La Méthode De Niro

Personnage : un comédien.

 

Un comédien qui se la joue. Éventuellement il pourrait arriver sur scène déguisé en lapin façon comédie musicale pour enfants.

Ah là là ! Quel enfer ! Quel enfer je vis en ce moment !

Tout le monde me dit : « Comédien ! Ah ! vous êtes comédien ! Ça doit être une vie merveilleuse ! » Les gens ne se rendent pas compte… Comédien, si vous faites votre métier consciencieusement, mais c’est une galère permanente…

Non, parce que moi, je suis un adepte de la méthode De Niro… Quand j’ai un rôle à jouer, je m’en imprègne des mois à l’avance… Je vis pendant des semaines dans l’environnement du personnage…

Je me rappelle mon premier rôle… Je devais écailler des huîtres au fond d’un restaurant pendant que Richard Bohringer se tapait la cloche au premier plan… Un mois j’ai passé immergé jusqu’au cou dans un parc à huîtres pour bien me pénétrer de la spychologie des huîtres que j’avais à écailler dans le film… J’étais devenu une huître… Spychologiquement… Et pas que spychologiquement… L’eau de mer, ça attaque… J’avais des algues sous les bras… J’étais tellement salé, il a fallu me laisser deux jours à dessaler dans un bac avec les morues…

Bohringer, quand il a appris ça, il en était scié… Il était là : « C’est pas possible… C’est pas possible… » Ah ! mais moi, je suis comme ça ! Quand j’ai un rôle, je me donne à fond !

Une autre fois, je jouais un boulanger à qui Gérard Depardieu venait acheter une boule de campagne… Deux mois j’ai passé sur l’étagère d’une boulangerie roulé en boule incognito au milieu des boules de campagne… Dur ! Très dur ! Tellement dur j’étais au bout de deux mois, il a fallu me tremper dans du lait et me passer au four à micro-ondes pour que je recommence à marcher… Et je ne vous parle pas des escarres ! Roulé en boule comme ça… Des escarres jusque sur le nez ! Les médecins n’avaient jamais vu ça !

Ah ! mais moi je suis comme ça ! Hyperprofessionnel ! Méthode De Niro !

Évidemment, il y a des gens, après ça, qui me demandent : « Mais vous ne croyez pas que vous en faites un peu trop ? Que vous prenez un peu trop de risques juste pour un rôle ? » Moi je dis non… Moi je dis : c’est ça la vie de comédien… Il faut savoir se mettre en danger en permanence…

Enfin, là, je me demande si je n’ai pas poussé le bouchon un peu loin… J’en bave comme aucun escargot n’en a jamais bavé… Chantal Goya m’a engagé pour son prochain spectacle… Je dois faire un lapin qui lève gaiement les gambettes au fond de la scène pendant que Chantal Goya criaille au premier plan… Un mois que je ne me nourris que d’épluchures de légumes… (Éventuellement, il sort de sa poche des épluchures de carottes et se met à les grignoter comme un lapin.)

Encore ça, les épluchures, c’est rien… Le pire c’est… Méthode De Niro, je me suis fait enfermer dans un clapier… Tenez-vous bien… Je me suis retrouvé seul comme mâle au milieu de trente lapines… L’enfer… Moi, au début, imprégné par le rôle, dès qu’une lapine me faisait de l’œil, même vieille, même moche, je sautais dessus et crac crac…

Ah là là… Elles n’ont pas mis longtemps à me lessiver… On n’imagine pas ce que ça peut être lubrique, une lapine… Brigitte Lahaie, à côté, c’est Sainte-Thérèse de Lisieux… Alors, enfermé un mois avec trente lapines toutes le feu quelque part… Sur les genoux… Je suis sur les genoux… Et pourtant, d’habitude, j’assure !

Résultat : tout à l’heure, j’ai craqué… Après m’avoir donné ma ration d’épluchures, les fermiers ont oublié de fermer le loquet… J’ai pas résisté à la tentation… J’ai pris mes quatre pattes à mon cou et je me suis enfui…

Ah là là ! Quel cauchemar !...

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