A l’ouverture, les deux femmes font l’inventaire de leurs réserves.

 

BERENICE - …Trois boîtes de petits pois… Et cinq boîtes de cassoulet.

 

AMPHORA - Tout est là ?

 

BERENICE - Tout est là.

 

AMPHORA - On n’en a plus que pour une ou deux semaines maximum !

 

BERENICE - Et encore, il va falloir changer nos menus : on n’a plus de gratin dauphinois.

 

AMPHORA - Zut ! Qu’est-ce qu’on va prendre au déjeuner le lundi, alors ?

 

BERENICE - Des pois chiches, c’est ce qu’on a de plus en réserve !

 

AMPHORA - Des pois chiches ? J’ai horreur de ça !

 

BERENICE - Quand il n’y aura plus rien, on n’aura plus le choix !

 

AMPHORA - C’est terrible ! Je me demande ce qu’on va devenir !

 

BERENICE - On va sombrer dans le météorisme…

 

AMPHORA - Quoi ?

 

BERENICE - On va avoir des gaz, en clair. Tu sais… avec les pois chiches…

 

AMPHORA - J’ai pas le boyau de la rigolade ! Ce que je vois, c’est qu’on crèvera de faim dans deux semaines !

 

BERENICE - Meu-non ! On trouvera bien une solution !

 

AMPHORA - Ah, oui ? Laquelle ?

 

BERENICE (hésitant) - Et bien… Faudra peut-être… aller voir ailleurs… Chercher… Fouiner… (Un temps marqué par l’hésitation.) Se décider à sortir…

 

AMPHORA (ayant peur de comprendre) - Dehors ?

 

BERENICE - Ben oui. En général on sort dehors !

 

AMPHORA (horrifiée) - On n’sait même pas ce qu’il y a dehors !

 

BERENICE - Ce sera l’occasion. En tout cas, s’il y a de quoi becqueter, je signe tout de suite !

 

AMPHORA - Mais moi j’ai peur de sortir ! Surtout qu’on ne l’a jamais fait !

 

BERENICE - Je sais bien, mais si on n’a pas le choix, faudra bien y aller !

 

AMPHORA (montrant un livre) - Non mais, tu as vu ces monstres ? Diplodocus, mammouth, tyrannosaure, déjà que j’ai peur des araignées, alors là, j’te dis pas !

 

BERENICE - On ne sait même pas si ça existe vraiment ces bêbêtes là ! Tu sais, si ça se trouve : c’est une légende ! En fait, on ne sait pas ce qu’il y a dehors…

 

AMPHORA - Légende ou pas, j’ai pas envie de sortir pour le vérifier !

 

BERENICE - Faudra bien le faire à un moment ou à un autre… Quand on aura fini la dernière boîte de pois chiches notamment…

 

AMPHORA - Arrête, tu m’déprimes ! Si j’comprends bien, deux choix s’offrent à nous : soit on reste et on meurt de faim, soit on sort et on s’fait bouffer !

 

BERENICE - C’que tu peux être pessimiste ! De toute façon, je préfère prendre le risque de m’faire bouffer dehors, que de rester là à attendre la faim inéluctable qui sera l’amorce d’une fin tout aussi inéluctable…

 

AMPHORA (agacée) - Comment qu’tu causes ! Tu crois vraiment le moment choisi pour donner dans le jeu de mots alambiqué ?

 

BERENICE - Jeu de mots ou pas, si on ne trouve pas à manger, on crèvera de faim dès qu’on aura épuisé nos réserves.

 

AMPHORA (angoissée) - J’espère qu’on va pas finir anthropophages !

 

BERENICE - T’inquiète ! Il n’y a qu’une chance sur deux !

 

AMPHORA - Comment ça ?

 

BERENICE - Vu que nous sommes deux, il y en aura une qui sera anthropophage et l’autre fera la victime.

 

AMPHORA (sur la défensive et horrifiée) - J’ai pas envie de te manger ! Et j’ai encore moins envie que tu m’bouffes !

 

BERENICE - Le seul moyen d’éviter ça, c’est d’aller voir dehors…

 

AMPHORA - Vas-y seule ! Moi, je t’attends ici !

 

BERENICE - Et si je ne reviens pas ?

 

AMPHORA - Pourquoi tu dis ça ? Tu veux que j’angoisse ?

 

BERENICE - Non, mais c’est une éventualité. Imagine que je fasse une mauvaise rencontre ? (Amusée.) Remarque, tu auras double ration de pois chiches.

