ACTE I 1° MI-TEMPS - « Ils ont perdu ! »
LE MERCREDI SOIR
SCENE 1
OLIVIER – GERALD – LISA – FELICIE
+ voix de deux commentateurs sportifs
Dès les 3 coups, on est dans l’ambiance sonore d’un reportage de foot. Chants du public (enregistrements) et 2 commentateurs enregistrés.
La France rencontre l’Italie en ½ finale de la coupe d’Europe des nations. Les commentateurs TV sont Vicente (TV 1) et Grégoire (TV 2)
Attention !
Il est conseillé dans les 2 premières scènes des actes 1 et 3 de réactualiser au fil de temps les noms de joueurs (en gras).
Cela a été réactualisé en septembre 2024.
Les actes 1 de chaque acte sont absolument semblables, donc vous en actualisez un et vous faites un copier / coller.
Dans les scènes 2 de chaque acte, au début, vérifier aussi les noms de joueurs.
La lumière se fait sur la scène - OLIVIER MIRAND (le père) et GERALD (son fils) sont assis face au public et regardent une télé imaginaire qui se trouverait au bord de la scène. L’ambiance du stade reste en fond sonore, les personnages sont plongés dans le match. Ils gesticulent, se lèvent, crient… devant eux une table basse et des boîtes de bière.
TV 1 – Théo FERNANDEZ, SALIBA et à nouveau FERNANDEZ. Les Bleus ont du mal avec la relance. Le pressing des Italiens sur le porteur du ballon gêne terriblement. Le 4° arbitre donne 2 minutes de temps additionnel, Grégoire, nous allons, hélas tout droit vers l’élimination de la France.
TV 2 - C’est terrible, Vicente, ce suspens ! Il reste en effet 3 ou 4 minutes aux bleus pour marquer ce but qui les qualifierait pour la finale de cette coupe d’Europe, le 30 juin à Liverpool. Mais pour l’instant ce score de parité de 1 à 1 élimine effectivement l’équipe de France.
TV1 - Une équipe de France qui ne mérite pas ça, tant elle a dominé ce match.
TV 2 - C’est malheureusement ainsi, mais allons, Vicente, il faut y croire jusqu’au bout !
OLIVIER (la bière à la main) - C’est pas possible, c’est pas possible.
GERALD - Allez, allez. ça doit passer, ça doit passer !
TV 1 – Marcus THURAM, ah très bon drible, il continue son action le long de la touche.
TV 2 - Allez mon petit gars il faut le centrer ce ballon ! Oui…
Olivier et Gérald se lèvent…)
Au 2° poteau, c’est pour la tête de OLISé ça !
TV 1 - Oui, elle y va. Oh la la, quel arrêt du gardien Italien, quel arrêt !
OLIVIER et GERALD (déception) - Oh !
Ils se rassoient.
TV 2 - C’était juste sous la barre, peut-être trop sur le gardien. ça ne fait rien, ils le veulent ce but, ils vont l’obtenir !
La sonnette retentit.
OLIVIER - Et merde, qui c’est qui ose venir en plein match ?
Lisa arrive par la gauche.
LISA - Bougez pas, j’y vais.
Elle va ouvrir la porte d’entrée à droite, vers l’arrière-scène.
FELICIE (elle bouscule Lisa et s’introduit en force dans la pièce, suivie de Lisa) - La télé d’ma loge vient d’me lâcher, juste à l’instant. S’you plait m’sieur Mirand, j’peux r’garder la fin du match chez vous.
Olivier et Gérald gesticulent sur le canapé pour voir le match malgré les 2 femmes qui bougent juste devant l’écran.
OLIVIER - Faites, faites madame Michu, prenez vite place.
FELICIE - Ah merci.
Elle s’assied, obnubilée elle aussi par l’écran.
LISA - Bon, je dérange pas plus, je vous laisse à votre grand-messe.
