Miaou-miaou

La maison de retraite pour pépé Louis « c’est non » !
Odile, son aide à domicile, invente donc un subterfuge pour lui permettre de rester chez lui et tout cela dans le dos de son fils unique. Seulement voilà, ils ne pouvaient pas prévoir que la belle-fille débarquerait dans la maison, en compagnie de son jeune amant, dans l’intention d’y louer des chambres d’hôtes ! Le pauvre pépé devra se cacher tantôt sous son lit, tantôt dans le placard pour ne pas être vu et assistera, bien malgré lui, aux ébats amoureux de sa bru…
Sans parler de sa « cancane » de voisine, d’une Mama martiniquaise, d’un moine bègue, et bien d’autres, qu’il verra débarquer tour à tour dans son logis.
Pépé arrivera-t-il à retrouver la paix chez lui ?




Miaou-miaou

ACTE I

Scène 1

Le pépé, Odile

À l’ouverture du rideau, la scène est vide. Le pépé est couché dans son lit et s’est mis la couverture sur la tête. Dès sa première réplique il surgit de sous les draps, se met assis et parle en direction de la porte en râlant. Il porte une chemise de nuit et un bonnet de nuit.

Le pépé. – Non, non, non et non !!! (Il se cache de nouveau sous les draps.)

Odile, off, derrière la porte. – Allez, c’est pas la fin du monde non plus !

Le pépé, même jeu. – Non, j’irai pas à l’hospice !!!

Odile, off, perdant de plus en plus patience. – Arrêtez un peu de faire l’enfant et ouvrez-moi cette porte à la fin !

Le pépé. – Non !!! Plutôt crever ! (Il boude dans son lit, les bras en croix.)

On entend gratter derrière la porte puis Odile entre subitement sur scène, un tournevis à la main. Le pépé se cache de nouveau sous les draps mais cette fois-ci avec la tête dans l’oreiller et les fesses en l’air.

Odile, fière d’elle, en rangeant le tournevis dans son tablier. – Et voilà le travail ! (Elle fait mine de se retrousser les manches et se frotte les mains.) Maintenant à nous deux, mon gaillard !

Elle tente de soulever les draps mais le pépé s’agrippe.

Le pépé. – Y a personne, revenez plus tard !

Odile. – Mais va-t’y finir par lâcher…

Elle tire de toutes ses forces, le pépé lâche au même moment ; elle est emportée et finit les fesses par terre.

Le pépé, levant les bras en l’air. – Et pataflo1 !

Odile. – Eh ben, c’est malin, tiens ! Vous croyez que je n’ai pas passé l’âge pour ces gamineries ? Et vous alors ? À bientôt quatre-vingts ans, faudrait peut-être voir à arrêter vos caprices ! (Pendant ce temps, elle met un peu d’ordre dans la chambre, ouvre grand la fenêtre pour aérer, etc.) Et puis c’est de votre faute aussi si on vous envoie là-bas.

Le pépé. – De ma faute ? Ben v’là autre chose ! C’est certainement pas ma faute si on m’envoie dans cette pension pour vieillards. Mon seul crime c’est de prendre de l’âge.

Odile. – Vous savez très bien ce que je veux dire ; si seulement vous aviez arrêté d’aller boire des canons au bistrot de la Mélanie… Mais non, c’est plus fort que monsieur ! Du coup, la dernière fois vous étiez saoul comme un cochon, incapable de rentrer chez vous tout seul. Les gendarmes passaient par là, ils vous ont trouvé et ils vous ont ramené. Et vous, pour ne pas avouer votre état, vous avez fait croire que vous vous étiez perdu ! Résultat : ils ont appelé votre fils parce qu’ils ont cru que vous aviez la maladie d’Eisenhower…

Le pépé. – Laissez Eisenhower où il est, oui, on dit Alzheimer !

Odile. – Oui, là n’est pas la question… Je vous avais prévenu, vous ne m’avez pas écoutée et finalement votre fils veut vous mettre en maison de retraite.

Le pépé. – Quel ingrat celui-là ! Si j’avais su, je l’aurais collé en pension chez les sœurs quand il était gamin… Il aurait eu une raison de se venger, au moins !

Odile. – Ne soyez pas si dur avec lui, il fait ça pour votre bien…

Le pépé. – Mes fesses, oui !

Odile. – Et puis ce n’est tout de même pas une prison ou un asile où il vous envoie.

Le pépé. – Non, c’est pire !

