ACTE 1
Scène 1 / Planton / Commandant / Roro
Le planton est derrière le comptoir. On ne voit que son buste. (Il peut ne porter que le haut de l’uniforme et un short ou pantalon de survêt). Il répond au téléphone.
Planton / Police à votre service, bonjour ! .. Comment ? . Votre femme est partie ? … Elle est partie sans vous ? … Elle est partie avec votre voiture ? .. Vous avez le numéro de la voiture ? .. Ne vous inquiétez pas, on va retrouver la bagnole... Mais bien sûr... C’est ça.. A votre service..
Le planton pose le téléphone, baille et soupire, le téléphone sonne à nouveau.
Planton / Police à votre service bonjour ! .. Vous êtes réfugié dans des toilettes publiques. .. Et il y’a quelqu’un qui vous attend dehors.. Pour ? .. Vous.. casser.. la gueule.. D'accord.. Et vous nous appelez pour quoi ? .. Comment ? … Allô ? .. Allô ? (On entend des coups d'feu) .. Allô ?... Allô ? Y’a quelqu’un ? (Il raccroche et soupire) Il téléphone des toilettes, faut l’faire !
Il baille, prend un magazine et lit pendant quelque temps, puis la commandant entre, accompagnée d’un homme menotté (Roro). (Elle est du genre énergique)
Commandant / C’est pas trop dur ?
Planton / Euh... Bonjour Commandant.
Commandant / C’est quoi, ces fleurs ?
Planton / C’est des roses, Commandant.
Commandant / Ici, c’est l’hôtel de Police ! C'est pas un fleuriste !
Planton / Mais Commandant, c'est le nouveau ministre de la Police qui l'a dit, faut améliorer l'accueil.
Commandant / C'est ça Et à Noël, on mettra des guirlandes, je ferai le Père Noël et on distribuera des cadeaux à la place des baffes ?
Roro / Moi j’aime bien.
Commandant / (A Roro) On t’a sonné ?
Planton / Pourtant, le nouveau ministre de la Police, il veut que les gens se sentent chez nous comme chez eux.
Commandant / Je n'veux pas l'savoir ! Alors, vous me dégagez ça du comptoir !
Planton / Je vais en faire quoi, Commandant ?
Commandant / Vous n'avez qu’à les bouffer en salade
Roro / C’est dommage de les jeter.
Commandant / Oh ! Tu sais à qui tu causes ?
Roro / Oui, mais quand même, ça coûte cher, et puis on paye des impôts.
Commandant / Ok. T’as envie d’causer ? Je vais t’faire causer, moi.
Planton / Quand même, le ministre de la Police, il a dit..
Commandant / Et le ministre de la police, il a dit aussi qu'on n'avait pas assez de résultats. En une semaine, vingt cambriolages, un seul meurtre, deux PV, et une insulte à un représentant de la loi en exercice ! Et nous, on cherche ; On cherche, on cherche, et on trouve pas.
Planton / Ah oui Commandant ! Même que c'est vous qui avez été la dernière victime.
Commandant / Un petit malin. Monsieur a dit «cot cot» en passant devant moi en voiture.
Roro / Il a dit cot cot ? C'est marrant non ?
Commandant / Toi, tu vas finir en bavure.
Planton / Vous n'auriez peut-être pas du tirer, Commandant ?
Commandant / J'ai tiré dans les pneus. C'est pas d'ma faute s'il a atterri dans une boucherie.
Planton / Et l'autre, en plus, il a porté plainte et il sait même pas conduire !
Commandant / Résultat, c'est moi qu'on enquiquine. Ils ont ouvert une enquête. La police des polices des polices.
Roro / Vous allez aller en prison, commandant ?
Commandant / (Mécontent) Encore un mot et ça va être de la légitime défense !
Planton / Ils vont venir quand, commandant ?
Commandant / J'en sais rien, mais d'ici là, faut que ça tourne rond. .. Ah ! J'oubliais ; la nouvelle recrue arrive aujourd'hui.
Planton / Une femme ?
Commandant / Pourquoi ? Ça dérange ?
Planton / Euh non. J'aime bien les femmes. Même que j'en ai eu une pendant pas mal de temps. Et la nouvelle, qu'est-ce qu'elle va faire ?
Commandant / La même chose que vous. Alors, vous l'accueillez et vous lui apprenez le métier, pigé ?
Roro / C'est pas gagné..
Commandant / (A Roro) Pour toi si. T'as gagné, t'as même gagné le gros lot. Alors tu vas m'expliquer ce que tu fichais dans la banque.
