Un week-end à tout casser

Genres :
Thèmes : · · ·
Distribution :
Durée :

Claire et Jacques ont réuni toute la famille pour le week-end dans leur maison de campagne. Leur fille, Juliette, se dispute avec Nicolas. Les assiettes volent bas. « Personne d’autre que moi ne pourrait te supporter ! » Phrase malheureuse ! Pour se venger, elle présente son patron comme son éventuel petit ami. Seulement voilà : ce dernier a largement l’âge de ses parents… Nicolas, revenu sur les lieux, va se faire aider de Pascal (artiste peintre inspiré et efféminé) et du père de sa bien-aimée pour le faire fuir à tout prix. Tous les moyens seront bons. Conscient d’avoir été utilisé, le patron de Juliette va repartir, mais il ne sera pas venu en vain : tante Françoise a reconnu celui qui, 30 ans auparavant, avait été son grand amour et qu’elle avait renoncé à retrouver malgré l’aide aléatoire de tante Paulette, voyante d’opérette.

Des éclats de vaisselle aux éclats de rire, cette pièce est explosive de bout en bout, ponctuée par une scène teintée d’une tendre émotion.

 

 

 

 

 

ACTE I

 

Claire s’affaire. Elle entrouvre la porte-fenêtre, et commence à enlever les draps blancs qui recouvrent le canapé, le fauteuil et quelques meubles… Jacques descend l’escalier.

Jacques. – Enfin il fait beau ! ça fait plaisir de retrouver notre maison de campagne.

Claire. – Les lits sont faits ?

Jacques. – Oui, oui.

Claire. – Tu as pensé aux petits bouquets de fleurs sur les tables de chevet ?

Jacques. – Juliette s’en occupe.

Claire. – Tu ne trouves pas qu’elle a l’air contrarié ?

Jacques. – C’est parce que son Nicolas n’a pas pu venir !

Claire. – C’est vrai… Tiens, aide-moi. (Il l’aide à plier le drap recouvrant le canapé.) Et Paulette, elle en est où ?

Jacques. – Ta sœur n’en finit plus de déballer tout son attirail. Dis donc, tu savais qu’elle faisait de la numérologie, maintenant ?

Claire. – Non…

Jacques. – Elle a fait un calcul savant avec ma date de naissance, mon numéro de Sécurité sociale et celui de ma plaque minéralogique. Après, elle m’a demandé un chiffre entre zéro et dix. J’ai dit cinq. Apparemment, c’était bien. Il paraît que le week-end est sous le signe d’une parfaite harmonie…

Claire. – Et si tu avais dit six ou sept ? Ou un ?

Jacques. – Alors le week-end était fichu. (Il rit.)

Claire. – Tu trouves ça drôle ? ç’aurait été de ta faute !

Jacques. – Tu ne vas pas croire à ces bêtises !

Claire. – Enfin… Dieu merci, tu as dit cinq…

Jacques. – Alléluia !

Claire. – Jacques !

Jacques. – Écoute, que ta sœur s’amuse à faire joujou avec ses tarots, son pendule et tout le reste, je veux bien, mais que toi tu y croies…

Claire. – Évidemment, quand ça te dépasse, toi, tu nies tout en bloc. Moi, je me dis : on ne sait jamais…

Jacques. – Admettons… (Il appelle.) Pascal !

Claire. – Il n’est plus là ! À peine arrivé, il est parti avec son matériel de peinture.

Jacques. – Il n’a pas perdu de temps !

Claire. – Il m’a dit que c’était le moment idéal. Il a appelé ça « l’heure d’or » !

Jacques. – L’heure d’or ?

Claire. – Oui, euh… « Celle où les rayons du soleil forment un angle parfait avec la courbure de la terre et baignent le paysage d’un halo de poudre dorée… »

Jacques, siffle. – Dit comme ça, c’est impressionnant ! (Il enlève le tissu recouvrant un tableau au-dessus de la desserte. Celui-ci n’est pas vraiment une œuvre d’art !) Qu’est-ce qu’il va encore nous pondre ? J’en frémis d’avance…

Claire. – Pourquoi dis-tu ça ? Il n’est pas beau, ce tableau ?