Odile, haussant les épaules. – Tenez, ça a l’air plutôt bien. (Elle prend le dépliant qui est sur la table de chevet et lit.) « Maison de retraite Brise d’automne… »

Le pépé. – Rien que le nom ça veut tout dire ! En automne y a des feuilles mortes, la fête des morts et un temps de pisse… et dans les hospices ça sent la pisse !

Odile. – N’importe quoi ! Bon, je continue. « Dans un lieu calme et paisible…

Le pépé. – … dans un trou perdu où personne ne vient vous voir !

Odile. – … de nombreuses activités vous seront proposées : salle audiovisuelle…

Le pépé. – Tu parles ! Une télé et dix fauteuils pour regarder Questions pour un champion !

Odile. – … animations festives à thèmes… »

Le pépé. – Tsss… Une part de bûche pour la Noël et de la frangipane pour tirer les rois ; et pour un peu qu’y en ait un qui s’étouffe avec la fève, hop ! une place de libre !

Odile, posant le dépliant sur les jambes du pépé. – Je ne vois pas à quoi ça me sert de continuer, vous êtes borné ! (Pendant les répliques suivantes, Odile enlèvera tous les draps du lit.) Il ne faut pas croire que ça me fasse plaisir à moi que vous partiez. C’est chez vous que je faisais le plus d’heures. Avec la Germaine Pingeon qui est partie vivre chez sa fille, je serai bientôt au chômage !

Le pépé. – Vous ne voulez pas que je vous plaigne, en plus ?!

Odile. – Non, mais c’est pour dire que vous n’êtes pas le seul à être dans l’embarras ; ils parlent même de m’envoyer chez la Marguerite…

Le pépé. – Marguerite ? Vous voulez dire la Guiguitte, la voisine ? Cette vieille carne2

Odile. – Tout juste ! Vous pensez si ça m’enchante… Elle a passé six aides à domicile en moins d’un mois, y en a même une qui a fait de la dépressurisation !

Le pépé. – Non ?!

Odile. – Si ! C’est du genre à laisser traîner des billets de partout dans la maison pour voir si vous ne seriez pas tentée, à vous faire lessiver les vêtements à la main alors qu’elle a une machine, à vous faire nettoyer les carreaux un jour d’orage ou encore vous faire récurer les cabinets à la brosse à dents !

Le pépé. – Une vraie peau de vache !

Odile. – C’est pour ça que votre départ ne m’enchante pas !

Le pépé. – Et y a vraiment aucune solution ?

Odile, stoppant net ce qu’elle est en train de faire. – Y en aurait bien une mais… Non, ce n’est pas possible. (Elle reprend son rangement.)

Le pépé. – Dites-y toujours !

Odile. – Eh bien, voilà : je pourrais appeler la maison de retraite, me faire passer pour votre belle-fille et leur dire que finalement vous n’y allez plus. Et je ferais de même auprès de ma chef.

Le pépé. – Mais qu’est-ce que vous allez leur dire ?

Odile. – Ne vous faites pas de souci, pour ça je trouverai bien ! Y a juste le souci de votre fils…

Le pépé. – Mon fils ?

Odile. – Eh oui ! Qu’est-ce qu’on peut bien lui raconter à lui ?

Le pépé. – Il ne vient jamais me voir, donc avant qu’il s’en rende compte on sera déjà en train de fourrer la dinde pour la Noël !

Odile. – Reste plus qu’à prier pour qu’il ne constate la supercherie que très tard. (Elle va s’asseoir sur le lit près du téléphone puis elle cherche sur la brochure.) Voyons voir… Où est-ce qu’il est noté ce numéro de téléphone ?… Ah ! le voilà ! (Elle commence à composer le numéro et le pépé tient l’écouteur pour suivre la conversation. Puis elle s’arrête net et raccroche, avec une idée derrière la tête.) Tout de même, c’est dangereux, je risque gros… Il me faudrait peut-être une petite compensation…

Le pépé. – Qu’est-ce que vous voulez dire ? (Odile frotte ses doigts comme pour désigner de l’argent.) Ah non ! Et pis quoi encore ? Vous êtes gonflée !

Odile, joueuse, faisant mine de partir. – Très bien ! Alors je vais préparer vos valises, le taxi ne devrait plus tarder.

Le pépé. – Non, ça va ! Tournez-vous. (Odile s’exécute. Pendant ce temps, il va chercher de l’argent dans un bas de laine caché dans le dossier du fauteuil puis le lui tend.) Et voilà pour vous ! (Odile compte puis désigne « encore » avec sa main.) Ah là là là là ! Mais vous voulez me ruiner !

Odile. – Il faut ce qu’il faut !

Le pépé, lui redonnant quelques billets. – Vous ne perdez pas le nord, vous !

