La vallée aux pommes

Deux enfants et un aigle plus un jeune homme devenu sniper qui guette mais qui ne voit rien. Trop lumineux, le ciel, trop d’étoiles qui l’empêchent de sur-veiller les hauts des collines dans un pays transformé en gruyère.

Voilà le chemin que, main dans la main, parcourent Ma et Twan : un monde ébranlé par le chaos des grands, ceux qui ne sont plus d’accord sur « qui doit vivre ici dans ce pays ». Twan convainc Ma de rejoindre la vallée aux pommes. Là-bas, peut-être la vie reprendra. Mais où se trouve-t-elle, cette vallée dont tout le monde parle ?

Et l’aigle qui survole le monde, dans tout ce fatras, qu’en pense-t-il ?

Liste des personnages (4)

Ma, petit filleFemme • Enfant
Twan, petit garçonHomme • Enfant
Le tireur au chapeau de pailleHomme • Adolescent
Un vieil aigle : déplumé, millénaireIndifferent • Age indifferent

Quand les enfants sortent du sentier de la guerre, c’est pour jouer à l’aigle et au cochon

1.

Ma est dans la forêt, derrière un arbre. Elle vient de glisser sa poupée sous un caillou. Elle ne pleure pas, reste concentrée sur ce qu’elle dit…

Ma : Ma pleure sur son caillou. Il ne faut pas qu’on l’entende. Ma reste là sous les feuilles des arbres et personne n’en sait rien. Ma doit s’arrêter de pleurer tout de suite. Ma ne doit pas pleurer même si ses pieds sont tout enflés… Ma ne doit pas pleurer.

Tapi dans un coin, Twan la regarde.

Twan : Je l’ai déjà vue cette fille. Elle vient souvent jouer chez nous. Avant. (Un temps). Elle a déchiré sa robe ! La poche là sur le côté elle est toute déchirée. C’est pas une tenue une robe mais une fille ça met des robes… pas que… ma sœur elle met des pantalons… que ça des pantalons. Elle dit qu’elle n’aime ni les jupes ni les robes ma sœur qu’elle monte aux arbres avec les pantalons pas avec des robes.

Twan se couche dans l’herbe et la regarde encore un peu.

Twan : Elle va se lever et partir et moi je vais rester tout seul dans la forêt. (Un temps).  « C’est le nombre qui fait la force ». C’est mon père qui dit ça. « Le nombre ça fait la force petit ». (Un temps). Tout seul c’est pas une bonne idée.

Ma : Les grands disent qu’à la pleine lune les enfants deviennent transparents. Alors moi j’attends la pleine lune comme ça je peux avancer dans la forêt et personne ne me voit.

Twan (à Ma) : Des histoires tout ça !

Ma sursaute et se cache.

Twan : N’aie pas peur tu me connais. On se connaît je te dis. Il est pas grand notre village. Tu me connais. Tu es Ma. Je te connais.

Ma : Pas sûr que c’est Ma.

Twan : Tu es Ma et moi c’est Twan.

Ma : Tu fais quoi dans la forêt ?

Twan : Y’a plus de village y’a plus que la forêt.

Ma : Moi j’attends la pleine lune. À la pleine lune je sors et personne ne me voit.

Twan : À la pleine lune personne ne devient transparent… Des histoires !

Ma : À la pleine lune les enfants deviennent transparents et le tireur au chapeau de paille nous voit plus et on peut marcher tranquilles.

Twan : T’es encore là dans trois mille ans alors ! Tout le monde sait qu’il n’y a plus de lune depuis belle lurette ! Tu peux toujours l’attendre elle viendra pas.

Ma : Elle viendra.

Twan : Elle viendra pas.

Ma : Elle viendra.

Twan : Elle viendra pas.

Ma : Elle viendra.

Twan  se lève  pour partir.

Ma : Eh Twan tu vas où ?

Twan : À la vallée aux pommes.

Ma : Elle est loin la vallée aux pommes?

Twan : Faut que j’y aille…

Ma : T’es sûr qu’elle viendra pas ? Qu’est-ce que tu en sais d’abord ?

Twan : La lune est fâchée.

Ma : Fâchée ? Pourquoi fâchée ? Pourquoi tu dis « fâchée » ?

Twan : Les grands se sont tous foutus d’elle ! Tous.

Ma : Ma mère s’est pas foutue d’elle et mon père non plus.

Silence un peu prolongé.

Ma : Ma ne doit pas pleurer… Ma ne doit pas pleurer même si elle a mal aux pieds même si ses pieds sont trop serrés dans ses chaussures  Ma ne doit pas pleurer.

Twan : Mon père m’a dit : « Le nombre ça fait la force petit! » On est deux Ma alors on ira tous les deux à la vallée aux pommes tu veux bien Ma ? Tu veux venir avec moi ?

Ma : Non.

Twan : Viens Ma ! On va tous les deux à la vallée aux pommes. Je te promets que le tireur au chapeau de paille on le verra  jamais ! Jamais ! Viens Ma ! Tu m’entends ?

Ma : Maman elle m’a dit : « Sauve-toi cours sauve-toi jusqu’à la vallée aux pommes petite Ma ! ».

Twan : Mon père a dit pareil. On va aller à la vallée aux pommes tous les deux.

Ma : Ma mère et mon père se sont pas foutus d’elle et Ma ne doit pas pleurer.

Ma renifle.

Silence.

Twan : Regarde là dans le ciel ils sont des milliers Ma ! Comme c’est beau !

Ma : Ils font quoi ?

Twan : C’est beau ! À la nuit tombée c’est bizarre.

Ma : Qu’est-ce qu’ils font Twan ?

Twan : Ils effleurent le ciel du bout des ailes.

Ma : Et puis Twan qu’est-ce qu’ils font ?

Twan : Ils ont l’air de chercher…

Ma : Qu’est-ce qu’ils cherchent Twan ?

Twan : De là ils peuvent pas nous voir mais nous on les voit hein Ma ?

Ma : Tu crois Twan ?

Twan : Chut ! Écoute. Ils se répondent. Écoute celui-là qui répond à l’autre et celui-là jusqu’au ciel plus haut que le ciel même.

Ma : Ha ?

Twan : Ils avancent vite ils font des ronds dans le ciel. Regarde.

Ma se met les mains sur les oreilles.

Ma : C’est quoi Twan tout ce bruit ?

Ma se met à pleurer.

Twan : Crie pas Ma ! (Un temps). Les aigles cherchent toujours quelque chose...

Ma : Je veux pas rester là viens on s’en va.

Twan : Comme tous les aigles du monde entier ils cherchent les racines de la terre…

Ma : J’aime pas beaucoup quand tu prends cet air-là.

Twan : … et les racines de la terre c’est là à cet endroit...

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