 

AMPHORA - T’es franchement pas drôle !

 

BERENICE - Bon allez, quoi ! On n’va pas attendre la dernière extrémité pour se décider !

 

AMPHORA (à la fois angoissée et boudeuse) - J’ai peur de sortir ! Et puis maintenant, j’ai peur de rester seule ! Et j’ai pas envie de manger des pois chiches jusqu’à la fin de mes jours !

 

BERENICE - C’est sûr, des pois chiches comme dernier repas : autant se flinguer tout de suite ! (Un temps.) Bon : tu restes ou tu m’accompagnes ?

 

AMPHORA (se jetant sur son lit et remontant les draps jusqu’au cou) - Je préfère rester. J’ai trop peur des grosses bêbêtes !

 

BERENICE (prenant un sac à dos et enfilant une battle dress) - J’y vais ! Promis, je fais le maximum pour rentrer au plus vite. (Elle sort.)

 

AMPHORA - Reviens vite ! J’ai peur, moi, toute seule !

 

Amphora se couvre d’abord la tête avec le drap, puis se relève, regarde partout ; elle est très agitée. Elle finit par se cacher sous le lit. Noir pour marquer l’ellipse temporelle.

A l’ouverture, Amphora est en train de manger directement dans une boîte de conserve. Des bruits de pas et des cliquetis dans la serrure de la porte la font détaler sous le lit. Elle aura jeté la boîte de conserve dans sa panique. Bérénice fait son entrée, le sac à dos débordant de victuailles (légumes entre autres.) Elle tient un gros bâton dans la main.

 

AMPHORA (hurlant de terreur) - Non ! Non ! Il n’y a personne ! De toute façon, je vous préviens tout suite : je ne suis pas comestible !

 

Bérénice, amusée par la réaction de sa condisciple, ne répond pas ; elle monte sur le lit et sautille dessus.

 

AMPHORA (brandissant une cuiller) - Attention, je suis armée !

 

BERENICE (posant son pied sur le bras qui sort de dessous le lit et parlant d’une voix grave travestie) - AH ! AH ! AH ! Moi manger toi toute crue !

 

AMPHORA (sortant précipitamment de dessous le lit) - Mangez plutôt les pois chiche, il m’en reste une palanquée ! (Reconnaissant sa copine, d’abord surprise puis outrée.) Oh ? Oh ! Oh ! T’es nulle ! C’est malin de me faire peur ! Espèce d’andouille !

 

BERENICE (posant son sac, hilare) - On peut bien rigoler ! T’étais marrante à te tortiller de trouille sous ton lit !

 

AMPHORA­ - Oui, oh, ça va ! T’en as mis du temps ! J’ai bien cru que tu reviendrais jamais !

 

BERENICE - Plains-toi ! J’ai ramené des provisions : regarde. (Elle vide le contenu du sac par terre.)

 

AMPHORA - Et ça se mange tous ces trucs là ? C’est même pas en boîte !

 

BERENICE - Ça n’a pas le goût de boîte, mais c’est bon quand même.

 

AMPHORA - Comment t’as su que c’était mangeable, d’abord ?

 

BERENICE (se tapant la tempe) - Ah ! J’oubliais ! (Elle ressort.)

 

AMPHORA - Où elle va encore ?

 

BERENICE (revenant en tirant une bâche avec l’homme à l’intérieur) - J’ai trouvé une espèce primitive. J’ai préféré l’assommer par mesure de précaution. En tout cas, elle était en train de consommer ces trucs là (Elle désigne des carottes.) quand je l’ai attaquée par surprise.

 

AMPHORA - Tu étais armée ?

 

BERENICE (montrant son bâton) - Ben oui. Dehors il y a des grands machins ou tu peux prélever des morceaux contondants. Ça endort bien !

 

AMPHORA (soupesant la branche) - Ah ouais ! C’est pas mal ! (Désignant la bâche.) Et ta bête là, elle est comestible ?

 

BERENICE (énigmatique) - Pas plus que nous… Couvre-moi avec le truc qui assomme, moi je vais déballer le paquet. (Elle libère l’homme qui est encore un peu groggy.)

 

AMPHORA (en lâchant presque son bâton, de surprise) - Ça alors ! Une femme !

 

BERENICE - Et oui : une femme sauvage…

 

JEAN-CLAUDE (se tenant la tête et observant autour de lui) - Qu’est-ce que je fous ici ? Et vous ? Vous êtes qui ?

 

AMPHORA (faisant le tour de...

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