Les Fantômes de l’île d’Aix

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Quel Napoléon Ier représenter au théâtre ? Sans verser dans l’hagiographie ou le récit historique académique ? Tout a été dit et écrit déjà.
Reste un petit créneau, un peu oublié : ces quelques heures à l’île d’Aix, un vide, un creux, entre l’abdication et le départ pour un ailleurs qu’il ignore et sur lequel il n’a pas la main, pour une fois. L’Empereur déchu est affligé du poids de la défaite, en même temps qu’il espère follement un de ces revirements du destin dont il a su s’emparer auparavant. Il a perdu sa superbe, il espère, il demande, il rêve…

Les fantômes de l'île d'aix 

Ou
La Chute d'un Aigle 

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Contact information : Tel : 06 66 26 20 45 

mail : nmiraillet@gmail.com 

Note d'intention 

Pourquoi me suis-je lancé dans l'écriture de cette pièce qui met en scène un Napoléon ? 

Des livres, ça oui, il y en a ; mais des films, peu ; et des oeuvres dramatiques récentes, pas (du moins il me semble). Serait-ce que tout aurait été déjà dit sur l'homme ? Ou, pire, qu'il n'intéresserait plus guère que des spécialistes et fans invétérés ? 

Je dois dire qu'il me fascine depuis l'enfance. Presque autant qu'il m'irrite et même me révulse. Une psychanalyse de bazar ne manquerait pas de pointer mon besoin d'admirer celui qui me subjugue par son brio et son aura, qui viennent immanquablement s'entrechoquer avec une haine viscérale pour celui qui pourrait me ravir mon libre arbitre et ma liberté au nom de je ne sais quelle idéologie et je ne sais quelle autorité. 

Et là il me semble rejoindre un inconscient collectif, du moins à en juger par la commémoration du bi-centenaire de la mort du Corse dans son île lointaine : bien sûr il a forgé le moule d'une grande nation, structuré notre modernité dans ses institutions et ses nomuments ; mais n'oublions pas l'homme des guerres sans fin, misogyne et patriarcal, autocrate, et j'en passe... Que célèbre-t'on au juste ? Le Président Macron s'est fendu d'un hommage mesuré, qui fait la part de l'ombre et de la lumière. De toute façon le bi- centenaire n'aura pas été fastueux dans notre pays. 

Quel Napoléon porter à la scène ? Sa vie est bien documentée, actes et paroles presque minute par minute. Trop, paradoxalement : j'ai lu dernièrement un historien qui expliquait que cette documentation pléthorique rendait quasi impossible une vérité biographique pure et sûre. Entre les hagiographies et les diabolisations, sans compter les brouillages de Napoléon himself qui a passé ses années d'exil à récrire son histoire pour léguer sa statue à la postérité, impossible de s'y retrouver. De toute façon une (bonne ?) pièce de théâtre ne saurait être un traité ni un livre d'Histoire. Au contraire.
Alors ? 

Reste un petit créneau, un peu oublié : ces quelques heures à l'île d'Aix, un vide, un creux, entre l'abdication et le départ pour un ailleurs qu'il ignore et sur lequel il n'a pas la main, pour une fois. L'Empereur déchu est affligé du poids de la défaite, en même temps qu'il espère follement un de ces revirements du destin dont il a su s'emparer auparavant. Il a perdu sa superbe, il espère, il demande, il rêve... 

La France va être envahie par ses ennemis qu'unit leur haine de l'Ogre ; le pays est ravagé par les factions politiques qui se disputent le pouvoir. Bref, une ère agonise, une époque s'efface (Chateaubriand dit cela de façon tellement plus belle ! ) ; on est dans le chaos de l'incertitude d'un entre-deux; Exactement comme nous, en fait : tout le monde s'accorde à dire que les modèles sociaux, politiques, économiques, écologiques qui nous structuraient jusqu' présent, ne sont plus valides ; mais personne ne pourrait indiquer vers quoi l'on se dirige. D'où ces mouvements erratiques de rejet et de colère, tous ces soubresauts qui agitent les pays du monde entier, et jusque -ce n'est pas le moindre paradoxe- dans la recherche de sauveurs qui s'avèrent in fine soit des charlatans, soit bêtement des humains faillibles. 

Et justement l'aventure guerrière horrifique que mène sans espoir aux confins de l'Europe un dictateur dont les horloges internes se sont arrêtées il y a trente cinq ans, interrogent : une nation peut-elle se construire sur des conquêtes délétères ? Peut-on tenter sans péril de retrouver un passé à jamais révolu ? 

Toutes ces questions, je me les pose, et tente de les poser dans cette pièce, historique, sans apporter bien sûr la moindre réponse. Et surtout sans me livrer à cette si horripilante téléologie qui consiste à récrire le passé en en connaissant trop bien le cours. 

Essai de description d'un décor : on peut se le figurer sous la forme des "mansions" du théâtre médiéval : des sortes de cases séparées par des cloisons et communiquant entre elles par des portes. Bien sûr pas de quatrième mur face au public. 

A gauche, la chambre où dort l'Empereur, au début dans la 

pénombre. Au fond une porte fenêtre qui donne sur une terrasse qui laissera passer la lumière du jour quand rideaux ou portes seront ouverts. 

A droite, un salon, simplement meublé avec quelques sièges et une table. Au fond, petites fenêtres qui laissent passer plus ou moins de lumière à mesure que la journée avance. Au début, une semi pénombre, un peu sépulcrale. 

Gourgaud et Beker sont dans le salon. Gourgaud est un homme mince de grande taille, environ 35 ans. 

Beker, peut-être dans les 45 ans. 

Marchand sort discrètement de la chambre et en referme doucement la porte. Il salue les deux hommes. 

Marchand a dans les 25 ans à l'époque. 

Silence. Attente. 

MARCHAND 

Encore ! 

Il se précipite à l'une puis à l'autre fenêtre, et fait signe, quoique sans agressivité aucune à des silhouettes qui se pressent aux carreaux. 

MARCHAND
Disparaissez ! Vous allez me le réveiller. Allez ! Allez ! 

(Aux autres)
L'Empereur repose encore. 

BEKER
Sa Majesté va-t'elle plus mal depuis hier ? 

MARCHAND
Elle a passé une mauvaise nuit. Son sommeil est agité. Tous ces badauds devront l'attendre encore. 

GOURGAUD
Après tout, le peuple ne veut qu'apercevoir un peu son dieu. 

Ils l'ont acclamé partout:rappelez-vous seulement Niort et Rochefort. Quel accueil ! Triomphal ! Pas un cri de haine, pas une insulte. 

Non,ses sujets lui savent gré du bien qu'il leur a fait. 

MARCHAND
En ces circonstancese, je préfèrerais de beaucoup qu'ils se contentent d'idolâtrer de loin leur héros en vainqueur, plutôt que...

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