Jacques. – Quand je le regarde, ce n’est pas le mot qui me vient à l’esprit. Disons qu’il est… original…

Claire. – J’ai l’impression que ce n’est pas un compliment !

Jacques. – Ben, avoue que depuis le temps, si c’était un génie de la peinture, on serait au courant…

Claire. – Les artistes sont rarement reconnus de leur vivant, figure-toi ! Ce n’est qu’après leur mort que leurs œuvres s’arrachent à prix d’or.

Jacques. – Oui… mais enfin, comme il s’agit de ton neveu et qu’on est largement plus âgés que lui, on n’est pas près d’être milliardaires !

Claire. – Tu n’as pas honte de dire des choses pareilles ? De plus, je ne vois vraiment pas ce qui te déplaît dans ce tableau.

Jacques. – C’est peut-être parce qu’il est à proximité de ce vase…

Claire. – Ah non ! Tu ne vas pas recommencer avec le vase de mémé Adrienne !

Jacques. – Franchement, il est hideux.

Claire. – C’est elle qui l’avait décoré. C’est une œuvre unique !

Jacques. – C’est sûr, ce n’est pas le vase qu’on voit chez tout le monde…

Claire. – Encore heureux, et c’est pour ça que j’y tiens !

Jacques. – Sentimentalement, je peux comprendre, mais esthétiquement…

Claire. – Comme si tu t’y connaissais en décoration d’intérieur… En art, tout est permis et le mélange des genres est une richesse. Il faut savoir oser.

Jacques. – Tu as raison, osons !

Claire. – Oh ! j’y pense : va donc préparer l’autre chambre du rez-de-chaussée.

Jacques. – Pourquoi ?

Claire. – On ne sait jamais, quelqu’un peut arriver à l’improviste.

Jacques. – Si on faisait chambres d’hôtes, on le saurait…

Nicolas toque à la porte-fenêtre et entre.

Claire. – Nicolas !

Nicolas. – Juliette est là ?

Claire. – Bien sûr ! Tu as pu te libérer ?

Nicolas. – Me libérer ?

Jacques. – Elle nous a dit que tu avais trop de travail et que tu ne pourrais pas venir.

Nicolas. – Elle a dit ça ? Elle a du culot !

Claire. – Pourquoi ? Qu’est-ce qui se passe ?

Nicolas. – Il se passe que ça fait huit jours qu’elle ne m’adresse plus la parole !

Jacques. – Non !

Nicolas. – Si ! Et je dors sur le canapé !

Claire. – Quelle idée ! Pourquoi tu fais ça ?

Nicolas. – C’est elle qui m’a viré de la chambre ! Je ne repartirai pas sans l’avoir vue !

Juliette apparaît en haut de l’escalier.

Juliette. – Voilà, tu m’as vue, adieu !

Elle va pour repartir, mais Nicolas l’interpelle.

Nicolas. – C’est un peu facile, tu ne trouves pas ?

Juliette. – C’est inutile de venir faire un scandale ici. Je ne veux pas passer le week-end avec toi !

Nicolas. – Je peux savoir à quoi tu joues ?

Jacques, à Nicolas. – Qu’est-ce qui vous arrive exactement ?

Claire, à Nicolas. – Il y a forcément eu quelque chose…

Nicolas. – Je ne lui ai rien fait, je vous assure. On ne s’est même pas disputés… Je ne comprends pas… On a les mêmes délires, on s’éclate au lit…

Jacques et Claire se regardent, gênés.

Jacques. – Tant mieux… Tant mieux…

Juliette. – Je t’en prie, ça ne regarde personne… et surtout pas mes parents !

Nicolas. – Bien sûr que ça les regarde ! ça fait plus de deux ans qu’on vit ensemble. Enfin, bon sang… Tout va bien et du jour au lendemain, tu me plantes là, sans explications.

