Scène 1 : Servante Marie / Servante Léontine
Les servantes entrent par la salle et font des commentaires sur le public.
Marie / Oh la la ! Qu'est-ce qu'il y'a comme monde ! Et en plus, t'as vu la tête qu'y z'ont.
Léontine / Regarde c't-y là ? C'est pas possible ! T'en as déjà vu à c'point là ?
Marie / Et l'autre là bas ! Et ben dis-donc, je voudrais pas me r'trouver toute seule en face.
Léontine / Vu leurs têtes, Ils doivent tous être de la même famille.
Marie / La nuit, ça doit pas être beau à voir.
Léontine / Oh ben, pour ça, c'est pas compliqué, t'as qu'à éteindre la chandelle.
Léontine / Si qu'ça s'trouve, y font partie d'la bande des sans-ceulotte ?
Marie / Les sans-ceulottes ? Mais, c't'eux-là, on dirait ben qu'y z'en ont une.
Léontine / Va savoir. On sait pas toujours c'qui s'passe dans leur tête.
Marie / Et en d'ssous, c'qui's'passe, c'est facile à deviner.
Léontine / En tout cas, moi, ma ceulotte j'la garde. C'est celle de ma grand-mère, alors j'y tiens.
Marie / C'est pourtant utile une ceulotte. Pourquoi qu'ils veulent pas en mettre ?
Léontine / Peut-être qu'ils ont trop chaud aux fesses, s'trimballer cul nul, paraît qu'c'est la mode à Paris.
Marie / Faut-y qu'y soient pauvres pour même pas pouvoir s'ach'ter une ceulotte.
Léontine / Y z'appellent ça la Révolution. A c't'heure, faut s'habiller en pauvre.
Marie / Alors c'est ça, la Révolution. Faut pas mettre de ceulotte. Ah ben, moi j'en connais, la révolution, ils la font tous les jours.
Léontine / Ah non ! Parce que paraît que si tu mets une ceulotte, tu peux perdre ta tête.
Marie / D'habitude c'est l'contraire.
Léontine / A Paris, mettre une ceulotte, c'est risqué.
Marie / Alors, faut s'mettre une ceulotte sur la tête.
Léontine / Je sais point, mais dans la révolution, faut faire pauvre.
Marie / Ben nous. Avec ou sans ceulotte, on fait pauvre pareil.
Léontine / Les habits, faut en mettre le moins possible.
Marie / Alors, c'est pour ça qu'madame la Marquise, elle est attifée comme nous ?
Léontine / Ben ouais. Faut pas qu'elle fasse riche.
Marie / Et moi, pour qué qu'y faut que j'm'habille comme madame la Marquise ?
Léontine / C'est pac'que on va avoir la visite d'un sans-ceulotte. Alors, faut qu'madame fasse bonne impression.
Marie / Et pourquoi qu'y faut t-y qu'on lui fasse bonne impression au pas d'ceulotte ?
Léontine / Pac'que les sans-ceulottes, quand ils viennent chez les autres, ils font comme si y z’étaient chez eux.
Marie / Oh ben moi, j'aim'rais pas qu'un sans-ceulotte il fasse comme chez lui quand il vient chez moi.
Léontine / T'a pas à craindre, t'habites pas chez toi.
Marie / Ah ben oui.
Léontine / C'est pour pas qu'on y prenne son argent, à madame la Marquise.
Marie / Et moi, y va t'y m'prendre mon argent.
Léontine / Y peut pas, t'en as pas. …
Marie / Ben ouais, mais ça m'f'rait quand même quelque chose.
Léontine / Parce que les sans-ceulottes, ça prend tout c'qu'est bon à prendre
Marie / Ça prend t-il les ceulottes ?
Léontine / Qué qu'y en fraient ? Ils en mettent pas.
Marie / C'est que j'y tiens, à ma ceulotte.
Léontine / Bon. Faut qu't'ailles t'apprêter. Le cul nul, y va pas tarder.
Marie / Quand même. C'est ben la première fois qu'on va m'habiller en Marquise.
Léontine / C'est madame qui veut. Elle veut pas qu'on la r'connaisse.
Marie / Et pourquoi qu'elle veut...