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ACTE 1
SCENE 1
Patricia, Mme GONTRAND, Fernande, Le Docteur, Mario
La salle d’attente est déserte, dans la pénombre. On entend la serrure.
Patricia, la secrétaire, suivie de près par madame Gontrand entre et allume la lumière. Aussitôt le téléphone sonne. Elle se précipite derrière son bureau et décroche, tout en se dépêtrant de son manteau. Madame Gontrand, mal en point et nerveuse, tente constamment, d’attirer son attention.
PATRICIA – Allô ?... Oui, cabinet du Docteur Sacrin et de madame Trobio, naturopathe, j’écoute… Oui… Oui… Un instant, je regarde (Elle saisit un agenda.)…
Mme Gontrand gesticule d’impatience. Eloignant le téléphone, Patricia s’adresse en aparté à elle.
Mme Gontrand, s’il vous plaît ! Je réponds d’abord à cette personne au téléphone. De toute façon le docteur n’est pas encore arrivé.
Reprenant le téléphone.
Non, jeudi matin, ça n’ira pas : le docteur est déjà complet… Mais je peux vous proposer en fin d’après-midi… Disons 17h50 … Ah… D’accord vous avez tennis !
La sonnette d’entrée d’immeuble retentit. Patricia tend la main pour activer le bouton d’ouverture à distance.
Sinon cette semaine il me reste juste vendredi 14h… et aussi 17h15…. Vous avez natation à 14h et escrime à 17h… (Un peu agacée) Bon alors en ce cas la semaine prochaine (Elle tourne la page.)…
Mme GONTRAND (se tenant la poitrine) – Je vous en prie, je souffre le martyre !
PATRICIA (à Josée) – Je peux pas être partout… (De nouveau au téléphone) C’est urgent ?... Je sais bien, mais je n’ai pas le choix. Donc semaine prochaine… Ah ! Lundi, j’ai la première place libre à 8h… Ah ! Vous ne serez pas rentré de votre stage de parachutisme…
Entrée de Fernande qui fait un signe à Patricia et s’assoit.
(Patricia très agacée) D’accord. Alors ça reporte à mardi… Voyons mardi… Non, je n’ai rien de libre mardi… Alors mercredi… Comment ?... Oui, oui, j’entends : mercredi, c’est loin et vous souffrez le martyre avec votre jambe… Bon, d’accord… d’accord…
Mme GONTRAND (tordue de douleur, au public) – Je vais crever ! Je vais crever !
PATRICIA (au téléphone) - Ecoutez, je vais en parler au docteur entre 2 rendez-vous pour voir s’il serait d’accord pour vous prendre exceptionnellement ce soir après 20h…
Comment ?... Ah ! Ce soir vous avez équitation... (En rage) Bon, eh ben vous savez quoi ? Ce soir quand vous serez au haras, et ben vous en parlez au vétérinaire ! (Elle raccroche brutalement.) Merde alors !
FERNANDE – Ouh la ! Ben ça chauffe grave ce matin !
PATRICIA – Ne m’en parlez pas madame Fernande ! Et quand ça commence comme ça dès le lundi matin… Mais… Vous avez rendez-vous avec qui ?
MME GONTRAND (suffocant et se tenant la poitrine de douleur) – J’étais là avant et je vous en prie, je dois voir le docteur d’urgence.
FERNANDE – Pas de problème, moi, de toute façon, je n’ai pas rendez-vous avec le docteur mais avec la naturopathe : madame Trobio.
PATRICIA (elle change d’agenda et vérifie) – Vous avez bien rendez-vous, mais madame Trobio n’est pas encore arrivée et le docteur non plus d’ailleurs !
MME GONTRAND – S’il n’arrive pas rapidement, il va falloir appeler le SAMU !
PATRICIA (ton sec) – Ecoutez madame Gontrand, ça fait au moins 7 … Non 8, 9… Bref je sais plus tellement ça fait de fois, depuis le début du mois, que vous venez consulter à l’article de la mort. Deux fois déjà, on a même appelé le SAMU, et deux fois le docteur s’est fait engueuler à votre place pour les avoir dérangés pour rien !
Mme GONTRAND – Dérangés pour rien ? Mais non…
PATRICIA – Pour rien !
Mme GONTRAND – Oui mais là, aujourd’hui, c’est pas pareil ! C’est la poitrine : le cœur. Je vais faire un arrêt.
