom, mais à son âge, ça lui va bien.

Irina / A son âge, il a quel âge.


Roland / Dix ans de plus que moi.

Achille / (Il entre) Le menteur ! On était à la maternelle ensemble. (Il entre avec une caisse à outils). Si vous voulez, j'ai aussi une débroussailleuse, un taille-haie, et trois jerrycans de super !

Irina / Vous êtres trop chou, je vais juste prendre un petit tournevis. (Elle le choisit)

Roland / Vous ne voulez pas voir mes tournevis ?

Irina / Je crois que celui de monsieur Achille fera l'affaire.

Achille / Vous verrez ; mon petit machin, il va vous épater.

Irina / Et quand j'aurais fini, je viendrai vous le rendre.

Achille / Ah mais je peux aller le chercher chez vous.

Irina / Je ne voudrais pas vous fatiguer inutilement

Achille / Mais pas du tout ! C'est pas cinquante mètres qui vont m'faire peur.


Irina / Vous viendrez prendre le café.


Achille / Quand ?


Irina / Un d'ces jours ! Allez, à bientôt..

Achille / Vous ne voulez pas autre chose ? Parce que si vous voulez autre chose, faut pas hésiter à l'dire !

Irina / C'est gentil mais il faut que je me dépêche. Je ne suis pas à la retraite, moi. Alors, à bientôt, et surtout, merci.

Irina sort

Scène 8 : Achille / Roland

Ils s'affalent dans le canapé, comme épuisés.

Roland / Des comme ça, on n'en voit pas tous les jours.

Achille / C'est l'même genre qu’avec le Gogol.

Roland / Si ça s'trouve, c'est une de tes copines.

Achille / Ca s'peut pas, j'ai pas donné mon adresse.


Roland / T'as donné quoi comme adresse ?

Achille / La tienne.


Roland / La mienne ?


Achille / Mais non ! Hé ! Gogol, mais pas con. On s'verra dans un café. Au bar des sports. Elle aime les sportifs.

Roland / En tout cas, celle-là, ça c'est d'la voisine !

Achille / Elle va habiter à la place des vieux cons, juste en face. Au moins, y'aura quelque chose à regarder.

On sonne à nouveau à la porte

Roland / Si ça s'trouve c'est encore elle, elle a dû oublier quelque chose.

Achille / Elle peut me demander tout ce qu'elle veut, ses meubles, la chambre à coucher, la tuyauterie, je lui refais tout !

Roland / C'est moi qui y vais ! (Il se lève d'un bond)

Achille / Oh ! Laisse faire le roi du bricolage ! (Il crie) J'arrive ! Je vais m'occuper d'vous !

Scène 9 : Achille / Roland / Infirmière

Il ouvre la porte. L'infirmière entre (Elle n'est pas du genre aimable).

Infirmière / Moi aussi, je vais m'occuper d'vous. Enlevez votre pantalon.

Roland / (A Achille) Qu'est-ce que ? Qu'est-ce que c'est ? C'est ta copine ?

Infirmière / C'est pas sa copine, c'est l'infirmière !

Roland / Tu sors avec une infirmière ?

Infirmière / C'est votre copain ? Il en tient une couche ?


Achille / Oui. Ils ont voulu savoir si ça venait du cerveau. Ils ont cherché partout.


Infirmière / Et alors ?

Achille / Ils n'ont pas trouvé d'cerveau.

Roland / C'est pas drôle.

Infirmière / Je suis l'infirmière de monsieur ! Soins à domicile ! Entretien journalier ! Rééducation ! Des premiers aux derniers soins, je bosse jusqu'au bout. Quand j'ai fini, en général, ils sont morts.

Roland / Achille a bien de la chance.

Infirmière / Et je fais des miracles ! Quand ils me voient, les sourds m'écoutent, les aveugles regardent ailleurs, les paralytiques se mettent à courir, et les bavards la ferment.


Roland / (Se parlant à lui-même) C'est sûr que ça donne envie de courir..

Infirmière / Je suis spécialisée dans l'ancien. Et spécialiste de la réanimation d'urgence.

Roland / Et c'est quoi la réanimation d'urgence ?


Infirmière / C'est quand j'envoie des baffes. (A Achille) Allez, montrez moi votre fesse gauche.

Achille / On peut pas changer ? C'est toujours elle qui prend.


Infirmière / C'est vrai qu'à force, elle va ressembler à une passoire. Allez, passez moi la droite.

Roland / J'ai horreur des piqûres. Je risque de m'évanouir.

Infirmière / La chochotte ! Je vous ferai une réanimation d'urgence. (A Achille) Bon ! Elle vient, cette fesse ! On va pas y passer la s'maine !

Roland / Vous allez faire ça ici ?

Infirmière / Vous n'avez jamais vu une paire de fesses ? Des paires de fesses, moi, j'en vois des dizaines tous les jours ! C'est pas toujours beau à voir mais ça m'a jamais empêchée de dormir.

Achille / On pourrait aller dans la chambre.

Infirmière / C'est ça. Et dans la chambre, on essaie comme d'habitude. Des fois que l’infirmière.. On peut pas faire grand chose mais on essaie quand même.

Achille / Dîtes ? Vous pourriez pas faire une piqûre pour.. Pour le.. Hein ? Pour la.. C'est bientôt mon anniversaire. Je voudrais faire une surprise à ma femme.

Infirmière / Encore un mot là d'ssus, et la piqûre, ça s'ra la dernière. Pour ce genre de truc, dans votre état, faudrait mieux aller à Lourdes.

Roland / Si vous pouviez ne pas le faire là.

Infirmière / Bien ! Puisque qu'il semble que le spectacle serait insupportable, je vais vous la faire dans votre chambre.

Achille / Y'a aussi mes massages. Avec ma mutuelle, j'ai droit à un massage par jour.


Infirmière / Très bien. Je vous masser. La piqûre et l'massage. Mais attention ! Au moindre geste, je vous endors pendant quinze jours ! Allez ! Dans la chambre ! Et qu'ça saute !

Achille part dans la chambre suivie de l'infirmière qui brandit sa seringue.

Roland / (Impressionné) Ben dis donc..


Infirmière / Elle a dit quelque chose, la chochotte ?

Roland / Pas du tout.. Je me disais qu'il avait bien de la chance d'avoir une infirmière comme vous.

Infirmière / Une vraie chochotte. Douillet, trouillard, et faux cul en plus !

L'infirmière sort

Scène 10 : Roland / Charlatan

Roland / Elle est complètement cinglée.

On sonne à la porte. Il va ouvrir. Un homme entre (Ou une femme) Il est vêtu de façon excentrique. (toge, plumes, ou autre)

Charlatan / Je suis bien chez monsieur Achille Lapèche ?

Roland / Oui, mais pour l'instant il est occupé. Il est dans la chambre, avec une femme.

Charlatan / Avec une femme. Et ce s'ra long ?

Roland / Je n'pense pas.


Charlatan / Ah. Euh, si vous permettez, je vais attendre. Et vous êtes ?

Roland / Roland Dimine. Je suis le meilleur ami de monsieur Lapèche.

Charlatan / Le meilleur ami. C'est tellement merveilleux d'avoir un meilleur ami.


Roland / Vous êtes un ami d'Achille ?

Charlatan / Je suis l'ami de tous.


Roland / Vous le connaissez depuis longtemps ?


Charlatan / Je ne le connais pas du tout ! Je ne l'ai même jamais vu, mais je connais ses problèmes.


Roland / C'est pourquoi ?

Charlatan / Chut.. Je sens des mauvais esprits.. Il faut toujours chasser les mauvais esprits. (Il fait des gestes étranges, voire inquiétants, pour chasser les mauvais esprits)


Roland / C'est pas la peine, elle sont sorties.

Charlatan / Non. Je le sens. Ils sont encore là, ils s'infiltrent, ils vous empoisonnent..

Roland / Vous êtes médecin ?

Charlatan / Médecin ? Je suis beaucoup mieux. Je m'présente : Oupala Cétakesse ! Je guéris tout ! D'ailleurs j'avais envoyé à monsieur Lapèche un petit courrier il y a quelque temps. ... Pour ses problèmes..

Roland / Ses problèmes ?


Charlatan / Il n'a pas d'appétit, il est toujours fatigué, il s'énerve pour un rien, il ne peut pas faire grand chose, bref, il est quasiment foutu.

Roland / Ça c'est vrai. Même la vaisselle, il y'arrive pas.

Charlatan / Heureusement, avec moi, ça va changer.

Roland / Ca s'appelle comment sa maladie ?

Charlatan / La vieillesse. La plupart du temps on en meurt.

Roland / Ah bon ?.. Ah ben oui.

On entend ensuite des gémissements provenant de la chambre où se trouvent Achille et l'infirmière

Charlatan / C'est lui ? .. Il souffre ? A son âge, ça ne m'étonne pas.

Roland / En général, ça dure pas plus de cinq minutes.

Charlatan / Cinq minutes ! C'est énorme.

Roland / C'est pas sa femme.


Charlatan / Je comprends mieux.

Roland / Et d'après ce qu'elle raconte, elle sait s'y prendre.

Charlatan / Elle lui fait quoi ?

Roland / Faut mieux pas savoir.

On entend des cris

Charlatan / C'est incroyable.

Roland / Ah ça oui. Elle ne lâche rien.


Charlatan / A son âge ! Je n'en reviens pas ! ..

Roland / Elle vient tous les jours.


Charlatan / Tous les jours?

Roland / Même le dimanche.

Charlatan / Mais ? Son épouse ? Qu'est-ce qu'elle dit ?


Roland / Elle est d'accord. Y'aurait qu'elle, il y passerait toute la journée.

Charlatan / Toute la journée ?


Roland / C'est qu'elle a de l'expérience. Quand c'est pas Achille, c'est quelqu'un d'autre, elle n'arrête pas.

Charlatan / C'est une professionnelle ?

Roland / Une vraie.

Charlatan / Remarquez, je n'ai rien contre les prostituées. Faut bien qu'elles mangent.

Roland / C'est pas une prostituée, c'est une infirmière.


Charlatan / Une infirmière, et il la..

Roland / Vous rigolez. Achille ne lui ferait pas grand mal. C'est plutôt elle.

Charlatan / Elle lui fait quoi ?

On entend des cris

Roland / Des massages. Elle le masse. Il va finir en compote.


Charlatan / D'accord ! Un moment j'ai eu peur d'être venu pour rien.


Roland / Venu pour rien ? Vous venez pour quoi ?


Charlatan / (Il lui présente un flacon) Pour ça.

