ACTE I
SCENE 1
Gilbert, Juliette
Le rideau s’ouvre. Gilbert est seul sur scène. Il finit de déjeuner prêt à partir au boulot (mallette, costume…). On sonne deux fois.
GILBERT – ça, c’est le facteur. (Au public.) Notre facteur sonne toujours deux fois.
Il va à la porte et sort sur le palier.
LE FACTEUR (Voix off) – Bonjour, j’ai un recommandé pour vous monsieur Michaud.
GILBERT – Un recommandé ? Ah !...
LE FACTEUR – Vous signez là… Voilà !
GILBERT – Merci et bonne journée.
LE FACTEUR – Vous aussi.
Gilbert revient sur scène.
JULIETTE (en coulisses) – Chéri ! C’était quoi ce coup de sonnette ?
GILBERT – Le facteur. Un recommandé.
JULIETTE – Ah ! Et c’est quoi ?
GILBERT – Je sais pas… Attends je regarde. (il lit pour lui-même et le public) “Tribunal d’instance de (Ville de votre choix)………….………., Juge aux affaires conjugales et aux bonnes Moeurs“… Oh merde, ça va pas recommencer !
Il ouvre et lit. On le voit passer de la stupeur à la panique.
JULIETTE – Alors, c’est quoi ?
GILBERT – C’est… C’est… Oh rien, c’est l’assurance voiture. Il faut passer déposer une signature pour une nouvelle clause de contrat devenue obligatoire.
Juliette apparaît, prête à sortir. Gilbert range vite fait la lettre dans sa sacoche.
JULIETTE – Si tu veux je peux y passer, c’est à côté du supermarché.
GILBERT – Non, non. Je préfère y aller, je voudrais voir si on peut négocier avec le courtier.
JULIETTE – Comme tu veux. Bon je passe voir ma mère à la maison de retraite, je fais les courses et je suis là vers midi. Et toi ?
GILBERT – J’attends Eric, il doit passer me prendre. On a rendez-vous chez un fournisseur. JULIETTE – A tout à l’heure mon chéri !
Elle l’embrasse et sort. Gilbert, resté seul, regarde par la fenêtre si son épouse est bien partie (on entend la voiture qui démarre et s’éloigne.)
Gilbert téléphone.
GILBERT – Allô… Sylvie ? Oui c’est Gilbert. Ecoute-moi Sylvie, j’ai des emmerd’s, alors tu décommandes tous mes rendez-vous de la journée. .. Oui je sais… Tu dis ce que tu veux, mais que ce soit crédible… M’en fouts ! Invente, invente !... Eric ? Je l’attends d’un instant à l’autre, je le préviens…. C’est ça… Non, non, rien de grave, je viens au bureau dès que c’est arrangé. Voilà, c’est ça Sylvie…. Merci et à plus tard.
Il raccroche et relit la lettre, désemparé.
SCENE 2
Eric, Gilbert
On sonne, il fonce ouvrir et fait entrer son collègue Eric.
ERIC – Alors… En forme ? Parce que négocier nos tarifs avec le père Farnel, ça va pas être une partie de plaisir !
GILBERT – Pas de négociations avec Farnel aujourd’hui.
ERIC – Il a un empêchement ?
GILBERT (il tend la lettre à Eric) – Pas lui. Moi : lis-ça !
ERIC (il lit à voix haute) – Monsieur, vous êtes marié sous contrat n°2002-234-567. Or, le mercredi 11 mai à 15h28, vous avez été flashé dans la chambre 31 de l’hôtel du parc à (ville)………….…. en compagnie d’une personne qui n’est pas Juliette Brémont, épouse Michaud, votre épouse légitime. Cette infraction entraîne le retrait de 2 points sur votre contrat de mariage.
De plus, vous avez été enregistré à 129 pulsations cardiaques par minute, soit 29 pulsations au-delà de la fréquence maximale autorisée dans cet établissement, comme l’indique la signalétique réglementaire apposée à la réception.
Infraction de classe 3 qui justifie la perte supplémentaire de 2 autres points.
A l’examen de votre contrat de mariage, entaché par des infractions antérieures, il s’avère que vous n’avez plus désormais aucun point.
Vous n’avez pas utilisé le délai de 8 jours qui vous était imparti pour contester les faits…
GILBERT – Mais je n’ai rien reçu…. Eh merde ! La semaine en Auvergne avec Juliette : pas de réseau !
ERIC – Eh oui… Donc… (Il reprend la lecture) Pas utilisé le délai de 8 jours qui vous était imparti pour contester les faits qui vous sont reprochés. L’huissier de justice, mandaté pour informer votre épouse de son infortune conjugale, s’est donc présenté à votre domicile à deux reprises, en vain.
Une dernière visite de l’huissier est prévue le 25 mai matin à votre domicile.
