Braquage au point-relais

Quand on va chercher son colis au point-relais, on ne sait jamais sur qui on peut tomber. Des gens un peu tordus, ou pire, son mari avec sa maîtresse. Alors quand il faut patienter trop longtemps pour récupérer sa commande, c’est le début de la foire d’empoigne. Ajoutez à cela un braqueur qui prend en otage tout ce joli monde et rien ne va plus !

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ACTE I (au guichet)

 

L'action se passe au guichet du point relais « Lama Jaune ». Une guichetière est occupée à ranger l'espace avant l'ouverture.

Scène 1

(Musique de fond Kolé Séré, ouverture du rideau pendant la chanson, on imagine que la musique sort du smartphone de la guichetière qui est en train de ranger son local. Elle coupe la musique au moment du refrain et prend son téléphone comme un micro pour chanter sur l'air du refrain de Kolé Séré).

GUICHETIÈRE

« Si sur Lama Jaune tu as commandé, colis servi, colis servi ».

(s'adressant au public)

Ben oui Lama Jaune, vous connaissez ? Enfin ! Lama Jaune, la plus grande boutique en ligne de vente de tout. Et quand je dis tout, c'est tout ! Des drapeaux, des chapeaux, des chasses d'eau, et même le dernier Guillaume Musso.

(sur l'air de Tous les bateaux, tous les oiseaux de Polnareff)

« Je te donnerai tous les drapeaux, tous les chapeaux, toutes les chasses d'eau, ou même encore le tout dernier Guillaume Musso... »

Mais qu'est-ce qui m'a pris d'accepter ce poste de gérante de leur point relais ? J'y connais rien ! J'étais serveuse dans un bar karaoké, moi, rien à voir. En plus, je suis organisée comme des mikados en début de partie. Je ne sais même pas comment trier les colis reçus. Y'en a partout ! Au guichet, dans la remise. J'ai essayé de trier par ordre alphabétique, mais sans dictionnaire, c'est compliqué d'avoir l'ordre des lettres. Eh oui ! Je maîtrise pas trop l'alphabet. Mais ça, c'est la faute aux ordinateurs. Et aux smartphones. Et à internet. Plus besoin d'alphabet pour trouver toutes les réponses. Eh oui ! Avec internet, ce qui est bien, c'est qu'on est tous devenus intelligents. Même moi. On a réponse à tout. On est tous au même niveau culturel.

« Allô allô, monsieur l'ordinateur, dites-moi, dites-moi où est passé mon cœur. »

Eh bien, croyez-moi ou pas, figurez-vous qu'on m'a même pas mis d'ordinateur ici. La plus grande boutique en ligne de vente de tout ne m'a même pas mis d'ordinateur ! Il n'a pas encore été livré. J'espère qu'il n'a pas été commandé chez eux. Pour mon premier jour, un crayon et un papier. Super ! En plus, juste la semaine avant Noël. Ça va être noir de monde. Sans ordi, j'espère que les gens seront patients.

Serveuse, c'était quand même vachement plus simple. Bon OK, c'était peut-être pas un boulot pour moi. Je chantais tout le temps pendant que je servais, et je confondais Paquito avec Mojito, et sirop d'anis avec Pastis. Des clients se sont plaints que leur enfant dormait beaucoup après. Alors mon patron, il m'a virée comme une malpropre ! Il a bien fallu que je trouve autre chose. Lama Jaune a ouvert ce point relais et ils cherchaient quelqu'un. J'ai l'habitude de servir des verres, alors servir des colis, je pensais que ça serait simple. Heureusement, pour l'instant, il n'y a personne. Ah mais que je suis cruche ! J'ai pas ouvert la porte.

(Elle disparaît dans l'ouverture du hall d'entrée et on l'entend ouvrir la porte).

Scène 2

(La guichetière revient avec le Dr Théo).

DR THÉO

Eh bien c'est pas trop tôt ! 5 minutes de retard. Je n'ai pas que ça à faire, moi !

GUICHETIÈRE

Bonjour ! Excusez-moi, je finissais de trier les colis. Venez donc.

(La guichetière va derrière son guichet).

DR THÉO

Dépêchons-nous ! Je suis pressé, moi. Je dois me rendre à l'hôpital au plus vite !

GUICHETIÈRE

Oh, je suis désolée, vous êtes malade ? J'espère que ce n'est pas trop grave.

DR THÉO

Mais non, je suis médecin !

GUICHETIÈRE

Ah ! Alors tout va bien. Bon, qu'est-ce que je vous sers ? Muscadet ? Café ? Cognac ?

DR THÉO

Mais je ne suis pas ici pour boire, je viens juste chercher un colis !

GUICHETIÈRE

Ah oui, c'est vrai. Votre nom ?

DR THÉO

Docteur Théo.

GUICHETIÈRE

Théo vous dites ?

(sur l'air de Ottawan) « T'es OK. »

DR THÉO

Quoi ?

GUICHETIÈRE

« T'es bat... »

DR THÉO

Qu'est-ce que...

GUICHETIÈRE

« T'es in... » La chanson !

DR THÉO

Assez chanté ! Je suis pressée moi ! On m'attend à l'hôpital dans les plus brefs délais. Sans vouloir être alarmiste, il s'agit d'un de mes patients qui semble avoir quelques complications. Bon, je ne peux rien dire car je respecte le secret professionnel, mais je peux vous dire que c'est quelqu'un de très connu. Donc il ne faut pas que je traîne !

GUICHETIÈRE

(griffonnant sur un calepin)

Désolée, on va faire vite. Alors, je note… T… O. Ça fait To quoi. (prononcer to)

DR THÉO

Mais non non non ! Mon nom, c'est Théo, comme théorème.

GUICHETIÈRE

Ah d'accord, j'avais pas compris, quelle cruche ! Je croyais que c'était les lettres T et O. N'importe quoi, moi ! Alors que c'est Théo comme théorème bien sûr ! Alors, reprenons. Théo... Heu... ça s'écrit comment théorème ?

DR THÉO

Vous le faites exprès ? Comme théologie enfin !

(La guichetière ne dit rien, elle fixe le Dr. Théo l'air idiot).

DR THÉO

T. H. E. O. ! (épeler)

GUICHETIÈRE

Ah ! Comme thé au jasmin !

DR THÉO

Voilà !

GUICHETIÈRE

Fallait le dire tout de suite. J'étais serveuse dans un bar karaoké moi avant, alors autant des thés au jasmin, j'en ai servi quelques uns, autant des théorèmes, ça ne m'est jamais arrivé ! Donc, thé au jasmin... T.H.E.A.U.J.A.S... (épeler)

DR THÉO

Non !! T. H. E. O. (épeler) c'est tout !

GUICHETIÈRE

Bon, T. H. E. O. (épeler) Faut pas vous énerver. Vous n'avez pas un nom simple aussi !

Scène 3

(Louise entre et fait la queue derrière le Dr Théo).

LOUISE

Bonjour mesdames. Joyeuses fêtes de Noël !

(Le téléphone du Dr Théo sonne).

DR THÉO

Docteur Théo j'écoute...... Comment ça il veut me parler ?...... Non, non, ne dites surtout pas son nom à voix haute ! Le secret professionnel, vous connaissez ?...... Non, je le vois tout à l'heure à l'hôpital...... Il insiste ? Il commence à m'agacer celui-là !...... Sa MST ne s'arrange pas ? …... Et ça l'inquiète ?...... Mais c'est pas vrai ! Je ne peux pas m'absenter une heure tranquillement ! Bon, très bien, passez-moi sa chambre...... Oui, je patiente.

GUICHETIÈRE

Si vous pouviez téléphoner derrière, que je puisse m'occuper de la cliente suivante.

DR THÉO

Oui, oui. Désolée !

(Le Dr Théo va s'asseoir avec son téléphone à l'oreille et Louise s'approche du guichet).

GUICHETIÈRE

Allez-y mademoiselle. Avancez !

LOUISE

Bonjour madame.

GUICHETIÈRE

Bonjour ma petite dame ! Qu'est-ce que je vous sers ? Café ? Thé ? Muscadet ?

LOUISE

Je viens chercher un colis s'il vous plaît.

GUICHETIÈRE

Ah oui, j'oublie encore, nom d'un chien !

DR THÉO

(toujours au téléphone, la guichetière et Louise la regardent, curieuses)

Bonjour Monsieur le Maire...... Oui, ne vous inquiétez pas, je passe dans une heure vous voir...... Non, rassurez-vous, ce n'est qu'une petite infection...... Je vous ai prescrit des antibiotiques, Monsieur le Maire...... Oui...... Tout à fait...... Je ne devrais peut-être pas vous le dire, mais quand même, vous devriez limiter vos relations extra-conjugales, ou en tout cas, mieux les choisir, c'est quand même la troisième fois cette année que vous êtes dans ce service...... Non Monsieur le Maire...... Pas un mot à quiconque...... Bien sûr...... Secret professionnel...... A tout à l'heure Monsieur le Maire !

LOUISE

C'était qui ?

DR THÉO

Je n'ai pas le droit de le dire, désolée, secret professionnel !

GUICHETIÈRE

Bon, revenons à nos cartons. C'est à quel nom, le colis ma petite dame ?

LOUISE

Je m'appelle Louise Lhooq.

GUICHETIÈRE

Look, c'est sympa comme nom ! « T'as le look coco. Coco, t'as le look. »

Hum hum. Alors, je note, L. O. O. K. (épeler)

LOUISE

Non, L. H. O. O. Q. (épeler rapidement pour qu'on entende « elle a chaud au cul »)

GUICHETIÈRE

Elle a chaud au cul ? Elle en a de la chance, la petite dame !

LOUISE

Non, mon nom ça s'écrit L. H. O. O. Q. (épeler plus lentement)

GUICHETIÈRE

Ah bon ? Eh bien tu parles d'un nom ! J'ai jamais entendu ça.

LOUISE

C'est d'origine laponne.

GUICHETIÈRE

Laponne comme les lapins ?

LOUISE

Non, de Laponie.

(souriante, levant les yeux) Le pays du père noël !

GUICHETIÈRE

Et vous y croyez vous ?

LOUISE

Au père noël ?

GUICHETIÈRE

(ironique) Non, aux lapins ! Mais bien sûr au père noël pardi !

LOUISE

Ce n'est pas que j'y crois. Je sais qu'il existe ! Je ne l'ai jamais rencontré mais mes parents, oui. Ils sont lapons et travaillent pour le père Noël. C'est lui qui leur a donné leur nom de famille, Lhooq !

GUICHETIÈRE

Oui. L. H. O. O. Q. Il a de l'humour, le père Noël !

LOUISE

Heu, oui, peut-être. Toujours est-il que je suis née en France mais mes parents sont retournés en Laponie travailler pour lui. C'est ma grand-mère qui m'a tout raconté, donc je sais que c'est vrai.

GUICHETIÈRE

Eh bien si c'est votre grand-mère qui a dit ça, on n'est pas sorti de l'auberge ! Allez vous asseoir avec Thé au jasmin, je vais chercher vos colis.

LOUISE

Merci bien madame !

(La guichetière part dans la remise et Louise va s'asseoir, on entend la guichetière en coulisses).

GUICHETIÈRE

Alors, si j'ai bien fait mon rangement, j'ai classé mes colis par ordre alphabétique. Donc, Théo, entre R et S, non rien. Ça a pas dû être livré. Et Lhooq, entre B et R. Ouh la ! Il y en a beaucoup, ça va être long !

Scène 4

(Tony entre, suivi par Noémie qui est habillée sexy et trop maquillée).

NOÉMIE

Tony chéri, mais qu'est-ce qu'on fait ici ? Tu me fais courir ! Nous avons fait tellement vite que j'ai à peine eu le temps de me maquiller. Je ressemble à rien comme ça !

TONY

Noémie, j'ai une petite surprise pour ton anniversaire. Tu vas voir, je sens que tu vas adorer !

NOÉMIE

Une surprise ? Ouh ! Mon Tony, j'adore les surprises !

TONY

Oui je sais. Je l'ai commandé sur Lama Jaune et crois-moi, question prix, je me suis pas moqué de toi ! Mais tu vois bien, je ne pouvais pas la faire livrer chez moi, imagine que ma femme tombe dessus ! Tu connais Josiane comme elle est jalouse.

NOÉMIE

Évidemment que je la connais Josiane, c'est ma meilleure amie ! Tu sais, on a toujours tout partagé elle et moi, même les hommes, hi hi hi ! Bon, OK, elle passait toujours après moi. Je les lui laissais par charité, à la Josiane. Empotée comme elle est ! Des hommes d'occasion quoi, hi hi hi !

TONY

Ah, elle n'est pas toujours passée après toi, ma Nono ! Avec moi, tu es arrivée en deuxième !

NOÉMIE

Eh oui ! Donc on peut dire que tu es mon premier homme d'occasion !

TONY

Tu sais, je ne suis pas sûr que ce soit un compliment, ça.

NOÉMIE

Mais dis-moi, pourquoi tu n'es pas venu chercher ma surprise tout seul pour me l'offrir ensuite ? Ça aurait été plus logique, non ?

(tapotant sa tempe avec le doigt) Hé ! Hé ! Hé ! Ça réfléchit là-dedans !

TONY

(imitant ironiquement le geste de Noémie)

Hé ! Hé ! Hé ! Oui, je sais que tu réfléchis beaucoup, Noémie. Autant qu'un miroir !

NOÉMIE

Un miroir ? Je vois pas trop le rapport. Toi et ta poésie, hein ! Je te jure... Bon, ça me dit toujours pas pourquoi tu m'emmènes ici.

TONY

Vois-tu, je me suis dit que c'était plus romantique si on allait tous les deux chercher cette surprise au point relais.

