Premier Tableau
Marcel se tient à la fenêtre, il vaporise une jardinière, puis
maladroitement, arrose le public. Il s'aperçoit alors qu'il n'est .pas seul.
Marcel - Tiens, tu étais là ? Je ne t'ai pas vu arriver... Alors comment ça va ? Ben dis donc, ça fait un sacré bout de temps que je t'avais pas vu, pas vrai ? Mais laisse-moi un peu te regarder... Tu sais que tu n'as pas changé, ah non, ça on peut le dire, tu n'as pas changé. . Ta femme est là aussi ? Bonjour Madame ! Oh ben elle non plus... Pas changé, toujours bonne mine. Ah si ! Vraiment bonne mine... Mais,..Si je me rappelle bien, tu avais des enfants, des petits-enfants... Non ! Ne me dis pas que c'est ceux-là ! Ah ! Eux ? Non ce n'est pas vrai ! Alors là, eux, par contre, ils ont bien changé... Moi ? Ça va, ça va… Enfin, on fait aller, faut bien... Tu sais ce que c'est, on se croit jeune, mais on vieillit, on vieillit... Vois-tu la vie, c'est comme le pain, à mon âge, on commence à la mâcher doucement... Ma femme ? Elle va bien, je te remercie, seulement un peu nerveuse en ce moment, remarque, je la comprends, moi-même, cela me fait tout drôle... Imagine ! C'est tout de même la première fois que le petit va quitter la maison. Mais oui, c'est pour son bien, d'ailleurs, c'est ce que j'ai dit à ma femme, on ne plaisante pas avec les histoires de santé, tu penses bien qu'autrement, elle ne l'aurait jamais laissé partir, son cher trésor…
Angèle - Marcel, Marcel...
Marcel - Bon, je te laisse, je crois bien qu'on m'appelle. A plus tard peut-être.
Angèle (entrant. une pile de vêtements dans les bras) - Tu ne peux pas répondre quand je t'appelle ?
Marcel - Je discutais avec les voisins.
Angèle - Pour ce qu'ils valent les voisins... Sourire par-devant et grimace par derrière.
Marcel - Tu exagères !
Angèle - Je n'exagère rien du tout, je les connais... De toutes manières, ce n'est pas un jour pour discuter avec les voisins; tu ne te rends pas compte, mon pauvre Marcel ! Et la valise du petit qui n'est toujours pas faite.
Marcel (sans la regarde !) - Comme s'il ne pouvait pas la faire lui-même !
Angèle - Qu'est-ce que tu dis ?
Marcel - Je dis que tu as raison de te dépêcher, ce serait dommage qu'il rate son train.
Il s'assied dans son fauteuil et prend son journal.
Angèle (préparant la valise) - Alors, les pulls, les culottes, les chaussettes, les pyjamas... Ah, son "mimi" pour dormir. (Elle montre un grand mouchoir à carreaux) Si on l'oubliait, on serait propre tiens ! Tu te rends compte, le pauvre trésor qui va se
retrouver seul ! Oh mon Dieu ! Lui qui ne peut pas s'endormir avant des minuits quand il a du souci... Et pour la nourriture, c'est pareil ! Tu crois peut-être qu'il va avaler toutes ces mixtures de collectivités ! De la pâtée pour chiens qu'ils vont lui faire manger. Oh là là ! Mon pauvre petit, mon bébé !
Marcel - Arrête Angèle, tu vas te faire du mal !
Angèle - Je vais lui...