La Grande famille

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Marcelin Maréchal, illustre auteur et comédien a presque 80 ans. Il a tout connu, succès, honneurs et gloire. Victime d’un AVC , il est cloué sur son fauteuil dans la salle de répétition de sa compagnie. Son infirmière est aux petits soins. On l’entend penser, ses commentaires sont diffusés sur bande son, les autres bien sûr n’entendent pas. La troupe, sa famille, se déchire dans l’attente de son héritage et les comédiennes plus ou moins talentueuses mettent en doute l’autorité de William, son fils, qui dirige la troupe d’une main de carton dans un gant de papier. Elvire, sa petite-fille est la seule à savoir que Marcelin simule son handicap. Son grand-père l’adore et l’encourage à devenir comédienne. Cette comédie est sans mansuétude pour le monde du théâtre, les scènes aussi drôles que délicieusement cruelles s’enchainent, ponctuées de moment d’émotion. Mais l’amour en sortira vainqueur et tout finira par un mariage, sans trop d’enfants toutefois !

Voix de Marcelin. – Je m’appelle Marcelin Général, le légume dans le fauteuil, c’est moi. J’ai 82 ans. à 20 ans le conservatoire d’art dramatique de Paris me couvrait de médailles d’or, puis la Comédie-Française m’ouvrait les bras. J’étais l’ami des Gérard Philippe, Malraux, Aragon, Picasso, Jouvet ! (Entrée de William qui installe du décor.) J’ai été marié 4 fois, c’est Eléonore, ma deuxième épouse qui m’a donné un fils. William. C’est le grand con qui est sur scène. (William ressort.) Comme tout le monde, il me croit gâteux. Il y a 10 ans je leur ai fait le coup de l’AVC.  Imparable. Depuis, j’ai mon infirmière à domicile et on m’installe dans ce fauteuil, c’est l’imbécile de psychiatre qui a dit que ça me ferait du bien de rester au contact de mon métier, de ma passion. (Entrée de Daphné qui installe du décor.)

Daphné. – Bonjour Marcelin, ça va aujourd’hui ?

Elle range des bricoles et sort.

Voix de Marcelin. – ça c’est Daphné, en réalité elle s’appelle Janine. Une comédienne sans grand talent, elle fut ma maîtresse, il y a longtemps. Elle a passé l’âge de ses rôles mais c’est elle qui a dépucelé mon fils alors il la garde… C’est un émotif.

Entrée de Dolorès.

Dolorès. – Bonjour Monsieur Général, c’est l’heure de vos cachets et du petit yaourt ! (Elle prépare les cachets, le yaourt.)

Voix de Marcelin. – Elle c’est Dolorès, mon infirmière. Elle est gentille, pas super futée, mais c’est une brave fille. J’aurais 3 ou 4 ans de moins… Hé, hé !

Dolorès. – Allez Monsieur Général, une bouchée pour Molière ! (Il mange.) Une bouchée pour Racine. (Il mange.) Une bouchée pour Corneille. (Il mange.) Une bouchée pour votre fils ! (Il crache.) Oh, ce n’est pas bien, il faut finir votre yaourt !

Entrée de William.

Voix de Marcelin. – Tiens, voilà le grand con, il va encore faire son numéro de playboy de sous-préfecture !

William, qui frime. – Bonjour vous… J’ai encore rêvé de nous, Dolorès ! Nous voguions sur un trois mâts, nous étions nus et la mer était turquoise.

Voix de Marcelin. – C’est ça et ma sœur elle joue du ukulélé ! Mais quel tocard !

Dolorès. – Vous êtes un coquin Monsieur William… Vous allez me faire rougir !

Voix de Marcelin. – Tu vas voir, il va lui dire que le rouge lui va bien !

William. – Mais le rouge vous va si bien !

Voix de Marcelin. – Mais quel tocard ! (Entrée de Martine.) 22, voilà la mégère !

Martine. – William, je te cherchais !

William, mielleux. – Mais je suis là ma colombe !

Dolorès. – Bonjour madame, voilà : il a bien mangé son yaourt ce matin ! Au revoir madame, au revoir monsieur.

Elle sort.

Voix de Marcelin. – Elle va encore gueuler ! Vieille peau ! C’est Martine, ma belle-fille, la femme du grand con ! ça va démarrer !

Martine. – Dès que j’ai le dos tourné, tu fais le joli cœur ! Fais très attention William ! Un jour je vais partir !

Voix de Marcelin. – Oui, oui, casse-toi !

William. – Mais ma chérie, que vas-tu encore imaginer ?! Cette fille est insignifiante ! Tu sais que tu es le seul astre d’amour qui brille pour moi !

