Les Deux Guitares

Il était une fois deux guitares qui, comme les humains ne le savent pas, possédaient notre langage. Elles attendaient l’accomplissement de leur destinée dans un magasin de musique. L’une, Princesse, belle mais vaniteuse, avait la certitude que son avenir était tout tracé. Seul un virtuose caresserait ses cordes en argent poli. Il ne pourrait en être autrement. L’autre, Pauvrette, faite de bois de caisse, subissait régulièrement les moqueries de Princesse tout en espérant discrètement qu’un enfant peu fortuné devienne son meilleur ami. Malgré son handicap, elle lui donnerait le meilleur d’elle-même. Cette histoire montrera que la patience et la modestie valent mieux que l’orgueil et la méchanceté et que la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Cette pièce en deux actes peut être jouée avec très peu de décors.

 

Acte I

Scène 1

Girard

Il est dix-neuf heures. Le soleil vient de se coucher. M. Girard, le propriétaire d’un vieux magasin de musique, les cheveux grisonnants, une paire de lunettes à double foyer greffée sur le nez, vêtu de gris de pied en cap, s’apprête à fermer boutique.

Girard - Encore une journée de passée. Guitares, mandolines, violons, violoncelles et contrebasses, passez une bonne nuit. À demain matin dix heures.

Voix off - Depuis plus de quarante ans, M. Girard vend des instruments de musique. Il croit les connaître. Ce qu’il ignore, c’est que depuis la nuit des temps, qu’ils soient à cordes, à vent ou à percussion, tous doivent garder un lourd secret. Ces instruments connaissent le langage des hommes mais n’ont pas le droit de l’utiliser en leur présence. C’est pourquoi ils attendent d’être seuls pour bavarder.

Scène 2

Pauvrette, Princesse

 

Princesse - Voila déjà un mois que je suis exposée en vitrine afin que les passants puissent me contempler. Je sens bien, dans les yeux des guitaristes qui me lorgnent de toutes parts, leur désir de me posséder mais je coûte bien trop cher pour leurs toutes petites bourses.

Pauvrette - Ne t’inquiète pas, Princesse, je suis certaine qu’un véritable artiste viendra bientôt te rendre visite. Lorsqu’il aura posé ses doigts de fée sur tes cordes en argent poli, il ne pourra plus se passer de toi.

Princesse - C’est vrai que je suis irrésistible. Ma table d’harmonie est en épicéa. Quant à ma caisse de résonance qui distille de si jolies notes, elle est en palissandre de Rio. As-tu jeté un œil sur ma rosace ? Si la tienne n’est qu’une vulgaire décalcomanie posée grossièrement sur du contreplaqué, la mienne est l’œuvre d’un peintre de...

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