Roland / C'est quoi ?

Charlatan / L'avenir.

Roland / L'avenir ?

Charlatan / Y'a pas d'âge pour avoir un avenir. Et avec ça, vous voyez la vie autrement, c'est moi qui vous l'dit.

Roland / C'est quoi ?

Charlatan / C'est un sorcier d'Amazonie orientale qui m'a donné la recette sur son lit de mort.

Roland / Son lit de mort ?


Charlatan / Un hamac.

Roland / Un sorcier d'Amazonie ?


Charlatan / Il avait cent cinquante quatre ans.

Roland / Cent cinquante quatre ans ?


Charlatan / Et demi. Et avec ça, vous rajeunissez d'un coup.


Roland / C'est ça, oui..

Charlatan / Vous êtes sceptique, c'est normal. Mais moi j'en ai pris. Quel âge vous me donnez ?

Roland / Je n'sais pas. Quarante ?

Charlatan / J'en ai quatre vingt dix huit.

Roland / Quatre vingt dix huit ! Je l'crois pas.

Charlatan / Et là, vous l'croyez ? (il lui montre une carte de réduction) Ma carte de réduction au supermarché. Vous voyez ma date de naissance.

Roland / Quatre vingt dix huit ans. La vache !

Charlatan / Oui monsieur. Avec une santé d'cheval.

Roland / Vous en buvez depuis longtemps ?


Charlatan / Depuis une dizaine d'années. Un petit coup tous les jours. Par contre, faut bien faire attention au dosage.


Roland / Rien qu'une petite goutte ?

Charlatan / Ce truc là, ça donne faim ça donne soif, et ça fait repousser les dents. Avec ça, vous grimpez l'Everest en marche arrière comme si c'était une paire de rideaux.

Roland / Et pour..la..?

Charlatan / Un festival ! On en a donné à des bêtes sauvages en Afrique. Des lions, des zèbres, des crocodiles..

Roland / Ils se sont bouffés entre eux ?


Charlatan / Non monsieur ! Ils ne se mangent pas, ils baisent.


Roland / Non ?

Charlatan / C'était horrible à voir. Des girafes avec des oreilles d'éléphants. Des lions zébrés, on a du arrêter de leur en donner..


Roland / C'est incroyable. Ils en n'ont jamais parlé à la télé.


Charlatan / Forcément ! Vous imaginez, si tout le monde se met à rajeunir de vingt ans, vous videz les les caisses de retraite ? En deux ans, la population aura doublé !

Roland / Je.. Je peux quand même goûter ?

Charlatan / Normalement je ne devrais pas. Mais bon, je vois que êtes du genre éveillé. Allez, c'est ma tournée. Mais attention, juste une gorgée ! (il lui propose son flacon)


Roland / Ah ça c'est gentil. (ll boit un peu plus qu'une gorgée) C'est pas mauvais.

Charlatan / Alors ?

Roland / Alors quoi ?

Charlatan / Alors ? Vous sentez ?

Roland / Je n'sens rien.

Charlatan / Vous êtes sûr ?


Roland / (Il baisse les yeux) Mais ? Mais ? Mais si ! Ça alors ! C'est Noël !


Charlatan / Qu'est-ce que j'vous disais.

Roland / Je ! .. Des années que j'avais pas vu ça.

Charlatan / Un miracle, je vous dis.

Roland / Ca dure combien de temps, votre truc ?

Charlatan / Ca dépend, des fois une heure, des fois moins, des fois plus..

Roland / Ca alors ! Bon. Excusez-moi, j'ai un truc à faire.

Charlatan / Mais où vous allez ?


Roland / Chez moi ! (Il part)

Charlatan / Prenez au moins ma carte. Si jamais vous voulez en commander.


Roland / En commander ? Et comment ! Alors là, depuis l'temps. Depuis l'temps.


Charlatan / Et si votre femme n'est pas chez vous ?

Roland / J'irai voir ma voisine. Elle vit toute seule. Entre voisins, faut bien s'entraider.

Scène 11 : Charlatan / Roland / Prêtre

On sonne à la porte. Roland va ouvrir.

Roland / Encore vous !

Le prêtre entre

Prêtre / Je viens aux nouvelles ? Alors, une petite confession ?

Roland / Non merci. Sans façon mais ça va mieux, ça va va beaucoup mieux.

Prêtre / Oui. Le chant du cygne.


Roland / Ah non ! Ni le chant du cygne, ni le chant du canard. Ça va super !


Prêtre / Reprenez vous, mon fils


Roland / Non papa.

Charlatan / Monseigneur..


Prêtre / Euh.. je ne suis que prêtre. Je ne suis pas très haut dans la hiérarchie éclé.. éclécia, siastique !

Charlatan / Qui sait.. Un jour.. Les voies du seigneur sont impénétrables.


Prêtre / Oh la la, alors ça c’est sûr.

Charlatan / Mais je ne me suis pas présenté. Oupala Cétakesse ! Je guéris tout !


Prêtre / Vous êtes de la maison ?

Charlatan / Presque. J’ai appris à soigner.

Prêtre / A soigner quoi ?


Charlatan / Tout .

Prêtre / Vous avez suivi des cours ?


Charlatan / En quelque sorte. Un sorcier d’Amazonie centrale. Alors depuis, j’essaie humblement d’aider avec son savoir ancestral.

Prêtre / (Sceptique) D’accord..

Charlatan / Et vous venez pour..

Prêtre / Il est très malade. En fait, il n‘en a plus pour longtemps. Alors si je peux donner un coup de main..

Roland / Ca va pas être nécessaire .


Prêtre / Mais si. Laissez-moi faire.


Roland / J’ai bu un truc, je peux vous dire, que ça décolle.

Prêtre / Le pauvre, il délire déjà.


Roland / Je ne me suis jamais senti aussi bien.

Prêtre / Sans décon.. Sans blague ! Et comment ça se fait ?

Roland / Un miracle.

Prêtre / Attention ! On ne se moque pas des miracles du seigneur.


Roland / (Désignant le charlatan) C’est pas l’Seigneur, c’est lui !

Prêtre / Vous lui avez fait quoi ?

Charlatan / Pas grand chose. Juste un p’tit coup

Prêtre / Un p’tit coup ?

Roland / J’avais soif, il ma donné à boire.

Prêtre / J’avais faim, tu mas donné du pain. C’est bien, c’est très bien.


Roland / Un élixir ! 

Prêtre / Vous l’avez saoulé ?

Charlatan / Jamais ! Je lui ai juste donné un peu de ma petite potion.


Prêtre / Une potion ?


Roland / Une potion magique !

Prêtre / Ah bon ? Et ça marche ?


Charlatan / Ca marche toujours.


Prêtre / On a un peu de mal à y croire !

Charlatan / Il faut croire, mon père.

Prêtre / C’est un peu gros quand même.


Charlatan / Tenez ! Je vous en verse un petit peu.


Prêtre
/ Vous voulez que j’avale ça ?


Charlatan / Y’a pas de danger.


Roland / Au contraire !


Prêtre / Bon. Après tout, je bois de la piquette tous les dimanches ;on peut essayer autre chose.

Charlatan / (Il lui remplit son verre) Allez ! Santé !

Le prêtre boit. Puis tout le monde attend.

Prêtre / Dîtes-donc, ça ramone.

Tout le monde attend

Charlatan / Alors ?


Prêtre / Je retourne au presbytère. C’est le jour de la femme de ménage. Je vais lui donner un coup d’main.


Le prêtre sort.

Scène 12 : Charlatan / Roland / Irina

Charlatan / C’est tellement bien de faire du bien..

Roland / Sa femme de ménage, elle va pas en revenir.

On sonne à la porte

Roland / Encore ! (Il va ouvrir la porte. Irina entre)

Irina / Je me suis coupée avec le tournevis.

Roland / Vous vous êtes coupée. Faut appeler les urgences !

Irina / J’ai rencontré un curé dans l’escalier. Je lui ai fait voir. C’est à peine s’il a regardé !

Roland / Il était pressé. Une urgence.

Irina / Une urgence / Et moi !(Elle montre son doigt)

Roland / Faut faire quelque chose ! Si ça s'infecte, faudra l’amputer.

Irina / Ah ben non !


Roland / On peut pas la laisser comme ça ! Docteur ! C'est une question de vie ou de mort !


Irina / Vous êtes docteur ?

Charlatan / Un genre de docteur. Mais moi, je ne soigne pas, je guéris. Donnez moi votre doigt.

Irina / Lequel ? (Elle réalise) Ah ben oui. (Il lui verse un peu de liquide du flacon sur son doigt). Ca pique. C'est quoi ?

Charlatan / Une mixture.. C'est bon pour tout.

Roland / Et comment ! (Il boit une rasade du flacon)


Charlatan / (A Roland) Attention, ce n'est pas de la limonade.

Roland / C'est pas grave, j'aime pas la limonade.

Irina / C'est incroyable, ça va beaucoup mieux.

Charlatan / Ce truc là, c'est radical.

Irina / On en trouve à l'épicerie ?


Charlatan / On en trouve que chez moi.. Je vous donne ma carte. Je livre même à domicile.

Irina / Ca c'est gentil. Bon j'y retourne. Faut que je finisse de monter la chambre à coucher !


Roland / (Les yeux exorbités) Je vais avec vous ! Je n'ai pas le droit une jeune femme seule dans un état pareil.

Irina / C'est trop gentil. Alors là, c'est trop gentil.


Roland / Mais c'est normal. Quand on peut être utile..


Roland et Irina sortent

Scène 13 : Charlatan / Infirmière / Achille

Charlatan / (Il regarde le niveau de la bouteille) Il a bu ça comme du p'tit lait.

Achille et l'infirmière entrent. Achille est cassé en deux

Infirmière / Monsieur. (Ou madame)

Charlatan / Madame.

Achille / (Il a du mal à parler) C'est pour quoi ?

Charlatan / Monsieur Achille Lapèche ?

Achille / Euh.. Oui. Et il est où, Roland ?


Charlatan / Chez votre voisine.


Achille / La vache.. Et vous ? Vous êtes là pour quoi ?

Charlatan / Pour vous. Je vous avais envoyé un petit prospectus, il y a quelque temps.


Achille / Un prospectus ? Pour les termites ?

Charlatan / Pour la tisane.

Achille / Ah oui. La tisane Cétakesse.

Infirmière / Vous buvez de la tisane ?

Achille / C'est pour m'aider à m'endormir.

Infirmière / Vous n'avez pourtant jamais l'air bien réveillé. Ca endort, votre tisane ?