Claire. – Il n’a pas tort, ma chérie. Tu pourrais au moins dire pourquoi tu es fâchée…

Juliette. – Il le sait pourquoi.

Nicolas. – Moi ? Pas du tout !

Juliette. – Cherche !

Nicolas. – Je t’avertis : ma patience a des limites…

Juliette. – La mienne aussi, et si tu n’es pas capable de comprendre, tant pis pour toi !

Nicolas. – Comprendre quoi ? Arrête de parler par énigmes !

Juliette. – Tu n’as pas la moindre idée de ce que j’attends que tu me dises ?

Nicolas. – Absolument pas !

Juliette, à ses parents. – Vous vous rendez compte ?

Jacques et Claire se regardent. Incompréhension totale.

Nicolas. – C’est moi qui devrais te dire quelque chose ?

Juliette. – Évidemment !

Nicolas. – Mais quoi ?

Juliette. – Devine !

Nicolas, à Jacques et Claire. – Vous avez une idée ?

Ils font non de la tête.

Juliette. – Tant que tu ne m’auras pas dit ce que je veux entendre, il est inutile de m’adresser la parole.

Nicolas. – C’est insensé ! Alors, tu ne veux plus me parler parce que je ne t’ai pas dit une chose dont je n’ai pas la moindre idée !

Juliette. – Oui !

Nicolas. – Mais enfin, qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Dis-le-moi et je te le dirai !

Juliette. – Si je te le dis, ce ne sera pas toi qui l’auras dit et tu ne feras que répéter ce que j’aurais voulu que tu me dises de toi-même !

Elle piétine sur place, regarde autour d’elle et attrape le vase. Claire le lui arrache des mains.

Claire. – Ah non ! Pas le vase de mémé Adrienne ! (À Jacques.) On a une pile d’assiettes dépareillées dans la desserte… (Jacques ouvre la desserte et pose une pile d’assiettes dessus.) Va chercher le nécessaire.

Jacques part côté cuisine.

Juliette. – Tu m’énerves ! Tu m’énerves !!! (Elle tape du pied, s’empare d’une assiette et la casse par terre.)

Nicolas. – Vous avez vu ? C’est toujours pareil : dès qu’elle est contrariée, voilà ce qui arrive !

Claire. – Je sais… Elle a toujours été comme ça.

Juliette. – J’en ai marre, marre, marre !

Elle casse une deuxième puis une troisième assiette.

Claire. – ça suffit ! J’en ai assez de refaire mon stock !

Jacques arrive avec une pelle, un balai et un grand sac-poubelle.

Nicolas. – Bon, tu es calmée ? On peut discuter ?

Juliette. – Je n’ai rien à te dire !

Nicolas. – Allez, arrête ! (Il veut la prendre dans ses bras.)

Juliette, se dégage. – C’est terminé, je te dis !

Nicolas. – Terminé ?

Juliette. – Oui ! Fini ! Basta ! Ras-le-bol !

Nicolas. – Tu ne vois pas que tu es ridicule ?

Juliette. – Je suis ridicule ? Moi ?

Nicolas. – Complètement, oui ! Tu es encore plus capricieuse qu’une gamine. Tu râles, tu boudes, tu casses la vaisselle en piquant ta petite crise de nerfs, et moi, je supporte ça sans rien dire. Tu sais que tu as de la chance de m’avoir ? Oui, parfaitement ! Personne d’autre que moi n’accepterait de vivre avec une fille qui a un si sale caractère ! Personne, tu entends ?

Juliette. – Qu’est-ce que tu viens de dire ?

Jacques. – Allons, allons… Les enfants, ne nous emballons pas…

Nicolas. – Tu as très bien entendu !

Juliette. – Personne d’autre que toi ? Eh bien, autant que tu le saches : j’ai rencontré quelqu’un !

Nicolas. – Vraiment...

Il vous reste 90% de ce texte à découvrir.


Achetez un pass à partir de 5€ pour accédez à tous nos textes en ligne, en intégralité.




Acheter le livre


Retour en haut
Retour haut de page