Zorghol 707

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Si Zorghol 707 est un  extraterrestre fraîchement débarqué,  il n’est ni belliqueux ni très malin mais sympathique, peureux et gaffeur. Cet être venu d’ailleurs bien malgré lui, va bouleverser à jamais la vie jusqu’alors bien réglée de Gérard, paisible aubergiste, de sa famille et de tous ceux qui l’approchent. Impossible de résumer cette comédie endiablée, mêlant amour et science fiction, jalousie et espionnage, cuisine et nymphomanie. Sachez seulement que dix personnages truculents, caractériels ou complètement déjantés vont se télescoper, s’affronter et même se transformer grâce ou à cause de Zorghol 707, dans une cascade de situations hilarantes où l’extraordinaire côtoie le burlesque. Les surprises, les gags, les coups de théâtre se succèdent sur un rythme véritablement effréné et tiennent en haleine le spectateur jusqu’à l’ultime réplique.

L’auteur de “T’emballe pas” ou de “Colonel Betty” livre ici une de ses créations les plus loufoques. Rire non-stop garanti avec cette comédie vraiment très originale qui comblera comédiens et spectateurs.

ACTE I

 

La salle, plongée dans le noir, se tamise d’un bleu électrique et l’on entend une bande-son dans laquelle les gens s’expriment avec un fort zozotement.

Le juge. – Zorghol 707, vous êtes reconnu coupable d’outrage au Comité Suprême de l’empire Zudek. En conséquence, vous êtes condamné au bannissement à vie.

Zorghol. – Oh non ! Pitié !

Le juge. – Vous serez déporté sur la planète AZX 93 !

Zorghol. – AZX 93 ?

Le juge. – Les peuplades autochtones l’appellent bêtement : Terre.

Zorghol. – Oh non ! Pas ça ! Pas la Terre ! C’est au fin fond de la quinzième galaxie ! Il paraît que cette planète est peuplée de primitifs, de sauvages, de sanguinaires… C’est la préhistoire là-bas !

Le juge. – Silence !

Zorghol. – Ils vont faire des expériences sur moi, ils vont me disséquer, je ne veux pas qu’on me dissèque !

Le juge. – Silence ! La sentence est sans appel et exécutable sur-le-champ. Il vous reste vingt-six clarks et douze runites pour apprendre les dialectes locaux les plus courants, c’est la durée de votre transmutation moléculaire par décharge supra énergétique finale.

Zorghol. – C’est quoi ça ? Qu’est-ce que vous allez me faire ? Lâchez-moi !

Le juge. – Vous allez être transmuté par l’intermédiaire de la foudre dans le corps d’un indigène pris au hasard. L’intéressé aura l’impression d’avoir été foudroyé. Il ne s’apercevra de rien et vous non plus.

Zorghol. – La foudre ? Non, pas la foudre ! Je ne veux pas qu’on me mette dans le corps d’un sauvage ! Non ! Au secours ! Pitié ! Je ne veux pas qu’on me dissèque ! Noooooon !!!

Le juge. – Taisez-vous, Zorghol 707 ! Messieurs, à vos transmuteurs.

Zorghol. – Pitié !!! Pas la foudre ! Pas la Terre !

Le juge. – Déclenchez le compte à rebours.

Une voix. – Cek, keup, rid, eud, asser, karf !

Bruits étranges divers. La salle repasse au noir puis le rideau s’ouvre et la scène s’éclaire. C’est l’effervescence à l’auberge. Guigui et Pâquerette ont des plateaux vides à la main. Guigui étant sourd et muet, ses mimes sont écrits comme des paroles, mais toujours en italique. Il lit sur les lèvres, chaque personnage qui lui parle doit donc le faire face à lui s’il veut être compris.

Pâquerette. – Oh ! et puis zut à la fin ! Quelle importance ça peut avoir de servir des frites, des hot-dogs ou du caviar, vu qu’on fait semblant ? Après tout, ce n’est qu’une répétition.

Gérard. – Répétition générale parce que je vous rappelle que nous ouvrons demain et que le personnel de salle nous ayant lâchement lâchés, nous parons au plus pressé avec les moyens du bord.

Pâquerette. – Et pourquoi qu’on l’a pas repoussée d’une semaine, l’ouverture ?

Paloma. – Mais parce qu’on a déjà des réservations ! On l’a annoncée partout et à tout le monde. À nos habitués, aux offices de tourisme, à la presse…

Gérard. – Et surtout au guide Chemilin. Et le guide Chemilin ne rigole pas avec les horaires. Il ne rigole avec rien d’ailleurs. Il peut même nous envoyer un inspecteur dès le premier jour.