Charlatan / La mienne, c’est l’contraire.

Infirmière / Ce n'est pas dangereux au moins ?

Charlatan / Pensez-vous, j'en donne à mon hamster tous les jours.


Infirmière / Faut la réchauffer ?


Charlatan / Ça peut se boire froid ou chaud. C'est comme on veut.

Infirmière / Et c'est bon pour quoi, votre tisane ?

Charlatan / Pour tout. Ca revigore.


Infirmière / Ça revigore ?

Charlatan / Ca donne comme un coup d'fouet.

Achille / J'aimerais bien y goûter.

Infirmière / Oh ! Et après tout, si ça peut vous faire plaisir. Allez, passez moi la bouteille ! Il en faut beaucoup ?

Charlatan / Juste une gorgée.

Infirmière / De toutes façons, à son âge, il ne risque plus grand chose.. (Elle verse le liquide dans une cuillère) On ouvre la bouche et on avale !

Tout le monde se tait pendant quelques secondes..

Infirmière / Alors ?

Achille / Je me sens tout drôle..

Infirmière / Vous n'allez pas tomber dans les pommes ?

Achille / Ah non ! Mais.. Je sens qu'il y 'a quelque chose qui s'passe.

Infirmière / Où ça ?

Achille / Ben..

Infirmière / Y'a quoi dans votre tisane ?

Charlatan / On sait pas trop mais je n'ai jamais eu d'morts.

Infirmière / (A Achille) Vous n'allez pas me faire un infarctus ?

Charlatan / Y’en a rarement.

Infirmière / Bon ! On retourne dans la chambre. Vous allez vous allonger cinq minutes. Je vais vous réexaminer.

Achille / Ouais ! Faut que j'm'allonge !

Infirmière / Dans la chambre ! Je vais vous soigner moi.

Charlatan / Bon, et bien, je repasserai.


Infirmière / C'est ça, allez-y. Mais laissez votre bouteille. S'il y passe, ça fera une pièce à conviction  !

Le charlatan sort, l'infirmière et Achille partent dans la chambre

Infirmière / (On l'entend parler dans la chambre) Alors ? Il a mal où ? Parce que je n'vais pas passer la journée à chercher. Y'a d'autres clients qu'attendent. Allez ! A poil !

Scène 14 : Rosine / Marguerite / Voix de l'infirmière / Voix d'Achille

Rosine et Marguerite entrent. Elles s'affalent dans un fauteuil

Rosine / J'en peux plus !


Marguerite / Cette sortie m'a complètement vidée. Tu parles d'un parc, c'est pas un parc, c'est une réserve naturelle..

Rosine / C'est vrai que pour la faune, on voit de tout. Et pas que des écureuils.

Marguerite / Tous ces sportifs.. Quand tu vois tous ces petits mecs en short, ça ne te donne pas envie de courir après ?

Rosine / Je voudrais bien, mais ils passent trop vite.

Marguerite / On aurait dû leur faire un croche-pied.

Rosine / Un type avec des béquilles, on pourrait le rattraper, mais un petit jeune en short, tu peux toujours rêver.

Marguerite / Par contre, l'autre, quand il s'est arrêté pour nous demander si on allait bien, J'ai pas du tout apprécié. Un peu plus, il nous aurait proposé de boire de la flotte.

Rosine / Il a dû croire qu'on était mourantes.

Marguerite / Parler comme ça à des personnes un peu âgées ; y'a plus d'respect !


Rosine / Remarque, il n'a pas dit d'mal.


Marguerite / C'est pire ! Les jeunes, ça s'croit tout permis. Une fois y'a un p'tit con qui m'a proposé sa place dans l'bus. Un mot de plus, je lui foutais mon sac à travers la gueule. (Elle crie vers le public) Enfoirés !

Rosine / (Vers le public) Vous verrez, quand vous aurez notre âge !

Marguerite / Roland, au moins, il fait moins de manières. C'est pas le genre à laisser sa place à une vieille. Lui, ce serait plutôt à une jeune.


Rosine / Le mien aussi.

Marguerite/ Des fois, je me demande si Roland n'aurait pas une dent contre moi.

Rosine / C'est plus une dent qu'ils ont, c'est un dentier.

Marguerite / Chaque fois que je sors, je prend un coup d'vieux.

Rosine / Hier, je me suis regardée dans la glace ; j'ai vu ma mère.


Rosine et Marguerite se taisent pendant quelques secondes. On entend des paroles venant de la chambre

Infirmière / (Crié) Ca fait mal ?

Marguerite / Tu m'as causée ?

Rosine / Non. Ça doit être dans la chambre.

Infirmière / (Crié) Ca fait mal ? hein ?

Marguerite / Dans la chambre ?

Infirmière / Et là ! Ca vous fait mal ?

Marguerite / Qu'est-ce qui s'passe ?

Rosine / C'est sûrement l'infirmière qui fait un truc à Achille.

Marguerite / Elle lui fait quoi ?

Rosine / Un genre de massage. Coloc rectal. Enfin un truc comme ça.

Marguerite / Elle lui fait ça souvent ?

Rosine / Tous les jours. C'est une professionnelle. Après une séance comme ça, l'Achille, il la ramène moins.


Marguerite / Tu pourrais lui faire toi-même, à ton mari ?

Rosine / J'ai toujours eu du mal à manipuler du gigot.

Achille / (On l'entend crier) Aie !

Marguerite / Elle doit lui faire mal.

Rosine / C'est pour son bien.

Infirmière / Et là, ça vous fait quoi ?

Achille / Ça j'aime bien.

Infirmière / Et ça, vous aimez ?

Achille / Ah oui ! Encore !

Rosine / Tu vois, qu'est-ce que j'te disais.

Infirmière / (Crié) Vous allez vous calmer !

Marguerite / Faudrait peut être que tu y'ailles.

Rosine / Faut surtout pas s'en mêler. (Elle crie) Vas-y, fais lui mal !

Marguerite / C'est quand même ton mari.


Rosine / Si je pouvais, je le masserais avec un marteau.

Marguerite / C'est sûr que pour manipuler ton mari, faut mieux avoir fait du catch.


Rosine / La pauvre, elle doit avoir mal dans les bras.

Marguerite / On devrait lui donner une médaille.

Rosine / En plus il est douillet, mais douillet..


Marguerite / Si les hommes accouchaient rien qu'une fois, ils hésiteraient avant de r’faire un môme !

Infirmière / Rhabillez-vous !

Rosine / Là, elle a dû l’finir.

Marguerite / Et ben dis-donc, elle a du mérite.


Rosine / Et moi ? J'en ai pas du mérite ?

Scène 15 : Rosine / Marguerite / Infirmière / Achille

L'infirmière surgit, les cheveux en bataille, elle se reboutonne.

Rosine / Alors ?

Infirmière / Il va mieux.


Achille entre, il a les yeux exorbités, et très excité, il regarde d'un œil inquiétant le public.

Rosine / Ca va ?

Marguerite / Vous êtes sûre que ça va ? Il n'a quand même pas l'air bien.

Rosine / C'est son état normal.


Infirmière / Il est un peu excité mais ne vous en faites pas, ça va passer.

Marguerite / C'est vrai qu'il a quelque chose..

Infirmière / Bien. Moi je vais y aller. J'ai d'autres malades qui m'attendent

Rosine / Vous ne voulez pas l'emmener ?


Infirmière / Je ne ramène jamais de travail à la maison. .. Mesdames..

L'infirmière sort

Scène 16 : Rosine / Marguerite / Achille / Roland

Achille / Quand je serai mort, je donnerai mon corps à la science ; je sais pas, moi, un bras, un doigt, ou autre chose..

Rosine / Tant que c'est pas l'cerveau.

Achille, toujours très allumé, regarde maintenant Marguerite avec insistance.

Marguerite / (Inquiète) Je vais peut-être y aller aussi.

Roland entre, il a un œil au beurre noir

Marguerite / Qu'est-ce qui t'es arrivé ?

Roland / J'ai glissé.

Marguerite / T'as glissé ? Où ça ?

Roland / Chez la voisine.

Marguerite / Qu'est-ce que tu foutais chez la voisine ?


Roland / Je l'aidais à faire son lit.

Marguerite / A faire son lit ?

Roland / Si on peut plus rendre service.. Elle vient d'emménager, je l'ai aidé à monter le lit.


Marguerite / Ben voyons.. Et ton coquard ? C'est quoi, ton coquard ?


Roland / Je l'ai pas fait exprès.. A un moment, j'ai pas vu la table de nuit, et je m'suis cogné.


Marguerite / Il l'a pas fait exprès..

Roland / Mais c'est la vérité !

Marguerite / La vérité, mon œil ! Tu faisais quoi, à la voisine ?

Roland / Rien.

Marguerite / (Sentencieuse) Tu faisais quoi à la voisine ?


Roland / Je sais pas ce qui m'a pris.

Marguerite / Ça fait des années que ça t'a pas pris !

Roland / C'est monté d'un seul coup.

Marguerite / Et donc, naturellement, tu vas chez la voisine.

Roland / C'est d'ta faute, t'étais pas là.

Marguerite / Mais je vais l'taper !

Roland / Je m'excuse.


Marguerite / Tu t'excuses ?

Roland / Mais t'as rien à craindre. J'ai pas pu conclure.

Marguerite / Monsieur va chez la voisine alors qu'il a tout c'qu'il faut chez lui !

Roland / J'ai été le premier surpris.

Marguerite / D'accord.. Et bien on va regarder ça de plus près..


Rosine / Tu rentres déjà ?

Marguerite / Oui. J'ai un truc à vérifier. .. Le bricoleur, il suit !

Marguerite et Roland sortent

Scène 17 / Rosine / Achille

Rosine n'est pas rassurée. Achille, toujours silencieux, la regarde maintenant bizarrement.

Rosine / Achille !

Achille la regarde toujours bizarrement

Rosine / Achille ? Tu m'entends ?

Achille semble de plus en plus inquiétant

Achille / (Il émerge) J'ai envie.

Rosine / T'as envie ? T'as envie de quoi ?

Achille / J'ai envie d'une glace ! A la vanille !

Rosine / Tu r'tombes en enfance ? Bon et bien moi, j'en ai assez entendu. Je vais me faire une petite sieste. A mon âge, c'est pas du superflu.

Rosine va dans la chambre

Achille / Où tu vas ?

Rosine / J'vais m'coucher ! (Elle sort)

Rosine sort. Achille regarde le public, toujours d'un air inquiétant, puis après quelques instants, il va vers la chambre.