NOÉMIE

(l'air déçu) Ah oui, en effet, maintenant que tu le dis ! Il ne manque plus que les chandelles et les violons. Je n'ai jamais vu un endroit aussi romantique que ce... point relais.

TONY

Ne t'inquiète pas ma Nono ! Nous allons passer la journée ensemble. Car ce n'est qu'un début. Ce soir, je t'invite... au Buffalo Grill !

(très enthousiaste, il entame une petite danse country en baragouinant en anglais approximatif, puis redevient sérieux)

Tiens, d'ailleurs, comme c'est ton anniversaire, pense à apporter ta carte d'identité, comme ça le dessert sera offert !

NOÉMIE

Tu penses vraiment à tout mon Toto. Je sens que nous allons passer une journée mémoriale !

TONY

On dit mémorable Noémie.

(La guichetière revient).

GUICHETIÈRE

(s'adressant au docteur Théo et à Louise)

J'ai pas trouvé vos commandes. M'est avis qu'elles ont pas été livrées. Ou alors, elles sont trop bien rangées. Vous savez ce que c'est. On laisse un bazar pendant des mois et on retrouve toujours tout. Et puis, un jour, on décide de tout ranger et là, on ne retrouve plus rien ! Attendez un peu que je fasse le vide avec mes clients suivants et je recherche.

DR THÉO

Ne traînez pas, j'ai un métier, moi ! Je vais vraiment être en retard !

GUICHETIÈRE

Eh ! Tranquille ! On n'est pas aux pièces. C'est pas parce que le poisson est rouge qu'il y a le feu au bocal !

(puis s'adressant à Tony et Noémie) Madame, Monsieur, bonjour, qu'est-ce que je vous sers ?

TONY

Non rien, je viens chercher un colis au nom de Tony Dupont.

GUICHETIÈRE

Ah ! Dupont ! Enfin un nom simple. Ça commençait à bien faire les thés au jasmin et les lapins. Dupont, au moins, c'est facile à écrire ! Vous savez quoi Monsieur Dupont ? Avec un nom comme ça, je vous aime déjà ! Alors, Dupont..

(Elle reprend son calepin). Heu... Avec un D ou un T ?

TONY

Avec un T.

GUICHETIÈRE

Un P ou deux P ?

TONY

Un seul évidemment !

GUICHETIÈRE

Je vous charrie Monsieur Dupont ! Et je dirais même plus : Je vous charrie Dupont ! Vous connaissez ? Tintin ! Les deux policiers !

TONY

Oui bien sûr.

GUICHETIÈRE

Élémentaire mon cher Dupont ! Ah ! Ah !

TONY

Non, c'est mon cher Watson ! Et c'est Sherlock Holmes.

GUICHETIÈRE

Si vous voulez. Élémentaire mon cher Lockolmes ! Moi, vous savez, je connais pas la version anglaise. Bon, je reviens !

(La guichetière retourne dans la remise. Louise, toujours assise avec le Dr Théo, a déjà sorti du papier à lettre et un stylo).

LOUISE

Cher papa, chère maman, j'espère que vous allez bien et que votre travail n'est pas trop fatigant.

DR THÉO

Qu'est-ce que vous faites ?

LOUISE

J'écris une lettre pour mes parents. Ils m'ont envoyé un cadeau et je viens le chercher. Je voudrais les remercier.

DR THÉO

Mais vous ne l'avez pas encore, votre cadeau. Et vous voulez déjà leur dire merci ?

LOUISE

Oui, comme ça, quand j'aurai mon cadeau, je pourrai poster directement la lettre en sortant d'ici !

DR THÉO

C'est eux qui vivent en Laponie d'après ce que j'entendais c'est ça ? Et vous avez leur adresse là-bas ?

LOUISE

Évidemment ! Regardez, je l'ai déjà notée sur l'enveloppe. C'est « Usine du père NoëlLaponie » tout simplement ! C'est facile, comme ça, je suis sûre que ça arrivera. C'est ma grand-mère qui m'a dit ça.

(Le téléphone du Dr Théo sonne).

DR THÉO

Docteur Théo j'écoute...... Oui...... Quoi ?...... Non, c'est pas possible !...... Monsieur le Préfet est aux urgences ?...... Avec sa secrétaire ?...... Et vous n'avez pas réussi à les séparer ? …... Vous avez essayé l'eau froide ?...... Bon, j'arrive dès que possible. Je suis actuellement en consultation privée mais je viens au plus vite !

NOÉMIE

Il a fait quoi le préfet avec sa secrétaire ?

DR THÉO

Le préfet ? Quel préfet ?

(La guichetière revient).

GUICHETIÈRE

Voilà, voilà ! Votre colis : Tony Dupont. Tenez.

(Tony prend le colis et le téléphone du Dr Théo sonne à nouveau).

DR THÉO

Docteur Théo j'écoute.

GUICHETIÈRE

Bon vous, c'est pas un hall de gare ici ! Alors allez téléphoner dehors !

DR THÉO

Veuillez patienter s'il vous plaît.

(Le Dr Théo sort et Tony donne le carton à Noémie).

TONY

(tendant le carton à Noémie) Et voilà ! Bon anniversaire ma Nono !

NOÉMIE

Oh merci mon Toto, quelle surprise, je ne m'y attendais pas, c'est trop gentil ! Pile le jour de mon anniversaire !

TONY

(se tapotant la joue, dominateur) Allez, fais un bisou.

(Noémie lui embrasse la joue).

NOÉMIE

Et c'est très original comme papier-cadeau !

TONY

Oui, bon, c'est le problème de la commande en ligne. Mais c'est le contenu qui est important de toute façon !

NOÉMIE

Je me demande bien ce que ça peut être. Je vais essayer de deviner. C'est quelque chose d'utile ?

TONY

Mmh... Ça dépend ce qu'on appelle utile.

NOÉMIE

Ça se mange ?

TONY

Ah non... Quoique.

NOÉMIE

C'est romantique ?

TONY

Là, tu brûles !

NOÉMIE

Ouh la la ! Tu ne veux pas me donner trop d'indices. Mais qu'est-ce que tu as bien pu m'offrir ? Je suis toute excitée !

TONY

Eh bien tu le seras encore plus quand tu auras vu ton cadeau !

(Noémie déballe le colis et sort un fer à repasser).

NOÉMIE

Qu'est-ce que c'est que ça ? Un fer à repasser ! Mais tu m'as prise pour qui ?

TONY

Mais je ne comprends pas, il y a une erreur, j'ai jamais commandé ça !

NOÉMIE

(lui rendant brusquement le fer) C'est ça ! Tu m'as prise pour ta bonniche on dirait !

TONY

Mais non ma Nono ! Ils se sont trompés je t'assure, je t'avais pris des dessous sexy !

NOÉMIE

Bien sûr ! Je ne voudrais pas monter sur mes gros sabots mais là, tu vas réussir à me rendre ronchon !

TONY

On dit mes grands chevaux.

NOÉMIE

Hein ?

TONY

On ne dit pas monter sur mes gros sabots, mais monter sur mes grands chevaux.

NOÉMIE

Oh, ça suffit avec ta poésie ! J'y comprends rien. Tu es toujours à me reprendre ! Tu voulais la Noémie sexy, eh bien si tu continues, tu auras la Noémie boudeuse !

(Elle se dirige vers l'entrée, Tony retourne au guichet).

TONY

Ne t'énerve pas ma Nono, je vais arranger ça.

Scène 5

(Noémie se tourne vers l'entrée en boudant. Dugenou entre et tombe le nez dans son décolleté. Il recule en sursautant, puis se rapproche à nouveau en la regardant d'un air salace, puis détourne brusquement le regard, partagé entre la gêne et l'excitation).

DUGENOU

Non non non...

(Il se retourne vers Noémie et la déshabille du regard).

NOÉMIE

Faut pas vous gêner. Allez-y, pincez-vous l'oeil !

DUGENOU

(détournant à nouveau le regard) Il faut que je me calme...

NOÉMIE

C'est ça, on se calme !

DUGENOU

C'est scandaleux ! De nos jours, on voit de ces choses. Quelle honte !

NOÉMIE

Il a un problème, le monsieur ?

TONY

Il t'embête ce type, ma chérie ?

DUGENOU

(s'adressant à Tony car il se rend compte que c'est le conjoint)

Monsieur, sans vouloir vous commander, vous devriez conseiller à votre compagne une tenue plus appropriée à ce genre d'endroit. Non mais regardez-la ! Quelle indécence !

TONY

(quittant le guichet pour se rapprocher de Dugenou)

Et mon poing dans la gueule, ça serait indécent ou pas ?

DUGENOU

Monsieur, sachez que je suis président régional de la ligue de la morale et des bonnes moeurs. Ce genre de toilette m'indigne au plus haut point ! Nous ne sommes pas dans un lupanar, mais dans un point relais. Veuillez vêtir madame comme il se doit ! Il lui manque quelques centimètres de tissu me semble-t-il.

NOÉMIE

T'as qu'à regarder ailleurs si ça te gêne !

TONY

(s'approchant dangereusement de Dugenou et se parlant à lui-même)

Ah ! Là, je vais me le faire, je vais me le faire...

DUGENOU

Vous ne me faites pas peur, Monsieur. Je considère que mademoiselle est un appel direct à la lubricité !

NOÉMIE

Qu'est-ce qui est lubrifié ? Je comprends pas.

TONY

Les insultes maintenant, c'en est trop !

(Il empoigne Dugenou par le col).

GUICHETIÈRE

(s'interposant) Oh oh ! Stop ! Pas de bagarre dans mon dépôt. J'ai viré des poivrots autrement plus costauds que vous dans mon bar !

(s'adressant à Tony) Vous avez votre commande alors sortez maintenant. Allez dehors !

NOÉMIE

(se dirigeant vers la sortie avec Tony) Non mais des fois, si on peut plus s'habiller comme on veut. Si je le recroise, il verra de quel bois je me fâche !

TONY

Je me chauffe.

NOÉMIE

Tu te chauffes ?

TONY

Non, on dit de quel bois je me chauffe, pas de quel bois je me fâche.

NOÉMIE

Oh, c'est kif kif bourriquette !

(Ils sortent).

DUGENOU

(s'adressant à la guichetière qui est retournée derrière son guichet)

Ouf ! Quelle émotion ! Chère madame, merci de votre aide. Vous avez vu cette tenue ? Si je ne me contenais pas, je deviendrais grossier. C'est incroyable comment les femmes montrent leur peau de nos jours ! Ces jambes nues qui n'en finissent pas. Et ce décolleté, ce décolleté ! Aucune pudeur ! Bientôt, ce seront des nudistes qui sillonneront nos rues. Des nudistes je vous dis !

GUICHETIÈRE

Mouais, mais on n'est quand même plus au Moyen-Age, ça fait un peu bonne sœur les robes qui touchent les pieds et les cols serrés !

DUGENOU

Je ne dis pas, je ne dis pas ! Mais il faut au moins cacher les genoux. Comme on dit chez nous, le genou, c'est le début du minou... heu, le début du tabou.

GUICHETIÈRE

Ah ! Ah ! Lapsus révélateur. Bon, votre nom.

DUGENOU

Dugenou.

GUICHETIÈRE

Pour de vrai ? Inutile que je le note, je risque pas d'oublier celui-là !

DUGENOU

En tout cas, cette histoire m'a donné des suées. Non mais c'est vrai. Un homme ne peut pas rester insensible devant une telle impudeur !

GUICHETIÈRE

Ben si, il suffit de se maîtriser.

DUGENOU

On voit bien que vous n'êtes pas un homme, vous ne savez pas ce que c'est !

(l'air lubrique) Mais je peux vous dire que n'importe quel homme perd son sang-froid dès qu'il voit un morceau de chair, de bras, de cuisse, de sein, de fesse,... de genou !

GUICHETIÈRE

Eh bien va peut-être falloir vous faire soigner alors ! Si vous retombez en puberté dès que vous croisez une femme légèrement vêtue, faudrait songer à déménager en Sibérie. Là-bas je vous assure, rien ne dépasse !

(puis montrant Louise du menton) Ou alors en Laponie.

(Louise relève soudain la tête, toute souriante, puis replonge dans son courrier).

Bon Monsieur Dugenou, j'aurais bien parlé chiffons avec vous pendant des heures, mais j'ai du boulot. J'entends quelqu'un qui entre. Allez vous asseoir en attendant !

Scène 6

(Dugenou va s'asseoir à côté de Louise. Josiane entre avec un cabas à roulettes, d'où dépasse un poireau et d'autres commissions).

JOSIANE

Bonjour bonjour !

GUICHETIÈRE

Eh bien, ça n'arrête pas !

JOSIANE

Je viens chercher une commande.

GUICHETIÈRE

Bonjour madame. À quel nom la commande ?

JOSIANE

J'ai commandé au nom de mon mari : Tony Dupont.

GUICHETIÈRE

Aïe !

(l'air gêné) Dupont avec un T ?

JOSIANE

Oui.

GUICHETIÈRE

Comme dans Tintin ?

JOSIANE

Comme vous dites ! Élémentaire, mon cher Watson !

GUICHETIÈRE

Ah oui ! Je connais. C'est la version anglaise !

JOSIANE

Ah ? Si vous le dites...

GUICHETIÈRE

Heu, c'est curieux, je croyais avoir déjà donné ce colis à quelqu'un mais je confonds peut-être. Attendez une minute. Je vais aller voir !

(Elle part dans la remise et continue à parler, le Dr Théo revient et retourne s'asseoir).

LOUISE

(s'adressant à Dugenou) Vous voulez aller en Laponie monsieur ?

DUGENOU

Mais non, pas du tout ! Qu'est-ce que j'irais faire en Laponie ?

GUICHETIÈRE

(de la remise) Je trouve pas. Vous êtes sûre que c'est pas Dupont avec un D ?

JOSIANE

Non, non, un T !

GUICHETIÈRE

Même au début ?

