Trafic normal

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A la suite d’une grève surprise d’une certaine catégorie de personnels de la compagnie AIR TRANSE, Gisèle et François se trouvent bloqués dans la salle d’embarquement de l’aéroport international d’un pays indéfini.

Cette situation met François en rage, lui qui déteste voyager, qui est un râleur invétéré et une montagne de mauvaise foi. Gisèle, au contraire s’accommode de la situation et en profite même pour apprendre un peu la langue de ce pays et se familiariser avec les coutumes locales au contact de quelques autochtones présents également dans la salle d’embarquement. Elle tâche aussi de s’occuper en s’immiscent dans la vie sentimentale d’une jeune compatriote qui doit prendre le même vol, suite à une rupture toute récente.

La corruption, les enlèvements, les meurtres, les trafics en tout genre sont monnaie courante dans ce pays bien que le gouvernement ait décidé de procéder à une opération « propreté » dans à peu près tous les domaines par l’intermédiaire du Ministère de « l’intérieur et du développement éternel », représenté dans les locaux de l’aéroport par l’intransigeante FLORA.

Ce qui n’empêche pas que perdurent les trafics douteux et les échanges de mallettes suspectes dans les toilettes de la salle d’embarquement.

En 24 heures cette situation va totalement bouleverser l’existence de Gisèle et François qui avaient choisi ce pays pour fêter leurs 30 années de vie commune.

ACTE I

 

Flora, jeune femme un peu baba-cool est installée sur l’un des sièges, à côté de son sac à dos.

Chloé est assise plus loin avec son sac de voyage. Elle est jeune. Elle semble nerveuse, anxieuse.

Plus loin encore, la vieille, droite, impassible, tenant une mallette en cuir noir sur les genoux. Elle serre aussi entre ses jambes une minuscule valise à roulettes.

Lui sera le genre chef d’entreprise quinqua’ râleur et casanier.

Elle son épouse, cadre, élégante, bien conservée.

Un temps assez long, puis…

Lui, surgit, sacoche en bandoulière, la bouche pleine, deux sandwiches à la main, dont le sien, qu’il a entamé, et proclame. –  J’ai enfin trouvé des sandwiches ! Immangeables, bien entendu. Mais je suis fier de mon exploit. (Il regarde un siège vide.) Ben où est-elle ? (à la cantonade.) Où est ma femme ? (Personne ne bouge. Son regard se porte sur la vieille. Il remarque la minuscule valise  qu’elle serre entre ses jambes. Il se dirige vers elle.) Excusez-moi… Cette valise… C’est celle de ma femme !

Chloé, qui s’est levée entre temps, va et vient, portable soudé à l’oreille. Elle parle fort, tandis que Lui parlemente toujours avec la vieille. – Je suis à l’aéroport... Non. Je t’ai déjà dit ce que j’en pensais… Non je ne reviendrai pas sur ma décision… Mais il y a une autre solution, tu le sais… La balle est dans ton camp, mon amour… Un mot de toi et je saute dans un taxi, et je suis là… Ta petite Chloé est de nouveau toute chaude dans tes bras, écrasée contre toi !

Lui, entendant cela, sous le nez de Chloé. – Ah non !

Chloé, poursuit dans son téléphone. – Je déchire en 1000 morceaux ma carte d’embarquement… et j’arrive…

Lui, sous le nez de Chloé, à nouveau. Même ton. – Pas question !

Chloé, dans son portable, trémolos dans la voix. – Je t’en supplie, dis-le, ce mot… même si je dois vivre dans ton ombre…  invisible, transparente… Dis-le, s’il te plait dis-le… murmure-le… Juste ce petit mot : « reviens ! ».

Lui, sous le nez de Chloé. – Si vous n’embarquez pas, ma petite, il va falloir vider la soute et reconnaître les bagages, un par un, passager par passager, et vous savez ce qui va se passer ?

Chloé, dans son téléphone. – Rien qu’un seul petit mot !

Lui, lui crie. – On va perdre un temps fou !

Chloé, impassible, au téléphone. – Un seul.

Lui, gueule. – NON ! Qu’il ne le dise pas ! Foutez-lui la paix, foutez-nous la paix !

Chloé, à Lui, tout d’un coup, couvrant son portable de la main. – Mais enfin, de quoi je me mêle ?