Achille / J'arrive !

ACTE 2

Scène 1 : Rosine / Marguerite

Au début de la pièce, on entend le tic tac de l'horloge qui est plus rapide. Rosine et marguerite sont assises dans le canapé, épuisées. Elles peuvent aussi tricoter.

Rosine / J'en peux plus. A leur âge, normalement, ça n’arrive même pas à démarrer.

Marguerite / C'est tous les jours, quand c'est pas deux fois par jour.

Rosine / Pourtant, je fais gaffe. Jamais de jupes courtes ! Pas de froufrous ! Pas de décolletés ! Je ne mets rien qui attire. Mais t'as même pas besoin de l'exciter, il s'excite tout seul.

Marguerite / Je sais pas comment il fait, il doit se doper.

Rosine / Je m'disais, à ce rythme là, je vais le ramasser à la petite cuillère. Mais non ! C'est nous qu'on va ramasser à la p'tite cuillère.

Marguerite / Hier, il m'a même apporté des fleurs. D'habitude, des fleurs à notre âge, c'est quand on est mort.


Rosine / Alors, évidemment, quand monsieur achète des fleurs..

Marguerite / Qui c'est qui y passe ? .. Hein ?

Rosine / C'est comme s'il avait vingt ans d'moins.

Marguerite / Et nous, toujours vingt ans d'plus.

Rosine / En plus, il mange comme quatre. Il boit commet six, et il.. comme douze !

Marguerite / (Désolée) La super forme. En plus, il a pris deux centimètres.


Rosine / Deux centimètres?

Marguerite / Il a grandi de deux centimètres.


Rosine / Il court comme un lapin. Il joue même au foot.

Marguerite / Dans l'canapé ?

Rosine / Non. Avant, quand y'avait un match, je lui donnais sa petite bière et il ne quittait plus l'canapé ! Mais maintenant, ça ne lui suffit plus, monsieur veut taper dans l'ballon.

Marguerite / Et le mien ! Il ne veut plus aller en cure, Il dit qu’n cure, ça sent l’sapin. Pourtant chaque année, on avait une cure avec la mutuelle. Vichy, Vittel, La Bourboule.

Rosine / Et maintenant ?

Marguerite / Il veut aller en cure à Saint Emilion ! Les Côtes du Rhône ! Dans l'Beaujolais ! Et en plus, après trois verres, il tient toujours debout.

Rosine / (Désolée) Avec eux, on n'a vraiment pas d'bol. .. On a jamais eu d'bol

Marguerite /En plus, j'ai découvert un truc. Il a une liaison..

Rosine / (Elle n'en revient pas) Non ? Il en a trouvé une autre ?

Marguerite / J'ai vu ça dans l'ordinateur. Les machins d'rencontres. Paraît qu'on trouve de tout. Il s’est mis d’dans. Sous un faux nom. Labraise. Achille Labraise ! Avec une braise pareille, t'as quand même intérêt à garder un chauffage central.

Rosine / Leur amour, ça f'ra pas long feu !

Marguerite / Il dit qu'il a vingt ans. Un de ces jours, il va faire croire qu'il est puceau.

Rosine / Ils sont capables de tout.

Marguerite / En plus, il a mis une photo d'un mannequin. Un sacré mannequin ! Moi, je verrai un mannequin comme ça, je lui saute dessus.

Rosine / Hé ! On pourrait en faire autant dans l’ordinateur. On pourrait s’mettre dans l’Gogol.

Marguerite / Mais c’est pas con.

Rosine / Qu'est-ce que j'pourrais mettre comme nom dans l'’Gogol ?

Marguerite / Ramona.

Rosine / Pourquoi Ramona ?

Marguerite / Ça fait cheminée.

Rosine / Et toi. Diane. Ca fait chasseuse.

Marguerite / De gibier à poil.

Rosine / Et comme ça, si jamais ils nous voient un jour, ils auront une sacrée surprise.

Marguerite / Faudrait pas nous prendre pour des pucelles.

Scène 2 : Rosine / Marguerite / Achille / Roland

Achille et Roland entrent. Ils ont des vêtements de jeunes plus ou moins à la mode. (Roland a une trottinette). Leur langage a également évolué. Ils apportent chacun un bouquet de fleurs.


Achille / Salut les meufs ! Alors on tricote ?

Rosine / Mais non, on fait un baby foot.

Achille / C'est pour qui les fleurs ?

Rosine et Marguerite / (Déprimées) Et merde..

Achille / (Il sort un flacon de sa poche. A Roland) Un p'tit coup ?

Rosine / C'est quoi ?

Achille / C'est du narpid.


Rosine / C'est quoi du narpid ?


Achille / Du pinard. C'est comme ça qu'ils parlent les jeunes.

Marguerite / Ça va, on n'est pas chébou !

Rosine / Je comprends rien à son charabia.


Achille / Oh la louse ! Elle cause pas le «d'jeune». Faut évoluer, mémé !

Rosine / Tu sais c'qu'elle te dit, la mémé ?

Achille / (A Roland) Tu vois, les vieux, c'est malpoli.

Roland / Pour nous piger, va falloir s’instruire.


Marguerite / Pour piger tes conneries, j'ai pas besoin de dictionnaire.

Roland / (A Achille) T'as vu comment elle me tchatche ?

Achille / Forcément, elle est pas moderne


Roland / (Il montre sa patinette) Oh ! T'as vu ma pat ? J'ai failli me la faire carotter.

Marguerite / T'as mal à la patte ?

Roland / Une patte, c'est une trottinette.

Ils disent la suite comme si c'était un rap


Roland / Ma patte, c'est bath.

Achille / Et ça épate.

Roland / C'est du lourd

Achille / Comme l'amour.

Roland / Tu roules, tu voles

Achille / Et tu t'envoles.


Roland / Comme une plume


Achille / Sur le bitume

Ils font un dab, (genre Hussein Bolt)


Roland / Hé ! C'est fini les chansons d'vieux. (Il chante) Voulez-vous danser grand-mère ! La grand-mère, à la cave !

Marguerite / Tu m'gaves.

Achille / Bon. Alors les filles, ça vous dirait, une sortie d'jeune.

Marguerite / Pour aller où ?

Roland / En boîte ! Et celle-là, c'est mortel.

Achille / De la «pechno» !

Marguerite / On peut pas.

Rosine / On est «over» bouclées

Marguerite / Tu m'bassines le yoyo. Et d'ailleurs on est en bordure line ! (prononcer bordure en français)

Roland / Oh ! La gonze ! Comment elle me kiffe !

Marguerite / J'te r'garde pas, j't'efface.

Roland / Ok. Pas d'lézard, Edgard. Alors, salut les meufs ! Nous les soirées canapés, on en a soupé !..Viens pépé.


Marguerite / C'est ça ! Les «nazebeen», cassez-vous !

Rosine / (Au public) Pas vous..

Achille et Roland sortent

Scène 3 : Rosine / Marguerite

Rosine / J'comprends rien. Normalement, un vieux, plus ça va plus c'est vieux. Et là, c'est l'inverse. Ces deux abrutis vont nous avoir à l'usure.


Marguerite / Ils sont peut-être allés à Lourdes.

Rosine / Ça m'étonnerait qu'ils aient suivi une bonne sœur.

Marguerite / Et en plus, qu'est-ce qu'il bouffent ! Avant c'était un bol de purée avec la moitié d'une courgette, maintenant, c'est un bifteck tous les jours. Je le laisserais faire, il en prendrait au petit déjeuner.

Rosine / Alors que nous, on est obligées de faire attention. Nous on n'a jamais mangé à notre faim.

Marguerite / Et t'as vu comment qu'ils sont habillés ?

Rosine / Forcément, ils s’habillent tout seuls. Ils finiront à poil.


Marguerite / Ca s'ra pas beau à voir.

On sonne à la porte

Marguerite / T'attends quelqu'un ?


Rosine / J'attends plus rien.

Elle va ouvrir. Kevin et Sylvaine entrent

Scène 4 : Rosine / Marguerite / Kevin / Sylvaine

Sylvaine / Comment ça va ?

Rosine / Ca pourrait être pire..

Sylvaine / Ah vous en avez d'la chance de rester tranquillement chez vous. Nous, on est sur les genoux !

Ils embrassent Rosine et Marguerite

Marguerite / L’Espagne, c'était comment ?

Sylvaine / (Désabusée) Bof..

Kevin / On a mangé d'la paella !

Sylvaine / Une quatre saisons.

Kevin / On a même vu une corrida.

Sylvaine / Le taureau, il nous a regardé dans les yeux.


Rosine / La pauvre bête..

Kevin / Oh mais ça n'a pas l'air d'aller, toi ?

Rosine / Moi ça va.. Ce s'rait plutôt ton père..

Kevin / Non ? Qu'est-ce qu'il a ? C'est grave ? Qu'est-ce qu'il a dit le docteur ? Je peux l'voir ? Il peut encore parler ? Il est où ?

Rosine / Il est en boîte !

Kevin / En boîte ? Il est.. ?

Rosine / En boîte de nuit. Cet abruti est parti s'amuser en boîte de nuit !


Kevin / En boîte de nuit, en plein jour ?

Marguerite / Avec mon mari.

Kevin / Non ? Tous les deux ? Non ? Ils.. Ils sont.. !


Rosine / Ils ne couchent pas ensemble, ils sortent ensemble. Ces deux abrutis ont décidé de profiter de la vie.

Sylvaine / Profiter de la vie ? A leur âge ? Mais pourquoi faire ?

Rosine / Je ne comprends plus ton père. Déjà avant, j'avais du mal, mais là, c'est l'pompon.

Marguerite / C’est comme s'ils avaient rajeuni de vingt ans.

Sylvaine / Faut appeler un docteur. A leur âge, c'est pas normal qu'ils soient en bonne santé !

Rosine / (A Kevin) Faut pas m'laisser seul avec ton père.

Kevin / Ca fait des années que t'es toute seule avec lui ! Tu devrais être habituée.


Rosine / Oui. Pour le meilleur et pour le pire qu'il disait l'autre. Et bien pour le pire, on y'est.

Kevin / Mais maman, c'est mon père !

Rosine / Et moi, mon mari. C'est pire.

Sylvaine / Vous voulez le..?

Rosine / Il y arrivera bien tout seul. Monsieur veut jouer au p'tit jeune, ça n'devrait pas durer des s'maines.

Kevin / Tu t'rends compte de c'que tu dis ?

Sylvaine / Vous pourriez divorcer. Même à votre âge, ça s'fait.

