Rien ne va plus

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Tout va bien depuis que les parents d’Alain, leur fils, et Dominique, leur fille, ont pris leur retraite en Provence après avoir laissé à leurs enfants l’appartement parisien qu’ils occupaient. Tout va bien, puisque Alain et Dominique s’entendent à merveille et que, pour être sûrs de vivre le plus longtemps possible côte à côte, ils font croire à leurs conquêtes respectives qu’ils sont mari et femme et dans l’impossibilité de divorcer. Tout va moins bien depuis qu’Alain, persuadé d’avoir rencontré en Sylvie la femme de sa vie, lui a avoué la vérité ! Tout va encore moins bien depuis que Sylvie, qui arrive par surprise, tombe sur Gilda, une ravissante prostituée qu’Alain a rencontrée la veille et qui, pour aider Alain, va se faire passer pour sa sœur Dominique ! Et rien ne va plus depuis que Dominique, qui était partie se reposer quelques jours chez ses parents, débarque à son tour et qu’Alain ne peut plus la présenter comme sa sœur ! Comment va-t-il s’en sortir et avec l’aide de qui, c’est ce que nous vous invitons à découvrir, en espérant que nous allons vous faire passer une excellente soirée !

 

ACTE I

 

Quand le rideau se lève, la scène est vide… Musique qui s’estompe quand Alain, portant un plateau de petit déjeuner pour deux personnes, entre. Il pose le plateau sur la table et se dirige vers la chambre (deuxième plan jardin) qui est ouverte…

Alain - Madame est servie…

Claire (off) - J’arrive…

Alain - Tu es sûre que tu ne veux pas le prendre au lit ?

Claire (off) - Mais non ! Je t’ai dit que j’avais horreur de ça !

Alain - Comme tu voudras… Je t’attends… (Il va s’asseoir.)

Claire (off) - J’arrive tout de suite…

Quelques secondes d’attente… On comprend qu’Alain s’impatiente.

Alain - Le café va être tiède…

Claire (off) - C’est comme ça que je l’aime.

Alain - Pas moi…

Claire (off) - Eh bien, ne m’attends pas !

Alain se sert, boit un peu de café et s’énerve…

Alain - Claire, tu sais l’heure qu’il est ?

Claire (off) - Non…

Alain - Dix heures trente… Il est dix heures trente…

Claire (off) - Et alors ?

Alain - Comment, « et alors » ? Mais ma femme va arriver ! Tu l’as oublié ?

Claire - C’est pas à treize heures trente qu’elle arrive ?

Alain - Si, mais il faut que je me prépare pour aller la chercher à l’aéroport et avant il faut que je mette de l’ordre dans la maison… parce que tu sais… avec son flair…

Claire entre.

Claire (en désignant la chambre qui est en face, deuxième plan cour) - Mais on n’a pas dormi dans sa chambre !

Alain - Ben, heureusement ! Parce que, là, j’aurais beau faire trois heures de ménage, tout de suite elle devinerait qu’une femme a dormi là ! Surtout avec ton parfum… Tiens, à propos, il faut que j’aère tout de suite… parce que… avec son flair…

Claire (en s’asseyant) - C’est agréable !

Alain - Qu’est-ce que tu veux ? C’est comme ça ! Je vais faire un courant d’air… (Il se dirige vers sa chambre.)

Claire - Eh ben, dis donc… Je me demande comment tu vas faire…

Alain (off) - Comment je vais faire quoi ?

Claire - Ben, pour lui annoncer que tu veux divorcer… Tu as tellement l’air d’en avoir la trouille…

Alain (revenant) - Mais non… Pas du tout… Je n’en ai pas la trouille… Je la ménage à cause de sa dépression, mais dès qu’elle ira mieux je lui dirai tout…

Claire - Tu lui diras que tu m’aimes ?

Alain - Mais oui…

Claire - Et que c’est pour m’épouser que tu veux divorcer ? Tu lui diras ça ?

Alain - Mais oui… Je lui dirai ça !

Claire - Et tu n’as pas peur qu’elle t’en fasse une autre ?

Alain - Une autre quoi ?

Claire - Une autre dépression !

Alain - Mais non… Parce que, avant de lui annoncer ça, j’attendrai qu’elle soit complètement guérie…

Claire - Et ça va prendre encore combien de temps ?