JOSIANE

Ben non, seulement à la fin, sinon ça fait Tupont !

GUICHETIÈRE

Ah c'est pour ça alors ! Je cherchais à la lettre T ! Je cherche.

LOUISE

(s'adressant à Dugenou) Vous savez, je connais des gens qui ont un travail passionnant en Laponie. Ça devrait vous plaire.

DUGENOU

Mais je ne veux pas aller en Laponie !

LOUISE

Et ils ont tous des très grands et beaux manteaux qui cachent tout. Vous n'aurez pas de problème là-bas.

DUGENOU

Mais je n'ai pas de problème !

(La guichetière revient).

GUICHETIÈRE

Je l'ai trouvé ! C'est étonnant. J'étais persuadée d'avoir donné un colis à ce nom il y a pas dix minutes !

JOSIANE

Ah bon ? Pourtant je viens d'arriver.

GUICHETIÈRE

Laissez tomber. Je crois que je perds un peu la boule avec ce travail très compliqué ! Voici votre commande madame Tony Dupont.

JOSIANE

Non, Tony, c'est mon mari. Moi c'est Josiane. Ouh la la ! J'ai enfin reçu ma commande. Je suis tellement excitée que je vais l'ouvrir maintenant. Depuis le temps que je l'attends !

DR THÉO

C'est une plaisanterie là ! Elle vient juste d'arriver et elle a déjà son colis !

JOSIANE

(commençant à ouvrir le carton) Tiens, j'imaginais ça plus lourd. Ah ! On n'arrête pas le progrès !

(sortant un soutien-gorge du carton) Mais qu'est-ce que c'est que ça ?

GUICHETIÈRE

Apparemment, c'est de la lingerie.

JOSIANE

Oui, je vois bien ! Mais ce n'est pas du tout ce que j'ai commandé. J'ai acheté un fer à repasser. Il doit y avoir une erreur ! Vous êtes sûre que c'est pour moi ?

GUICHETIÈRE

Tony Dupont, c'est bien pour vous ? C'est écrit dessus !

JOSIANE

(sortant un string) Et cette chose minuscule, qu'est-ce que ça fait avec le soutien-gorge ? C'est un bout de tissu pour faire des retouches ?

GUICHETIÈRE

Ah non, ça, ça m'a tout l'air d'être un string ! C'est de la lingerie fine que vous avez dans votre colis madame.

JOSIANE

(jugeant à l'oeil la taille du string) De la lingerie fine ? Ah oui, en effet, c'est fin.

(regardant mieux) C'est très fin... Ça se mange sans faim.

GUICHETIÈRE

Ça vous plaît ?

JOSIANE

Mais ce n'est pas la question !

(se retenant de pleurer) C'est plutôt une catastrophe ! Ça fait six jours que je n'ai plus de fer à repasser. Il m'a lâché la semaine dernière dans des circonstances... J'ai honte, si vous saviez comme j'ai honte !

GUICHETIÈRE

Allons bon. Qu'est-ce qui s'est passé ?

JOSIANE

Eh bien voyez-vous, mon mari a rapporté une combinaison un peu olé olé, pour préparer une blague pour ses collègues, qu'il m'a dit. Vous savez comment sont les hommes, une bonne blague potache pour faire rire tous ses camarades ! Bref, il a déposé cette tenue sur le fauteuil et je l'ai trouvée un peu froissée. Comme je venais juste de finir de repasser ses chemises, ses slips et ses chaussettes, je me suis dit : autant en profiter ! J'ai donc commencé à repasser la combinaison. C'est alors que le malheur est arrivé ! Je ne savais pas qu'elle était en cuir et en latex. Ou alors j'avais mal réglé mon fer ! En tout cas, ça a fait un énorme trou, et en plus, pile à l'endroit du postérieur. Imaginez un peu !

GUICHETIÈRE

Ah oui, j'imagine bien !

JOSIANE

Je voyais déjà le savon que mon mari allait me passer, mais non ! Il m'a même dit que c'était encore mieux comme ça, que la blague serait encore plus drôle ! Tu parles, ils ont vraiment un drôle d'humour à son bureau ! En tout cas, ça a bousillé mon fer tout ça. Il est tout recouvert de cuir et de latex maintenant. Bon pour la poubelle ! Alors j'ai dû en commander un nouveau sur Lama Jaune. On m'avait dit que c'était rapide et fiable. Mais si vous ne l'avez pas reçu, comment je vais faire pour repasser les pantalons de Tony ?

GUICHETIÈRE

Ah, c'est sûr que pour le fer, vous repasserez ! Ah ! Ah ! Ah !

JOSIANE

À qui le dites-vous !

GUICHETIÈRE

Et le dire, c'est bien, mais le fer, c'est mieux !

JOSIANE

Je n'ai pas vraiment le cœur à rire là ! Qu'est-ce que je vais faire de ça ?

GUICHETIÈRE

Vous pourrez toujours les mettre pour vous faire plaisir.

JOSIANE

Oh, moi vous savez, je n'ai jamais eu de lingerie sexy. C'est pas très pratique pour faire le ménage !

GUICHETIÈRE

(passant devant son guichet pour s'approcher de Josiane, tout en consultant son portable)

Qui vous parle de ménage ? Je parle de votre bien-être ! Je suis sur achat-plaisir.com et il y a le top 10 des choses qu'achètent les femmes juste pour se faire plaisir.

(Dans le même temps, Dugenou s'approche doucement, l'oeil lubrique, jusqu'à pouvoir regarder par-dessus les épaules des deux femmes).

JOSIANE

Et ?

GUICHETIÈRE

Et les dessous sont en troisième place, juste après les parfums et les sextoys. Mais c'est pas tout !

JOSIANE

Quoi ?

GUICHETIÈRE

Je vous le donne Émile : le fer à repasser n'est pas dans le top 10 !

(Elle se retourne brusquement et s'adresse à Dugenou).

Je vous ai pas appelé, vous ! Retournez vous asseoir !

(Dugenou regagne sa place, l'air penaud et gêné, et ouvre un journal pour cacher complètement son visage).

JOSIANE

Je ne sais pas trop, ils sont jolis ces dessous. Je pourrais faire la surprise à mon mari.

GUICHETIÈRE

Mais laissez donc votre mari ! C'est pas parce que la plante est verte qu'elle doit rester empotée ! Je dis ça, je me comprends. Enfin, je crois. Sortez un peu de votre vase et lâchez-vous ! Même si personne ne sait que vous avez des dessous coquins, vous verrez que ça va changer votre apparence, juste parce que vous, vous le savez ! Et puis après, si ça plaît à votre mari, ça ne sera que du bonus. Histoire de casser un peu la routine !

JOSIANE

C'est vrai ! Il faudrait toujours entretenir la flamme de la passion. Vous auriez peut-être des toilettes où je pourrais les essayer pour voir s'ils me vont ?

GUICHETIÈRE

Là, il faut pas exagérer non plus, c'est pas une boutique de lingerie ici !

JOSIANE

Excusez-moi, vous avez raison après tout. Je suis d'un sans-gêne ! Dans ce cas, je ne prends pas le colis puisque ce n'est pas la bonne commande.

GUICHETIÈRE

(gênée car elle sait qu'elle a inversé avec le fer à repasser) Non, attendez ! Il suffit qu'il y ait eu une confusion avec un autre colis et je vais avoir des problèmes, moi.

JOSIANE

Qu'est-ce que vous dites ?

GUICHETIÈRE

Non, je veux dire que ça va me rester sur les bras et que ça m'arrange pas. Normalement je devrais pas mais bon ! Les toilettes sont dans la remise. Suivez-moi, je vais vous montrer !

LOUISE

Attendez, attendez ! J'ai une grosse grosse grosse envie de faire pipi ! Est-ce que je peux venir aussi s'il vous plaît ?

GUICHETIÈRE

Bon, suivez-moi. C'est ma tournée !

JOSIANE

Vous n'avez qu'à passer avant moi, mademoiselle. Car je crois que je vais mettre un petit moment pour enfiler ces choses minuscules !

LOUISE

Oh merci madame, vous êtes bien gentille.

JOSIANE

C'est la première fois de ma vie que je vais essayer des dessous sexy. Quelle expérience mon dieu, quelle expérience !

(Josiane, Louise et la guichetière sortent).

Scène 7

(Tony et Noémie reviennent, Dugenou lit toujours son journal, toujours caché).

TONY

Je t'assure ma Nono, c'est pas un fer à repasser que j'ai commandé ! Regarde, j'ai retrouvé la facture dans mes mails. C'est bien marqué Ensemble Lingerie Fine, tu vois ? Et d'ailleurs, t'as vu le prix ? J'ai pas fait semblant, hein ?

NOÉMIE

Oui, je vois ! Je pensais que c'était plus cher que ça, la lingerie fine. En tout cas, y'a intérêt qu'il y a une erreur, car si tu me prends pour ta bonniche de femme, ça ne va pas aller ! Elle a beau être ma meilleure amie, Josiane, jamais je ne me laisserai enfermer comme elle dans un quotidien plan-plan et tout fadasse !

TONY

Oui, enfin n'exagère pas non plus ! Ça a du bon parfois ce quotidien plan-plan. Ça rassure et ça apaise. Surtout après avoir passé tous ces moments de folie avec toi, Noémie ! On appelle ça le repos du guerrier.

NOÉMIE

Oh mon Toto, toujours autant de tact. Je t'aime mon roudoudou !

(Le téléphone du Dr Théo sonne).

DR THÉO

Docteur Théo j'écoute...... Quoi ?...... La femme du préfet ?...... Vous m'avez déjà appelé pour son mari tout à l'heure !...... Non ?...... Cette fois, c'est elle ? Qu'est-ce qui lui arrive ?...... Hein ?...... Le levier de vitesse ?...... C'est pas possible !...... Là, je ne vais pas pouvoir faire grand-chose maintenant. Est-ce qu'elle a été conduite aux urgences ?...... Non ?...... Au garage ? Mais pourquoi au garage ?...... Parce que c'est la dépanneuse qui est venue en premier ? …... N'importe quoi ! Mais pourquoi ils ont appelé une dépanneuse ?...... Ah bon ? Ils ne savaient pas s'il fallait d'abord s'occuper de la voiture ou de la femme du préfet ? Bon, laissez-la au garage, il vaut mieux éviter qu'elle croise son mari à l'hôpital avec sa secrétaire. Je passe dès que je peux...... Oui au garage ! Laissez-la comme ça, dites au mécanicien de ne pas y toucher. Je ne voudrais pas qu'il la retire avec un démonte-pneu...... C'est ça, au revoir !

TONY

(regardant le Dr Théo d'un air malicieux) Ben dis donc, on ne s'ennuie pas à la préfecture !

DR THÉO

La préfecture ? Quelle préfecture ? Occupez-vous de vos affaires.

(regardant son téléphone) Avec tous ces appels, je n'ai presque plus de batterie moi, il va être temps que je parte !

(La guichetière revient. Pendant ce temps, Noémie s'est tournée vers Dugenou, toujours caché par son journal et elle s'admire dans son petit miroir).

GUICHETIÈRE

Ah ! J'ai enfin trouvé votre colis Monsieur Dugenou. Vous voyez ? On va s'en sortir.

DUGENOU

Enfin !

(Il se lève en baissant son journal mais tombe encore sur le décolleté de Noémie et perd ses moyens) . Oh non... Pas ça... Je me calme, je me calme...

(Noémie referme son manteau pour se cacher).

TONY

Il est encore là lui ? Il la veut vraiment, sa raclée ?

GUICHETIÈRE

On se calme monsieur Dupont. J'ai dit pas de ça chez moi ! Et je me demande bien ce que vous faites encore là.

(s'adressant à Dugenou) Voilà Monsieur Dugenou.

(Elle lui présente un carton défoncé).

DUGENOU

Mais il est complètement défoncé, ce carton ! C'est inadmissible ! Je vous préviens, si en arrivant chez moi je vois que le contenu est abîmé, j'exige le remboursement !

GUICHETIÈRE

Attention ! Si le colis n'est pas ouvert au point relais, il ne peut pas y avoir de remboursement. C'est dans le règlement !

DUGENOU

Ah bon ? Ça veut dire que je dois l'ouvrir ici ? Maintenant ?

GUICHETIÈRE

Oui, c'est préférable si vous voulez pouvoir contester.

DUGENOU

Mais je ne peux pas. C'est indiscret ! Depuis quand on ouvre ses commandes devant tout le monde chez Lama Jaune ?

GUICHETIÈRE

Dans ce cas, vous l'acceptez tel qu'il est. À vos risques. Moi, je dis ça, je dis rien !

DUGENOU

Ah non, je l'attends depuis longtemps ! Bon d'accord, je vais l'ouvrir si vous insistez, mais retournez-vous tous ! Vous n'avez pas à savoir ce que je commande. C'est personnel. Allez, allez ! Tout le monde se retourne !

(Le Dr Théo et Noémie se retournent, Tony croise les bras sans se retourner).

TONY

Il peut toujours se brosser ce gugusse, je bougerai pas !

GUICHETIÈRE

Bon ça suffit maintenant ! Ne faites pas l'enfant. On va pas y passer la journée !

(Elle attrape Tony par le bras et l'entraîne vers les autres). Allez, tout le monde se retourne !

(Tous les quatres se retrouvent face au mur du fond, tournant le dos au public).

NOÉMIE

Et on compte jusqu'à 3 ! Comme dans 1 2 3 soleil ! Hi hi hi !

(Dugenou ouvre le colis et sort une poupée gonflable qu'il déplie, il l'examine sous toutes les coutures pour vérifier qu'elle n'est pas percée).

NOÉMIE

1... 2... 3...

DUGENOU

Non ! Ne dites pas soleil ! Je n'ai pas fini !

NOÉMIE

Oooh... Si on peut plus plaisanter.