Kevin / Sylvaine, faut pas parler comme ça à maman.

Sylvaine / C'est pour rendre service.


Kevin / Peut-être, mais faut pas parler comme ça à maman.


Sylvaine / Mais si jamais elle divorce, elle pourra venir chez nous. Pour les enfants ce serait plus pratique.

Kevin / T'es cinglée ?


Sylvaine / T'as vu comment tu m'parles?


Kevin / J'te parle comme j'ai envie


Sylvaine / Et bien moi, j'en ai rien à secouer !

Kevin / Tu va la fermer !


Sylvaine / On dirait que monsieur a ses vapeurs !


Kevin / J'aime pas quand on parle mal à ma mère !


Sylvaine / (En le singeant) J’aime pas quand on parle mal à ma maman..

Marguerite / Querelle d'amoureux, querelle de gens heureux.


Kevin / De toutes façons, l'Espagne avec toi..

Sylvaine / T'as raison, Ducon ; heureusement qu'y avait la paella.

Rosine / Foutez-moi l'camp !

Marguerite / Je crois que ce serait mieux de revenir plus tard. Faut jamais énerver sa maman..


Kevin / Euh.. On va peut-être y aller..

Rosine / C'est ça, barrez-vous !

Sylvaine / A Dimanche ! Dimanche, on sort. On vous amènera les enfants.

Rosine / Surtout pas ! Vous vous démerdez avec vos mioches !

Kevin / Mais maman, les enfants vont être déçus..

Rosine / Pas moi ! Allez vous faire voir chez chez les espagnols !

Sylvaine / (A Kevin) T'as vu comment elle me parle !

Kevin / Euh oui. Bon. Tu viens, chérie ?

Sylvaine / (A Kevin) Dégonflé.

Kevin et Sylvaine sortent

Scène 5 : Rosine / Marguerite / Charlatan

Rosine / Faudrait pas qu'ça grandisse.

Marguerite / C'est quand même ton fils.

Rosine / Mon fils, mon fils.. Des fois je m'demande.

Marguerite / Moi je n'ai jamais eu d'enfants.

Rosine / Tu vas pas m'emmerder avec tes problèmes de gonzesse.


On sonne à la porte.

Rosine / J'te parie que c'est encore eux, ils ont dû oublier de me demander du fric.

Rosine va ouvrir. Le (la) Charlatan entre


Charlatan / Bonjour madame ! Oh pardon ! (Il voit Marguerite) Bonjour mesdames ! Je viens pour la petite livraison.

Rosine / Une livraison ? On a rien demandé ?

Charlatan / C'est votre mari ? Vous vivez bien avec monsieur Achille Lapèche.

Rosine / Je n’vis pas, je survis.

Charlatan / J'ai apporté deux jerrycans. Ça fait quarante litres. Je vais les poser là.

Rosine / C'est quoi ? De l'apéro ? Il commande de l'apéro en jerrycans de vingt litres ?


Charlatan / De l'apéro ? Ah non. C'est une sorte de tisane.

Rosine / C'est pour les endormir ?


Charlatan / Au contraire ! Cette tisane là, ça n'endort pas, ça réveille.

Rosine / Vous n'auriez pas un truc qui les endorme pour de bon ?

Charlatan / C'est comme un fortifiant. Rien qu'une cuillère, ça vous donne un vrai coup d'fouet.

Marguerite / Y’a d’l’alcool ?

Charlatan / C’est une tisane sans alcool !

Marguerite / C'est quoi si y'a pas d'alcool ?

Charlatan / C'est beaucoup mieux que de l'alcool. Alors.., pour le paiement..

Rosine / Faut payer ?

Charlatan / J'ai le bon de commande. Vous voyez, c'est signé.

Rosine / (Elle regarde le bon) Quatre cents ! A ce prix là, faudrait mieux boire du pinard.

Charlatan / La santé, ça n'a pas d'prix.


Rosine / Je vais vous faire un chèque.

Charlatan / Je préférerais du liquide.


Rosine / Je n'vais pas avoir assez.

Marguerite / Attends ! J'dois avoir ce qu'il faut.

Toutes deux sortent les billets et paient le charlatan

Rosine / Je sais pas ce qu'ils ont commandé, mais ça m'a pas l'air clair.

Charlatan / Au contraire ! C'est miraculeux. Et si jamais vous êtes en manque, n'hésitez pas à m'appeler. Voici ma carte. Jour et nuit ! Vous m’appelez.. J’arrive..

Le charlatan sort

Scène 6 : Rosine / Marguerite / Irina / Achille / Roland

Marguerite / Ces abrutis boivent de la tisane.

Rosine / Mouais.. Le jour où ils boiront de la tisane, les curés feront la messe au whisky.

Marguerite / J'aime bien les tisanes. Moi, j'en prend une tous les soirs, ça s'appelle «Nuit tranquille».


Rosine / Des nuits tranquilles, avec eux, normalement y'a pas besoin d'tisane.

Marguerite / En plus, c'est pas donné


Rosine / L'Achille, il s'est fait avoir. Il se fait toujours avoir. Je suis bien placée pour le savoir, il m'a épousée.

Marguerite / On n'peut pas leur faire confiance. Faudrait jamais les laisser tout seuls.

Roland et Achille entrent, accompagnés d'Irina (Achille a un pantalon en lambeaux, éventuellement la chemise aussi ? Il porte des lunettes noires. Roland peut avoir une dent en moins.

Roland / Falut les filles !

Marguerite / Qu'est-ce que c'est qu'ce bazar ? Mademoiselle ?

Irina / Irina. Avec deux i.

Rosine / Et deux abrutis..

Roland / F’est une «fecourisque».

Achille / C'est pas une secourisque, c'est une sauveteuse. Elle nous a sauvetés.

Rosine / (à Irina) Vous êtes sortie avec eux ?

Irina / Pas du tout. Ils sont venus dans la boîte de nuit où j'étais.

Roland / Ils foulaient pas nous laiffer entrer fous prétexte qu'on était mafeurs.

Achille / Soit disant qu'on avait plus l'âge ! Alors qu'on est en pleine forme.

Rosine / (A Achille) Qu'est-ce t'as fait à ton pantalon ?

Achille / J’m'en rappelle plus.

Roland / F'est un dommage collatéral.

Irina / J'ai rien pu faire.

Roland / F'était vénial.

Achille / On a fait du brique danse.

Roland / Feulement, y'a une fille qui nous v'a fait de l'allumave, fa a pas plus à fon cobain. Fous afez le révultat defant fous.


Achille / (Il enlève ses lunettes. Il a un œil au beurre noir, Et moi aussi ! Ca m'a rajeunit de vingt ans. C'est super !

Marguerite / On vous a tapé dessus ?

Roland / F'est pas d'notre vaute fi on exfite.

Irina / Ils ont du partir vite fait.


Achille / On est encore bon à la course.

Roland / Dans la pagarre, f'est le bandalon qui a bris. F'était fon point faible, fon pantalon, comme le vameux bandalon d'Afille.

Marguerite / Va t'faire voir chez les grecs avec ton pantalon d'Achille !

Irina / Heureusement que j'étais là, sinon ils auraient fini à la gendarmerie.

Achille / (Il montre une partie de son corps) J'ai un peu mal là !

Irina / Avec le videur, on a essayé de les calmer,


Marguerite / C'est ça, et bien, je vais te calmer moi. (A Roland) On rentre tout d'suite à la maison !


Roland / On va vaire la teuf ?

Marguerite / C'est ça, ça va être ta teuf.

Roland / Ve refte ifi, ve guitte pas mon cobain de fieilleffe ! Afille, meurs pas Afille ! On n'a bas encore vini.

Achille / Je veux aller au dodo !

Rosine / Comment qu'y cause, y r'tombe en enfance, maintenant ?


Roland / Moi auffi ! V'te laiffe pas domber dans v'un moment bareil.

Rosine / C'est ça. Allez-vous coucher !

Achille / Tu nous racontes une histoire ! Pour nous endormir.


Roland / Oh oui ! Une hiftoire ! Le p'tit faperon avec le litre de rouve !

Rosine / Je vais l'endormir avec une casserole, ça va l'faire rêver tout d'suite !

Achille et Roland partent dans la chambre

Marguerite / A Roland) Tu n'perds rien pour attendre.

Roland / T'inquiètes bas Marquerite, ve vais ref’nir ! Vaut bas que tu vois trifte, ve te laifferai vamais domber !

Marguerite / Ça je sais..

Irina / Et moi ? Qu'est-ce j'fais ?

Rosine / Vous rentrez chez vous.


Irina / Si vous avez besoin, je suis là.

Marguerite / (Très sèche) Nous aussi.

Irina / J'habite juste en face. Je suis votre nouvelle voisine. C'est bien non ?

Rosine / (Elle ouvre la porte pour qu'elle sorte) C'est formidable.

Rosine sort

Scène 7 : Rosine / Marguerite

Rosine / Manquait plus que cette allumeuse. Elle va fout' le feu à l'immeuble.

Marguerite / Elle n'est pas si bien qu'ça. Moi je m'habillerais pareil, on n'verrait pas la différence. Tout est dans l'tissu

Rosine / Elle n'a qu'à claquer des doigts, ils se mettent à baver comme un «chti» devant un moules frites.

Marguerite / (Marguerite claque des doigts en regardant le public) Ça bave pas beaucoup.

Rosine / Faut y croire ! Si on veut, des mecs, on en lève tous les jours. Et des dix fois mieux que nos corniauds ! Du jeune, du frais, du musclé !

Marguerite / (En regardant vers le public) Terminé les occases !

Rosine / Tout ça à cause de..

Sans prononcer un mot, elles regardent les jerrycans avec insistance

Marguerite / Vingt ans d'moins.. Tu crois que ça..

Rosine / Je vais tout vider dans les toilettes, ça va régler l'problème.

Marguerite / Il a dit que ça donnait un coup d'jeune. Hé ! Un coup d'jeune. Si ça s'trouve, ça marche, cette saloperie.


Rosine / On pourrait y goûter.. A notre âge, à part y passer, qu'est-ce qu'on risque ? Mais faudrait un cobaye.

Marguerite / Ca s’trouve pas comme ça, un cobaye.

On sonne à la porte.

Rosine / Mais si. Tu vas voir que ça s’trouve.

Scène 8 : Rosine / Marguerite / Prêtre

Rosine va ouvrir. Le curé entre. Il est en short.

Prêtre / Bonjour mes sœurs. Alors ? La pêche ?

Rosine / Monsieur le curé ?