Elle sort à gauche.
TV 1 - Attention encore une belle contre-attaque, les Italiens vont très vite.
TV 2 - Tout à fait ! BARELLA… pour DI LORENZO qui lance CHIESA en profondeur !
Les 3 spectateurs angoissent…
TV 1 – Attention il est seul au coin des 18 m. CHIESA du pied droit… Aie, MAIGNAN est lobé… (Crispation…)
TV 2 - La transversale, les bleus sauvés par la transversale sur ce magnifique lobe en pleine course de CHIESA… Ouh la la, on n’est pas passé loin, un but à la 90° minutes et s’en était définitivement terminé, mon p’tit Jean-Mimi. Quelle fin de match, ça va d’un but à l’autre, chaque équipe cherche le chaos. Les bleus repartent en contre-attaque avec KANTé… THURAM dans le rond central pour TCHOUAMENI… qui réoriente le jeu vers la gauche pour KOLO MUANI, nous sommes dans la dernière minute des arrêts de jeu… COMAN qui cherche un partenaire, voilà pour M’BAPPE, qui évite le tacle, M’BAPPE qui prend de vitesse 2 défenseurs italiens… MBAPPE seul face au gardien italien…
Tous trois se remettent debout.
TV 1 – Faute du gardien italien qui ne joue absolument pas le ballon et accroche la jambe de Kylian MBAPPE … Que dit l’arbitre monsieur Vanbreukelen ?
OLIVIER, GERALD, FELICIE - Penalty, y-a penalty !
FELICIE - Si y’a pas péno, je suis plus Félicie Michu la concierge la plus sexy de tout Paris.
SCENE 2
FELICIE – OLIVIER – GERALD - LISA
TV 1 - C’est incroyable, Grégoire, l’arbitre néerlandais fait signe qu’il n’y a rien.
TV 2 - Le ralenti, regardons le ralenti – DONNARUMMA, le gardien italien touche le pied d’appui de Kylian MBAPPE, oui… C’est indiscutable, il y a faute, même si l’attaquant tricolore en rajoute peut-être un peu dans sa chute…
FELICIE - Qu’est-ce qu-y dit lui ? Il le descend en beauté, y-a péno un point c’est tout.
OLIVIER, GERALD - Evidemment !
FELICIE (debout, poing tendu, furieuse) - Aux chiottes l’arbitre ! Pourri, vendu, fils de…
OLIVIER - Madame Michu, je vous en prie !
Ils se rassoient.
TV 1 - C’est fini, l’arbitre siffle la fin du match. La France ne défendra pas son titre de championne d’Europe. C’est l’Italie qui jouera la finale contre le vainqueur du match Espagne – Angleterre.
TV 2 - On n’a pas fini de reparler de ce penalty refusé !
FELICIE - Ben ça non, pour sûr. A poil l’arbitre ! C’est dégueu…
OLIVIER - Madame Michu !
Olivier éteint le poste avec la télécommande.
Lisa revient.
LISA - Eh bien, à voir vos têtes, inutile de vous demander le résultat !
GERALD - C’est cet arbitre, maman, il est à 30 m de l’action, il voit rien !
LISA - L’arbitre ? Ben voyons, comme d’habitude.
OLIVIER (à Gérald) - Mais ne parle pas de foot à ta mère, elle n’y comprend rien.
LISA - Parce qu’il y a quelque chose à comprendre ?
OLIVIER - Sûrement plus que dans les séries à l’eau de rose que tu regardes à la télé.
LISA - Et qui ne me mettent pas dans un tel état !
OLIVIER - Evidemment c’est insipide, inodore, translucide, incolore. Tandis que le foot !
FELICIE - Ah le foot ! Génial… A part ces voyous d’arbitres. Y’avait péno ! Ah le véreux, le pourri,le salaud !
LISA - Merci de la démonstration madame Michu. Voilà à quoi même votre passion pour ces 22 grands attardés qui jouent à la baballe.