Lui. – On est déjà en retard. Ça suffit comme ça !

Chloé, hausse les épaules et retire la main qu’elle avait plaquée sur son téléphone. Elle reprend, dans l’appareil. –  Allô ?... Allô ?...

Elle regarde son téléphone, dépitée. Visiblement elle n’a plus personne en ligne. Elle va se rassoir.

Lui, regardant Chloé, pour lui-même. – Ah tout de même ! (Ceci dit, il fonce à nouveau vers la vieille, très énervé). Oui. Bon… Cette valise c’est celle de ma femme, chère madame… (La vieille serre un peu plus fort la valise entre ses jambes, sur la défensive.) Alors, permettez… (Il tente de sortir la valise d’entre les chevilles de la vieille.) Permettez... (La vieille serre les jambes de plus en plus fort, défend âprement la valise. Lui s’énerve.) Mais enfin, c’est pas vrai… C’est pas vrai ! (Il fait encore une tentative pour récupérer la valise, la vieille lui assène des coups de poings rageurs.) Tu vas me la donner, cette valise, vieille charogne ! Merde et merde !

Soudain Flora fait un bond, se lève et fonce vers Lui.

Flora, hurle sous le nez de Lui. – Strack !

Lui, à Flora. – Je suis désolé... C’est la valise de ma femme !

Flora, gueule plus fort. – STRACK !

Elle lui fait signe d’aller s’asseoir d’un geste autoritaire.

Lui. – Bon, bon, ça va. Ne nous énervons pas… (Il va s’asseoir.)  Mais c’est tout de même la valise de ma femme. (Il termine son sandwich, rageur, en maugréant.) Quel pays de merde !

Chloé, s’est relevée. Elle a de nouveau son portable scotché à l’oreille. – Un mot… Un seul minuscule petit mot…

Lui, la singeant. – « Un mot. Un seul petit mot s’il te plait… » (Il crie.) Ça ne va pas recommencer !

Chloé disparaît sans se préoccuper de Lui. Lui hausse les épaules, se lève et va jeter l’emballage de son sandwich dans la poubelle rouge. Flora qui vient de le voir faire exécute un nouveau bond rageur depuis sa place, elle plonge dans la poubelle rouge, en ressort l’emballage du sandwich et le lui met sous le nez.

Flora. – Potrock !

Elle jette l’emballage dans la poubelle jaune en lançant à Lui un regard incendiaire et retourne à sa place, furieuse. Elle, sort des toilettes, dans un long manteau très chic.

Lui . – Ah ! Tout de même !

Elle. – Excuse-moi, j’étais aux toilettes.

Lui. – Tiens, je t’ai pris un sandwich.

Elle. – Merci. Alors quelles nouvelles ?

Lui . – Aucune. Le vol n’est pas encore affiché.

Elle, dévorant son sandwich. – Ça va venir.

Lui. – J’espère. On devrait déjà avoir décollé depuis au moins une demi-heure.

Elle, Elle va vers la vieille qui lui rend sa valise avec un sourire. – Merci. Merci chère madame. Vous êtes très aimable. (Elle fait des courbettes.) Siback ! Siback ! (La vieille lui rend ses courbettes de la tête. Elle vient jusqu’à Lui, traînant derrière elle sa minuscule valise à roulettes.) Les gens sont très serviables, ici ! Tu n’aurais pas un peu de petite monnaie, j’ai vidé mes poches aux toilettes !

Lui. – Pour ce vieux trumeau ? Rien du tout.

Elle, se fouillant. – Ah ! Si ! Une chance... Il me reste quelques pièces !

Elle repart vers la vieille tirant derrière elle sa minuscule valise à roulettes. Elle donne les pièces à la vieille.

Elle, à la vieille. – Vick… Vick bâ !

La vieille, empochant les pièces. – Siback.

Elle, revient s’asseoir à côté de Lui, tirant derrière elle sa minuscule valise à roulettes.

Lui, qui l’a observée avec attention, haussant les épaules. – Tu es ridicule avec cette valise ! (Il a un geste fataliste.) Bientôt ils mettront des roulettes aux paquets de Kleenex ! Où va-t-on ?