Marguerite / C’est le ciel qui vous envoie.

Prêtre / Oui, mais aujourd’hui, je fais du sport. J’ai décidé de m’inscrire chez les scouts.

Marguerite / Vous voulez aller chez les scouts ?

Prêtre / J’ai besoin d’exercice. Et comme ça, je ferai ma B.A. 

Rosine / Monsieur le curé, des B.A, vous en faîtes tous les jours.

Prêtre / Alors mes sœurs, qu’est-ce que j’peux vous.. Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?

Rosine / Un p’tit coup ?

Prêtre / Avec plaisir !

Rosine / (Elle lui montre la fiole) Vous connaissez ?

Prêtre / Ma femme de ménage a beaucoup apprécié.

Rosine lui sert à boire. Le curé l’avale d’un coup.

Prêtre / Et hop ! Culs sec !

Rosine et Marguerite attendent

Rosine / Alors ?

Prêtre / Oh ben dis-donc, ç ar’commence.. Bon ! J’y r’tourne. J’ai pas fini le ménage ; Ca fera ma deuxième B.A du jour. Allez, en avant ! Scout un jour ! Scout toujours !

Le curé sort

Scène 9 : Rosine / Marguerite

Rosine / Ca a pas l’air dangereux.

Marguerite / Et si ça a marché sur nos deux corniauds, y'a pas de raison que ça ne marche pas sur nous. (Elle prend deux verres et les remplit)

Rosine / Pour une fois, c'est nous qui allons trinquer ! .. (Vers le public) Santé !

Marguerite / Ouais : On va trinquer ! Et comment qu'y disent déjà, les deux abrutis ?


Rosine / Et surtout pas des pieds !

ACTE 3

Au début, on entend le tic-tac de l'horloge (mais accéléré, jusqu'à ce que ça casse)


Scène 1 : Kevin / Sylvaine / Infirmière

Kevin et Sylvaine sont assis et parlent avec l'infirmière. Ils sont désespérés par la situation.

Kevin / J'en peux plus.

Sylvaine / Et moi alors..


Kevin / Leurs conneries, ça va bien cinq minutes.

Sylvaine / A leur âge, on est raisonnable.

Kevin / Deux mois que ça dure.

Infirmière / Vous savez où ils sont en c'moment ?

Kevin / On n'en sait rien. On les avait appelés pour qu'ils gardent les enfants. On voulait aller à La Baule.

Sylvaine / (Elle pleure) Qu'est-ce qu'ils vont devenir ?

Infirmière / Qui ça ?


Sylvaine / Les enfants.

Kevin / Pourtant, on ne demande pas grand chose.

Infirmière / Vous leur avez parlé ? Qu'est-ce qu'ils vous ont dit ?


Sylvaine / Avec vos mioches, allez vous faire fout' !

Kevin / Mais qu'est-ce qu'on peut faire ?


Infirmière / Je ne sais pas trop..

Sylvaine / On pourrait peut-être les mettre dans une maison.

Kevin / Oui. Qu'avec des vieux. Ça calme, qu'avec des vieux.

Sylvaine / Les vieux, faut les laisser entre eux !

Infirmière / Il sont encore un peu jeunes.

Kevin / Et nous ? Ils sont en train de gâcher notre jeunesse ! En plus, ils vont dépenser tout notre héritage.

Sylvaine / Ils parlent même d'aller en voyage.

Kevin / Mon père veut faire le tour du monde à vélo.

Sylvaine / Et quand ils n'auront plus rien, qui c'est qui paiera ?

Kevin / Ce s’ra nous. On s’ra des victimes !

Infirmière / Mais ce sont vos parents. C'est la loi.

Sylvaine / C’est dégueulasse.

Kevin / On n'as pas le droit d'abandonner ses parents ?

Infirmière / C'est mal vu.

Kevin / Mais si le docteur est d'accord, on pourrait les enfermer.


Infirmière / Ils ne sont pas assez cinglés.


Kevin / Si ça s'trouve c'est contagieux. Vous imaginez. Si les vieux rajeunissent, la sécu ? Les retraites ?


Sylvaine / Et les Pompes funèbres ! Comment elles pourraient vivre si y'avait plus d'morts ?

Kevin / Ils nous emmerderont jusqu'au bout.

Infirmière / Faut pas dire ça ; faut être patient..

Kevin / Si ça continue, ils vont être plus jeunes que nous.

Sylvaine / C'est sûr que vous ne pouvez rien faire ? Rien qu'un p'tit truc ! Un truc qui les calme, mais qui calme bien !

Infirmière / On n'a pas l'droit.

Kevin / On peut jamais rien faire.

Kevin, Sylvaine et l'infirmière se taisent, désespérés. Ils sont silencieux et sans réaction pendant la scène suivante.

Scène 2 : Rosine / Marguerite / Kevin / Infirmière / Sylvaine

Rosine et Marguerite entrent dans la salle et s'adressent au public. Elles ont un look très provocateur (Punk, gothique, drag-queen, cheveux en couleurs, ou autre)

Rosine / Salut les péquenots !

Marguerite / Wesh Wesh ! Alors, ça boume ?


Rosine / Oh la la, c'est craignos, ils n'ont pas l'air frais dis-donc.

Marguerite / T'as vu comment ils sont fringués ?

Rosine / C'est naze.

Marguerite / Ça doit être la mode ici.

Rosine / Vous sortez toujours comme ça ?

Marguerite / Par contre, y'a quand même un peu de choix.

Rosine / Et du premier choix.. Tiens, celui-là, j'en f'rais bien mon quatre heures.

Marguerite / (Au spectateur concerné) Faut t'inscrire sur la liste d'attente.

Rosine / (Au public) On n'arrête pas ! l'club de gym, l'club de danse, On est surbouqu'tées.

Marguerite / J'ai des montées d'hormones. Vingt par jour !

Rosine / Si ça continue, je vais me taper une deuxième ménopause.

Marguerite / (A propos d'un autre spectateur) T'as vu celui-là ! Il me mate !

Rosine /Alors, on veut se rincer l’œil..

Marguerite / (Provocante) Ca vous fait quoi de voir une vraie femme.. ?

Rosine / Une coup tard ?

Marguerite / On dit pas coups tard. On dit couguars.

Rosine / C'est ça, on est des couguars. Miaou !

Marguerite / On est redevenues sauvages.


Rosine / Tu veux voir mon tatouage ? Un coucher d'soleil sur la Lune, c'est rare.

Marguerite / Et moi, je m'suis fait tatouer le Stromboli en éruption ! Y'en a que ça intéresse ?

Rosine / Et moi un rafting.

Marguerite / C'était pas un rafting, c'était un lifting.

Rosine / Oui, enfin, je m'suis fait tirer.

Marguerite / La peau !

Rosine / Hé ! Avec ça, ça m'étonnerait qu'on rate le «buze»

Marguerite / (A un autre spectateur) Alors.. Chéri.. On sort ? … Ouais ? .. Et bien, sors dehors ! (Elles rient)

Rosine / Qu'est-ce qu'on est bonnes !

Marguerite / On va se r'trouver Internées dans l'Gogol.

Rosine / Au fait ! J't'ai pas dit, mais j'ai rendez-vous avec mon mari.

Marguerite / Non ?

Rosine / Demain. Demain, Labraise rencontre Ramona au bar des sports !

Marguerite / Va y'avoir du sport.

Rosine / Ca va lui r'mettre les pendules à l'heure.

Marguerite / C'est sûr, ça va l'calmer.

Rosine / Parce que j'l'vois venir. Si ça continue, il va vouloir divorcer. Et avec ma petite retraite, j'aurais du mal à m'en sortir. Alors, pas question qu'il se barre !

Marguerite / C'est comme moi. Et en plus, j'aime toujours Roland. Je sais, je n'devrais pas mais j'arrive pas à me détacher. C'est nul non ?

Rosine / T’as raison, c’est con, mais des fois, ça .

Marguerite / Tu me vois toute seule ? Je veux pas finir comme ma mère. Toute seule, elle y’arrivait pas. A Quatre vingt dix ans, Elle cherchait du boulot.

Rosine / Et moi, après, il n’osera plus me quitter. C'est pas que j'ai tout l’temps besoin de lui, mais j’pourrai pas m’passer de son pognon.

Scène 3 : Kevin / Sylvaine / Infirmière / Rosine / Marguerite

Elles montent sur scène et entrent dans le salon

Rosine / Ça alors ! Roméo et Juliette ! Et les enfants? C'est l'chien qui les garde ?

Sylvaine / Ce sont des amis.

Rosine / Vous avez des amis ? Non ?

Kevin / C'est pas drôle.

Rosine / Oh. Notre petite infirmière ! Alors ? Qu'est-ce que vous pensez de ma nouvelle tenue ?

Infirmière / C'est spécial..

Rosine / On va s'habiller comme ça, pour le repas des anciens.


Marguerite / Rien qu'à imaginer la tête du maire, on se marre déjà.

Infirmière / C'est sûr que ça change.

Rosine / Et oui. Ca change tout.,

Sylvaine / Vous allez sortir comme ça ?


Marguerite / On peut pas sortir à poil.

Rosine / Au fait, vous êtes entrées comment ?

Sylvaine / C'était ouvert.


Rosine / Ah c'est vrai. On ne ferme plus les portes, ça fait bourge.

Infirmière / Ils sont venus pour votre mari.

Rosine / Ah bon ?

Infirmière / Il n’est pas là ?

Kevin / Pour son traitement. Il ne suit plus son traitement ?

Rosine / Ca fait un moment qu'il suit autr' chose.

Infirmière / Je ne peux même plus le piquer.

Sylvaine / Il est où ?

Rosine / Alors ça, j'en sais rien. Il doit faire de la trottinette avec l'autre.

Marguerite / Roland le trottineur !

Toutes les deux chantent (Sur l’air de «Le trottineur»)

Marguerite et Rosine / On l’appelait le trottineur. Il était rusé comme une fouine. C’était un gars qu’avait du cœur. Et qui dénichait des combines.

Ensuite elles peuvent le font en parodiant du rap.

Marguerite et Rosine / On l’appelait le trottineur. Il était rusé comme une fouine. C’était un gars qu’avait du cœur. Et qui dénichait des combines.

Sylvaine / De la trottinette ? A son âge.

Marguerite / Moi personnellement, je préfère le scooter.

Infirmière / Il n'a pas mal au dos ?

Rosine / Il aurait plutôt mal à la tête.