Roro / Je vous l’ai dit Commandant. J’étais dans la banque pour ouvrir un compte.
Commandant / Et pour ouvrir un compte, t’as besoin d’un revolver ?
Roro / C’était pas pour m’en servir. C’est juste parce que dans la rue, si j'ai pas mon petit revolver, j'ai peur.
Commandant / T’es une victime, quoi.
Roro / C’est ça commandant, je suis une victime. Depuis que je suis tout petit, c’est toujours sur moi qu’ça tombe.
Commandant / J'ai une mauvaise nouvelle, ça va encore te tomber sur la tronche. Allez, rentre là d’dans qu’on discute. Tu vas me raconter ta vie, j’adore les contes de fées.
Elle rentre dans son bureau avec le Roro. Le planton reste seul.
Scène 2 / Planton / Madame Moulette
Planton / C’est quand même dommage de jeter des fleurs. Au prix qu’ça coûte..
Madame Moulette entre
Madame Moulette / Bonjour Monsieur l’agent, je viens pour dénoncer.
Planton / (Sans lever la tête) Prenez un ticket. (Dispositif pour régler les files d’attente)
Madame Moulette / Je suis toute seule.
Planton / Moi aussi. Alors, les clients prennent un ticket et ils attendent leur tour.
Madame Moulette / Mais y'a que moi !
Planton / On a acheté une machine à tickets, on prend le ticket !
Madame Moulette prend un ticket
Madame Moulette / Alors je viens parce que chez moi, je me sens pas en sécurité.
Planton / Je ne vous ai pas encore appelée.
Madame Moulette / Mais j'ai pris un ticket.
Planton / On attend son tour !
Madame Moulette / Et ben, bonjour la police..
Planton / Comment ?
Madame Moulette / Euh.. J'ai dit bonjour.
Planton / Non madame ! Vous avez dit : Bonjour.. la police. Avec une intention de sous-entendu ! C'est comme qui dirait une injure à l'autorité. Alors attention ! Tentative d'insulte à un représentant de l’ordre, c’est la taule direct !
Madame Moulette / Bien monsieur..
Planton / On dit : monsieur l'agent !
Madame Moulette / Bien monsieur l’agent. Alors, je viens parce que chez moi..
Planton / Allez-vous asseoir !
Madame Moulette / Mais pourquoi ?
Planton / Allez vous asseoir ! On va vous appeler.
Madame Moulette / (Elle ronchonne) Et bien, bonjour le service...
Mécontente, madame Moulette va s’asseoir. Le planton feuillette son magazine (Le jeu consiste aussi à énerver le public en le faisant aussi attendre) Après quelques instants, il l’appelle)
Planton / Le numéro 1 ?
Madame Moulette ne réagit pas.
Planton / (Il hurle) Le numéro 1.
Madame Moulette / (Elle regarde autour d’elle puis s'adresse au public) Le numéro 1 ! … Ah ben c’est moi (Elle se lève et va lentement au comptoir)
Planton / Surtout, ne vous pressez pas..
Madame / Mais monsieur monsieur l'agent. Vous savez, à mon âge..
Planton / C'est pas une excuse. Dans les manifs, même les vieux courent.
Madame Moulette / Je peux pas aller plus vite, je suis à fond.
Planton / (Elle est au pied du comptoir) C'est pas trop tôt.. Alors, Nom ! Prénom ! Date de naissance ? Profession ?
Madame Moulette / Mais c’est juste pour dénoncer.
Planton / Nom ! Prénom ! Date de naissance ! Profession !
Madame Moulette / Euh.. Madame Moulette Rosine. Née.. Euh ..
Planton / Où ça ?
Madame Moulette / En France !
Planton / Quand ?
Madame Moulette / J'étais trop jeune, je m’en rappelle plus.
Planton / Carte d’identité ?
Madame Moulette / Mais on m'connaît dans l'quartier. Même que des fois je vous croise dans la rue.
Planton / Ici je suis pas dans la rue ! Carte d'identité !
Madame Moulette / Quand je fais les courses, le boucher il me la demande jamais.
Planton / Alors comme ça, vous circulez sans papier ?
Madame Moulette / Ben oui, je m'excuse. Parce que je viens à cause d’un voisin.
Planton / C'est votre voisin qui a vos papiers ?
Madame Moulette / Ben non. Et puis je l'aime pas mon voisin. Mon chien aussi, il l'aime pas. En plus je l'ai laissé tout seul.
