Un séjour sympa avec tous les éléments de décor qui s’y ajoutent. Le téléphone sonne, Julie I sort de la chambre en Boubou. Elle décroche l’appareil.
JULIE I - Allô, oui ? C’est toi Nadia. Tu ne peux pas venir à la réunion, bon ! C’est dommage, on allait organiser le tournage du film sur notre cité des Glycines… Ça te fait chier. Bon ! Mais il ne faut pas le prendre comme ça Nadia. Elle a raccroché ! (Déposant le combiné.) Très nerveuse cette petite mais avec des parents qui aboient tout le temps et un chien qui picole. (Julie I sort. On frappe à la porte, Julie I réapparaît, ouvre la porte.) Ahmed !
AHMED - Salut !
JULIE I - Ahmed ! Mais t’es en avance d’une heure pour la réunion ! Tu débarques aux aurores, regarde je ne suis même pas prête !
AHMED - Ah, ouais ! Mais moi, je m’en fous !
JULIE I - Bien sûr, Ahmed, bien sûr ! Tu repasses dans soixante minutes ! Pas de problème !
AHMED - Y’aura de la bonne meuf à la teuf?
JULIE I - Ahmed, à la réunion !
AHMED - Je veux dire des que je connais pas encore?
JULIE I - Oui, je ne sais pas, je pense. Tu connais Lilou ? Elle est vendeuse au prisu.
AHMED - Lâche l’affaire ! Le cageot? Tu rigoles toi ou quoi? Je me tape pas n’importe quel thon !
JULIE I - Elle est gentille, très courageuse cette petite !
AHMED - Elle est énorme ! Elle bouffe comme quatre !
JULIE I - C’est vrai qu’elle avale plus facilement avec une louche qu’avec une cuillère… Seulement nous ne sommes pas là pour l’accabler mais pour l’aider !
AHMED - Laisse tomber, l’autre jour au self, on devait protéger nos assiettes, elle bavait dedans !
JULIE I - En attendant, Lilou va nous être très précieuse pour le film ! C’est du sérieux ! C’est pour les actualités régionales ! Pour montrer que notre cité HLM, elle en veut !
AHMED - Mais moi aussi j’en veux ! Plein de meufs ! Des bien galbées, genre avec de bonnes paires d’arguments !
JULIE I - Ahmed nous devons montrer que même si la réalité est difficile, le chômage, la drogue, nous gardons espoir ! Toujours ! On se bat sur le terrain pour une vie meilleure ! Tu comprends ?
AHMED - J’suis pas un con, moi ! Je garde espoir, moi ! Elles peuvent toutes rappliquer ! Cent meufs d’un coup, j’assure trop grave !
JULIE I - Ahmed !
AHMED - C’est toujours cet enfoiré de Mouloud qui va filmer?
JULIE I - Il s’est battu pour que le projet se concrétise, il a un peu d’expérience avec la caméra.
AHMED - Il m’a piqué une meuf sur qui j’avais des vues. Je vais lui fracasser la tête !
JULIE I - Ahmed, la violence ne résout aucun problème !
AHMED - Et pourquoi le Mouloud, il se tape pas la Lilou ? Nique ta mère, lui !
JULIE I - C’est ça ! On lui demandera si elle est d’accord ! Qu’est- ce que je raconte moi… (Elle pousse Ahmed dehors.) A tout à l’heure !
(Julie I referme la porte, souffle. Elle sort pour réapparaître aussitôt avec un plateau petit déjeuner. La porte s’ouvre, Fred apparaît avec un chapeau de paille Sainte Catherine composé de fleurs ou de légumes. Il chante « Tata Dodo ».)
T’as pas honte de rentrer à cette heure à ton âge !
FRED - Ça y est ! Ça manquait. Elle fait une fixette sur mon âge ! UN : j’ai toujours l’âge d’aller frétiller en boîte, DEUX : c’était pour une bonne cause !
JULIE I - Ah oui laquelle? Tu as fêté ton retour à la vie active?
FRED - Ben oui ! J’ai été au bal des Catherinettes ! Pour trouver un mari riche, beau et intelligent !