Infirmière / Je l'savais, le cerveau est atteint


Rosine / C’est vrai qu’un accident de trottinette, c’est vite arrivé. Mais bon, c’est têtu à cet âge là.

Kevin / Faudrait l’examiner !

Rosine / Il refuse d'aller à l’hôpital. Il dit que c'est dans les hôpitaux qu'il y a le plus de morts.

Sylvaine / C'est pas normal.

Rosine / Oh ! Je déconne, faudrait vous décoincer les neurones ! il trotte comme un lapin.

Marguerite / Un chaud lapin.


Rosine / Mais y'a pas de quoi s'inquiéter. Hein Marguerite ?

Marguerite / Les vieux, ça résiste à tout.

Kevin / Au fait ! Vous étiez où ?

Rosine / Pourquoi ? T’es d’la police ?

Sylvaine / Au club des p'tits vieux. Pour faire des jeux de société ?


Rosine / Les p'tis chevaux ? Les sept familles ? .. On a fait autre chose. On avait apporté à boire.

Marguerite / Et le troisième âge, il va s’en rappeler, des jeux de société. Quand on est parti, y'avait de l'ambiance.

Rosine / On leur a mis le feu !

Marguerite / On a fait un strip-poker !

Rosine / Et une course en déambulateurs !

Marguerite / On restait dix minutes de plus, y'avait des morts !

Rosine / Ils n'avaient jamais vu ça !

Marguerite / Deux dentiers de cassés ! Trois cols du fémur ! Sans compter les malaises !

Rosine / On est parties juste avant l'arrivée des keufs.

Kevin / Des keufs ?

Rosine / Les keufs ! Les flics ! Les bleus ! Les schtroumpfs ! Un peu plus, on se faisait schtroumpfer.

Marguerite / Et après, on est allées voir des potes.

Rosine / Un rassemblement de motards. Une concentre !


Marguerite / Mieux vaut un motard que rien du tout !

Rosine / Marguerite, t'es une déconneuse.

Infirmière / Je.. Je peux vous prendre la tension ?

Rosine / On me prend rien du tout !


Marguerite / Après on prend la tension, puis le pouls, puis tout l'pognon.

Sylvaine / Pas du tout ! C'est pour votre bien. S'il vous plaît ?

Rosine / Bon. Allez, vas-y. Prends moi la tension.

Infirmière / (Elle prend la tension) Donnez moi votre bras.

Rosine / Vlà, les deux, t’as qu’à choisir.

Marguerite / Vous avez vu, elle a toute sa tête !


Rosine / Mon fils, aussi, il a toute sa tête.

Marguerite / Une tête de quoi ?

Rosine / (Elle rit) Une tête de nœud.

Sylvaine / Oh !

Rosine / Et toi, avec ta tête de pastèque trop cuite, de quoi je me mêle ?

Sylvaine / C'est mon mari !

Rosine / Et vous allez bien ensemble.

Kevin / Maman ?

Rosine / Arrête de m'appeler comme ça ! Ca m'gêne.

Kevin / Mais tu es ma mère !


Rosine / Tout l'monde n'est pas obligé de l'savoir.

Infirmière / Ca a l'air d'aller.


Rosine / Et comment ? Tiens en plus, regarde. J'ai une dent qui pousse.

Infirmière / (Elle regarde) Mais oui ! C'est incroyable.

Rosine / C'est avec celle-là que j'ai mordu l'facteur. J'peux vous dire, ça l'a surpris.

Marguerite / Et moi ! J'ai même des boutons. Paraît que c'est de l'acné.

Rosine / De l'acné. Faut que tu voies un docteur ?

Marguerite / Justement, faut que j'y aille, j'ai pris rendez-vous. Je vais être en retard. Allez, salut les p'tits vieux !

Marguerite sort

Scène 4 : Kevin / Sylvaine / Infirmière / Rosine

Kevin / Elle a quelque chose de changé, non ?

Sylvaine / Ca doit être les habits, ça rajeunit les habits.

Kevin / On pourrait en changer, nous aussi ?

Rosine / Ca n'te ferait pas d'mal.

Sylvaine / C'est moi qui l'habille. Et moi, je ne fais pas les défilés d'mode !

Rosine / Ca s'voit.

Sylvaine / Les hommes, faut que ce soit sobre, y compris au niveau des costumes !

Infirmière / Euh.. (très fatiguée) Si vous permettez.. je vais me passer un peu d'eau froide sur la figure.

Kevin / Vous voulez qu'on appelle un docteur ?

L'infirmière sort

Rosine / La pauvre, voir des gens en bonne santé, elle a pas l'habitude.

Scène 5 : Kevin / Sylvaine / Rosine / Achille / Roland

Roland et Achille entrent dans le salon. Roland porte un short et est habillé en joueur de football, Achille est en tennisman.

Achille / Oh la la ! Vous êtes passés nous voir ! Sans les enfants ? Vous partez en vacances ?

Kevin / Pas du tout, on est venus vous faire une petite visite.

Achille / Une petite visite, ça c'est gentil.

Sylvaine / C'est pas gentil, c'est normal.

Achille / Ma chère belle-fille, un bisou ?

Roland / Moi auffi !


Sylvaine / (Très sèche) Non merci !

Achille / (A Kevin) On fait une partie ?


Kevin / De dominos ?

Achille / Les dominos, c'est pour les vieux. Roland, passe moi les boules !


Rosine / Vous n'allez pas jouer à la pétanque ici !


Achille / Et pourquoi pas ! Bon. Il est où le cochonnet ? (Ils regardent dans le public)

Sylvaine / Vous allez casser quelque chose.


Achille / Pourtant, d'habitude, paraît qu'on casse rien. Allez Roland !

Sylvaine / Y'a des choses fragiles !

Achille / Comme ce vase ! C'est vrai, ce s'rait dommage de casser le joli vase en plastique que vous nous avez rapporté quand vous êtes allés en Italie. Sans les enfants..

Scène 6 : Kevin / Sylvaine / Rosine / Achille / Roland / Infirmière

L'infirmière entre

Infirmière / Bonjour.

Achille / Mon infirmière ! Vous allez bien ?


Infirmière / C'est à vous que je devrais demander ça.

Achille / Ça va super !

Roland / Ve tire ou ve tire pas ?


Achille / Laisse tomber les boules.


Infirmière / Vous faîtes quoi, là ?


Roland / Du fport. F'est bon pour la fanté, le fport.


Infirmière / Faudrait que je vous examine.


Achille / Mais si vous voulez m'examiner, aucun problème ! En hauteur, en largeur, vous pouvez tout examiner. On commence par quoi ?

Infirmière / La tension..

Achille / Oh oui.. Prenez moi la tension..

Infirmière / (Elle lui prend sa tension) Douze.

Achille / C'est une bonne note ?

Infirmière / J'comprends pas.

Roland / Et la vue ! T'a combien à la vue ?

Achille / Une bouteille de rouge, je la vois à cent mètres.


Infirmière / Bon, voyons le reste.

Achille / Quels restes ?

Infirmière / Ouvrez la bouche. (Elle s'approche et fait la moue, dégoûtée) Fermez là.

Roland / Fa r'foule, hein ?

Infirmière / (Elle le pince) .. Ca vous fait mal ?

Achille / Ca chatouille.

Infirmière / Et là ?

Achille / Même pas mal.


Infirmière / J'comprends rien.


Roland / Et fa température ? Fous lui avez pas pris fa température !

Infirmière / (A Roland) Vous voulez une piqûre ?

Rosine / Alors ? Il lui reste combien d'temps ?

Infirmière / Il est parti pour finir centenaire. (Elle a comme un malaise) C'est pas possible.

Kevin / Qu'est-ce qu'elle a ?


Sylvaine / C'est l'choc. Les centenaires dans son boulot, c'est rare.


Infirmière / Je vais aller m'allonger un peu.

Achille / Vous voulez pas que j'vous fasse une piqûre ?

L'infirmière sort en titubant vers la chambre

Rosine / (A Achille) Tu veux la tuer ou quoi ?

Scène 7 : Kevin / Sylvaine / Rosine / Achille / Roland

Achille / Hé ! Douze de tension ! Pour mon anniversaire, faudra m'offrir autre chose qu'un déambulateur !

Kevin / C'est pas possible !


Achille / Ah mais si c'est possible ! On va tout recommencer ! Et on n'est pas prêt de lâcher le morceau. D'ailleurs, j'ai une grande nouvelle à vous annoncer !

Sylvaine / Vous avez une grave maladie ? Vous nous avez menti pour pas nous faire de peine, alors vous voulez profitez de vos derniers jours ! C'est ça ?


Achille / J'ai peur que ça vous fasse un choc. Surtout à votre âge.

Kevin / Vous allez divorcer ?

Roland / Félifitafions..

Rosine / Ah non !

Kevin / T'as rencontré quelqu'un ?

Achille / Oui. Ma femme. Je l'ai pas vue venir.

Kevin / Mais qu'est-ce qu'on a fait ?

Rosine / Vous, rien.

Achille / Avant, on vivait comme des. Comme des.. Comme des vieux croûtons. Hein Roland ?

Roland / Comme des vieux cons.

Achille / Mais on a décidé de moderniser tout ça.

Rosine / On va se mettre en couple


Achille / A quatre ! Avec un deuxième couple. Tous ensemble ! Tous ensemble ! Tous ensemble !

Roland / On va tout partager ! On met tout en commun : la bouffe tout !

Kevin / Tout ?

Achille / Les meubles, on vous les donne. C'est des meubles de vieux, ça vous ira bien


Sylvaine / Et la maison ?

Achille / On va la vendre. Et ensuite, pour les sous, ce s’ra pour nous !

Scène 8 : Kevin / Sylvaine / Infirmière / Rosine / Achille / Roland / Irina

On sonne à la porte

Rosine / Ça doit être Marguerite. J'y vais

Elle ouvre la porte, Irina entre. Elle est habillée en petite fille (couettes ou autre) et elle a une sucette. Elle parle comme une petite fille

Rosine / Mais c'est la voisine. Qu'est-ce qui vous arrive ?

Irina / «Ja» m'appelle Irina. Avec deux i.

Rosine / Vous êtes habillée en .. ? Comment vous avez fait ?

Irina / «J'a» eu du mal, mais «j'a» tout rentré.

Infirmière / Laissez ! Je m'en occupe.

Achille / Ca va mieux ?

Infirmière / T'es d'la police ? Bien.. mademoiselle, n'auriez vous pas bu quelque chose ?

Roland et Achille sont un peu gênés..

Irina / Oui, et c'était drôlement bon.