TONY

Y'en a encore pour longtemps ? C'est secret à ce point-là votre commande ?

NOÉMIE

Si ça se trouve, c'est de la drogue. Ou des armes !

TONY

Vu le type coincé, ça m'étonnerait ! Je sais pas ce qui me retient de me retourner.

GUICHETIÈRE

Ah non ! On a dit qu'on ne regardait pas. Respectez un peu la vie privée de ce monsieur !

DR THÉO

Le secret professionnel. Je sais ce que c'est !

(Louise revient des toilettes dans la remise et voit la poupée).

LOUISE

Oh ! Une poupée qui se gonfle, comme c'est mignon !

(Tout le monde se retourne).

TOUS

Oooh !

LOUISE

C'est pour votre petite-fille Monsieur ? Elle va être contente !

NOÉMIE

Alors ça donne des leçons de morale et ça commande ça !

TONY

Je m'en doutais qu'il était pas net ce type !

NOÉMIE

Quel cochon !

TONY

(s'adressant à Dugenou) Alors Monsieur bon chic bon genre, on dirait que ma copine est plus habillée que la vôtre !

NOÉMIE

Mais non mon Toto, réfléchis. Ce n'est pas une vraie femme, c'est une poupée gonflable !

TONY

C'était de l'humour, Noémie.

GUICHETIÈRE

En tout cas, vous cachiez bien votre jeu !

DUGENOU

Je... Heu... Non, je ne m'attendais pas à ça.

DR THÉO

Ah bon ? Vous ne l'avez pas commandée ?

DUGENOU

Heu, si... Mais bon, je la pensais plus habillée... Ce n'est pas ce que vous croyez...

(Il remet maladroitement la poupée dans son carton ; le téléphone du Dr. Théo sonne encore).

DR THÉO

Docteure Théo, j'écoute...... Comment ça, c'est le garage ? Pourquoi vous m'appelez ?…... Mais bien sûr, vous pouvez couper le moteur !...... Non, laissez le levier de vitesse au point mort, ne touchez à rien ! Je dois vous laisser, je n'ai plus de batterie !

Scène 8

(Un braqueur entre).

BRAQUEUR

Tout le monde les mains en l'air, c'est un hold-up !

(Tout le monde lève les mains).

GUICHETIÈRE

Un hold-up ? Mais c'est pas une banque ici, c'est juste un point relais !

BRAQUEUR

Justement ! De nos jours, les banques sont trop surveillées. Trop de caméras, trop de vigiles. A l'époque, on pouvait honnêtement cambrioler une banque sans se faire de souci. Alors, je me dis qu'un point relais, c'est quand même plus facile !

GUICHETIÈRE

Mais y'a pas d'argent ici, juste des colis. Juste des cartons !

(sur l'air du Bal Masqué) « Des colis cartons, des colis cartons »

TOUT LE MONDE

« Ohé ohé ! »

(Tout le monde secoue les mains et se met à danser).

GUICHETIÈRE

« Des colis cartons, des colis cartons »

TOUT LE MONDE

« Ohé ohé ! »

(Tout le monde danse et baisse les mains).

BRAQUEUR

Ça suffit le bal masqué !

(Tout le monde s'arrête, apeuré) .Des colis, des cartons ? C'est justement là qu'est le coup de génie ! On trouve souvent des objets précieux dans les colis. Tenez, par exemple, vous, avec le carton ouvert.

(désignant Dugenou) Vous avez quoi là-dedans ?

DUGENOU

Je... C'est une poupée pour ma petite-fille.

LOUISE

Oui, c'est pour sa petite-fille.

NOÉMIE

Pour sa petite-fille mon œil ! C'est pour son usage personnel. Ah ! Je comprends maintenant son petit air vicieux !

GUICHETIÈRE

Il peut nous parler de ses principes, de la bienséance !

NOÉMIE

De la morale et des bonnes sœurs !

TONY

(reprenant Noémie) Des bonnes mœurs.

NOÉMIE

Oui, des bonnes mœurs !

GUICHETIÈRE

Et des convenances !

NOÉMIE

Et des valeurs !

TONY

(en riant) Et pas des Voleurs !

(Tout le monde rit).

NOÉMIE

(câlinant Tony) Oh c'est drôle ça mon Toto !

GUICHETIÈRE

Et pourtant, quand on lui a demandé de s'expliquer, il a cherché à se Dérober !

(Tout le monde rit).

BRAQUEUR

Oh oh oh oh oh ! Ça suffit ! Maintenant, on se calme ! C'est moi qui ai le revolver alors taisez-vous ! Bon, la taulière, c'est quoi la pièce derrière ?

GUICHETIÈRE

C'est la remise derrière, ça ne va nulle part.

BRAQUEUR

Oui, ça je l'ai vérifié de l'extérieur. Pas de porte, pas de fenêtre ! Donc vous allez tous rentrer là-dedans. Allez, on se dépêche !

(Tout le monde se dirige vers la porte de la remise sous la menace du revolver).

BRAQUEUR

Non, pas toi la taulière ! Je vais avoir besoin de toi.

(Le dr Théo et Louise vont dans la remise).

TONY

(s'adressant à Dugenou) Tu vas voir le cochon, dans la remise. Je vais t'apprendre, moi, à insulter les gens !

DUGENOU

Je vous attends, je n'ai pas peur !

BRAQUEUR

Oh ! Pas de ça ! Vous n'allez pas me saboter mon braquage avec une bagarre !

(s'adressant à Tony) Toi le play-boy, tu restes ici avec ton pot de peinture !

NOÉMIE

De quel pot de peinture il parle ? Tu n'as pas de pot de peinture.

TONY

Je crois qu'il parle de toi Noémie.

BRAQUEUR

Gagné !

NOÉMIE

Je ne suis pas un pot de peinture !

BRAQUEUR

Avec tout ce que tu as sur le visage, je vois pas d'autres mots !

NOÉMIE

Tony, dis quelque chose !

TONY

(chuchotant, effrayé) Chut ! Ne fais pas d'histoire et reste tranquille ou ça va mal finir.

BRAQUEUR

Écoute donc ton poltron de copain, pot de peinture !

NOÉMIE

Je ne suis pas un pot de peinture !

BRAQUEUR

Asseyez-vous maintenant ! Et sages.

(s'adressant à Dugenou) Et toi, dans la remise !

(Dugenou va dans la remise et le braqueur ferme la porte).

Scène 9

BRAQUEUR

(s'adressant à la guichetière) Et toi la taulière, ouvre les colis derrière ton guichet.

NOÉMIE

(s'adressant à Tony) Ouh la la ! Quelle aventure ! Heureusement que tu es près de moi, mon chéri.

TONY

(chuchotant) Ne t'inquiète pas, je te protège !

(La guichetière sort un drapeau d'un carton).

BRAQUEUR

Qu'est-ce que c'est que ça ?

GUICHETIÈRE

Un drapeau.

BRAQUEUR

Je vois bien que c'est un drapeau ! Mais qui commande ça ? Ouvrez celui-là, à côté !

NOÉMIE

Dis-moi mon Toto, change-moi les idées. Qui est la plus belle parmi toutes les femmes ?

TONY

(s'emportant théâtralement en oubliant la présence du braqueur)

Eh ! La plus belle de ce dépôt, c'est assurément ma Nono !

NOÉMIE

Oh merci mon chéri ! C'est vrai que je suis la plus belle. Et tu remarqueras que je m'arrange avec l'âge. Un an de plus aujourd'hui, et encore plus belle qu'hier !

TONY

Il faut dire qu'avec un peu de chirurgie esthétique, c'est plus facile.

NOÉMIE

Oui eh bien aux grands maux les grandes phrases. Je veux rester belle toute ma vie !

TONY

Si seulement Josiane prenait autant soin d'elle.

NOÉMIE

Et si tu m'avais épousée moi, plutôt qu'elle !

TONY

Oh ! Tu sais, avec des Si, on en ferait des choses.

NOÉMIE

Oui, on couperait des planches.

(Regard intrigué de Tony. Noémie mime une scie).

NOÉMIE

Avec des scies.

TONY

Non, ce n'est pas ce que je voulais dire. Je voulais dire que si tu avais continué tes études comme Josiane jusqu'au lycée, C'est toi au lieu d'elle que j'aurais remarquée à la bibliothèque !

NOÉMIE

Ah bah oui, c'est sûr ! C'est pas demain l'abeille qu'on me verra dans une bibiothèque !

(La guichetière sort d'un carton un chapeau).

BRAQUEUR

C'est quoi encore ça ?

GUICHETIÈRE

Un chapeau !

BRAQUEUR

Oui, je sais ! Y'a vraiment des gens qui commande ça sur internet ?

GUICHETIÈRE

« Je te donnerai tous les drapeaux, tous les chapeaux... »

BRAQUEUR

Ça suffit ! Colis suivant !

GUICHETIÈRE

Si vous avez de la chance, dans le prochain carton, vous aurez peut-être le dernier Guillaume Musso.

NOÉMIE

(s'adressant toujours en aparté à Tony) En tout cas, c'est vrai que Josiane ne s'arrange pas ! Mais déjà à l'école, elle était la potiche. Tellement empotée ! Remarque, ça m'a bien servi pour être la plus populaire. Mets un papillon à côté d'une limace. Qui préfèreras-tu ? Tu vois, moi aussi je peux faire de la poésie !

TONY

N'exagère pas Noémie, elle n'était pas si limace avant. La preuve, je l'ai épousée ! Et puis comme je t'ai dit, c'est bien agréable d'avoir un foyer tranquille pour me reposer le soir. Surtout après avoir passé du temps avec toi ! Elle est le calme, toi la tempête.

NOÉMIE

Oui eh bien la tempête, elle va finir par aller voir ailleurs si j'y suis ! Ça fait plus de deux ans que tu me dis que tu vas la quitter pour moi, et à chaque fois, tu me reparles du concon familial !

TONY

Le cocon Noémie, pas le concon.

NOÉMIE

Excuse-moi, je suis un peu cocon moi parfois !

TONY

Non, concon. Tu es un peu concon parfois.

NOÉMIE

Ah bon ? En tout cas, ça me dit toujours pas quand tu vas tout dire à Josiane !

TONY

Elle est pas encore prête. Elle est tellement fragile qu'elle pourrait faire des conneries. Mais patience, je compte bien tout lui dire très bientôt et nous pourrons assouvir notre passion torride au grand jour ! Tu t'imagines que tu vas attendre encore longtemps ? Eh bien c'est juste une question de mois !

NOÉMIE

Ben oui c'est une question de toi.

TONY

Non, c'est juste de question de... mois.

NOÉMIE

Oui, c'est juste une question de toi.

TONY

C'est juste une question de quelques mois. Capito ?

NOÉMIE

Ah OK ! Compris. Comprendo. Capuccino !

BRAQUEUR

(s'adressant à Tony et Noémie) Oh les tourtereaux, c'est pas bientôt fini ? Plus un mot maintenant !

(puis à la guichetière) Il n'y a rien d'intéressant ici. Il n'y a que ça comme colis ?

GUICHETIÈRE

Ben non, tous les autres sont dans la remise.

BRAQUEUR

Vous pouviez pas le dire tout de suite ?

GUICHETIÈRE

Vous me l'avez pas demandé.

BRAQUEUR

Et pourquoi ils sont éparpillés et pas tous dans la remise, les colis ?

GUICHETIÈRE

C'est que j'avais commencé à les trier par ordre alphabétique. Les A avec les A, les B avec les B, les C avec...

BRAQUEUR

Ça va ! Je connais l'alphabet !

GUICHETIÈRE

Et je me suis un peu mélangé les pinceaux. Les lettres un peu compliquées, je ne savais pas où les mettre, alors je les ai mises ici en attendant.

BRAQUEUR

Les lettres un peu compliquées ?

GUICHETIÈRE

Oui ! Le K. Le J. Le V. Vous savez où ça va, vous, dans l'alphabet ?

BRAQUEUR

Bon, j'ai compris, on va tous dans la remise. Allez ! Passez devant, je vous surveille !

(Tony, Noémie et la guichetière quittent la scène, suivis du braqueur qui les menace de son arme).

 

 

RIDEAU

 

ACTE II (dans la remise)

 

Voix off avant l'ouverture du rideau

Remontons le temps pour revenir à l'instant où trois des otages se retrouvent enfermés dans la remise.

 

Scène 1

 

(Le panneau central du fond a été retiré, dévoilant un mur de cartons au fond. D'autres cartons sont dispersés un peu partout, donnant une impression de bazar total. Les deux parties du guichet ont été couchées et séparées pour servir de bancs camouflés en grands cartons. Dugenou, Louise et Dr Théo sont assis dessus. La poupée gonflable est sur les genoux de Dugenou, il la gonfle pendant qu'il parle).

DUGENOU

Pfff, pfff. Quelle histoire, mesdames, quelle histoire ! Je n'aurais jamais pensé me retrouver dans une situation pareille en allant ici !

DR THÉO

Je venais juste chercher un stéthoscope, moi.

LOUISE

Et moi une boule à neige !

DUGENOU

Quoi ?

LOUISE

Oui, une boule à neige.

DUGENOU

Vous avez commandé une boule à neige sur Lama Jaune ?

LOUISE

Non, pas moi, mes parents ! Je fais la collection. J'en ai une nouvelle à chaque Noël !

DUGENOU

Vos parents vous offrent une boule à neige à Noël ? Et ils vous disent d'aller au point relais la chercher ? C'est curieux ça. Pfff, pfff. Et ils ne pouvaient pas vous l'offrir en mains propres ?

LOUISE

Non, vous ne comprenez pas ! Mes parents ne sont pas en France, ils vivent en Laponie.

DUGENOU

Ah bon ? Ce sont des esquimaux ?

LOUISE

Je ne sais pas trop, mais ils travaillent là-bas.