JULIE I - Et alors?
FRED - J’ai même pas roulé une pelle !
JULIE I - En effet la cause était bonne ! Ah toi, t’as vraiment un poil dans la main !
FRED - Quoi on vit pas heureux tous les deux ?… Je t’ai déjà dit que je t’aime?
JULIE I - Tu peux me le répéter, je ne m’en lasse pas. Tu es bien le seul à me le dire !
FRED - Mais non ! Rien n’est perdu à ton âge…
JULIE I - Ah non ! Ça va déjà d’avoir un frère à demeure qui s’est trompé d’adjectif et dont les 37 balais font prendre conscience à tous les voisins que j’ai réellement l’âge qu’ils me prêtent...
FRED - Le temps n’a pas de prise sur toi.
JULIE I - Moi je crois surtout qu’il me court après et qu’il me rattrape ce cochon !
FRED - Mais t’es prête à te laisser doubler facilement... Sauf si tu gardes tes babouches...
JULIE I - Tu peux critiquer mon look ! Tu t’es regardé ! T’es pas prêt à ferrer le poisson…
FRED - Qu’est-ce qu’elle dit ! Hein mon petit Natio, tu me trouves beau toi ?
JULIE I - Natio… Tu parles d’un nom pour un poisson !
FRED - Ça lui va bien comme nom je trouve ! Natio, c’est pour Assemblée Nationale, il a l’air tellement con quand il tourne dans son bocal qu’on dirait un député dans l’hémicycle. Mais c’est encore quand il dort qu’il est le plus ressemblant. Hein, mon Natio ?
JULIE I - Tu donnes dans la politique toi maintenant? (Le téléphone sonne.) Allô ! Oui il est là, oui je vous le passe… (A Fred.) Tiens c’est Monsieur Labrique, ton banquier… sois diplomate !
FRED - Allô? Monsieur Labrique ? Bonjour, Frédéric Michelon à l’appareil... Je vous sens un peu contrarié… très contrarié… grand Dieu mais pourquoi? Je suis à découvert? Ah ? Merdum, c’est pas très raisonnable par les temps qui courent, j’ai tout de même vendu trois pulls ce mois-ci… (A Julie I.) Il ne rit pas du tout !
JULIE I - T’as des doigts de fée, tu pourrais tricoter davantage !
FRED - Allô Monsieur Labrique, je suis toujours là ! (A Julie I.) Ce qu’il peut être nerveux cet homme ! (A Monsieur Labrique.) D’abord, lâchez ce fil bon sang, ça fait de la friture ! Alors combien ?… Six cents… Ben c’est rien… euros !… Ça change rien… Quatre mille… ça change un peu… (A Julie I ) Il me répond que mon compte est bon ! C’est engageant, je te jure ! (A Monsieur Labrique.) Ecoutez, Labrique, je vous assure c’est la tuile… (A Julie I) Il me dit que ça fait une belle ardoise et que c’est pas la première… Il me menace d’interdiction bancaire !
JULIE I - Ça tu ferais bien d’y croire !
FRED - Pourquoi pas interdiction de séjour non plus ? Bon, j’y crois ! Combien en voulez-vous ?… Ben des briques voyons ! (A Julie I.) Ça fait longtemps que je voulais lui faire ! Tiens prends-le il m’énerve !
JULIE I - Allô, Monsieur Labrique, c’est Julie à l’appareil !…Très bien et vous ?
FRED - Oh ! Dis-lui que je lui envoie un chèque aujourd’hui !
JULIE I - Il vous envoie un chèque aujourd’hui… (A Fred.) Il ne trouve pas ça drôle du tout et dit qu’il te retire tes chéquiers… Bon, écoutez Monsieur Labrique, prenez l’argent de mon Codevi pour combler ! Très bien… Merci… Bonne journée !
FRED - Ces gens-là ont un humour proportionnel à nos lignes de crédit.
JULIE I - Tu sais ce qu’il te reste à faire ?… Tricoter parce qu’avec tes trois pulls, on va pas aller loin ! Surtout que tu as des exigences...