Infirmière / Vous avez bu ? A votre âge ! Vous avez quel âge ?

Irina / «Ja» sais «pus».

Sylvaine / La pauvre, elle n'a pas l'air bien.

Infirmière / Vous avez bu quoi exactement ?

Irina / «Ja» m'en rappelle «pus».

Sylvaine / Quelle honte !

Rosine / Ah ! Et tu.. Euh, vous.. Vous voulez quoi ?

Irina / «Ja» voudrais que quelqu'un, il vienne jouer à la poupée avec moi.

Kevin / Moi, je jouerai bien avec.

Sylvaine / Tu bouges d'un poil, t'es mort !

Rosine / Mais vous n'êtes plus une petite fille.

Irina / Si. «J'a» sept ans et demi.

Rosine / C'est une histoire de dingues !

Irina / Et dans ma maison, «ja» suis toute seule, «j'a» rien à manger, parce que je «sas» pas faire la cuisine


Infirmière / Ca avait quoi comme goût, ce que vous avez bu ?

Irina / «C'atait» une boisson comme avec des fraises.


Rosine / Un truc à la fraise... Et vous avez tout bu ?

Irina / Tout ! Maintenant, à pus.

Rosine / Ce n'était pas une petite fiole ?

Irina / Oui, et elle «a» drôlement jolie, la bouteille.

Rosine / Achille !

Achille / Euh.. Oui ?

Rosine / Achille..

Achille / Je n'sais pas comment elle a fait.

Roland / Moi non plus.

Irina / «J'a» fouillé dans les poches. «Passque» «j'ame» bien fouiller dans les poches.

Infirmière / Quelqu'un peut m'expliquer ?

Achille / Expliquer, expliquer.. Vous savez, y'a tellement de choses inexpliquées dans la vie, par exemple, pourquoi la Lune flotte dans l'espace et qu'on ne voit pas les ficelles ? Y'a quelqu'un qu’a la réponse ?

Infirmière / Moi aussi. J'aimerais bien comprendre. C'était d'la flotte ou c'était pas d'la flotte ?

Irina / Je sas pas, mais c’atait bon.

Infirmière / C'est de la tisane ou c'est du digestif ?

Roland / Fa reffemblerait plus à un abérifif.

Rosine / C'est pas tout à fait un apéro.

Infirmière / Je vois.. Je peux y goûter ?


Rosine / Faudrait mieux pas..

Achille / C'est comme qui dirait une boisson qui vous rajeunit.

Rosine / Alors forcément, à notre âge..

Infirmière / Ca vous rajeunit ? Et vous croyez que je vais gober ça ?

Roland / Nous, on l'a bien gobée.

Irina / Moi, «j'a» tout bu !

Sylvaine / Vous voulez que je vous dise, tout ça c'est des conneries !

Scène 9 : Kevin / Sylvaine / Infirmière / Rosine / Achille / Roland / Irina / Marguerite

Marguerite entre, très remontée

Marguerite / Des conneries ? Si vous aimez les conneries, je vais vous en dire une bien bonne !

Roland / Oh oui ! .. (Aux autres) En pluf, ma vemme, elle ragonde pien.

Marguerite / C'est à propos de ma santé..


Rosine / C'est pour ton acné ?

Marguerite / Tu parles, je préférerais avoir des boutons jusque sur les fesses, c'est pas de l'acné, c'est pire !

Irina / Pire que des boutons d'acné ? (Elle s'écrie) Oh non !

Marguerite / Je suis enceinte !

Rosine / T'es enceinte ?

Sylvaine / C'est pas possible !

Infirmière / Vous êtes sûre ?

Marguerite / Dans huit mois, j'accouche.

Roland / En blein bendant les faganfes ?

Marguerite / Comme ça, toi qui t'emmerdes tout l'temps pendant les vacances, t'auras de quoi t'occuper.

Roland / Mais gomment d'as vait ?

Marguerite / On l'a fait ensemble ! T'as déjà oublié ?

Roland / F'est moi le bère ?

Marguerite / Pour l'instant, je n'vois personne d'autre.

Infirmière / Vous êtes enceinte, ça veut dire que vous êtes en bonne santé.

Marguerite / Oui, et bien je préférerais avoir mal à la tête plutôt qu'avoir un gamin dans l'buffet.

Irina / «C'a» un garçon ou «ç'a» une fille ?

Marguerite / J'm'en fous !

Achille / Ca s'arrose !

Rosine / Non. Ca s'arrose pas ! Des enfants, c'est jamais content, c'est toujours dans nos pattes. Et quand ça se met à en faire eux-mêmes, qui c'est qu'on vient voir ? Les grands parents.

Kevin et Sylvaine sont plutôt gênés.

Roland / Ve fuis bas affez veune bour être baba. (à Marguerite) Du feux l'carder ?

Marguerite / J'te garde, bien, toi.

Roland / Bourquoi d'as bas bris la bilule ?

Marguerite / Toi, c'est pas la pilule que tu vas t'prendre

Sylvaine / Mais comment ils ont pu faire ?

Kevin / Viens dans la chambre, je vais te montrer..

Infirmière / Ce ne serait pas à cause de cette fiole ?

Achille / Depuis qu'on en boit, on rajeunit tous les jours. Ça doit venir de ça.

Roland / Ou alors, f'est un miragle !


Marguerite / Toi, tu vas te retrouver à Lourdes !

Infirmière / C’est curieux, ça s’trouve pas en pharmacie.

Rosine / Forfément ! Un druc gui fous remet fur bied en moins d'deux, f'est rarement fur une ordonnanfe.


On sonne à la porte

Scène 10 : Kevin / Sylvaine / Infirmière / Rosine / Achille / Roland / Irina / marguerite / Charlatan

Rosine / T'attends quelqu'un ?

Achille / Ca doit être pour la tisane. Il (Ou elle) devait revenir aujourd'hui.

Achille va ouvrir. Le (ou la à Charlatan entre)

Charlatan / Alors ? Comment ça va ?

Irina / «C'a» le mossieur (ou la dame) qui a apporté à boire.


Charlatan / (gêné) Ah ! Vous êtes sûre ?


Sylvaine / La vérité sort toujours de la bouche des enfants ?


Infirmière / Vous vous rendez compte ?

Charlatan / Madame.. ?

Infirmière / Je suis infirmière, et en tant qu'infirmière, je m'inquiète.

Irina / Moi quand «ja» sera grande «ja» sera infirmière.

Infirmière / Votre tisane, vous êtes sur que c'est bon pour la santé ?


Charlatan / Je n'ai jamais eu de réclamations.

Infirmière / C'est qu'ils doivent être morts.

Irina / Ou alors, «ja» serai marchande de vélos dans la Lune !

Infirmière / Y'aurait pas des effets secondaires ?

Charlatan / Il peut y avoir quelques inconvénients ? Mais dans l'ensemble, ça passe..


Marguerite / (Elle montre son ventre) Et ça ! Vous appelez ça un effet secondaire ?

Charlatan / Vous avez.. ?

Marguerite / C'est ça. Je vais accoucher.

Roland / V’lai bas vait efprès !

Charlatan / Comme quoi ma tisane, ça rajeunit, non ?

Marguerite / J'ai pas été prévenue.

Charlatan / Faut la boire à petites doses.

Marguerite / A petites doses ? Et bien, on va vérifier tout d'suite.. Aidez-moi à l'tenir !

L'infirmière, Rosine, Marguerite, Sylvaine, et Irina se précipitent pour tenir le charlatan.

Marguerite / Assis / (Elles l'installent de force sur une chaise)

Kevin / On peut pas les laisser faire?

Achille / T'en mêles pas !

Charlatan / Vous n'avez pas l'droit !

Sylvaine / Faut pas l'lâcher ?

Irina / C'est rigolo.

Rosine / (A Achille) Passe moi l'entonnoir !

Irina / On va lui donner des claques ?

Marguerite / On va lui faire le plein

Irina / Ouais !

Elles lui mettent l'entonnoir dans la bouche

Infirmière / Allez ! Buvez !

Sylvaine / C'est bon ?

Marguerite / (Au charlatan) Avale !

Le charlatan boit tout et à la fin.. Ils enlèvent l'entonnoir et attendent..

Infirmière / Alors ?

Sylvaine / Comment ça va ?

Charlatan / (Après quelques instants il pleure comme un bébé Ouin ! (Puis il suce son pouce)

Rosine / Ca a marché !

Marguerite / Qu'est-ce qu'on va en faire ?

Irina / «C'a» un gros bébé.

Infirmière / C'est formidable.

Sylvaine / (A Kevin) T'en veux pas un peu ?

Infirmière / Vous imaginez dans les maisons de retraite ! Ca pourrait les aider..

Rosine / Mais ça peut être dangereux.


Infirmière / (Regardant le public) Au point où ils en sont..

Irina / (Au charlatan) Tu veux jouer à la poupée avec moi ?

Charlatan / Ouin !

Achille / Ou alors.. ? On lui pique la recette et on vend des millions de bouteilles.

Rosine / C’est pas con.

Achille / Cette tisane là, ça va vous changer la face du monde, sans compter que ça peut rapporter du pognon

Sylvaine / Du pognon ?

Achille / Beaucoup d'pognon.

Infirmière / C’est vrai que c’est pas con.

Sylvaine / C'est mon beau papa.

Kevin / Et les clients, c'est pas ce qui manque !

Achille / (Regardant le public) Messieurs dames.. Avec ça, vous grimpez au plafond !

Roland / (Il sert à boire à tous les comédiens) Avec fa, va y'avoir de l'ambianfe fez les b'dits fieux !

Infirmière / Et le corps médical ? Faudrait pas oublier le corps médical ?

Achille sert l'infirmière

Irina / Et moi ?

Infirmière / Quand tu s'ras grande.

Achille / Un p'tit coup ? C'est ma tournée.

Rosine / (Au public) Madame ? Pour monsieur..

Marguerite / Mesdames et messieurs..

Ils trinquent vers le public puis boivent. Après il exhalent en même temps un gros soupir de satisfaction.

Charlatan / Ouin ! Ma man.

Tous (Sauf le charlatan) / Ma man !

Irina / Maman, les p'tits bateaux.. Qui vont sur l'eau..

Achille / Ont t-ils des jambes ?

Roland / V'la connais !

Marguerite / Maman, les p'tits bateaux qui vont sur l'eau,

Roland / Ont-ils des v'ailes ?

Sylvaine / Mais non, mon gros bêta,

Infirmière / S'ils en avaient..

Tous / (Avec le public) Ils vo... le... raient !

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