Lâcher de sketches

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Dieu inventa la tragédie Grecque. Il alla en voir une (montée par des Grecs) pour se rendre compte. C’est bien simple, à l’entracte, il inventa les sketches. C’est là qu’il m’appela et me dit : “Tu vas écrire des choses courtes, intenses et décalées. Des trucs à deux avec des chutes. Je peux y aller dans le grinçant ? Même dans le brutal ; vas-y à fond. Et Dieu ajouta : Tu appelleras ça « Lâcher de sketches ». Comme des ballons qu’on gonfle ? Oui mais qui éclatent de rire. Et il ajouta encore : Dépêche-toi, les hommes attendent.
Sketches : “Au pied levé”, “À nos chers pères”, “Suffrage restreint”, “Pêche au gros”, “Joli métier !”

AU PIED LEVÉ

Un, Deux

Dans un café.

Deux attend. Il regarde sa montre, contrarié.

Un arrive tout essoufflé. Il dévisage rapidement Deux et s’installe en face.

Un - Excusez mon retard. Enfin, vous êtes encore là, c’est l’essentiel… Garçon ! La même chose que monsieur !… Ah ! vous pouvez dire que vous m’avez fait courir !

Deux (raide) - Monsieur, vous faites erreur, nous ne nous connaissons pas.

Un - Vous êtes Louis Bordenave. Géomètre expert. Aimant les voyages. La nature. La bonne cuisine. Vous recherchez une compagne fidèle pour une union durable. Affectueuse. Féminine. Blonde de préférence. Eh bien, me voilà.

Deux (accusant le coup) - Attendez, attendez… Vous êtes un homme.

Un - Et je ne m’en cache pas.

Deux - Dans ce cas, nous n’avons pas rendez-vous.

Un - Vous n’aviez pas rendez-vous à seize heures dans ce café pour une première rencontre ?

Deux - Si…

Un - Alors !…

Deux - Mais pas avec vous, avec une…

Un - … avec ma sœur, Lucille. Ma petite sœur cadette… Qui a eu un empêchement de dernière minute.

Deux - Lucille est souffrante ?

Un - Pire que ça. Timide. Une timidité maladive. Vous n’avez pas idée ! Au moment de partir, elle était superbe, sur son trente et un, et vlan ! le trac l’a prise. Un trac ! Elle s’est affolée… Moi : « Vas-y, voyons ! » Elle… (Il l’imite en minaudant.)… « Je ne peux pas, je ne peux pas, je ne peux pas. » Impossible de la raisonner, ce rendez-vous devenait une montagne et en même temps elle s’en voulait de vous faire faux bond. (Minaudant encore.) « Qu’est-ce qu’il va penser de moi ? Pour qui va-t-il me prendre ? » Bref. Nous avons décidé que je vienne à sa place.

Deux - Pour quoi faire ?

Un - Connaissance.

Deux - Connaissance ou reconnaissance ?

Un - Connaissance.

Deux - À sa place.

Un - Oui.

Deux - Mettez-vous une seconde à la mienne.

Un - Je vous rassure tout de suite : ma sœur et moi ne faisons qu’un.

Deux (pincé, vexé) - Bien. Au revoir monsieur. Garçon ! (Il s’en va…)

Un - Non, restez ! Moi aussi j’avais hâte de vous rencontrer.

Deux - Désolé de ne pouvoir en dire autant.

Un - Lucille n’est pas venue mais elle a toute confiance en mon jugement, nous sommes de vrais siamois et même nous nous ressemblons comme deux gouttes d’eau.

Deux - D’après les photos qu’elle m’a envoyées, ce n’est pas frappant.

Un - Parce que je suis brun et qu’elle est blonde ? Mais c’est une blonde tout ce qu’il y a de fausse, comme la plupart des blondes !

Deux - Ce n’est pas sa couleur ? Je suis déçu… J’avais mis : « blonde de préférence ».

Un - Il fallait mettre : « blonde certifiée ».

Deux - J’aurais dû.

Un - Mais dans ce cas, ma sœur n’aurait pas donné suite.

Deux (se radoucissant) - C’est vrai qu’elle n’est pas du genre à mentir, elle.

Un - Vous semblez bien la connaître, hein !

Deux - Oui. Nous avons pris le temps…

Un - Ça c’est vrai.

Deux - Depuis quatorze mois que nous échangeons une correspondance suivie, nous nous sommes peu à peu dévoilés l’un à l’autre.

Un - Vous n’avez rien brusqué…

Deux - Oh non ! C’est moi qui ai voulu ce moyen de communication désuet pour certains mais plus propice à la révélation des âmes avant la découverte des corps.

Un - Je sais, je sais, j’ai suivi tout ça lettre après lettre.

Deux (sursautant) - Lucille vous a fait lire mes lettres ?

Un - Je l’ai même aidée à rédiger les siennes. Paraît que j’ai un beau brin de plume.

Deux (outré) - Jamais je n’aurais cru ça d’elle ! Elle qui se prétend si discrète, si réservée… Là, je suis plus que déçu.

Un - Mais c’est cette timidité incurable ! Ma sœur n’a jamais été fichue de rencontrer qui que ce soit par les voies directes. Encore moins un homme ! Alors elle s’est mise à répondre à des annonces… Mais là aussi, elle a été échaudée… C’est pour son bien que je suis devenu son coach. Dorénavant c’est moi qui lui repère les particuliers. Vous, au fil des contacts, vous m’avez fait bonne impression.

Deux (pincé) - Merci bien…

Un - C’est moi qui ai donné le feu vert à Lucille pour que vous vous rencontriez aujourd’hui.

Deux (temps) - Alors ? Comment me trouvez-vous ?

Temps. Un...

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