OLIVIER - D’abord ils jouent pas à la baballe, ensuite madame Michu n’est pas représentative de l’ensemble des supporters.
FELICIE - Quoi que vous disez par là, m‘sieur Olivier ?
OLIVIER - Je veux dire, chère Félicie, que même si je partage votre passion et votre indignation, vous vous laissez aller à de regrettables écarts de langage.
FELICIE - Des quoi ?
OLIVIER - Des écarts de langage, vous ne surveillez pas vos mots.
FELICIE - Ah mais si. Devant vous je m’surveille bougrement ! Parce quand que j’suis toute seule dans ma loge à regarder un match et qu’il y a un pourri d’arbitre, comme ce corniaud qu’a le sifflet paraplégique, je parle vraiment naturel. Vous allez voir, je vous fais une démonstration !
LISA et OLIVIER - Non, non,non.
GERALD - Dommage !
OLIVIER - Mais non, Félicie, ce n’est pas utile, on vous croit sur parole. Ma chère et tendre épouse n’attend d’ailleurs que cela pour caricaturer.
LISA - La prochaine fois, je sors la caméra et je vous filme pendant un match.
OLIVIER - Et toi, si tu te voyais minauder sur le canapé quand tu entends les inepties de tes héros. Des ados inachevés, qui passent leur temps à se trémousser.
FELICIE (qui rumine dans son coin) - N’empêche qu’il y’avait péno ! C’est dégueulasse !
LISA - Il y a une époque où tu étais moins critique quant au fait de se trémousser sur un canapé.
Soudain, Félicie fait un malaise et tombe à la renverse sur le canapé.
LISA - Mon dieu !
OLIVIER - La chaleur !
FELICIE (elle délire, on entend des bribes de mots) - … Péno qu’j’vous dit…. Arbitre pourri… Pas en finale…
LISA - Elle a bon dos la chaleur ! Cette femme est en transe. Envoûtée par Marcus THURAM et Kylian MBAPPE.
FELICIE - Eliminés…. C’est pas juste…. Dégueulasse…. Péno… Et le ralenti alors ?… Arbitre pourri…
OLIVIER - Inutile d’en profiter pour interpréter le léger malaise de cette pauvre femme. Je pense qu’il n’est pas utile d’appeler un médecin. Il faut prévenir sa famille. Elle a une fille qui habite le quartier, je crois ?
LISA - Oui, Eliane, Christiane…
GERALD - Viviane.
LISA - Oui, Viviane, c’est ça.
FELICIE - …Non, pas éliminés, qualifiés... (Elle se redresse et hurle, faisant sursauter les autres) Goooooaaaaal…
Elle retombe.
OLIVIER - Il faut contacter sa fille, mais on ne sait même pas où elle habite.
GERALD - 54, rue des Ecuries. 01 23 45 67 89.
OLIVIER (interloqué) - Quoi ?
GERALD - 54, rue des Ecuries 01 23 45 67 89.
LISA - Et tu sais ça par cœur ?
GERALD - Euh… Ben oui !
LISA - C’est au programme de ton diplôme d’état de Kiné ça ?
OLIVIER - Laisse, on verra ça plus tard. D’abord occupons-nous de madame Michu. Tu disais, le téléphone de cette Viviane ?
GERALD - 01 23 45 67 89.
OLIVIER (en chiffrant sur le téléphone de la maison) - 01 23 45 67 89…. Allo, bonjour. Je suis bien chez la fille de madame Félicie Michu ?… Oui, oui… Voilà, je suis Olivier Mirand, le locataire du 2° étage de l’immeuble de votre mère. Elle vient d’avoir un petit malaise chez nous… Non, non, ne vous inquiétez-pas, rien d’inquiétant. La chaleur…
LISA (très fort) - Le foot !
