Dans l’antre de Bibi. La chamane prépare une décoction de son invention. Elle fredonne, très concentrée sur sa préparation. Soudain, elle se rend compte de la présence des enfants.
Bibi
Ah ! Qui voilà ?! Non, non, non. Bibi n’a pas le temps de vous raconter des histoires ! Je dois finir tout ce bazar. (Un temps. Avec un sourire :) Quoi, vous êtes encore là ?! Ouste ! Ouste ! Je vous dis que Bibi est très occupée. Allez, d’accord. Mais une petite, alors. Après, Bibi doit se remettre au travail et il faudra partir sans discuter. D’accord ? Je vais vous raconter l’histoire d’Aallhya et Kiboutou.
Il était une fois, dans un pays lointain où le soleil était de plomb et où la mer s’étendait à perte de vue, un petit garçon nommé Kiboutou. Ce petit bonhomme habitait avec sa Mama, son Baba et sa petite sœur Aallhya dans une modeste cabane au bord de la grande eau salée. Il n’était pas très grand, mais il était vaillant et brave. Ils avaient toujours vécu avec peu et n’avaient pas besoin de beaucoup, mais depuis quelque temps se nourrir devenait de plus en plus dur. Sa Mama, Cashaye, une femme à la peau couleur ébène, était couturière et devait faire des kilomètres à pied très tôt le matin pour aller vendre ses merveilles à la ville. Elle avait des doigts de fée, sa Mama, et confectionnait de magnifiques boubous aux couleurs extraordinaires. Jamais personne n’avait réussi à reproduire ces couleurs. Les gens qui avaient pu les admirer racontaient qu’elle trouvait les meilleurs pigments grâce à ses grands yeux étrangement verts qui vous transperçaient l’âme d’un regard. Son Baba, ancien guerrier massaï, était un homme au regard fier. Il avait quitté sa tribu et était venu s’installer dans ce petit village de pêcheurs par amour pour Cashaye. D’un regard, elle avait conquis son cœur, et ce géant majestueux au corps tendu prêt à affronter les fauves les plus sauvages l’avait séduite par son beau sourire franc et bienveillant. Il avait eu bien du mal au début à apprivoiser la grande eau salée. Eh oui ! Il avait grandi sur le sol dur de la savane, pas sur les remous de la grande eau qui savait se montrer parfois très agitée tel un animal sauvage. Mais son agilité naturelle lui avait rapidement permis de s’adapter à ce nouvel environnement. Zor, c’était son nom, était finalement devenu le meilleur pêcheur des environs. Il s’était toujours bien occupé de ses enfants et avait toujours fait attention à ce qu’ils ne manquent de rien, mais depuis plusieurs semaines il était tombé gravement malade et ne pouvait plus quitter le lit. Mama était très inquiète. Zor n’ouvrait pratiquement plus les yeux, son grand corps si fort habituellement était trempé de sueur et il murmurait des mots inconnus dans une frénésie épuisante. Elle expliqua aux enfants que « Baba » devait se battre avec ses lions intérieurs qui voulaient mordre son âme. Mama appela Kiboutou pour lui donner une grande responsabilité.
Cashaye
Kiboutou, en attendant que Baba revienne de sa bataille contre les lions, tu dois être le nouveau petit massaï de la famille. Tu veux bien ?
Bibi
Kiboutou accepta mais… il voulait bien l’aide d’Aallhya. Elle n’était pas que sa sœur, elle était surtout sa meilleure amie, son meilleur soutien. Il voulait tout partager avec elle. Les yeux...