Planton / Le voisin ?
Madame Moulette / Non. Le chien. Avec mes papiers.
Planton / C'est le chien qui a vos papiers ?
Madame Moulette / Non. Mais mon chien, un de ces jours il va l'mordre. Parce que quand je me déshabille le soir devant la fenêtre où y’a pas de rideaux, et ben il regarde.
Planton / Le chien ?
Madame Moulette / Non. le voisin.
Planton / Qu'est-ce qu'il regarde ?
Madame Moulette / Ben moi. Parce que avant, je travaillais dans le Crazy Corse. Alors forcément, ça excite.
Planton / Le Crazy Corse ? C'est pas une petite boîte de strip-tease 7 rue de l'impasse ?
Madame Moulette / Si. Vous connaissez ?
Planton / Pas du tout !.. Vous faisiez quoi dedans ? Le ménage ?
Madame Moulette / Ah non. J'étais danseuse, effeuilleuse, et tous les soirs on faisait le plein.
Planton / Le plein de quoi ?
Madame Moulette / Le plein de gens.
Planton / Y'a longtemps ?
Madame Moulette / Un peu, mais on m'a mis à la retraite, soit disant que j'avais plus l'âge. En plus, j'étais toujours réclamée. Alors forcément, le voisin, il doit être au courant.
Planton / Carte d’identité !
Madame Moulette / Forcément, je pourrais éteindre la lumière, mais j’ai peur dans l’noir.
Planton / (Il crie) Carte d’identité !
Scène 3 : Planton / Commandant / Madame Moulette
La Commandant surgit. Elle a les manches retroussées comme si elle venait de passer Roro à tabac
Commandant / Qu’est-qui s’passe ?
Planton / Elle a pas d’papiers.
Madame Moulette / C’est à cause de mon voisin.
Commandant / Votre voisin a volé vos papiers ?
Madame Moulette / Non, mais il me regarde.
Commandant / Il vous regarde ?
Planton / Il doit être miro..
Madame Moulette / Je voudrai avoir le droit d'asile.
Planton / Elle veut aller à l'asile ?
Madame Moulette / Je veux rester là. Parce que mon voisin, y m'fait peur. Est-ce que j'peux rester ? S'il vous plaît ?
Commandant / C'est rare qu'on nous demande ça..
Planton / Qu’est-ce qu’on fait, Commandant ?
Commandant / Passez lui les menottes et gardez là à l’œil, je m’en occuperai tout à l’heure.
Le planton lui passe les menottes et la fait s’asseoir.
Madame Moulette / Je suis retraitée ! J’ai rien fait !
Planton / Moi non plus.
Commandant / Et surtout, on la ferme ! J'ai un dossier à finir et j'aime pas être dérangée.
La Commandant va dans son bureau
Scène 4 : Planton / Madame Moulette / Lieutenant
Le planton reprend sa lecture tandis que Madame Moulette crie doucement vers le public
Madame Moulette / Au s'cours..
Après quelques instants, un homme entre. Il porte une cagoule, pointe un revolver sur le planton qui continue à lire son magazine sans même lever la tête.
Lieutenant / (Si c'est une femme, elle est du genre viril) La caisse où je t’explose la tronche !
Planton / Je vous prie de m’excuser, mais vous devez confondre avec le café d’en face ?
Lieutenant / Excusez-moi, je ne suis pas «Au bar des amis» ?
Planton / Ah non ! Là vous êtes dans un commissariat de police.
Lieutenant / A chaque fois, je m'trompe.
Planton / L'erreur est humaine.
Lieutenant / Et le café, il est ouvert ?
Planton / (Il lâche son magazine et sort deux verres) Il est toujours ouvert. Alors, qu’est-ce que j’te sers ?
Le lieutenant enlève sa cagoule.
Lieutenant / Comme d'habitude.
Planton / Le spécial poulets ! (Il le sert)
Lieutenant / Oh ! J'prend pas des boissons de gonzesse. Mais comment tu m'as r'connu ? Même avec la cagoule.
Planton / Le flair !
Lieutenant / Le flair ? Mais je ne mets pas de parfum.
Planton / Justement, on te sent venir à vingt kilomètres.
Lieutenant / (Il boit) C'est fort.
Planton / Ça vient de Bretagne. La semaine dernière, on a confisqué deux camions citernes à la frontière. Une vraie potion magique.
Lieutenant / Ça te met debout tout d'suite.
Planton / Un verre tu t'lèves, deux verres, tu...