Paloma. – Tu crois ?

Gérard. – Demande au « Relais des cimes ». Ils ont vu débarquer une inspectrice deux heures avant l’ouverture. Une pourfendeuse de cuistots, une tourmenteuse de sommeliers, une tortionnaire de maîtres d’hôtel ; une vicieuse, quoi. « Terminator » qu’ils l’appellent dans le milieu.

Guigui. – Tape du pied et gesticule assez longuement.

Gérard. – Qu’est-ce qu’il dit ?

Pâquerette. – Qu’est-ce que tu dis ? (Guigui recommence et elle traduit.) Et alors ?

Gérard. – Et alors, ils n’étaient pas prêts et ils ont perdu leur deuxième étoile. Ça n’a pas fait un pli.

Pâquerette. – Mais nous on n’en a pas d’étoile, alors…

Gérard. – Justement ! On peut en obtenir une cette année. Le guide Chemilin nous a retenus. C’est la chance de notre vie. Nous serions la seule ferme auberge étoilée au guide Chemilin ! Je vois déjà l’enseigne avec une étoile d’or en plein milieu.

Paloma. – Oh oui ! On en dessinera une énorme.

Pâquerette. – Et moi j’en mettrai une sur mon serre-tête, devant, comme Wonder Woman !

Gérard. – Oui, mais pour ça, il faut absolument soigner le service, que tout soit parfait. Allez, zou ! on recommence. Paloma, ma chérie, va en cuisine. Tu leur annonces des plats de la carte, moi je retourne en salle pour les entraîner au service. Et vous, un peu de tenue, du style, que diable ! Qu’est-ce qu’il dit ?

Pâquerette. – Qu’est-ce que tu dis ?

Guigui. – Gesticule.

Pâquerette, traduisant. – C’est pas facile.

Gérard. – Mais rien n’est facile. Si c’était facile, on ne s’entraînerait pas. Je vous le répète : il faut adapter votre service à ce que vous servez. On n’envoie pas un veau marengo comme un sandre au beurre blanc. Si vous servez une mousse, ayez le pas léger ; si c’est un gibier, au contraire, soyez fermes ; ayez le jarret vigoureux et l’œil vif. Bref, adaptez vos gestes à ce que vous servez. Adaptez, adaptez ! Compris ?

Pâquerette. – Compris !

Guigui acquiesce de la tête.

Gérard. – Allez, en piste, on recommence. (Il sort en salle et les autres en cuisine.) Prêts ?

Zozote, entrant avec Ritou. – Coucou, c’est nous ! (Elle zozote.)

Ritou. – C’est nous, coucou !

Zozote. – Arrête de répéter tout ce que je dis, gros ballot.

Ritou. – Je ne suis pas gros, Zozote.

Zozote. – M’appelle pas comme ça chez les gens, je t’ai dit.

Ritou. – Pardon, Zozote !

Zozote. – Ho !… Y a personne ? Hou ! hou ! Y a personne ?

Ritou. – Ben bon Dieu ! Même pas la Pâquerette ?

Zozote. – T’as vu, Ritou ? Y z’y ont bien arrangé, hein ?

Ritou. – Voui ! Y z’y ont bien peinturé ! C’est que les affaires marchent bien.

Zozote. – On va pouvoir leur augmenter le loyer.

Paloma et Gérard, entrant. – Monsieur et madame Chauchard ?

Zozote. – Ben voui ! Fidèles au poste comme on dit.

Ritou. – Comme tous les jours d’ouverture.

Zozote. – On n’en a pas raté une depuis que vous nous louez c’te ferme.

Ritou. – C’est que ma sœur et moi, on tient à vous.

Zozote. – Et au loyer ! (Elle reçoit un coup de coude de Ritou.) C’est bien gentil de nous inviter tous les ans, en tant que propriétaires, à passer deux jours aux frais de la princesse.

Paloma. – C’est-à-dire que…

Gérard. – L’auberge n’est pas encore ouverte.

Ritou. – Comment ça, pas ouverte ? On est bien le 3 ?

Paloma. – Désolée, mais nous ne sommes que le 2.

Zozote. – Tu vois, espèce d’enclume, je t’y avais bien dit ! Tu m’as soutenu le contraire !

Ritou. – Ben bon Dieu ! On n’est pas le 3 ? Mardi on était le 30, mercredi le 1er, hier le 2 et aujour…

Zozote. – Mais bougre de yayo, tu sais encore pas que le mois de mars a trente et un jours ?

Ritou. – Ah ! ben bon Dieu ! (Il vérifie sur ses doigts.) C’est vrai !