Alain - Oh ! avec toutes les pilules qu’elle prend, un mois ou deux… trois maximum…

Claire - Oh là là ! Qu’est-ce qu’il va être content mon frère !

Alain - Ton frère ?

Claire - Oui… Quand il va le savoir…

Alain - Quand il va savoir quoi ?

Claire - Ben, que tu veux m’épouser !

Alain - Attends… Attends… C’est pas encore fait. Il faut d’abord…

Claire - … que tu divorces, je le sais…

Alain - Eh oui ! Et pour ça, il faut d’abord…

Claire - … que ta femme soit guérie, je le sais !

Alain - Eh oui !

Claire - Oh ! mais je serai patiente ! Et mon frère aussi…

Alain - Excuse-moi, mais en quoi ça le regarde ton frère ?

Claire - Ben, il se fait beaucoup de souci pour moi… Il sait que je ne supporte pas la solitude, alors il a toujours peur que je fasse une bêtise. Et comme il n’est pas là souvent, ça l’inquiète d’autant plus…

Alain - Pourquoi il n’est pas là souvent ?

Claire - Mais je te l’ai dit… Il est officier de marine.

Alain - Ah oui ! C’est vrai… Alors, il est souvent parti !

Claire - Oh oui ! Souvent pendant des mois…

Alain - Des mois ?

Claire - Eh oui ! Il est capitaine de corvette.

Alain - C’est quoi une corvette ?

Claire - C’est un bateau de guerre à trois mâts.

Alain - Eh ben, dis donc, il en a de la chance d’avoir trois mâts pour lui tout seul !

Claire - Mais c’est pas pour lui tout seul !

Alain - Mais je le sais… Je plaisante !

Claire - Ah bon ! Parce que, avec toi, je ne sais jamais quand tu plaisantes…

Alain - Ça aussi je le sais.

Claire - Quoi ?

Alain - Non… Rien… Ce serait trop long… Bois plutôt ton café…

Claire - Il est encore trop chaud. Je vais me préparer… (Elle se lève.)

Alain - Tu as raison… Gagnons du temps… (Le téléphone sonne.) Tiens, c’est sûrement elle qui m’appelle avant de décoller… (Il regarde son portable.) Eh oui ! C’est elle !

Claire - Bon, ben, je me dépêche…

Alain - C’est ça… Dépêche-toi ! Vite !

Claire (en sortant) - Tu vois que tu en as la trouille…

Alain (énervé) - Mais non ! Oh ! (Il décroche.) Allô ! C’est toi ma chérie ? (…) Comment vas-tu ? (…) Ah ! c’est bien ! (…) Très bien… (…) Tant mieux… À quelle heure décolles-tu ? (…) À neuf heures ? Ah non ! Ça c’est pas possible mon amour ! (…) Pourquoi ? Mais parce qu’il est un peu plus de dix heures trente… (Il rit.) Pardon ? (…) Ah ! tu as décollé à neuf heures ! Parfait… (Il réalise et s’affole.) Comment ça, tu as décollé à neuf heures ?! Mais alors, tu es arrivée !!! Mais pourquoi ne m’as-tu pas prévenu ? Maintenant il est trop tard pour que je vienne te chercher ! (…) Mais oui ! (…) Bien sûr, je m’en doute que tu vas prendre un taxi ! Mais avec ton état de santé, c’était quand même mieux que je vienne ! (…) Ah bon ! Tu es sûre ? (…) Tant mieux… Tu penses être là dans combien de temps ? (…) Une demi-heure ! Pas avant ? (…) Tu es sûre ? (…) Ah ! il y a la queue pour les taxis ! Tant mieux… (…) Non, je dis : c’est ennuyeux… (…) Alors fais attention… N’attrape pas froid ; il ne fait pas chaud ce matin… (…) C’est ça… (…) À tout de suite. Je t’embrasse… (…) Je t’aime. (Il raccroche. Claire est apparue à la porte.) Tu as entendu ?

Claire - Eh oui ! Elle sera là dans une demi-heure !

Alain - Eh oui ! Alors avale vite ton café !

Claire - Mais il est encore trop chaud !

Alain - Oui, eh bien, je te conseille de l’avaler comme ça, parce que, si elle arrive plus tôt que prévu, c’est la cuillère qu’elle va te faire avaler et le café elle va te faire un shampooing avec !