DUGENOU

Vous ne savez pas trop ? Vous êtes sûre de bien connaître vos parents ?

LOUISE

Hélas non, je ne les ai jamais vus. Ou alors, j'étais toute petite. C'est ma grand-mère qui m'a élevée.

DUGENOU

Oh, désolé. Je ne savais pas !

LOUISE

Mais c'est pas grave, ne vous inquiétez pas, tout va bien, hein ! Ma grand-mère me donne tout l'amour dont j'ai besoin. Je vis avec elle depuis toujours. Moi, je m'occupe bien d'elle et elle, elle me donne son amour et des tas de conseils pour me débrouiller toute seule dans la vie. Et surtout, elle me donne régulièrement des nouvelles de mes parents.

DUGENOU

Vous voulez dire que votre grand-mère est toujours en contact avec eux, et vous non ? C'est surprenant. Jamais un coup de téléphone ?

LOUISE

Non, juste une lettre, un peu avant Noël. Et une boule à neige !

DUGENOU

Parents indignes, c'est scandaleux ! Pfff, pfff.

LOUISE

Non, je ne trouve pas ! Il n'y a pas le téléphone où ils sont. Et leur travail leur prend tellement de temps, les pauvres.

DUGENOU

Ils font quoi comme travail si important qu'ils n'ont pas le temps de s'occuper de leur fille ?

LOUISE

Ben ils sont lutins pour le père Noël !

(rire nerveux des deux autres)

DUGENOU

Vous vous moquez de moi, c'est ça ?

LOUISE

Non, mais je n'aurais peut-être pas dû vous le dire ! Ma grand-mère m'a dit de n'en parler à personne. Jamais ! Oubliez ce que j'ai dit s'il vous plaît ! Oh, comme je regrette d'avoir dit ça !

DR THÉO

C'est votre grand-mère qui vous a raconté tout cette histoire ?

LOUISE

Oui. Elle m'a dit que comme mes parents travaillaient pour le père Noël, j'étais une enfant très spéciale et qu'il fallait faire attention à moi.

DR THÉO

Mais comment s'est passé votre enfance ? À l'école par exemple ?

LOUISE

Je n'ai pas été à l'école. Ma grand-mère disait que les autres enfants ne comprendraient pas. C'est elle qui m'a fait l'école toute ma vie !

DR THÉO

Vous n'avez donc jamais eu de camarades ? De copines ?

LOUISE

Non, mais avec les histoires que me raconte ma grand-mère, j'ai de quoi m'occuper. Et aussi les boules à neige que m'envoient mes parents !

DUGENOU

Mais alors, si j'accepte de croire à votre histoire, en été, vos parents, ils ne travaillent pas. Ils pourraient en profiter pour venir vous voir en France, non ?

LOUISE

Non, en été, ils hibernent.

(Les deux autres pouffent).

DR THÉO

Votre grand-mère encore?

LOUISE

Oui, elle me raconte tout de leur vie. Elle dit que sans elle, je serais psychologiquement orpheline !

DR THÉO

(à Dugenou) Je crois qu'elle est simplement orpheline. Et que sa grand-mère n'est pas très équilibrée !

DUGENOU

Il faudrait que cette petite aille voir un psy.

DR THÉO

(à Louise) Écoutez, comment vous appelez-vous déjà ?

LOUISE

Louise Lhooq. L. H. O. O. Q.

DR THÉO

Bien, Louise. Je suis médecin urgentiste, mais j'ai quelques confrères psychiatres que je pourrais vous conseiller. Je pense que ça pourrait vous aider à accepter l'absence de vos parents.

LOUISE

Ma grand-mère, elle dit que les médecins, ça ne vaut pas les bons vieux remèdes. Elle n'a jamais vu un docteur de sa vie et elle se porte comme un charme !

DR THÉO

Qu'est-ce qu'il faut pas entendre ! Les remèdes de grand-mère, ça ne vaut pas une consultation chez le médecin. Franchement, la médecine parallèle, on en est déjà envahi sur internet, alors si les grands-mères s'y mettent aussi !

LOUISE

Détrompez-vous ! Alors, internet, je ne sais pas ce que c'est. Mais je peux vous dire que les potions de ma grand-mère, ça soigne absolument tout !

DR THÉO

Les potions ? Mais qui dit encore potion de nos jours ?

LOUISE

Ma grand-mère, elle le dit !

DR THÉO

Les potions, le père Noël. Elle travaillait pas à Disneyland, votre grand-mère par hasard ?

LOUISE

Si ! Comment vous savez ?

DR THÉO

Laissez tomber. Je crois qu'on a un problème de communication, nous deux.

DUGENOU

Eh ! D'ailleurs, maintenant que j'y pense, notre braqueur n'est pas si malin que ça !

LOUISE

Pourquoi vous dites ça ?

DUGENOU

Vous n'avez pas remarqué ? Il nous a laissés seuls ici et n'a même pas pensé à nous confisquer nos téléphones !

DR THÉO

Mais c'est vrai ça ! Appelons la police immédiatement !

DUGENOU

Attendez, j'appelle, on sera chez nous dans moins d'une heure !

LOUISE

Mon Dieu ! C'était si simple !

DUGENOU

(composant le numéro sur son téléphone) Je mets le haut-parleur... Allô la police?

VOIX OFF

Oui. Quel est l'objet de votre appel ?

DUGENOU

Bonjour monsieur, ceci n'est pas une plaisanterie, c'est extrêmement sérieux. Nous sommes actuellement retenus en otage au point relais Lama Jaune et...

VOIX OFF

C'est pas bientôt fini ces conneries ? Vous êtes au moins la dixième personne qui nous appelle depuis une heure pour une prise d'otages, et à chaque fois d'un endroit différent !

DUGENOU

Je vous demande pardon ?

VOIX OFF

Bon, ça suffit maintenant ! Libérez la ligne, j'en ai marre ! J'ai déjà envoyé des patrouilles aux quatre coins de la ville et j'ai tous mes achats de noël à faire moi. Croyez-moi, quand les fêtes seront passées, on va vous retrouver et vous ferez moins le malin avec vos canulars !

DUGENOU

Mais enfin ! Nous ne pouvez pas nous laisser dans cette situation ! …

(bip bip) Allô ?... Allô ?...

(regardant les autres) Il a raccroché, je ne comprends pas.

LOUISE

Il a peut-être cru à une plaisanterie ! Laissez-moi essayer.

DUGENOU

Allez-y, appelez pour voir.

LOUISE

D'accord. Je fais comment ?

DUGENOU

Eh bien vous prenez votre téléphone et vous faites le 17 !

LOUISE

Je n'ai jamais eu de téléphone.

DUGENOU

Quoi ?

LOUISE

Non. Ma grand-mère a toujours dit que rien ne valait le courrier écrit et la conversation directe.

DR THÉO

Oh la la ! Pauvre petite !

DUGENOU

Bon, prenez le mien.

LOUISE

Ça fonctionne comment ?

DUGENOU

Laissez, je vais faire le numéro et vous n'aurez qu'à parler. Je remets le haut-parleur.

(Il compose le numéro puis passe le téléphone à Louise).

LOUISE

Je dis allô, c'est bien ça ?

DUGENOU

Oui !

VOIX OFF

Allô ?

LOUISE

Allô ! Hi hi ! C'est amusant !

VOIX OFF

Allô ?

LOUISE

Oui, heu, excusez-moi, je vous en prie, ne raccrochez pas mon bon monsieur, ceci est extrêmement sérieux, nous venons de vous appeler pour une prise d'otages mais vous avez cru que c'était une plaisanterie. Je peux vous assurer qu'il n'en est rien et que nous sommes réellement en danger. Il s'agit d'un homme seul et il a un horrible pistolet.

VOIX OFF

Un horrible pistolet dites-vous ? Ben voyons !

LOUISE

Je vous assure ! Il nous a tous menacés et a enfermé une partie d'entre nous dans la remise. Là, dans la remise, nous sommes heu... un deux trois quatre. Nous sommes quatre. Ah non, excusez-moi, nous sommes trois car j'avais compté la poupée de Monsieur Cochonou !

DUGENOU

Dugenou !

VOIX OFF

Sa poupée vous dites ?

LOUISE

Oubliez ce que je viens de dire ! Je peux vous dire que nous sommes trois à l'intérieur et il y a trois otages à l'extérieur je crois.

VOIX OFF

Il y a des otages à l'extérieur ? Alors ils ne sont pas prisonniers s'ils sont dehors. Vous vous foutez de moi !

LOUISE

Non, ils sont à l'extérieur de la remise, mais à l'intérieur du point relais.

VOIX OFF

Bon alors maintenant, vous allez arrêter de m'emmerder avec vos conneries ! Si vous avez besoin d'aide, demandez au père Noël, il est dans le coin en ce moment !

LOUISE

Ah non, il est encore en Laponie en train de préparer les cadeaux avec mes parents.

VOIX OFF

Bon, ça suffit ! Donnez-moi votre nom. Je vais m'occuper de votre cas, moi !

LOUISE

Oh c'est gentil, merci beaucoup ! Je m'appelle Louise Lhooq.

VOIX OFF

Comment vous dites ? Ça s'écrit comment ?

LOUISE

L. H. O. O. Q.

VOIX OFF

J'en ai marre.

(bip bip)

LOUISE

(s'adressant aux autres) Je ne comprends pas, il n'a pas eu l'air de me croire.

DR THÉO

Vous êtes vraiment trop bête ! Pourquoi vous avez été raconter cette histoire de père Noël ? Et la poupée ?

LOUISE

Je n'ai fait que dire la vérité !

DR THÉO

Bon, ça suffit. Ils ont repéré le téléphone, ils ne décrocheront plus. Je vais appeler avec le mien. Ils prendront au sérieux un médecin de l'hôpital. Il faut qu'on en finisse avec cette histoire !

(Elle prend son téléphone). Oh non ! Plus de batterie !

Scène 2

(Josiane revient des toilettes. Elle ne voit pas les autres et les autres ne la voient pas au début. Rhabillée, mais gênée, elle marche bizarrement).

JOSIANE

Ces dessous me vont comme un gant ! Même si le string, c'est plutôt bizarre. J'ai l'impression d'avoir ma culotte à l'intérieur de moi.

(Elle essaie de tirer en vain pour ajuster le string) .

Allez vendu ! Ça vaut bien un fer à repasser. Et puis ça va faire plaisir à mon Tony et ça va rendre jalouse ma Nono quand je lui raconterai ça !

DUGENOU

On vous avait complètement oubliée vous !

JOSIANE

Oh mais qu'est-ce que vous faites tous ici ? Vous attendez votre tour pour les toilettes ?

DR THÉO

Non, pendant que vous étiez en séance d'essayage, un braqueur est venu cambrioler le point relais et nous a pris en otages.

DUGENOU

Il nous a enfermés ici et il est resté au guichet avec d'autres otages !

LOUISE

En plus, il a un horrible pistolet !

JOSIANE

Mais c'est terrible ! Qu'est-ce qu'on va pouvoir faire ?

DR THÉO

Vu la situation, je pense qu'il faut que vous vous cachiez. Il ignore votre présence et c'est un atout pour nous.

JOSIANE

Comment ça un atout ? Qu'est-ce que je peux faire ?

(Gênée par son string, elle hésite entre s'asseoir ou rester debout).

DR THÉO

Écoutez, je viens d'avoir une idée ! Vous avez vu le film Piège de Cristal, hein ?

JOSIANE

Heu, non, je crois pas.

DR THÉO

Mais enfin, Bruce Willis ! Il se cache dans un immeuble pour maîtriser des terroristes.

JOSIANE

Mais je ne suis pas Bruce Willis ! Je ne suis que Josiane Dupont, femme au foyer.

(Elle tire désespérément sur son string).

DUGENOU

Écoutez, si vous n'y mettez pas du vôtre, on ne va pas y arriver ! Il va tous nous tuer, et vous aussi si vous ne vous cachez pas.

LOUISE

En plus, il a un horrible pistolet !

DR THÉO

Je suggère que vous vous cachiez dans un carton. Quand il reviendra, dès qu'il est proche de vous, vous sortez du carton et vous l'assommez !

JOSIANE

Je serai bien incapable de faire une chose pareille. Vous ne vous rendez pas compte !

DR THÉO

Je suis désolée de vous dire ça, mais j'ai peur que vous ne soyez notre dernière chance. Il faut profiter de l'effet de surprise avant qu'il ne nous fasse du mal.

LOUISE

En plus, il a un horrible pistolet !

DR THÉO

On l'aura compris !

JOSIANE

Bon, si vous dites que je suis votre seule chance, je veux bien essayer moi, mais je n'y connais rien en assommage de braqueur.

DR THÉO

Avant qu'il revienne, je vais vous montrer quels points vitaux toucher sur le braqueur pour le neutraliser.

JOSIANE

Oh la la ! Josiane Dupont qui va se battre contre un brigand ! Quelle aventure ! Mais je vais d'abord aller remettre ma culotte en coton. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris de garder sur moi ce string avec la ficelle qui me rentre dans les fesses. En plus, j'ai pas retiré l'étiquette !

DUGENOU

Trop tard ! J'entends la porte qui s'ouvre, vite, cachez-vous !

Scène 3

(Josiane se cache derrière le couloir de cartons, le braqueur revient avec les trois autres otages).

BRAQUEUR

Allez, entrez vous trois ! Asseyez-vous avec les autres. J'espère qu'il y a plus de choses intéressantes par ici.

(Il commence à fouiller dans les cartons pendant que les autres s'assoient ; Tony se retrouve assis entre Louise et Noémie).

BRAQUEUR

C'est un vrai bazar ici ! Ça vous arrive de ranger ?

GUICHETIÈRE

Vous rigolez ? J'ai tout rangé ce matin nickel dès que le livreur m'a remis les colis !