OLIVIER - Non, non, ne faites pas attention, c’est ma femme. Je disais - la chaleur sans doute. Nous n’avons pas cru utile d’appeler un médecin, mais il faudrait que vous veniez à ses côtés…. Oui, Mirand, le 2° étage gauche… Merci, on vous attend. A tout de suite. (il repose le téléphone)
Elle arrive.
LISA - J’avais deviné.
FELICIE - … Le ralenti… GRIEZMAN, COMAN, M’BAPPE…
Elle se redresse à nouveau, gesticule des bras, voix lente et rauque.
On est les champions, on est les champions…
Elle retombe.
LISA - Voilà où ça mène !
OLIVIER (à Gérald) - Dis-moi, mon fils, tu envisages de travailler à La Poste ?
GERALD - Euh, non, pourquoi ?
OLIVIER - Comme ça, je viens de constater que tu as appris par cœur les adresses et téléphones des habitants du quartier ?
GERALD (embarrassé) - Oui, oui… Je fais ça, juste pour exercer ma mémoire.
LISA - Bravo, j’espère que c’est efficace car je te rappelle que nous sommes le 30 juin et que les épreuves de ton diplôme débutent demain matin.
GERALD - Oui et justement, il est tant que j’aille me coucher si je veux être en forme.
OLIVIER - C’est ça, va te coucher…
LISA - Tu ne veux pas attendre cette jeune Viviane ?
GERALD - Qui ?
LISA - Viviane, la fille de madame Michu.
GERALD - Viviane ? Euh, non j’ai vraiment besoin de repos.
OLIVIER - C’est aussi mon avis.
GERALD (il embrasse ses parents) - Bonsoir.
OLIVIER et LISA - Bonne nuit.
Gérald sort à droite, porte vers l’avant-scène.
SCENE 3
LISA – OLIVIER - FLORENCE (se fait passer pour Viviane)
FELICIE (toujours évanouie sur le canapé)
LISA - Et voilà, le foot et les filles.
OLIVIER - Le foot oui, mais les filles, rien de sûr !
LISA - Attends, il connaît par cœur l’adresse et le téléphone de cette Viviane… Tu as une autre explication ?
OLIVIER - Non, aucune. Mais à 25 ans, il n’y a rien de surprenant à le voir enfin s’intéresser aux filles.
LISA - Bien sûr, mais je préférerais qu’il se consacre pour l’instant entièrement à son diplôme.
OLIVIER - Tu es trop exigeante. Il doit vivre et partir un jour.
LISA - Tu dois comprendre, c’est mon fils.
OLIVIER - Il est aussi le mien, même si son vrai père est "on ne sait où".
LISA - Tu sais que je ne veux pas en parler.
OLIVIER - N’empêche que je ne comprends pas que tu aies décidé de me cacher l’identité de son vrai père.
LISA - S’il te plaît, tu m’as promis de ne jamais exiger de savoir.
OLIVIER - Soit, mais c’est idiot, même si c’est un voleur, un repris de justice, un monstre, je suis capable de comprendre !
LISA - Il ne s’agit pas de cela. Mais tais-toi, j’ai peur que Gérald nous entende.
OLIVIER - Moi, j’ignore qui est son vrai père et lui, il ignore même que je ne suis pas son père. Lisa, tous ces secrets, je ne sais pas si c’est un bon choix.
LISA - Il est trop tard pour faire autrement désormais.
OLIVIER - C’est ce que tu penses.
(La sonnette de l’appartement retentit)
LISA - Ce doit être cette Viviane, elle a fait vite.
OLIVIER - Voyons voir à quoi ressemble la jeune personne à laquelle s’intéresse NOTRE fils !
LISA (regardant Félicie allongée et enfin calme sur le canapé) - Et si elle ressemble à sa mère ?
OLIVIER - Tu me fais peur !
Il va ouvrir.
Entrez mademoiselle. Voici mon épouse.
FLORENCE (elle a un porte-document...