Claire - Mais tu m’as dit qu’elle était dépressive !

Alain - Ah oui ! Complètement. Pourquoi ?

Claire - Ben, je ne savais pas qu’ils pouvaient être violents, les dépressifs !

Alain - Ah si ! Plus ils sont dépressifs, plus ils peuvent être violents…

Claire - Je ne savais pas…

Alain - Eh bien, maintenant, tu le sais…

Claire - Alors il vaut peut-être mieux que je ne traîne pas trop…

Alain - C’est ce que j’essaye de te faire comprendre depuis un moment… Allez, dépêche-toi…

Claire - J’en ai pour une minute.

Alain - C’est bien… Allez, va vite…

Claire - On se revoit quand ?

Alain - La semaine prochaine.

Claire - Pas avant ?

Alain - Eh non ! Elle repart vendredi pour Bordeaux. Maintenant qu’elle a obtenu une promotion dans sa boîte, elle va parcourir toute la France… C’est bien, ça, pour nous, hein ?

Claire - Ce qui serait encore mieux, ce serait que sa boîte elle ait des succursales au Chili ou en Argentine, tu vois…

Alain - Ah oui ! Ça, évidemment, ce serait le Pérou !

Claire - Ah oui ! Le Pérou, ce serait bien aussi…

Claire va dans la chambre.

Alain - Oui, mais ne rêvons pas trop. Bon, je peux t’appeler un taxi ?

Claire (off) - Mais oui… Vas-y… Dans deux minutes, je suis prête…

Alain (en composant le numéro) - À sa voix, j’ai senti qu’elle n’allait pas bien. Elle n’a pas dû dormir de la nuit. C’est pour ça qu’elle a décollé plus tôt que prévu. Je suis sûr qu’elle se doute de quelque chose… (Au téléphone.) Allô ! Bonjour… Est-ce que je peux avoir une voiture pour le 56 rue de Richelieu, s’il vous plaît ? (…) Dans dix minutes ? Parfait… (…) Une Mercedes blanche ? C’est plus que parfait… (…) Merci… (À Claire qui sort de la chambre.) Tu as de la chance… Une Mercedes…

Claire - Tiens, ton peignoir !

Alain - Oh là là ! Heureusement que tu l’as vu. Tu te rends compte si je l’avais oublié ? Elle arrive, elle ne trouve pas son peignoir dans sa chambre, elle le cherche et elle le trouve dans la mienne… Comment je lui explique ça, hein ? Comment ?

Claire - En lui disant la vérité…

Alain - Quoi ?!

Claire - Eh oui ! Ça lui filerait un drôle de coup d’accélérateur, à ton divorce !

Alain - Tu plaisantes ? Dans l’état où elle est en ce moment, elle nous tue tous les deux !

Claire - Tu ne crois pas que tu exagères un petit peu ?

Alain - Oh non ! Si tu savais… Parce que je ne t’ai pas tout raconté…

Claire - Eh bien, vas-y… Je t’écoute…

Alain - Ah non ! C’est pas le moment ! Elle va arriver… Allez, sauve-toi…

Claire - Mais ça ne fait pas dix minutes !

Alain - Oui, je sais, mais je préfère que tu attendes en bas, on ne sait jamais…

Claire - Tu as raison… Ça se voit bien…

Alain - Quoi ?

Claire - Que tu n’en as pas la trouille…

Alain - Oh ! Claire, je t’en prie…

Claire - Bon, d’accord, j’y vais… Je vais en profiter pour appeler mon frère.

Alain - C’est ça, appelle-le. Mais surveille bien l’arrivée de ton taxi. Faut pas le rater…

Claire (riant bêtement) - C’est pas grave… Je prendrai celui de ta femme…

Alain - Claire… C’est vraiment pas drôle…

Claire - Ah bon ! Attends…

Alain - Quoi encore ?

Claire - Le café… Il doit être tiède maintenant…

Alain - Alors avale-le, mais vite… Très vite…

Claire - Ah non ! Je ne peux pas !

Alain - Pourquoi ?

Claire - Maintenant il est trop froid !

Alain - Claire, tu ne veux tout de même pas que je te le fasse réchauffer ?!

