À ce petit jeu…

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«A ce petit jeu…» est un recueil de trois textes dont le dénominateur commun est le Jeu.

Jouer est un besoin chez l’enfant. Par cette activité éducative il va apprendre tout ce qui fera de lui un adulte. Un adulte joueur ou mauvais joueur. Car le jeu n’est pas toujours ludique. Il peut être dangereux : jeux de mains = jeux de vilains. Voire dramatique : mettre sa vie en jeu. Dans tout jeu il y a enjeu. Sinon ce n’est plus du jeu. Dans «A ce petit jeu…», construit en trois volets pour dix personnages, les enjeux sont de taille : être un auteur reconnu, obtenir la présence de France-Inter, se servir d’un revolver. Manipulation, pression, opposition, triche, séduction, tout est bon pour l’emporter quand rôde le démon du jeu. Ceci dit sans être vieux jeu.

 

INTERDIT AUX MINEURS

 

PERSONNAGES

 

Michel Moriceau, un gentil garçon

Camille Moriceau, sa soeur

Comédien 1 (Georges Labris), un comédien pas très jeune

Comédien 2 (Julien Cafaza), un comédien jeune

Comédienne (Amalia Zerbini)

L’Auteur (Gérard Levoyer)

L’Animatrice (Pauline Birage)

Le Réalisateur

La Bruiteuse

Le musicien

 

 

 

Nous sommes dans un studio d’enregistrement de Radio France.

Il y a un joyeux brouhaha : les comédiens discutent, rigolent, ou disent leur texte à haute voix. Un musicien joue du piano (ou du synthétiseur). Si le comédien n’est pas musicien, il testera simplement les touches.

La bruiteuse manipule ses objets.

L’animatrice se concentre, puis court chercher quelque chose ou parler en régie. On la sent excitée.

Dans un coin, on suggérera la cabine régie qui, logiquement, est à l’extérieur. On peut prévoir une séparation translucide.

On entend une musique, celle qui doit être diffusée au même moment sur l’antenne.

Le réalisateur - Attention, Pauline, antenne dans une minute.

L’animatrice (paniquée) - Ah, mon dieu, déjà… A moi ? Qu’est-ce que je dis ? Ah oui, « la dramatique en direct ». Quelle idée ! Pourquoi en direct ? Si on bafouille on ne peut plus…

Le réalisateur (calme) - Tout va très bien se passer, Pauline, pas de panique.

L’animatrice - Mais oui, mais oui, Roger, tu as raison. Tout va bien ! A part que j’ai le maquillage qui fond, du rimmel plein les yeux, les mains moites et des auréoles sous les bras.

Le réalisateur - On s’en fout, Pauline, c’est de la radio ! (Fort.) Les comédiens ! On fait silence sur le plateau ! On va passer au direct. Ceux qui vont jouer se mettent derrière les micros, les autres s’assoient… où ils veulent.

L’animatrice (pour elle-même) - Je suis prête, je suis prête, je suis prête…

Le réalisateur - Attention ! Six… cinq…

L’animatrice (hystérique) - Papa, maman, petit Jésus, le bœuf et l’âne, soyez avec moi ! C’est parti, je vais casser la baraque, je vais tout péter, ça va marcher, je vais devenir vedette ! Ouais !!!

Le réalisateur - Deux… un…

L’animatrice (calme, posée) - Bonjour à toutes, bonjour à tous ! Bienvenue à « La scène et les rideaux », l’émission de l’actualité théâtrale. (Musique du générique, gestes entre le réalisateur, le musicien et l’animatrice.) Aujourd’hui, une grande première : la création en direct d’une pièce de l’auteur bien connu…

Soudain, bruit dans le studio. Un couple entre : un homme avec un revolver à la main et une femme avec un porte-documents.

Michel (excité) - Non, arrêtez ! Arrêtez la musique !

Le musicien arrête de jouer. Si le comédien qui joue le rôle n’est pas musicien, c’est alors le régisseur qui arrête la diffusion d’une musique enregistrée.

Les comédiens se demandent ce qui se passe.

Camille - Stop ! Arrêtez tout ! Il n’y aura pas de dramatique aujourd’hui.

Michel - Que personne ne bouge, c’est une prise d’otages ! Il ne vous sera fait aucun mal mais ne vous approchez pas du micro, s’il vous plaît.

Comédien 1 - Pourquoi ? Qu’est-ce qui se passe ?