PATRICIA – Ah ! C’est bien ça un arrêt.
Mme GONTRAND (interloquée, et du coup se redressant, oubliant d’avoir mal) – Comment ça c’est bien ?
PATRICIA – Ben oui, on vous demande justement d’a-rrê-ter de nous emm… D’arrêter de prendre ce cabinet médical pour une galerie d’exposition de tous les symptômes que vous allez dénicher sur wikipédia !
Mme GONTRAND– Vous pensez que je simule ? C’est ça ?
FERNANDE – En tout cas, moi je dis bravo ! Parce que si c’est simulé, c’est drôlement bien simulé hein ! J’ai marché à fond.
Mme GONTRAND – Mais j’y crois pas !
PATRICIA – Vous n’y croyez pas ? Mais regardez-vous. Vous êtes tellement sidérée de ce que je vous dis, que…
Mme GONTRAND – Ben y-a de quoi être sidérée non ?
PATRICIA – Tellement sidérée que depuis une minute vous en avez oublié d’avoir mal à votre poitrine.
FERNANDE – Ah !... C’est pourtant bien vrai.
Mme GONTRAND (se tripotant la poitrine, inquiète) – Oh mon dieu ! C’est terrible !
FERNANDE – Terrible ? Quoi donc qu’est terrible ?
Mme GONTRAND – Oui : terrible ! Je n’ai plus de symptôme, plus de douleur.
FERNANDE – Ben c’est grâce à mademoiselle Patricia, vous pouvez la remercier.
PATRICIA – Je l’ai pas fait pour ça !
Mme GONTRAND – C’est trop beau ! Cette disparition soudaine des symptômes, ça cache quelque chose… Sans doute quelque chose de bien plus grave encore.
PATRICIA – Oui… Dans la tête !
Mme GONTRAND (obnubilée, elle n’a pas entendue) – Je retourne chez moi et je vais voir sur internet ce qu’ils annoncent en cas de disparition soudaine de la douleur. Je vous laisse… Je la sens pas cette amélioration, je la sens pas !...
PATRICIA – Vous connaissez le chemin…
Sortie de madame Gontrand.
Mme GONTRAND (off en coulisses) – Dès que j’ai refait le point sur le net, je reviens…
PATRICIA – C’est pas obligé !
FERNANDE – Comme vous voyez, j’suis un peu en avance. On est venu depuis………. (village de votre région) en auto avec ma sœur Adèle et on avait prévu des bouchons, qu’y en a point eu.
PATRICIA – Votre sœur a rendez-vous elle aussi je crois (changement d’ agenda) … C’est bien ça, avec le docteur Sacrin… Elle n’est pas avec vous ?
FERNANDE – Elle va point tarder, elle tourne dans le quartier pour trouver à garer l’auto.
Arrivée du docteur Sacrin.
PATRICIA – Bonjour docteur.
LE DOCTEUR – Bonjour Patricia, bonjour madame.
FERNANDE – Bonjour docteur !
PATRICIA – Pour information, on a déjà eu la visite de madame Gontrand… Mourante évidemment !
LE DOCTEUR – Je sais. Je l’ai vue qui dévalait l’escalier, du coup j’ai pris l’ascenseur. (A Fernande.) Euh… Nous n’avons pas rendez-vous ?
FERNANDE – Ah non, désolée, moi je me soigne à l’ancienne, « façon grand-mère ».
LE DOCTEUR – Je vois, je vois…
PATRICIA – Madame Fernande est une habituée de Gisèle.
FERNANDE – Causette, nourriture équilibrée, massage chinois, tisane, beurre de karité, ginseng, relaxation, camomille, … Y-a qu’ ça qui sauve !
Le Docteur lève les yeux au ciel et sort vers son bureau.
Entrée de Mario, peintre en bâtiment, portant un escabeau.
MARIO – Salut la compagnie.
FERNANDE – Bonjour.
PATRICIA – Ah c’est vrai ! Bonjour. (A Fernande.) Nous avons les travaux de peinture ce matin.
MARIO – C’était prévu comme ça en effet.
PATRICIA – Et vous commencez par où ?
MARIO – Le couloir qui conduit au bureau du docteur et à celui de la dame naturopathe. D’ailleurs je vais y déposer mon matériel.
PATRICIA – Allez-y… Vous connaissez la maison.
MARIO – Et faudra faire attention à pas butter dans cet escabeau ou dans tout mon matériel.