Claire - Mais non ! Calme-toi… Je le boirai en bas à la brasserie en face…

Alain - Voilà… C’est ça… Très bien…

Claire - Tu m’appelles ce soir ?

Alain - Promis… Ce soir… Vingt heures… Comme d’habitude… (Il lui ouvre la porte.)

Claire - Merci… Tu sais que je t’adore vraiment, toi !

Alain - Mais oui, je le sais ! Moi aussi je t’adore.

Claire - Pas autant que moi…

Alain - Mais si… Mais écoute… C’est pas le moment…

Claire - Tu as raison… Je me sauve…

Alain - Merci. Tu es gentille…

Claire - Oh ! ça, je le sais que je suis gentille ! Mais parfois, je me demande si tu le mérites…

Alain - Claire …

Claire - Ça va, ça va… J’y vais…

Alain - Ah ! quand même !

Claire - À ce soir… Vingt heures… Tu n’oublies pas ? (Elle l’embrasse.)

Alain - Oh non !… Allez, file ! (Il la pousse un peu et referme la porte sur elle.)

Claire - C’est fou ce que je t’adore, toi.

Alain - C’est ça. (Claire sort enfin. Il regagne le centre du plateau.) Oh là là ! Le boulet…

La porte de la chambre à la cour s’ouvre et Dominique apparaît. Elle observe Alain.

Alain - Salut petite sœur ! Ça va, toi ?

Domi - Non, ça ne va pas du tout, petit frère Mais où est-ce que tu l’as dégotée celle-là ?

Alain - Oh ! c’est toute une histoire !

Dominique - Eh bien, garde-la pour toi ! J’en ai déjà entendu des cruches, mais comme celle-là jamais !

Alain - Ça, je dois dire que je suis assez de ton avis !

Dominique - J’ai cru qu’elle ne partirait jamais !

Alain - Moi non plus, mais c’est un peu de ta faute…

Dominique - Quoi ?!

Alain - Mais oui ! (Il montre le téléphone.) Tu devais m’appeler à dix heures ! Pourquoi as-tu attendu si longtemps ?

Dominique - Je m’étais rendormie.

Alain - Ah bon !

Dominique - Normal avec la nuit que tu m’as fait passer…

Alain - Ah bon ! C’est de ma faute ?

Dominique - Ah oui !

Alain - Qu’est-ce que j’ai fait ?

Dominique - Tu m’as fait que je suis rentrée à trois heures du matin, que j’avais soif et comme tu n’avais pas pris la précaution de mettre une bouteille d’eau au frigo, j’ai regagné ma chambre avec un verre d’eau tiède et qu’à peine endormie, j’ai été réveillée par les hurlements de ta belle. Mais qu’est-ce que tu as bien pu lui faire à quatre heures du matin pour la mettre dans un état pareil ?

Alain (ricanant) - Ah ! ah ! ah ! Mais c’est pas moi !

Dominique - Ah bon ! Vous étiez deux ! Bravo !

Alain - Mais non ! Mais elle a la phobie des cafards…

Dominique - Des cafards ?

Alain - Oui… Et elle a cru en voir un dans la salle de bains. C’était un bout de pellicule que j’avais laissé traîner en développant mes photos.

Dominique - Mais pourquoi l’as-tu amenée ici ?

Alain - Mais parce que je croyais que tu passais la nuit chez Maxim ! Tu me l’as bien dit, hier soir, que tu passais la nuit chez Maxim !

Dominique - Oui, mais je n’ai pas pu !

Alain - Comment pouvais-je le savoir ?

Dominique - Mais pourquoi l’as-tu amenée ici ?

Alain - Mais parce que je voulais me débarrasser d’elle !

Dominique - Ah bon ! Quand tu veux te débarrasser d’une fille, tu l’amènes ici, alors qu’on a toujours dit personne ici et c’était valable aussi bien pour toi que pour moi !

Alain - Je le sais, mais je voulais rompre correctement. Et comme elle me tannait depuis deux mois pour connaître l’endroit où je vivais, j’ai profité du fait que tu passais la nuit chez Maxim…

Dominique - Et tu as rompu correctement ?

Alain - Ben non, je n’ai pas pu…

Dominique - Il m’avait bien semblé ! Tu es toujours aussi courageux, toi !

Alain - Si tu crois que c’est facile !

Dominique - Non, je le sais que ce n’est pas...

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