Acte I : salon des Beaumont.
Un comédien passe avec un panneau :
Jour J - 5
Scène 1 : Prunelle, Capucine
Prunelle est assise sur un canapé et lit un magazine. On frappe.
Prunelle : Entrez.
Capucine, avec le plateau de petit déjeuner : Bonjour Madame. Je vous apporte votre petit-déjeuner. Avez-vous bien dormi ?
Prunelle : Oui, très bien, merci. Posez cela sur la table. Où est votre charlotte ?
Capucine : Dans ma poche ! Je déteste ce truc !
Prunelle : Je vous ai acheté cette coiffe afin que vous la mettiez ! C’est plus hygiénique, surtout quand on sert le thé.
Capucine, mettant sa charlotte de mauvaise grâce : Bien Madame !
Sonnette.
Capucine : Madame attend quelqu’un ?
Prunelle : Oui, maître Maître Papineau Papineau. Faites-le entrer immédiatement.
Capucine : Bien, Madame.
Elle sort.
Prunelle, se frottant les mains : J’espère qu’il vient m’annoncer une bonne nouvelle ! Ça fait deux mois que cette affaire traîne ! J’ai hâte que tout cela soit réglé !
Scène 2 : Prunelle, Capucine et Maître Papineau
Capucine, annonçant très cérémonieusement : Maître Papineau.
Prunelle, faisant deux bises sans toucher les joues de Maître Papineau : Bonjour, mon cher Maître Papineau !
Maître Papineau : Bonjour, Madame de Beaumont.
Prunelle : Je suis contente de te voir ! Au fait, comment va ta mère ?
Maître Papineau : Très bien, comme d’habitude, débordante d’énergie ! (À part) Trop débordante, d’ailleurs, et à tous points de vue !
Capucine commence à balayer tout en prêtant l’oreille et pousse discrètement la saleté sous le tapis.
Prunelle : Dis-lui donc de venir prendre le thé un de ces jours !
Maître Papineau : Justement ! Elle me charge de vous prévenir qu’elle passera vous voir ce matin pour le café.
Prunelle, à Capucine : Eh bien Capucine ? Que faites-vous encore là ? Allez donc faire le ménage ailleurs !
Capucine, insolente : Je ne fais que nettoyer et je ne prête absolument pas attention à ce que vous dites ! Faites comme si je n’étais pas là.
Prunelle : Non, mais je rêve ! Vous n’avez rien à faire ici pour le moment. Sortez et ne discutez pas !
Capucine, traînant des pieds et laissant discrètement tomber son mouchoir : A vos ordres, Madame.
Elle sort.
Prunelle, à Maître Papineau : Alors, as-tu quelque chose de nouveau à m’annoncer ?
Maître Papineau : Oui, Madame ! L’affaire avance enfin ….
Prunelle, le coupant : Une minute Maître Papineau ! (Se dirigeant vers la porte et l’ouvrant. Capucine appuyée contre la porte, s’affale dans le salon)
Prunelle : Eh bien, qui vois-je encore ici ? Une demoiselle bien indiscrète, semble-t-il !
Capucine, sans se laisser intimider : Pardon Madame, j’ai dû perdre mon mouchoir dans le salon en sortant et je suis revenue le chercher. (Avançant pour le ramasser) Ah, le voilà ! Vous voyez ? Je ne vous espionnais pas le moins du monde ! J’avais la goutte au nez. (Elle se mouche bruyamment) D’ailleurs pourquoi devrais-je vous espionner ? Vous n’avez rien à cacher, Madame, n’est-ce pas ?
Prunelle : Impertinente !
Capucine : Vraiment ? Je n’avais pas remarqué ! (Voyant le regard courroucé de Prunelle) C’est bon, c’est bon, je retourne travailler !
Prunelle la suit pour vérifier qu’elle s’éloigne.
Scène 3 : Prunelle et Maître Papineau
Prunelle : Il faut vraiment que je me méfie de cette fille ! Elle est toujours en train de fouiner à droite et à gauche. Jusqu’à présent, elle était protégée par ma belle-fille et mon regretté mari, (Sortant un mouchoir et faisant mine de sécher une larme) mais je compte m’occuper d’elle dès que cette affaire sera réglée ! Alors ?
Maître Papineau : Eh bien, Madame, la police vient de me faire part de ses conclusions. L’affaire est classée : mort naturelle. Les organes vitaux ont cessé de fonctionner suite à une infection virale foudroyante.
Prunelle : Cela signifie que tu vas pouvoir t’occuper de la succession ?