Michel - Excusez-moi monsieur Labris, je vous connais, je sais que votre profession est de raconter des histoires aux auditeurs mais aujourd’hui, moi, je dis stop ! (Il s’approche du micro.) Chers auditeurs, je suis désolé pour vous mais il n’y aura pas de théâtre aujourd’hui. C’est comme ça ! J’ai un énorme revolver dans la main droite et… (Il regarde le régisseur qui baisse des boutons en régie et se met alors à hurler.) Remontez immédiatement le son en régie !! Vous m’entendez ? Si vous ne remontez pas le son je tire dans le piano ! Et un Pleyel… (Ou autre suivant marque de l’instrument.)… ça coûte du pognon…

Le réalisateur - Voilà. C’est fait.

Michel (tapotant sur le micro) - O.K. Ça va… Mais encore un coup comme celui-là et je… je… ça peut barder ! Je disais… que… que nous tenons en respect les deux comédiens et la comédienne dans la cabine d’enregistrement et que… ils ne vous interpréteront pas le texte de monsieur… comment il s’appelle déjà… monsieur… Levoyer… Levoyer Gérard… un truc dont le titre était « Interdit aux mineurs »… (Petit rire sarcastique.) Hin ! hin ! Sûrement encore une belle idiotie !

Comédien 2 - Pas du tout !

Comédienne - On l’a lu tout à l’heure, on a trouvé ça plutôt bien.

Comédien 1 - Oui, oui, plutôt.

Michel - Evidemment, ça ne m’étonne pas. Vous, ça vous plaît !… Ne bougez pas !!!

Camille - « Interdit aux mineurs », tss ! Encore un truc cochon !

Comédienne - Mais pas du tout !

Camille - On sait lire, tout de même. « Interdit aux mineurs » c’est bien parce qu’il y a des trucs qu’on ne peut pas dire aux enfants. Des trucs au-dessous de la ceinture.

Comédien 1 - Pas du tout ! Alors là, vous vous trompez totalement.

Le réalisateur - C’est pas au-dessous de la ceinture mais au-dessous de la terre, que ça se passe.

L’animatrice - Une histoire sur le charbon, dans une mine.

Michel - Ben alors, pourquoi c’est interdit aux mineurs ?

Comédienne - Parce que la mine va être fermée, donc interdite aux mineurs… (Il précise.)… de la mine. Compris ? C’est social.

Camille - Ah, d’accord, c’est social… Il est socialiste l’auteur ?

Comédien 2 - On sait pas, nous. En plus il n’est pas là.

L’auteur (en régie) - Si, si, je suis là. Je viens d’arriver.

Michel - Eh bien, venez nous rejoindre.

L’auteur (idem) - Non, non, j’ai pas tellement envie de…

Michel (violent) - Venez tout de suite ou je descends le pianiste !

Musicien - Ah non, ne tirez pas sur le pianiste !

Comédienne - Et nous, qu’est-ce qu’on fait ?

Camille - Vous allez jouer, vous allez jouer… Ne bougez pas ! On ne veut la mort de personne, mais nous sommes décidés à aller jusqu’au bout.

Michel - J’espère que c’est clair pour tout le monde ?

Comédienne - Ben non, justement, c’est pas très clair.

Le réalisateur - Qu’est-ce que vous revendiquez au juste ?

Musicien - C’est du terrorisme régional ?

Bruiteuse - C’est politique ?

Michel - Mais non, ce n’est pas politique ! Ah ! là ! là ! La politique, elle se fout pas mal de nous ! Et puis, je vais vous dire, c’est réciproque.

Camille - Non, ce n’est pas politique : c’est humain. Un drame humain. Vous pouvez vous intéresser aux humains pour une fois ?

Comédienne - Quels humains ?

Michel - Nous. Des gens vrais, avec des tripes, avec du sang.

Camille - Et puis avec un coeur. Un coeur gros comme ça.

Comédien 2 (ironique) - Et puis des nerfs, des petits nerfs comme ça.

Michel - Rigolez pas, vous, je vous connais aussi. Je vous ai vu au théâtre et, la dernière fois, vous n’étiez pas si bon que ça.

Le réalisateur - Du calme, du calme. Vous n’allez tout de même pas le descendre parce qu’il a massacré un auteur sans défense ? Laissez la critique s’en charger.

Comédienne - Et puis si vous avez décidé de tuer tous les mauvais comédiens, je vous préviens, vous n’avez pas assez de cartouches.

Michel - On n’en veut pas aux comédiens, on les aime bien. Nous c’est aux auteurs qu’on en veut. Où il est celui d’aujourd’hui ?

L’auteur - Je suis là… mais j’ai rien fait. J’ai juste écrit un texte, je l’ai envoyé et il a été retenu. C’est tout.

Camille - Voilà !...

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