Mario sort avec son escabeau vers les bureaux des soignants.
Retour du docteur qui a enlevé son manteau.
LE DOCTEUR – J’avais complètement oublié ces travaux de peinture. On va faire avec hein. Bon… Patricia, dès que mon rendez-vous arrive, vous faites entrer.
FERNANDE – Vot’ rendez-vous va point tarder, c’est ma sœur. Elle gare l’auto et elle arrive.
Mario repasse sur scène, les mains vides et sort vers la rue.
LE DOCTEUR – Vous êtes la sœur de madame Pierrat ?
FERNANDE – Ouais ! … Je suis ! Remarquez que je m’en vante point hein !
LE DOCTEUR – Mais votre sœur est une dame charmante.
FERNANDE – Ben vous docteur, vous avez le compliment aussi facile que l’ordonnance… Charmante ! L’Adèle !… Vous me direz, si on tient point compte de ses rides et de son caractère de cochon…
LE DOCTEUR – En tout cas votre soeur est plus raisonnable que vous en matière de soins.
FERNANDE – Ben tiens !… C’est sans doute pour ça qu’elle est constipée tout l’ mois de janvier,
qu’en février elle va en diarrhée, qu’en mars ses rhumatismes lui jouent des farces, qu’en avril elle peut pas se découvrir d’un fil, sinon tout le mois de mai elle se retrouve enrhumée, qu’en juin elle a le cartilage qui disjoint, qu’en juillet , elle transpire des pieds, qu’en août elle a le foie en déroute, en septembre le ventre qui se rentre, en octobre le pylore qui s’colore…
LE DOCTEUR – N’ayez crainte, je lui prescris tout ce qu’il faut pour que ça s’améliore…
FERNANDE – Je suis au courant : Trépassémol en pommade, Funéralgan en comprimés, Tedeum en ampoules, Défuntoxyl en dosettes, Deprofundix en sirop, Toxicobrutal en suppositoires… Prescrivez docteur, prescrivez… (Se frottant les mains et s’adressant au public.) L’Adèle, elle a point de descendants : C’est moi que j’suis sa seule héritière.
PATRICIA – Hum, hum…
FERNANDE – Voyez… Même vot’ secrétaire elle toussote !
PATRICIA – Mais… Mais je ne toussote pas !
Mario repasse sur scène vers les bureaux avec un gros seau de peinture rose, pinceaux et autre attirail de peintre.
LE DOCTEUR (sortant, agacé) – Bon Patricia… Dès que madame Pierrat arrive, vous me l‘envoyez.
PATRICIA – Bien docteur.
Le docteur sort vers son bureau.
FERNANDE – L’a pas l’air commode vot’ docteur… Bon allez, en attendant, on va s’exercer un peu le ciboulot …
Elle met ses lunettes et se met à faire des mots-croisés pendant que Patricia s’affaire.
SCENE 2
Jeannette, Patricia, Fernande, le Docteur
Entrée de Jeannette Pinglu, concierge de l’immeuble et femme de ménage.
JEANNETTE – Bonjour mam’selle Patricia !
PATRICIA – Bonjour madame Jeannette. Si c’est pour faire le ménage, c’est pas bien le moment.
JEANNETTE – Non, je sais bien. Et puis à c’heure-ci, faut que j’m’occupe de ma loge ! Mais j’dois voir d’urgence le docteur. J’ai des symptômes qui m’inquiètent… Et pas qu’un peu… Grave !
PATRICIA – Ben, ce matin ça va être compliqué…
JEANNETTE – Ah !...Et entre deux rendez-vous ? Y-peut pas ?
PATRICIA – Bon… C’est bien parce que c’est vous hein madame Jeannette : je vais voir ce qu’on peut faire.
Elle sort vers le bureau du médecin.
Durant ce passage, Jeannette s’adresse à Fernande qui, elle, concentrée sur ses mots-croisés lui accorde le moins d’attention possible.
JEANNETTE (à Fernande) – Oh ma pauv’ dame ! Faut point vieillir comme on dit.
FERNANDE – A qui le dites-vous !... Sur la côte d’azur en 6 lettres…
JEANNETTE – J’étais pourtant en pleine forme…
FERNANDE – Ah ?... Sur la côte d’Azur… ça doit être une ville !
JEANNETTE – Le pire ça a été mardi matin… Pendant le petit-déjeuner !
FERNANDE – Y-a un “N“ en...