BRAQUEUR

On doit pas avoir le même sens du rangement.

(Il continue à fouiller les cartons).

LOUISE

Ah Noël, c'est toujours aussi émouvant cet instant où l'on ouvre ses cadeaux ! Vous croyez qu'il a fait une liste ? Moi, je fais toujours une liste. Alors, une boule à neige avec un chalet, une boule à neige avec des sapins, une boule à neige avec des lapins, une boule à neige avec...

BRAQUEUR

Ferme-la, Chantal Goya !

DUGENOU

Eh bien moi, j'espère qu'il y a des oranges dans les cartons. C'est bien la seule chose qu'il aura quand il sera derrière les barreaux !

BRAQUEUR

(ouvrant un carton et sortant des poignées de porte)

Pfff... Des poignées de porte. Aucun intérêt.

NOÉMIE

Sauf pour sortir de prison !

TONY

(chuchotant) Ça sera d'abord pour y rentrer !

BRAQUEUR

Pas un mot !

LOUISE

C'est excitant la magie de Noël ! Qu'est-ce qu'il va trouver dans le carton suivant ?

BRAQUEUR

(ouvrant un autre carton et en sortant une robe)

C'est pas vrai ! Les gens commandent n'importe quoi !

GUICHETIÈRE

Je peux vous dire que 95% des commandes ont une valeur de moins de 50 euros. Il ne va pas faire fortune !

NOÉMIE

(s'adressant au braqueur) Je peux l'avoir ? Elle me plaît bien cette robe.

LOUISE

Moi je propose de la mettre à la poupée. Ça me gêne un peu, cette tenue.

DUGENOU

Heu... oui... je suis de cet avis. Je pensais justement l'habiller en rentrant chez moi. Je ne croyais pas que c'était ce genre de poupée bien sûr !

BRAQUEUR

C'est ça ! Eh bien vas-y, mets-lui la robe, le cochon !

(Il lui lance la robe).

DUGENOU

Viens Lucette, je vais te donner un air plus décent, ma pauvre.

GUICHETIÈRE

Lucette ? Pourquoi Lucette, Monsieur Dugenou ?

DUGENOU

(tout en habillant la poupée)

Ça ne vous regarde pas. Laissez-moi tranquille... Oh, après tout, au point où nous en sommes, c'est une histoire bien triste. Lucette, c'était le grand amour de ma vie. Une jeune fille de bonne famille, avec des manières délicieuses. Quand je l'ai demandée en mariage, elle a dit oui et j'étais le plus heureux des hommes. Je la voyais déjà s'appeler Lucette Dugenou. Ça sonne bien n'est-ce pas ? Mais à l'hôtel de ville, elle est tombée follement amoureuse de Monsieur le Maire, et c'est à lui qu'elle a dit oui. Elle est partie et je ne l'ai jamais revue. Je lui en ai voulu ah ça oui ! Et c'est suite à ça que je suis devenu membre, puis président, de la ligue de la morale et des bonnes mœurs. Mais avec le temps, j'ai préféré garder d'elle le souvenir de l'époque de nos fiançailles, quand nous étions tous deux amoureux l'un de l'autre. Alors cette poupée, ça me rappelle Lucette. En plus, elle lui ressemble tellement. Hein, Lucette ?

BRAQUEUR

(ouvrant un autre carton et sortant des cotons) Pfff. Des cotons ! Mais qui commande des cotons sur Lama Jaune alors qu'on en trouve dans n'importe quel magasin ?

NOÉMIE

Moi je veux bien les récupérer. C'est toujours utile, les cotons pour se démaquiller !

BRAQUEUR

Ça sera plutôt pour te les mettre dans la bouche pour que t'arrêtes de parler sans cesse , pot de peinture !

NOÉMIE

(renfrognée) Je ne suis pas un pot de peinture...

BRAQUEUR

(ouvrant un autre carton et sortant un piano pour bébé)

Mais c'est pas vrai ! Qu'est-ce que je peux faire d'un truc pareil ?

LOUISE

Vous n'avez pas d'enfants ?

BRAQUEUR

J'ai une tête à avoir des gosses ?

LOUISE

J'ai toujours rêvé d'avoir un instrument de musique ! Je peux l'avoir ?

BRAQUEUR

Oh ! Ça suffit ! Je suis pas le père noël !

LOUISE

Oui je sais bien, il est encore en Laponie à cette heure.

BRAQUEUR

(ouvrant un autre carton et sortant un stéthoscope) Et encore un truc inutile !

DR THÉO

Ah ! C'est à moi ça ! Je peux le récupérer ?

BRAQUEUR

C'est moi le cambrioleur, tous ces objets sont à moi !

DR THÉO

Mais je l'ai commandé !

LOUISE

Donnez-le-lui, c'est à elle quand même !

NOÉMIE

Et puis qu'est-ce que vous allez en faire ?

GUICHETIÈRE

Et c'est son outil de travail !

BRAQUEUR

Ça suffit les poulettes ! Vous allez arrêter maintenant ! Va falloir rester tranquillement au poulailler et la fermer, sinon je vais utiliser mon flingue !

(Pendant ce temps, Josiane, cachée dans un carton, sort progressivement de derrière le couloir du fond et se rapproche de Tony et Noémie, tendrement enlacés. Les spectateurs voient le carton qui se déplace mais les comédiens ne remarquent rien du tout).

Scène 4

NOÉMIE

Tony chéri, j'ai peur ! Je sens que ça va mal finir.

TONY

Ma Nono, ne t'inquiète pas, je suis sûr que cette histoire sera réglée très vite. Le braqueur va prendre les babioles qui lui plaisent et après il s'en ira ! Et ce soir, je pourrai t'emmener au restaurant. En plus, j'ai dit à Josiane que j'étais en séminaire et que je ne rentrais que demain. Je t'ai fait une autre surprise. Tiens-toi bien : j'ai réservé un Formule 1 ! On aura la nuit pour nous. Je pète la forme et je pense que demain matin, tes yeux fatigués me diront merci !

NOÉMIE

Mon Toto, que tu es romantique !

TONY

Et tu sais ? Ma combinaison en cuir et en latex. Il y aura un petit changement qui devrait te plaire, Noémie.

JOSIANE

(se levant en ouvrant brusquement son carton) Tony ? Noémie ?

TONY

Aah !

(Tony se dégage violemment de Noémie et par réflexe, prend Louise dans ses bras qui a l'air très gênée).

NOÉMIE

Josiane !

TONY

Chérie ?

JOSIANE

(pleurant) Mon dieu, c'est pas possible ! C'est un cauchemar ! Mon mari avec ma meilleure amie. Je vais me réveiller. C'est sûr, je vais me réveiller !

TONY

Je peux tout t'expliquer chérie. C'est pas du tout ce que tu crois !

JOSIANE

Je crois ce que je vois ! Je te surprends dans les bras de ma meilleure amie. C'est tout ce que je vois !

TONY

(jouant la mauvaise foi puisqu'il prend maintenant Louise dans ses bras)

Mais non, je ne suis pas dans ses bras, qu'est-ce que tu racontes ?

JOSIANE

Et en plus, une seule te suffit pas, il t'en faut une deuxième !

LOUISE

(à Tony) Est-ce que vous pourriez me lâcher monsieur s'il-vous-plaît ?

TONY

(réalisant la situation et se dégageant brusquement des bras de Louise)

Aah ! Ah non ! Autant Noémie, c'est vrai, autant elle, je ne la connais pas !

JOSIANE

Ah tu avoues alors ! Tu me trompes avec Noémie ! Je n'arrive pas à y croire. Mais comment as-tu pu me faire ça ?

TONY

Chérie, écoute, je vais tout arranger !

JOSIANE

Oh ! Je comprends pas. J'ai pourtant tout fait pour te rendre heureux ! Quand tu rentrais le soir, la maison était propre et rangée, le dîner était prêt et la soupe était chaude. On avait une vie idéale que tout le monde nous enviait ! Comment j'ai pu être aussi naïve ?

NOÉMIE

(se levant) Écoute Josiane, en tant que ta meilleure amie...

JOSIANE

Tu restes assise toi !

(Noémie se rasseoit et Josiane essaie de sortir désespérément de son carton).

JOSIANE

(s'adressant à Tony) Et ça dure depuis longtemps, cette histoire ?

TONY

Non, ce n'est qu'une petite amourette.

NOÉMIE

Une amourette qui dure quand même depuis deux ans.

TONY

(s'adressant à Noémie) Tais-toi donc !

JOSIANE

Deux ans ! Oh non, mon dieu ! Ça fait deux ans que tu me trompes avec cette traînée !

NOÉMIE

Reste polie quand même !

JOSIANE

Mais qu'est-ce que tu lui trouves enfin ?

TONY

Écoute, je tiens à te rassurer, il n'y a que la beauté chez elle. Toi tu as l'intelligence chérie.

JOSIANE

Ah ouais. J'ai l'intelligence ? Si c'est Noémie ta référence en matière d'intelligence, tes critères ne sont pas très élevés...

NOÉMIE

Qu'est-ce que ça veut dire ça ?

JOSIANE

On voit juste que t'es pas sortie des grandes écoles.

NOÉMIE

C'est pas vrai ! J'en suis sortie, de la grande école. Après la 3ème !

JOSIANE

Stop ! Je veux plus t'entendre ! Salope !

TONY

Heu, chérie, je sais que c'est gênant mais c'est pas trop le moment, là.

(chuchotant) Il y a derrière nous un cambrioleur avec un revolver, et il n'a pas l'air fin.

BRAQUEUR

Non, non, continuez, ça m'amuse, ce genre de situation.

(Josiane se met à quatre pattes et bascule le carton pour pouvoir en sortir).

JOSIANE

Ainsi donc, je commence à y voir clair. Tony, le Tony que je croyais casanier était en fait un Casanova. Dire que pendant que tu te tapais Noémie, je repassais tes slips !

(Elle tire sur son string et remue les fesses) .

Mais qu'est-ce qui s'est passé pour qu'on en arrive là ? Tu t'ennuies avec moi, c'est ça ? Tu cherchais plus de peps dans ta vie minable ? Mais c'est toi aussi, avec ton quotidien et ta routine, qui m'a rendue aussi terne !

NOÉMIE

(s'adressant à Tony) Hein ? À quelles citernes tu l'as rendue ?

JOSIANE

Non, il m'a rendue terne, fade ! Décidément, je vois que tu n'as toujours pas allumé la lumière à tous les étages, toi !

NOÉMIE

Ben non, je laisse pas allumé tout le temps, il faut savoir être gouine.

JOSIANE

Etre quoi ?

NOÉMIE

Gouine. Ça veut dire vert en anglais. Écologiste, quoi !

JOSIANE

(avec l'accent anglais) Ah, green !

(reprenant en français) Ça s'arrange pas, toi ! Quelle quiche !

(s'adressant à Tony) Donc Tony, c'est pas l'intelligence qui t'excite. OK. Dans ce cas, si tu préfères t'envoyer en l'air avec un corps sans cervelle, je t'offrirai une poupée gonflable à Noël si tu veux !

BRAQUEUR

(désignant la poupée de Dugenou) Elle n'aura pas besoin de chercher bien loin !

JOSIANE

(regardant la poupée) C'est quoi ça ?

LOUISE

C'est la petite amie de Monsieur Cochonou.

DUGENOU

Dugenou ! Mon nom, c'est Du-ge-nou !

JOSIANE

(s'adressant à Tony et montrant Noémie) Tu vois pas que Noémie, c'est juste une coquille vide ? La perle que tu cherches à l'intérieur, elle n'existe pas. Tu t'es laissé envoûter par un beau coquillage sans rien dedans !

NOÉMIE

Pourquoi elle parle de fruits de mer ?

TONY

C'est de la poésie Noémie, tu peux pas comprendre.

JOSIANE

(s'adressant à Noémie) Ah ! C'est sûr que tu peux pas comprendre ! Tu es vraiment comme cette poupée, Noémie, pleine d'air ! Dire que pendant des années, tu m'as fait croire que j'étais ta meilleure amie, juste pour pouvoir te taper mon Tony. Quelle hypocrite !

NOÉMIE

C'est toi qui parles d'hypocritie ? C'est pourtant toi qui a voulu devenir la meilleure amie de la fille la plus populaire du collège, juste pour avoir toi aussi de la populité, heu, de la populo, heu, juste pour être populaire toi aussi !

JOSIANE

Non, c'est pas de l'hypocrisie, ça. J'étais vraiment ton amie. J'étais sincère. Être dans l'ombre de quelqu'un, fût-elle la star de l'école, c'est pas l'idéal non plus !

NOÉMIE

Futelle ? Futelle toi-même ! De toute façon, je sais même pas ce que ça veut dire !

JOSIANE

Ah ben tiens ! Mais le voilà, le fer à repasser que j'avais commandé ! Je comprends les dessous sexy maintenant. C'était pour toi ! Eh bien je peux t'assurer qu'il me vont très bien !

(Elle se tortille, gênée) Alors voyons voir si ce fer correspond bien à ce que j'attendais.

(Elle déballe le fer puis se place devant Noémie).

Joyeux noël Félix !

(Elle donne un coup de fer dans la figure de Noémie qui tombe par terre inconsciente).

[Pour la mise en scène, vous pouvez jouer la scène au ralenti avec une musique lente comme Unchained Melody par exemple. Et il faut que tous les comédiens prennent des expressions au ralenti].

TONY

Ma Nono !

BRAQUEUR

Ça c'est envoyé !

LOUISE

C'est pas très gentil ça, pendant les fêtes de Noël.

JOSIANE

Toi, ta gueule, c'est pas tes affaires ! Elle qui aime la chirurgie esthétique, je lui ai offert une séance gratuite !

DUGENOU

Mais... Elle ne bouge plus.

GUICHETIÈRE

Je crois qu'elle est morte !