Zozote. – C’est pas bien grave, on reviendra demain. Ça nous fera faire un autre tour d’auto.

Ritou. – Et la Pâquerette, elle est pas là ?

Paloma. – Si, si, mais elle a beaucoup de travail.

Ritou. – Ah ! ça c’est une laborieuse, la Pâquerette, comme je les aime.

Zozote. – Allez ! Tu vois bien qu’on dérange. On s’en va.

Ritou. – Oui ma Zozote. (Elle le frappe.) Ben, bien le bonjour à la Pâquerette alors.

Ritou et Zozote sortent.

Gérard. – Ah ! ils ne perdent pas le nord ceux-là ! Allez ! On y retourne. (Il sort en salle et Paloma en cuisine.) Prêts, partez !

Jusqu’à l’entrée de Gérard, Paloma annonce les plats transportés par Pâquerette (P) et Guigui (G) qui essaient d’adapter leur démarche. Ils font des va-et-vient de la cuisine à la salle, jusqu’au vol-au-vent.

Paloma, off. – Une salade Duchesse Anne (P, snob)… Une truite meunière (G, imitant le poisson)… Ça va comme ça mon chéri ?

Gérard, off. – C’est pas encore ça mais ça vient ! Adaptez ! Adaptez !

Paloma, off. – Des tripes à la portugaise (P, fado)… Des cèpes sautés au champagne (G, sautillant)… Comment ça va ?

Gérard, off. – Ils s’en sortent. Mais adaptez encore davantage vos gestes. Ne vous retenez pas.

Paloma, off. – Un feuilleté d’escargots (G, très lent)… Un vol-au-vent sauce Mornay (P)

Pâquerette ne sachant pas trop comment agir, fait la moue, dépasse Guigui qui marche au ralenti, et sort en salle. On entend alors un grand bruit de vaisselle cassée et Gérard entre, furieux, par la porte que Guigui prend dans la figure.

Gérard, entrant. – C’est terrible ! Paloma ! Peux-tu dire à ta sœur qu’un vol-au-vent n’est pas un frisbee ?

Pâquerette, entrant. – Tu m’as dit d’adapter alors j’ai pensé…

Gérard. – Tu penses, toi ? Première nouvelle !

Paloma. – Gérard, calme-toi !

Gérard. – Comment veux-tu que je me calme alors que nous risquons dès demain de servir un inspecteur du guide Chemilin dans le meilleur des cas avec un lourdaud sourd et muet qui n’a pas franchement inventé l’eau tiède, et au pire avec une demeurée qui rêve de voler avec Superman ?!

Paloma. – Gérard, je te prie de ne pas insulter ma petite sœur ! (Affectueuse.) Elle fait ce qu’elle peut. Ne fais pas attention, ma petite Pâquetoune à moi. Il ne pense pas ce qu’il dit. (Bruit d’orage.)

Gérard. – Et par-dessus le marché, le temps se gâte ! Bon ! Restons zen. Je m’excuse. (Après une grosse respiration.) Pardon Pâquerette, les mots ont dépassé ma pensée. (Il lui fait deux bises.) Pardon.

Paloma, soudain furieuse. – C’est pas une raison pour l’embrasser !

Pâquerette. – Il embrasse pas, il demande pardon.

Paloma. – Tais-toi, traîtresse ! Il te les faut toutes, hein ?

Gérard. – M’enfin !

Pâquerette. – Paloma ! Tu ne vas pas être jalouse de ta petite sœur ?

Paloma. – Je ne suis pas jalouse, je suis lucide ! Tu crois que je n’ai pas vu ton manège, espèce de peste ?

Pâquerette. – Tu es vraiment une grande malade. Si c’est comme ça, débrouillez-vous sans moi. Moi, je retourne à mes super-héros américains ! (Elle sort en salle.)

Gérard. – Attends ! Pâquerette ! Pâquerette !… Et voilà ! Vraiment, tu sais, tu exagères, Paloma.

Paloma. – Je n’exagère rien du tout ! Chez moi on ne plaisante pas avec la fidélité des maris et l’honneur des femmes. Chez moi, en Sicile, on sait se tenir, chez moi, monsieur… (Bruit d’orage.)

Gérard. – Chez toi, chez toi… Ah ! on ne risque pas de l’oublier que tu es d’origine sicilienne !

Paloma. – Et j’en suis fière ! Chez moi, les cocus ne pleurent pas : ils se vengent.

Gérard. – Mais tu sais bien que jamais je ne te tromperai. Surtout pas avec ta sœur. Oh ! j’aurais rêvé être un tombeur, un Casanova, mais aucune femme ne s’intéresse à moi, jamais, et tu le sais parfaitement !