Maître Papineau : Oui, Madame ! Il suffit maintenant d’authentifier le testament que vous m’avez donné.
Prunelle : Comment ? Authentifier ce testament ?
Maître Papineau : Eh bien… C’est la procédure…
Prunelle : Ne me dis pas que tu as des doutes quant à l’authenticité de ce document ? Tu ne vas tout de même pas imaginer que je pourrais t’en donner un faux ? Après tous les tourments que j’ai subis. (Faisant mine de sécher une autre larme. Très théâtrale) Et puis, je te connais depuis le berceau !
Maître Papineau : Non, mais …
Prunelle : Au fait, ta mère t’a-t-elle dit que tu serais grassement payé pour les services que tu me rends ?
Maître Papineau : Oui, bien sûr, mais la procédure ?
Prunelle, mielleuse : On n’a pas besoin de procédure entre nous, si ?
Maître Papineau : C’est que ….
Prunelle : Allez, je compte sur toi pour activer les choses maintenant que le dossier est clos.
Maître Papineau : Oui, mais ...
Prunelle : Et n’oublie pas, Maître Papineau, plus vite l’affaire sera close, plus vite tu auras tes sous et peut-être aussi autre chose…
Maître Papineau : Oh oui, Madame ! Vous parlez bien de votre chère et jolie belle-fille, n’est-ce pas ?
Prunelle : Oui. (A part) Ma chère belle-fille… Oui, parlons-en : ni belle, ni chère en vérité ! (A Maître Papineau, en le poussant vers la sortie) Je crois que nous nous sommes tout dit. Au revoir Maître Papineau.
Maître Papineau : Au revoir, Madame.
Il sort en trébuchant.
Prunelle, à part : Quel nigaud !
Scène 4 : Prunelle et Chloé
On frappe.
Prunelle : Oui ?
Chloé : Bonjour Prunelle ! Je viens de croiser Maître Papineau. Toujours aussi empoté.
Prunelle : Voyons, Chloé, tu es trop dure ! C’est un charmant jeune homme et je suis sûre qu’il fera un excellent mari !
Chloé : Un excellent mari ? Il est déjà marié (Pause) A sa mère ! (Pouffant de rire) A-t-il apporté des nouvelles intéressantes ?
Prunelle : Oui, il vient de m’apprendre que l’affaire a été classée sans suite. Ton père est décédé de mort naturelle.
Chloé : Quoi ? Tu ne vas pas croire à ça ?
Prunelle : Et pourquoi pas ?
Chloé : Papa avait une très bonne santé.
Prunelle : Effectivement, mais personne n’est à l’abri d’une mort soudaine.
Chloé : Peut-être, mais pas papa. Je le sais, je le sens !
Prunelle : Tu dis n’importe quoi, Chloé !
Chloé : Oui, c’est ça.
Prunelle : Et souviens-toi : nous avons tous été obligés de prendre un traitement antibiotique !
Chloé : Je ne risque pas de l’oublier, mais je ne crois pas à cette thèse et je n’y croirai jamais ! J’ai l’impression que ça t’arrange bien que l’affaire se conclue ainsi.
Prunelle, feignant d’essuyer une larme : Pas du tout … mais …
Chloé, l’interrompant : Eh bien, moi, je ne me contenterai pas de cette explication ! D’ailleurs, Pierre est d’accord avec moi !
Prunelle : Oh, parlons-en de Pierre, ton frère ! Un comédien naïf à l’imagination débridée, qui ne sait parler qu’avec des citations !
Chloé : Comment ? Un acteur brillant qui vient de décrocher un contrat à la comédie française !
Sonnette portable
Chloé, décrochant : Oui ? Un instant. (A Prunelle) Tu voudras bien m’excuser : nous reparlerons de cela plus tard. Mais, je n’ai pas dit mon dernier mot.
Elle sort
Prunelle : Quelle peste ! Qu’est-ce qu’elle a donc en tête ? Je ne la comprendrai jamais !
Scène 5 : Prunelle et Capucine
Capucine : Madame …
Prunelle : Dites, vous, ça vous arrive de frapper avant d’entrer ?
Capucine : Oh pardon ! Je suis un peu distraite parfois !
Prunelle, énervée : Parfois ? Tout le temps, oui ! Que voulez-vous encore ?
Capucine : Madame Coralie Papineau désire vous voir !
Prunelle : Déjà ? Eh bien, faites-la entrer et ne remettez pas les pieds ici sans votre charlotte sur la tête !
Capucine : Madame, je pensais avoir le droit de...