TONY

Noémie, Noémie, réveille-toi !

JOSIANE

Elle l'a bien cherché !

(Elle va s'asseoir en pleurant).

DR THÉO

Laissez-moi faire, je suis médecin !

(Elle prend le stéthoscope des mains du braqueur). Vous permettez maintenant ?

BRAQUEUR

Je vous en prie. Ça fait longtemps que j'ai pas vu autant d'animation dans un braquage. Les points relais, c'est plus drôle que les banques !

DR THÉO

(allant ausculter Noémie) Ah ! Je sens son pouls. Elle est groggy, mais elle va s'en sortir ! On va la mettre en PLS pour ne pas qu'elle s'étouffe.

GUICHETIÈRE

Non attendez, j'ai lu sur un forum qu'il fallait lui mettre la tête en arrière ! C'est expert44390 qui a mis ça et il a 150 pouces en l'air.

LOUISE

Pas du tout ! Ma grand-mère a toujours dit que dans ces cas-là, il fallait lui donner des sels. Où est-ce que je vais pouvoir trouver du sel ?

DR THÉO

Mais enfin ! Puisque je vous dis que je suis médecin !

GUICHETIÈRE

Un seul médecin contre 150 pouces en l'air ? Il faut être vachement prétentieuse pour penser avoir raison à 1 contre 150 ! La tête en arrière pendant une minute.

LOUISE

(s'adressant à la guichetière) Vous n'avez pas du sel ?

GUICHETIÈRE

Vous êtes têtue, vous ! Du sel fin ou du gros sel ?

DR THÉO

Mais vous allez m'écouter ! Vous croyez que vos remèdes débiles vont remplacer dix années d'études !

GUICHETIÈRE

(consultant son portable) Ah ! J'ai trouvé. Les sels dont vous parlez sont en fait de l'ammoniaque. Sur bidouillemedecine.fr, c'est écrit que l'odeur est tellement forte qu'elle réveillerait un mort.

DR THÉO

Dans ce cas, remplissez les chiottes de Canard WC et foutez-lui la tête dedans ! Je suis médecin je vous dis !

(s'adressant à Tony) Bon, aidez-moi à l'emmener à côté, au calme. Elle va se reposer.

(Dr Théo emmène Noémie, aidée de Tony).

GUICHETIÈRE

Je vous suis, je ne voudrais pas que vous fassiez n'importe quoi !

LOUISE

J'arrive ! Vous aurez besoin de mes conseils.

BRAQUEUR

Allez-y, les sauveteuses ! De toute façon, j'ai verrouillé la porte d'entrée.

(La guichetière et Louise suivent le Dr Théo, Tony et Noémie et tous sortent).

Scène 5

BRAQUEUR

(s'adressant à Josiane) Moi en tout cas, je trouve que vous avez une sacrée droite ! Et vous avez bien remis en place l'espèce de cochon qui vous sert de mari.

JOSIANE

Merci ! Je ne suis pas comme ça d'habitude. Je suis plutôt douce et soumise. Mais là, trop c'est trop ! Je me sens un peu comme le chou-fleur dans la cocotte-minute. On l'a oublié sur le feu trop longtemps, le chou-fleur. Donc au bout d'un moment, ça a fini par exploser. Et ça fait un bien fou !

BRAQUEUR

(s'adressant à Dugenou) N'empêche que je constate qu'il y a deux gros pervers parmi vous.

DUGENOU

C'est faux, moi j'ai toujours été fidèle à ma Lucette, même quand elle m'a quitté !

BRAQUEUR

Sans blague ! Et après, tu veux embrouiller tout le monde avec ta poupée, espèce de cochon ?

DUGENOU

Je ne vous permets pas, je n'ai pas l'intention de faire des choses honteuses avec Lucette !

BRAQUEUR

J'en crois pas un mot ! Et ta vraie Lucette, tu l'aurais laissé assise sur un carton comme ça ? Mon œil ! Tu l'aurais besognée, gros cochon !

DUGENOU

Ça suffit maintenant, c'en est trop ! Je vais vous montrer, moi...

(Il met la main dans sa veste).

BRAQUEUR

Nom d'un chien, il va sortir un flingue !

(Il tire vers Dugenou qui retire discrètement la valve de la poupée qui se dégonfle).

BRAQUEUR

Je plaisante pas, moi ! On reste tranquille !

DUGENOU

Lucette ! Il a tiré sur ma Lucette !

BRAQUEUR

C'est pas elle que je visais. Mais c'est de la légitime défense, vous alliez sortir une arme !

DUGENOU

Pas du tout ! C'était une bague de fiançailles pour ma Lucette. Mais vous lui avez tiré dessus ! Ma Lucette, mon dieu ! On dirait qu'elle expire ! Reviens à toi ma Lucette !

(Il allonge la poupée qui se dégonfle sur le sol et commence un massage cardiaque. Dr Théo, Tony, la guichetière et Louise reviennent).

LOUISE

Qu'est-ce qui s'est passé ? On a entendu un coup de feu !

DUGENOU

Ce terroriste a tiré sur ma Lucette ! Aidez-moi je vous en prie ! Docteur, sauvez-la !

DR THÉO

Je vais voir ce que je peux faire mais ça va être plus compliqué, là. Bon, écartez-vous, il me faut de la place. Lumière s'il vous plaît !

(La guichetière met le flash de son smartphone).

DR THÉO

Bon, il faut d'abord que je trouve où est la blessure.

DUGENOU

Là ! Je vois un trou de balle !

DR THÉO

Ah oui en effet ! Bistouri.

TONY

(rapportant un cutter) Voilà voilà, j'arrive !

DR THÉO

Compresse.

LOUISE

(rapportant les cotons) Voilà !

DR THÉO

Rustine.

(Dugenou prend une rustine dans le carton de la poupée).

DUGENOU

Tenez !

DR THÉO

On la perd, on la perd ! Elle est de plus en plus à plat... Faites-lui du bouche à bouche... Enfin, du bouche à valve !

(Dugenou souffle dans la valve et la poupée se regonfle doucement, puis se dégonfle).

DUGENOU

Ça marche pas !

(Dugenou souffle à nouveau en faisant semblant et la poupée ne regonfle plus).

DR THÉO

Arrêtez Monsieur Dugenou, c'est fini, on ne peut plus rien faire. Je suis désolée !

BRAQUEUR

Cette fois, elle a crevé pour de bon !

DUGENOU

Oh non ! Ma Lucette ! C'est la deuxième fois que je te perds !

Scène 6

(Noémie revient sur scène, après avoir repris ses esprits, elle a le visage tuméfié avec un énorme bleu en forme de fer à repasser).

NOÉMIE

Qu'ef qui fe paffe ifi ?

[Qu'est-ce qui se passe ici?]

TONY

Noémie, tu es revenue à toi. Surtout ne panique pas mais le braqueur a tué un des otages !

BRAQUEUR

Faut pas exagérer non plus ! Elle était très superficielle comme fille.

NOÉMIE

Oh non ! Mais f'est pas poffible ! Ve veux pas être la profaine fur la liste !

[Oh ! Mais c'est pas possible ! Je veux pas être la prochaine sur la liste !]

TONY

Qu'est-ce qui t'arrive Noémie ? Tu parles bizarrement je trouve.

NOÉMIE

Ve fais pas ! F'est comme fi v'avais refu un coup.

[Je sais pas ! C'est comme si j'avais reçu un coup]

LOUISE

Oh la la ! Oui ma pauvre, vous êtes défigurée !

NOÉMIE

Défigurée moi ? Mais f'est horrible !

[Défigurée moi ? Mais c'est horrible!]

TONY

C'est vrai que ça te change un peu.

JOSIANE

Elle peut dire adieu à sa popularité, la starlette !

LOUISE

Ce n'est qu'un bel hématome, je peux arranger ça.

(s'adressant à la guichetière) S'il vous plaît madame, est-ce que vous auriez des oignons et des fleurs de camomille pour que je prépare une décoction ?

GUICHETIÈRE

(ironique) Oui, bien sûr ! J'emporte toujours un potager complet quand je vais travailler. Allez voir dehors sur le parking, je l'ai planté là !

NOÉMIE

(s'adressant à la guichetière)

Vous v'êtes ftupide ou quoi ? Fa m'étonnerait que le monsieur avec le piftolet, il nous laiffe fortir pour aller ramaffer les 'voignons ! Faut pas avoir inventé l'eau froide pour comprendre fa !

[Vous êtes stupide ou quoi ? Ça m'étonnerait que le monsieur avec le pistolet, il nous laisse sortir pour aller ramasser les oignons ! Faut pas avoir inventé l'eau froide pour comprendre ça !]

GUICHETIÈRE

(consultant son portable)

Sur oublietondocteur.com il est écrit qu'il faut mettre de la glace. Ça me semble une bonne idée. Je crois qu'il y a un frigo ici. Alors, comment procéder... Ah mince ! Quelqu'un a mis un pouce en bas pour cette astuce, et un commentaire : suite à un petit bleu sur le poignet, lol, j'ai plongé ma main dans la glace pendant 10 heures, lol, elle s'est nécrosée et on a dû m'amputer, mdr. Plus jamais je recommencerai, lol.

NOÉMIE

V'ai pas envie qu'on m'ampute la tête, moi ! Fa me manquerait trop.

[J'ai pas envie qu'on m'ampute la tête, moi ! Ça me manquerait trop.]

BRAQUEUR

Bon, les docteurs Quinn femmes médecins, on va arrêter là ! On n'est pas à l'hosto mais en plein braquage. Alors on va oublier les bobos et rester tranquille !

DUGENOU

Vous n'avez donc aucun cœur ! Vous avez fait un carnage !

BRAQUEUR

Eh ! Il va baisser d'un ton le pervers avec son bout de plastique !

DUGENOU

Vous êtes un monstre !

(Dugenou se dirige rapidement vers le braqueur et essaie de le maîtriser, ils luttent, le braqueur fait tomber son pistolet).

GUICHETIÈRE

Attrapez son arme, vite !

(Josiane attrape le pistolet et le brandit).

TONY

Bravo chérie ! Tu es la meilleure ! On est enfin sauvés !

(Josiane hésite et ne sait qui viser).

JOSIANE

(à Tony) Ne m'appelle plus jamais chérie !

(Elle promène son arme en visant les otages et le braqueur).

GUICHETIÈRE

(sur l'air du France de Sardou) « Ne m'appelez plus jamais... »

JOSIANE

Ta gueule, la diva !

TONY

On en reparlera à la maison si tu veux bien. Mais en attendant, garde ta concentration et dirige bien l'arme vers le braqueur.

JOSIANE

(dirigeant l'arme vers les otages) Non, il ne fallait pas me tromper ! Ne bougez plus vous tous !

BRAQUEUR

C'est bien ma grande, tu fais le bon choix.

JOSIANE

(visant à nouveau le braqueur) Non ! Ne bougez pas non plus ! Je sais plus où j'en suis.

TONY

Josiane, maintenant tu donnes ce pistolet et tu ne prends pas la mouche !

NOÉMIE

Quelle moufe ?

[Quelle mouche?]

JOSIANE

(visant les otages) Je ne prends pas la mouche, juste la poudre d'escampette ! J'en ai assez de cette vie de mensonges, cette vie triste sans aucun romantisme, pendant que tu profites avec cette salope de Noémie !

NOÉMIE

Mais quelle moufe enfin ?

[Mais quelle mouche enfin?]

JOSIANE

(montrant le braqueur) Lui au moins il est libre.

DUGENOU

Pas pour longtemps à mon avis !

GUICHETIÈRE

Appelez la police maintenant, c'est le moment !

DR THÉO

Non, ça ne sert à rien. On a déjà essayé, ils ne nous prennent pas au sérieux, on ne comprend pas pourquoi.

BRAQUEUR

Hé hé ! C'est pourtant simple. Vous m'avez pris pour un débutant ! Mais avant de faire ce casse, j'ai pris mes précautions. J'ai inondé le standard de la police avec des fausses alertes que j'ai lancées avec des téléphones prépayés. Ils n'en peuvent plus et prennent tout pour une blague maintenant !

(s'adressant à Josiane) Si tu veux, après le casse, je t'emmène avec moi, poupée !

DUGENOU

Ne l'appelez pas poupée, c'est monstrueux !

BRAQUEUR

(s'adressant à Josiane) Eh, tu sais à quoi tu m'as fait penser quand tu es sortie brusquement de ton carton ?

JOSIANE

Heu, à un diable qui sort de sa boîte ?

BRAQUEUR

Mmh, non, pas tout à fait.

NOÉMIE

À une ftriptiveuve qui fort d'un gâteau !

[À une stripteaseuse qui sort d'un gâteau!]

BRAQUEUR

A Bruce Willis dans Piège de Cristal

JOSIANE

(montrant les muscles) C'est vrai que je lui ressemble un peu !

BRAQUEUR

Non non, c'est plutôt le fait de te cacher pour pouvoir me surprendre. Car c'était bien ton intention, non ? Eh bien, je ne t'en veux pas.

JOSIANE

(visant le braqueur) Vous n'êtes pas vraiment en position de m'en vouloir, là !

BRAQUEUR

Tu as raison. Mais même si c'est toi qui a le revolver, je trouve que tu as eu un sacré cran ! Allez, partons ensemble, je t'apprendrai les ficelles du métier.

JOSIANE

(tirant machinalement sur son string) Les ficelles, les ficelles, je sais pas moi ! Je ne sais plus où j'en suis. Faut que je réfléchisse.

DUGENOU

Attendez, on n'a pas besoin de la police, nous sommes libres maintenant que le braqueur est hors d'état de nuire !

TONY

Oui c'est vrai ça, pourquoi rester ici ? Allons-y !

JOSIANE

Non, attendez !

TOUS EN BROUHAHA

Attendre quoi ? Mais pourquoi ? Mais enfin, etc.