Elle. – Oh ! écoute, arrête de râler tout le temps, c’est agaçant ! (Elle mord dans son sandwich.) Il est infect, ce sandwich.

Lui. – Je suis d’accord. D’ailleurs je ne suis pas sûr que ce soit vraiment un sandwich. (Elle s’arrête net de mâcher, regarde son sandwich.) Moi je suis un plouc, je ne parle pas la langue du pays, alors j’ai pris ce qui ressemblait le plus à un sandwich. Ceci dit, c’est peut-être une éponge ! (Elle regarde encore son sandwich, atterrée.) Pourtant j’ai choisi le haut-de-gamme, mais le haut-de-gamme, ici… (Il a un geste dépassé.)

Elle, dévorant son sandwich. – Tant pis. J’ai trop faim !

Elle mord à pleines dents dans son sandwich.

Lui. – Tout de même : évite de boire, on ne sait jamais ! Si c’était vraiment une éponge… (Un silence.) Tu vas encore dire que je râle, mais je n’arrive pas à comprendre que tous les vols partent à l’heure, sauf le nôtre. J’ai un mauvais pressentiment. (Il regarde autour de lui.) Et puis je n’aime pas cet endroit.

Elle. – Tu n’aimes rien ! Si on t’écoutait on ne sortirait jamais de chez nous !

Lui. – On ne m’écoute pas assez souvent.

Il sort son ordinateur portable de sa sacoche et l’allume.

Elle, mangeant son sandwich. – De toute façon demain c’est dimanche. Même si on a beaucoup de retard il n’y a pas de quoi en faire un drame.

Elle prend un livre dans sa valise et s’y plonge.

Lui. – Non. Mais ce n’est pas une raison. L’heure c’est l’heure ! Et puis j’avais prévu de passer au bureau.

Elle. – Un dimanche ?

Lui. – Oui.

Elle, catégorique . – Tu ne fais pas confiance à ton gendre !

Lui. – Non.

Elle. – Tu es ridicule.

Lui. – C’est moi le chef et c’est ma boîte.

Elle. – Mais lui, tout de même, c’est ton bras droit !

Lui. – Peut-être. Mais il est gaucher.

Elle se replonge dans son bouquin, haussant dédaigneusement les épaules.

Chloé, réapparait son téléphone toujours vrillé à l’oreille. – Je t’en supplie… Je t’en supplie…

Lui, la singeant encore. – « Dis-moi un petit mot… juste un petit mot… rien qu’un petit mot. »

Elle, levant les yeux de son livre. – Qu’est-ce qu’elle a cette jeune fille ?

Lui. – C’est une chieuse. Qui s’accroche. Pas étonnant qu’il l’ait jetée.

Chloé . – Allô ?... Allô ?...

Chloé regarde son téléphone, dépitée, la communication ayant été coupée, et va se rasseoir à coté de son sac. La vieille se mouche, se lève sans lâcher sa mallette en cuir noir, et va jeter son mouchoir en papier dans la poubelle jaune. Aussitôt Flora fait un bond, fonce sur la vieille, plonge dans la poubelle jaune, en extrait le mouchoir qu’elle met sous le nez de la vieille.

Flora. – Potrock !

Elle jette le mouchoir dans la poubelle rouge et retourne s’asseoir furieuse. La vieille retourne s’asseoir à son tour, impassible.

Lui, il regarde sa montre et s’écrie, changeant de ton. – Enfin… Ce n’est pas possible… Qu’est-ce qu’ils foutent ? On devrait embarquer, nom de Dieu !

Il ferme son ordinateur et le remet dans sa sacoche, puis se lève.

Elle . – Où vas-tu ?

Lui. – Aux nouvelles.

Elle. – Encore ? Mais tu en viens !

Lui. – Il le faut bien. On ne nous dit rien.

Il sort. Chloé s’est relevée, a recomposé un numéro sur son téléphone. Elle fait les cent pas, nerveuse.

Chloé. – S’il te plait… J’ai besoin de toi… Je ne sais plus ce que je dois faire… Il faut que je te parle… S’il te plait… Prends l’appel !

Elle regarde le téléphone, dépitée une nouvelle fois et va se rasseoir à sa place, les larmes aux yeux. Elle pose son livre, se lève à son tour et va jeter l’emballage de son sandwich dans la...

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