Martine. – Fais quand même gaffe que l’astre ne te pète pas à la gueule !

Voix de Marcelin. – Mon dieu, mais quelle poissonnière !

William. – Poussin d’amour… Calme-toi !

Martine. – Le poussin d’amour, il n’est pas né de la dernière pluie ! Vu que tu as des prédispositions familiales aux batifolages extraconjugaux, je me méfie !

William. – Mais pas du tout !

Martine. – Taratata ! Ton père a passé sa vie à courir la gueuse ! Regarde où ça l’a mené ! Maintenant il a l’étendard en berne le chéri de ses dames ! Quand tu tires trop sur le manche... C’est une expression, voilà ce qui arrive, le cœur lâche ! Alors fais gaffe !

William. – Ma poussinette, voyons, il n’y a que toi ! Allez, appelle les autres, on va répéter la scène du 3, la scène que j’ai écrite pour toi ! (Martine sort, elle est rassurée.) Papa, comment as-tu fait pour supporter 4 femmes ? Si tu savais la chance que tu as d’être dans ton fauteuil. (Il va arranger les décors, entrée de Martine et Daphné.) Où est Bérénice ?

Daphné. – Au maquillage, elle arrive !

William. – Au maquillage !!!??? Mais c’est une répétition !

Entrée de Bérénice.

Voix de Marcelin. – ça c’est Bérénice, ma fille, je l’ai eue avec ma troisième femme.

Bérénice. – Mon cher frère, enfin demi, je respecte mes partenaires, je me présente au mieux ! Déjà à 20 ans, le secret, c’est le maquillage ! Alors à presque 40…

Martine. – Tu comptes en années bissextiles ma chère belle-sœur !?

Bérénice. – Qu’est-ce qu’elle dit la quinquagénaire !?

William. – Rien, elle n’a rien dit ! Bon, en place !

Les 3 comédiennes s’installent sur 3 chaises, ou un banc, face au public, et ont chacune un ouvrage de tricot avec aiguilles.

Voix de Marcelin. – Le pire moment de la journée, les répétitions ! Mon abruti de fils se prend pour un auteur de théâtre ! En plus il porte mon nom ! C’est la seule qualité que je lui ai transmise.

William. – Bon, mesdemoiselles ! (Il réfléchit.)

Voix de Marcelin. – Encore une tradition débile, au théâtre, on appelle toujours une comédienne mademoiselle ! ça fait un bail que celles-ci ont dépassé la date limite de fraîcheur !

Entrée d’Elvire.

Elvire. – Bonjour les artistes ! Bonjour grand-père !

Elle l’embrasse et arrange son écharpe.

Voix de Marcelin. – Elle, c’est ma petite-fille, Elvire, la fille de Bérénice, c’est mon soleil ! Elle me ressemble, le talent saute une génération dans la famille !

William. – Elvire, s’il te plait, nous sommes en répétition !

Elvire. – Je vois ça tonton ! Je vais à mon cours de danse, à tout à l’heure. Un peu voyant ton maquillage maman !

Elle sort.

Bérénice. – Bérénice !! C’est usant cette gamine qui m’appelle maman !

William. – C’est relativement logique puisque c’est ta fille !? Bon… Allons-y ! Je veux entendre le cliquetis des aiguilles !

Daphné. – « C’est bien du 42 les chaussettes que tu fais ?

Martine. – Non, du 42 et demi qui chausse petit.

Bérénice. – à vue d’œil, j’aurais dis du 41 qui chausse grand !

Daphné. – Impossible c’est trop petit pour du 41 qui chausse grand.

Martine. – Par contre, ça peut se confondre avec un 43 qui chausse petit ! »

William. – Stop ! Faites sonner les chiffres ! 42 ! 41 ! 43 ! Vos chiffres souffrent d’un manque de musicalité qui les rend mesquins ! Faites-les vivre ! Reprenez !

Daphné. – « C’est bien du 42 les chaussettes que tu fais ?

Martine. – Non, du 42 et demi qui chausse petit.

Bérénice. – à vue d’œil, j’aurais dis du 41 qui chausse grand !

Daphné. – Impossible c’est trop petit pour du 41 qui chausse grand.

Martine. – Par contre, ça peut se confondre avec un 43 qui chausse petit ! »

William. – C’est mieux mais… Ce n’est pas encore assez dramatique ! Votre gestuelle n’est pas assez angoissante !

Bérénice. – Pourrais-tu nous expliquer comment tricoter de façon dramatique ?

William. – Mais votre tricotage est symbolique ! Vous tissez la toile du capitalisme impudique qui sclérose la société !

Daphné. – D’accord, vu...

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