Odile reprend le téléphone. Elle prend une voix un peu snob et se fait passer pour la belle-fille du pépé.

Odile. – Allô ! Maison de retraite Brise d’automne ?… Bonjour, madame Pauchon-Lacourt Susanne, la belle-fille de M. Louis Pauchon qui devait intégrer votre établissement aujourd’hui. Alors voilà, mon beau-père va finalement venir habiter chez nous, il ne s’installera donc pas dans votre établissement… Oui, je comprends… Je suis confuse de vous prévenir à la dernière minute… Comment ?… Sa chambre sera donnée à quelqu’un d’autre aujourd’hui même ? Oui, je suis bien consciente qu’il n’y aura pas de place avant plusieurs mois… (Ils se regardent avec le pépé et expriment leur joie.) Pour les formalités, vous n’aurez qu’à envoyer les papiers à l’adresse de mon beau-père, nous allons nous y installer quelques jours pour l’aider à rassembler ses affaires et préparer son déménagement… Oui, voilà… Merci beaucoup, très bonne journée et encore désolée. (Elle raccroche.) Et voilà le travail !

Le pépé, sautillant de joie. – Alors vous, vous êtes une maligne !

On voit passer quelqu’un derrière la fenêtre.

Odile, ironique. – Ah ! ben, en parlant de malin v’là le Gaston qui arrive !

Le pépé. – Eh, doucement ! Il est un peu couillon3 le Gaston mais c’est un bon compagnon.

Odile se dirige vers la porte avec une montagne de draps dans les bras.

Odile, moqueuse. – Au fait, vous avez mal remis le dossier du fauteuil !

Elle sort. La porte reste ouverte. Le pépé reprend le dépliant et le déchire en mille morceaux.

Le pépé. – Tiens, voilà ce que j’en fais de la brise d’automne !

Odile, off. – Bonjour, Gaston… Il est encore dans sa chambre, vous connaissez le chemin !

Scène 2

Le pépé, Gaston puis Odile

Gaston entre.

Gaston, saluant le pépé. – Allez !

Le pépé. – T’es bien matinal, le Gaston ! T’es tombé du lit ?

Gaston. – M’en parle pas ! Hier soir j’avais comme qui dirait un peu forcé sur le jus de raisin au bistrot de la Mélanie, ben v’là t’y pas que c’matin j’me suis réveillé dans la baignoire au lieu du lit…

Le pépé. – Au moins c’était plus commode pour faire ta toilette !

Gaston. – Et pis surtout je suis matinal parce que je ne voulais pas te manquer avant ton grand départ.

Le pépé, rieur. – Je pars plus !

Gaston. – Comment ça tu pars plus ?

Le pépé. – J’t’expliquerai… Mais chut, faut pas y dire à personne ! (Odile entre avec le plateau du petit-déjeuner dans les mains et le pose près du pépé.) Mais qu’est-ce que c’est que ça ? (Il fait la grimace en regardant ce qu’il y a sur le plateau.)

Odile. – Petit-déjeuner diététique préconisé par l’infirmière.

Gaston. – Qu’est-ce que c’est que c’te chose ? Du polystyrène… J’savais pas que ça se mangeait c’t’affaire-là !

Odile. – Mais non, enfin, ce sont des galettes de riz ! Et avec je vous ai préparé une bonne tisane.

Le pépé. – Foutez-moi la paix avec votre pisse-mémé, j’en veux point de tout ça ! Je vous l’ai déjà dit : un vrai repas c’est du lard, du sauciflard et du pinard ! (Fier de sa rime, il met un petit coup de coude à Gaston.)

Gaston. – Pour sûr !

Odile. – Je me contente de suivre les directives de l’infirmière.

Le pépé. – Elle ferait bien de les suivre elle-même ses directives, on dirait un ogre !

Odile, secouant la tête. – J’y vais, j’ai à faire. Il me reste des coups de téléphone à passer !

Odile sort. Pendant ce temps, le pépé se lève vite et va fouiner dans la penderie.

Odile, off. – Et c’est pas la peine de chercher dans la penderie, j’y ai enlevé tous les litres ! (Le pépé se dirige alors vers le lit, commence à s’agenouiller.) Sous le lit aussi !

Le pépé, se dirigeant vers la porte et levant les poings. – Sapré nom de gu4

Odile passe la tête par la porte à cet instant précis, du coup le pépé s’arrête net et baisse les yeux au sol comme un enfant.

Odile. – Vous disiez ?

Le pépé. – Non, non, rien. (Odile ressort.) Ils veulent tous ma mort ou quoi ?...

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