A cette occasion, vous pourrez encore produire des témoignages ou des preuves tangibles de votre éventuelle bonne foi. Si votre mauvaise conduite se trouvait avérée, conformément à la loi n° 5678 du 25 octobre 2012, votre épouse sera en droit d’obtenir le divorce, à vos torts exclusifs, en procédure immédiate simplifiée.
Veuillez agréer, blablabla…
Oh merde ! Oh merde !
GILBERT – ça, comme tu dis… Je suis dedans jusqu’au cou !
ERIC – Et… Tu contestes les faits ?
GILBERT – Ben oui… Enfin oui et non !
ERIC – C’est oui ou c’est non ?
GILBERT – Ben je vais contester.
ERIC – Donc c’est une erreur ?
GILBERT – Mais non, j’étais bien à cet hôtel, dans cette chambre…
ERIC – Ben comment tu vas contester alors ?
GILBERT – Justement, il faut que je me débrouille. Tu as vu le courrier, il me faut un témoignage, une preuve… Fausse évidemment.
ERIC – ça va pas être facile s’ils ont une photo.
GILBERT – J’ai lu qu’il y a des avocats spécialisés qui réussissent à interdire la production de la photo au tribunal en cas de contestation.
ERIC – ça devait t’arriver avec toutes tes aventures !
GILBERT – Bon c’est pas le moment hein ! Parce que le 25 mai, la prochaine visite de l’huissier, c’est aujourd’hui ! Ce matin même !
ERIC (vérifiant la date sur sa montre) - Oh la la ! Et… Dis-moi, cette fois… C’était avec qui ?
GILBERT – Ben… Avec euh… Non : tu connais pas ! En attendant j’ai besoin d’aide. De ton aide !
ERIC – A moi ? Mais… Mais comment ?
GILBERT – C’est écrit sur leur courrier là ! Un témoignage, il me faut un témoignage, ton témoignage pour me sortir de là.
ERIC – Mon témoignage ? Pour dire quoi ? Que j’étais assis au pied du lit et que je tenais la chandelle ?
GILBERT - Mais non réfléchis… Réfléchis mieux…
Eric retourne visiblement le problème sans trouver la solution jusqu’à ce que…
ERIC – Attends, je vois bien une solution mais c’est pas ça que tu attends de moi hein ?
GILBERT – Eh si !
ERIC – Non ?
GILBERT – Si !
ERIC – Attends… Tu veux que j’aille déclarer que tu n’étais pas avec une femme, mais… Mais avec moi, célibataire, et que nous couchions toi et moi ensemble à l’hôtel en plein après-midi !
GILBERT – Mais tu fais semblant ou t’es réellement con ?
ERIC – Tu me parles pas comme ça hein ! Surtout si tu veux mon aide. Bon tu veux quoi ?
GILBERT – Mais je te demande de dire que c’est toi qui était dans cette chambre d’hôtel cet après-midi là avec cette femme. C’est pourtant simple !
ERIC – Pourtant simple… T’en as de bonnes toi. Déjà je sais même pas avec qui je suis sensé avoir couché… Et mon permis à moi, hein ? Tu y a pensé ?
GILBERT – Mais tu n’es pas marié et la personne avec qui j’étais est divorcée… Donc tu ne risques aucune pénalité.
ERIC – A part les 2 points de pénalités pour excès de pulsations : 129, t’exagères quand même ! Un jour il t’arrivera un accident.
GILBERT – Bon alors tu es d’accord oui ou non ?
ERIC – J’hésite hein… Si la femme que j’aime découvre demain… Enfin non !... Je veux dire : si une femme que j’aimerai un jour découvre que j’ai perdu mes points…
GILBERT – Toi tu me caches quelque chose… Tu connais une femme et tu es amoureux !
ERIC – Mais non, enfin je sais pas, si, peut-être, et puis non…
GILBERT – Je la connais ?
ERIC – Mais c’est personne, je te dis, il n’y a rien.
GILBERT – Si, si je la connais, je la connais.
ERIC – Oui…
GILBERT – Je sais !
ERIC – Tu sais ?
GILBERT – Sylvie ! Ma secrétaire. J’ai déjà vu comment tu la regardes.
ERIC – Moi ? (Il se met à bégayer.) Je je je… re re regarde Sy sy sy Sylvie ? Et et et co co co comment que que que je je je la re regarde ?
GILBERT – Eh ! Pas à moi hein. Je te connais… Déjà quand tu passes devant la vitrine du chocolatier, t’as la bouche grande ouverte et quand tu rentres dans le magasin tu bégayes devant le marchand.
ERIC (il semble réfléchir) – …Bon, d’accord… Après tout, va pour Sylvie !
GILBERT – Eh ben voilà !...