Paloma. – C’est vrai que tu n’es pas terrible.

Gérard. – Merci.

Paloma. – Mais heureusement que je suis là pour décourager celles qui voudraient essayer quand même.

Gérard. – Comme la factrice par exemple, qui ne veut plus descendre de sa voiture parce qu’elle a plus peur de toi que du chien ; ou la voisine, cette pauvre Mme Chopineau, que tu prends pour une vamp sulfureuse malgré ses quatre-vingt-quatorze printemps bien tassés ; ou comme les jeunes serveuses que nous avions embauchées et que tu as congédiées avant-hier… à coups de fusil de chasse !

Paloma. – Ah ! elles te plaisaient ces deux bougresses ?

Gérard. – Elles étaient très professionnelles et…

Paloma. – … et très à ton goût, vieux pervers ! J’ai bien vu que tu leur faisais les yeux doux. Mais je veille. Et si jamais tu me trompes, je t’émince… (Elle sort par le couloir.)… au hachoir !

Gérard. – Paloma ! C’est pas le moment, voyons… Paloma !

Il la suit. Bruit d’orage. Guigui se met à ramasser les plats tombés. Il tourne le dos à Hortense et Lola qui entrent.

Lola, chantant affreusement faux. – « Singing in the rain… »

Hortense, portant d’énormes lunettes de myope. – Lola, arrête de chanter. C’est usant à la fin.

Lola. – Pardon ma tante. Mais quelle pluie !

Hortense. – Je me demande si tu n’y es pas pour quelque chose. Enfin ! Heureusement que nous avons laissé Bichon dans la voiture.

Lola. – Le pauvre petit chien serait trempé. Oh ! bonjour, monsieur ! Monsieur ?… Monsieur ?…

Hortense, tapant sur l’épaule de Guigui qui sursaute. – Bonjour, monsieur ! (Sans vraiment regarder Guigui.) Nous sommes madame et mademoiselle Dupont. Nous avons réservé une chambre pour demain, mais nous sommes un peu en avance. Pouvons-nous espérer…

Lola. – Je crois, ma tante, que vous perdez votre temps. Ce pauvre homme est sourd.

Guigui. – Montre les pouces et va chercher une ardoise derrière la banque d’accueil, puis revient.

Hortense. – Dites, mon ami, acceptez-vous les… ? Où est-il passé ?

Lola. – Il est à votre droite. Ça ne s’arrange pas votre vue ?

Hortense. – Bah ! Qu’est-ce qu’il veut ?

Lola. – Je crois qu’il veut que nous écrivions qui nous sommes.

Hortense. – Donnez ! (Elle se met à écrire sur l’ardoise en la regardant de très près.)

Lola. – C’est gentil de m’avoir emmenée avec vous en inspection.

Hortense. – Chut ! Tu es folle ! Je suis là incognito !

Lola. – Ne vous inquiétez pas pour lui, il n’entend vraiment rien.

Hortense. – Tu en es sûre ?

Lola. – Certaine. (Elle chante faux et fort.) « Ohé, ohé, capitaine abandonné… » Vous voyez ?

Hortense. – Si peu ! Mais s’il n’a pas tressailli à ça, c’est qu’il est vraiment sourd. Bref ! Quoi qu’il en soit, je te demande la plus grande discrétion.

Lola. – Pourquoi tant de mystère ?

Guigui. – Pendant la réplique suivante, il revient se placer face à Hortense et peut donc lire sur ses lèvres. Il comprend alors peu à peu la situation et prend le public à témoin.

Hortense. – Précepte numéro un : débarquer incognito à un moment inattendu.

Lola. – Ah bon ?

Hortense. – Moi, j’arrive toujours en avance, toujours sous un nom d’emprunt et toujours avec Bichon. Je renifle ainsi mieux le naturel, je surprends le gargotier dans son ordinaire, je démasque les escrocs gastronomiques, je débusque les aigrefins de la restauration. Malheureusement, avec l’âge, si je n’ai pas perdu une seule papille et que mon palais ferait encore pâlir le meilleur des sommeliers, j’ai quelques problèmes pour apprécier le décor. Pour cela, je compte sur toi car pour le guide Chemilin, tout compte, absolument tout ! (Guigui sort en courant à la cuisine.) Qu’est-ce qu’il a ?

Lola. – Je ne sais pas, ma tante. Et vous n’avez jamais songé à la retraite ?

Hortense. – J’y songe, j’y songe, mais le plus tard sera le mieux....

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