(Josiane tire un coup de feu en l'air).

JOSIANE

Stop ! Ça suffit !

(Tout le monde se tait).

JOSIANE

J'en ai marre de toujours faire ce qu'on me dit de faire ! Elle fait la cuisine bobonne, elle fait le ménage bobonne, elle repasse les chemises bobonne, elle libère les otages bobonne. Eh bien maintenant, bobonne, elle a un flingue, alors c'est elle qui décide ! Je ne peux plus continuer comme ça ! Ma vie vient d'être complètement retournée en quelques secondes, il faut que j'y vois plus clair. Vous allez tous rester enfermés ici le temps que je réfléchisse. Et je vais avec... (Elle montre le braqueur) monsieur de l'autre côté ! J'ai besoin de faire une mise au point.

GUICHETIÈRE

« Juste une mise au point sur les plus belles images de... »

JOSIANE

Ta gueule Julie Pietri !

GUICHETIÈRE

Non, ça c'est Jacky Quartz.

JOSIANE

On s'en fout !

(Josiane sort en tenant en joue le braqueur).

Scène 7

TONY

Ne vous inquiétez pas. Je connais Josiane. Elle est soupe au lait comme ça, mais elle va vite revenir à la raison ma cocotte !

DR THÉO

Je m'y attendrais pas trop moi à votre place. Comme elle dit, je crois que la cocotte, elle a explosé !

DUGENOU

Et elle a l'air de vouloir partir avec cet assassin, votre cocotte. Elle a pas trop aimé votre Petite amourette !

DR THÉO

En tout cas, je pense qu'il faut profiter de leur absence pour élaborer un plan d'évasion. Parce que quand ils vont revenir, je ne sais pas qui tiendra le pistolet et ce qu'on deviendra !

GUICHETIÈRE

(toujours sur son portable) D'autant que sur trouvelasortie.fr, ils disent que plus le temps passe, plus il est difficile de s'évader.

NOÉMIE

Fafile à dire mais pas fafile à faire ! On est enfermés à clé.

[Facile à dire mais pas facile à faire ! On est enfermés à clé]

DUGENOU

Et il n'y a pas de porte derrière, et pas de fenêtre.

LOUISE

On pourrait essayer de creuser un tunnel ?

TONY

Même si on avait des outils pour ça, ça nous prendrait des mois.

NOÉMIE

Fi feulement Piftafe était là !

[Si seulement Pistache était là !]

LOUISE

Qui ça ?

NOÉMIE

Piftafe.

[Pistache]

LOUISE

Je ne comprends pas.

TONY

Je crois qu'elle veut parler de Pistache.

NOÉMIE

Oui ! Piftafe ! F'est mon hamfter. F'est le roi de l'évavion ! Il fort tout le temps de fa cave !

[Oui ! Pistache ! C'est mon hamster. C'est le roi de l'évasion ! Il sort tout le temps de sa cage !]

GUICHETIÈRE

Bon. Soyons sérieux. Je vais regarder comment est la serrure de la porte et je vais chercher un tuto pour la crocheter.

LOUISE

Et quand vous l'aurez crocheté, vous ferez quoi ? Il a un horrible pistolet !

GUICHETIÈRE

Je vais entrer doucement pour les surprendre. Bon, j'y retourne, je peux vous emprunter ça ?

(Elle prend le fer à repasser). Et là, pas besoin de tuto, j'ai vu comment a fait la femme tout à l'heure !

NOÉMIE

Voviane. Ve peux vous dire qu'elle est douée pour fa !

[Josiane. Je peux dire qu'elle est douée pour ça!]

TONY

C'est étonnant, c'est la première fois qu'elle se sert d'un fer à repasser comme ça. C'est pas son genre, la violence. Elle a toujours été une parfaite ménagère.

GUICHETIÈRE

Bon, j'y vais. Souhaitez-moi bonne chance !

DUGENOU

Faites attention ! Il est dangereux !

DR THÉO

Vous êtes vraiment courageuse. Nous sommes de tout cœur avec vous !

LOUISE

Vous avez la bravoure du lion et le courage de la gazelle.

TONY

Le courage n'est pas l'absence de peur mais la capacité de la vaincre. Nelson Mandela.

DUGENOU

Le péril s'évanouit quand on ose le regarder. Chateaubriand.

DR THÉO

Les héros obscurs sont plus grands parfois que les héros illustres. Victor Hugo.

NOÉMIE

Rien ne fert de courir, il faut partir à point. Ve fais pas qui f'est qu'a dit fa.

[Rien ne sert de courir, il faut partir à point. Je sais pas qui c'est qu'a dit ça.]

GUICHETIÈRE

Merci à tous de votre soutien !

(La guichetière sort).

Scène 8

NOÉMIE

Elle est facrément couraveuse felle-là ! V'efpère qu'elle va lui donner un bon coup à la Voviane, pour lui rendre la monnaie de fon portefeuille !

[Elle est sacrément courageuse celle-là ! J'espère qu'elle va lui donner un bon coup à la Josiane, pour lui rendre la monnaie de son porte-feuille !]

DUGENOU

Moi, je vais profiter de ce moment de calme pour préparer la sépulture de ma Lucette.

(s'adressant à Tony) Oublions nos différends en ce moment tragique. Je vous présente mes excuses pour tout ce que j'ai pu dire à votre compagne. Je dois vous dire que depuis que Lucette 1 m'a quitté, je suis atteint d'une maladie hormonale qui me met dans des états d'excitation intense dès que je croise une femme. C'est pour réfréner mes ardeurs que je suis entré à la ligue des bonnes mœurs.

TONY

Allez, excuses acceptées ! De toute façon, avec ce que j'ai pris aujourd'hui, ma vie ne sera plus vraiment la même maintenant.

DUGENOU

Voulez-vous m'aider à la mettre en bière s'il vous plaît ?

TONY

(très enthousiaste) Ah ! Avec joie !

(puis confus) Enfin, je veux dire... d'accord.

(Dugenou et Tony plient la poupée et la mettent dans un carton).

NOÉMIE

F'est bien trifte fette hiftoire. Fi vous m'écrivez un difcours, ve veux bien le lire pour vous Monfieur Duvenou. On me dit que v'ai une volie voix, même que le week-end dernier, v'ai lu un tekfte pour un enterrement... de vie de veune fille.

[C'est bien triste cette histoire. Si vous m'écrivez un discours, je veux bien le lire pour vous Monsieur Dugenou. On me dit que j'ai une jolie voix, même que le week-end dernier, j'ai lu un texte pour un enterrement de vie de jeune fille]

DUGENOU

C'est gentil, mais c'est à moi de parler.

LOUISE

Oui, bien sûr Monsieur Dugenou, on comprend tout à fait. Nous allons observer une minute de silence après votre discours.

DR THÉO

Allez, on vous écoute !

(Ils s'alignent debout tous les cinq et se recueillent).

DUGENOU

Bon, je me lance. Mmh mmh. Ma chère Lucette 2, tu n'as pas vécu longtemps, mais j'ai appris à te connaître, à m'attacher à toi. Tu n'étais pas très bavarde, certes, mais je lisais dans tes yeux un amour immense. C'est de façon très violente que tu as rendu ton dernier souffle. Souviens-toi que tu es née vide d'air et tu redeviendras vide d'air. Amen. Quelqu'un peut mettre une musique pour la minute de silence ?

LOUISE

Il y a cet instrument de musique qu'a déballé le voleur.

(Elle prend le piano pour bébé).

Moi qui ai toujours rêvé d'apprendre le piano, c'est l'occasion !

(Elle appuie sur quelques touches au hasard).

DR THÉO

Je crois que vous n'aurez pas le temps d'apprendre un requiem si vous n'avez jamais joué.

LOUISE

Alors je vais mettre une musique toute prête, ça sera plus sûr !

(Elle appuie sur des touches qui déclenchent des cris d'animaux).

Hi hi hi ! C'est amusant, tous ces animaux !

DUGENOU

Un peu de tenue s'il vous plaît ! C'est quand même une sépulture !

LOUISE

Oui, excusez-moi. Attendez, je vais trouver !

(Elle finit par mettre une musique enfantine ridicule et tous se recueillent en silence, sauf Noémie qui pleure).

NOÉMIE

(à la fin de la musique)

F'est triste. Ve peux pas m'empêfer de pleurer !

[C'est triste. Je peux pas m'empêcher de pleurer !]

TONY

Pleure Noémie, pleure. De toute façon, ton maquillage est ravagé ! Tu ne lui feras pas plus de mal.

Scène 9

(La guichetière revient avec une feuille de papier à la main).

LOUISE

Ah ! La revoilà. Alors ?

GUICHETIÈRE

Bon, que je vous explique. J'ai trouvé un tuto sur passe-toi-de-serrurier.com mais il fallait des outils que je n'avais pas, donc j'ai finalement été sur cambrioler-pour-les-nuls.fr où ils donnaient une méthode simple.

DUGENOU

Au fait ! Au fait !

GUICHETIÈRE

Finalement, ils n'avaient pas verrouillé la porte, donc je n'ai pas eu besoin de crocheter la serrure.

TOUS

Et alors ?

GUICHETIÈRE

Alors, je n'ai écouté que mon courage et je me suis introduite discrètement dans la salle d'accueil, sur la pointe des pieds pour ne pas les alerter.

TOUS

Et alors ?

GUICHETIÈRE

Alors elle était plongée dans le noir. Je ne voyais que les ombres portées par les lumières de secours. Ça diffusait des formes cauchemardesques dans toute la pièce. La peur me nouait le ventre.

TOUS

Et alors ?

GUICHETIÈRE

Alors j'ai levé mon fer à repasser, prête à l'abattre à la première attaque. J'ai avancé doucement, prudemment...

TOUS

Et alors ? Et alors ?

GUICHETIÈRE

« Zorro est arrivé. » Non, je déconne ! Quand je suis entrée, il n'y avait plus personne. Ils étaient partis !

DR THÉO

Comment ça, partis ? Sans explication ?

GUICHETIÈRE

Si. Josiane a laissé une lettre pour Tony.

TONY

Faites voir.

(Il prend la lettre et la lit à voix haute). Désolée si ça a bavé mais ce sont mes larmes. C'est tout ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Je comprends pas.

DUGENOU

Je crois qu'il faut lire de l'autre côté.

(Tony retourne la lettre).

TONY

Ah oui ! En effet, elle a fait plein de taches ! Tony, pendant des années, j'ai cru que tu m'aimais. Je réalise aujourd'hui que c'était du vert... Du vert ? Pourquoi du vert ?

NOÉMIE

Elle était peut-être gouine. Fa veut dire vert en anglais !

[Elle était peut-être gouine. Ça veut dire vert en anglais !]

DUGENOU

Non, je crois qu'elle a écrit que c'était du vent.

TONY

Ah oui, c'est plus logique ! Je réalise aujourd'hui que c'était du vent. Tu m'as prise pour une bourriche...

DUGENOU

Une bonniche.

TONY

Tu m'as prise pour une bonniche et tu m'as imposé une vie sans relief. C'est pourquoi j'ai décidé de te quitter pour partir avec ce cambrioleur qui va m'offrir ce que j'attends : plein d'armoires. Plein d'armoires ? Je savais pas qu'elle voulait des nouveaux meubles !

DUGENOU

Non. C'est plein d'amour.

TONY

Ah d'accord ! Plein d'amour. Toi, tu offriras ta médiocrité à Noémie qui, en fin de compte, te ressemble beaucoup. Puissiez-vous avoir ensemble de longues années ennuyeuses. Josiane.

LOUISE

C'est pas très gentil quand même !

DUGENOU

Voilà ce que c'est que de batifoler hors du foyer conjugal. C'est le revers de la médaille, mon vieux !

TONY

Et le revers de ma main, tu le veux maintenant ou je le garde au chaud ?

GUICHETIÈRE

Ho, ho ! Je vais pas devoir vous séparer encore !

DUGENOU

Non, excusez-moi ! Un réflexe.

NOÉMIE

Donc, fi elle f'en va avec lui, fa fert plus à rien de fe capher ? On va enfin pouvoir fe monprer !

[Donc, si elle s'en va avec lui, ça ne sert plus à rien de se cacher ? On va enfin pouvoir se montrer !]

TONY

Heu... On se dévoilera au grand jour quand tu auras terminé tes soins dentaires. Et quand tu auras refait ton lifting. Tu ne peux pas sortir comme ça. En tout cas, pas avec moi !

NOÉMIE

Falaud! Tu m'avais dit que tu m'aimerais même fi v'étais groffe et qu'on me coupait les vambes ! T'as vraiment pas de fuite dans les v'idées !

[Salaud ! Tu m'avais dit que tu m'aimerais même si j'étais grosse et qu'on me coupait les jambes ! T'as vraiment pas de suite dans les idées!]

TONY

C'était de la poésie ! Tu sais bien que c'est pour ta beauté que je t'aime. Et ta beauté maintenant, il en reste plus grand-chose !

NOÉMIE

Gouvat !

[Goujat !]

LOUISE

Mais alors, nous sommes libres !

GUICHETIÈRE

Oui ! « Libérée, délivrée... »

DR THÉO

C'est bon, on a compris !

GUICHETIÈRE

Quand même ! Pour mon premier jour au point relais, c'était mouvementé. Si c'est comme ça tous les jours, je préfère démissionner ! Tiens, pour me changer les idées, je vais rentrer chez moi, m'affaler dans mon canap et continuer à regarder ma série.

DR THÉO

C'est quoi comme série ?

GUICHETIÈRE

La casa de papel.

LOUISE

Et ça parle de quoi ?

GUICHETIÈRE

Une prise d'otages.

(Ils quittent la scène en discutant).

RIDEAU

pour toute question, ne pas hésiter à m'envoyer un mail à etesstheatre@gmail.com


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