Chacune son tour !

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Patrick, mathématicien timide, est un quadra célibataire. Il vient d’emménager dans un nouvel appartement, où il espère trouver le calme qui sied à ses recherches. Hélas ! À peine installé, débarque une cohorte de femmes qui vont vite perturber sa vie trop tranquille ! Sa mère, la concierge, la voisine et bien d’autres encore vont se croiser à un rythme effréné et pour la plus grande joie du public !

“Chacune son tour !” est une comédie savoureuse, pleine de portes qui s’ouvrent et se ferment, de quiproquos et de jeux de mots, et avec des personnages détonants !




Chacune son tour !

Acte I

Scène 1 : Patrick puis Aline.

Patrick est en train de ranger méticuleusement des livres dans le petit meuble. On sonne.

Patrick. — Voilà ! Voilà ! (Il ouvre la porte d’entrée.) Ah ! bonjour, maman !

Aline, entrant, le magazine Marie Claire en main, qu’elle oubliera sur la table basse en partant. — Bonjour. Tu es seul, je suppose ?

Patrick. — Ben oui !

Aline. — Évidemment, je ne vois même pas pourquoi je te pose la question… (Promenant son regard dans l’appartement.) Alors, tu te plais dans ton nouvel appartement ?

Patrick. — Je n’y suis que depuis deux jours…

Aline. — Effectivement, ça fait un peu court pour juger. Comme le mariage, en somme.

Patrick. — ça, je ne sais pas trop.

Aline. — Hélas ! Remarque, ta tante Lucie a mis trente ans avant de se rendre compte qu’elle avait épousé un imbécile, comme quoi… (Laissant à nouveau promener son regard dans l’appartement.) Mais entre nous, je préférais quand même l’ancien.

Patrick. — Moi pas. Il était trop petit, trop vieux, trop bruyant et il sentait le renfermé.

Aline. — Tout le portrait de ton père !

Patrick. — Sympa pour lui.

Aline, du tac au tac. — Mais tellement vrai !

Patrick. — Ici, en revanche, écoute : aucun bruit… Le silence absolu !

Le téléphone sonne au même moment.

Aline, amusée. — Tu disais ?

Patrick, décrochant. — Allô !… Oui, lui-même… Ah ! bonjour !… Oui, oui, ça va bien, merci. Je… Oui, c’est-à-dire que… Non, non… Enfin, si vous voulez… C’est ça, à tout à l’heure. (Il raccroche.)

Aline, assise sur le canapé. — C’était qui ?

Patrick. — Une femme.

Aline. — Tiens donc ! (Directe.) Que je connais, j’espère ?

Patrick. — Oui…

Aline. — Ah ! ah ! Et tu ne me dis pas de qui il s’agit ?

Patrick. — C’était Pascale de Montclos.

Aline. — Oh ! oh !

Patrick. — Elle m’appelait pour me demander si elle pouvait me rendre visite.

Aline. — Et tu as accepté, à ce que j’ai compris ?

Patrick. — Oui…

Aline. — Mais c’est très bien, ça ! Très très bien ! J’ai toujours pensé que vous deviez avoir des tas de points communs.

Patrick. — Oh ! certainement ! (À lui-même.) Il suffit simplement de trouver lesquels.

Aline. — Vous avez tous les deux fait Centrale ; ça devrait vous rapprocher, tout de même !

Patrick. — Je te rappelle que ce n’était pas la même promotion.

Aline. — Peu importe ! Une bonne promotion, quelle qu’elle soit, ça se saisit ! Il ne faut pas manquer les bonnes affaires, surtout quand les stocks disponibles diminuent avec le temps.

Patrick. — Tu as de ces comparaisons…

Aline, embrayant. — Permets-moi de te rappeler que…

Patrick, récitant. — Que je me dirige vers mes 40 ans et qu’il serait grand temps que je songe à me caser, je sais !

Aline, avec évidence. — Ben, si tu le sais, pourquoi tu ne le fais pas ? Ce ne sont pas les occasions qui manquent !

Patrick. — Le problème, c’est que ce sont justement des occasions.

Aline. — Mon pauvre Patrick, j’ai bien peur qu’à ton âge, tu ne puisses plus trouver du neuf, même du neuf avec défauts d’aspect… Regarde ton cousin Paul : il vient de se fiancer avec une femme de 58 ans… Vingt-quatre ans de plus que lui ! Tu te rends compte ? Tu me diras que c’est mieux que rien et que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures…

Patrick. — Oui, mais attention au moisi !

Aline. — C’est pas fin, mais c’est parlant.

Patrick. — Tout comme Chantal Lemoine : grosse et bavarde.

Aline. — C’est vrai, mais c’était un bon parti.

Patrick. — Désolé, je ne fais pas de politique. Et jusqu’à preuve du contraire, l’amour n’a pas besoin d’argent pour exister.

Aline. — Ce sont les pauvres qui disent ça pour se consoler… Et puis l’amour de l’argent, ça existe !

Patrick. — Il ne m’intéresse pas.

Aline. — Tout comme Aude de Beaumont : elle non plus ne t’intéressait pas. Pourtant, elle avait de grandes qualités.

Patrick. — Oh ! sûrement, en cherchant bien !

Aline. — C’est sûr qu’il fallait creuser profond… Enfin, ne désespérons pas… Il nous reste encore Pascale de Montclos. Elle aussi est issue d’une vieille famille… Les textiles de Montclos, ce n’est pas rien !

Patrick, sans conviction. — Sans doute.

Aline, taquine. — Elle a toujours un faible pour toi, non ?

Patrick. — Oui, un faible un peu fort.

Aline. — Après tout, tant qu’il reste une femme…

Patrick. — … il y a de l’espoir.

Aline. — Tu sais : des fois, l’amour est à notre porte et on ne le voit même pas.

Patrick. — Si tu le dis !

Aline. — À propos, tu n’as pas encore rencontré tes voisins ?

Patrick. — Non. J’avoue que pour l’instant, ils ne sont pas envahissants du tout !

On sonne.

Scène 2 : Les mêmes, Josiane.

à peine Patrick a-t-il ouvert la porte qu’une femme, accoutrée sans goût, a pénétré dans l’appartement.

Josiane, très familière. — Bonjour !

Patrick. — Madame…

Josiane, corrigeant. — Holà ! Pas si vite : mademoiselle !

Patrick. — Ah ?

Aline, la dévisageant. — Oui, effectivement, c’est plus que plausible.

Patrick, rectifiant. — Mais provisoire.

Aline, un brin cynique. — Quoique là…

Josiane. — Je peux entrer ?

Aline, assez sèche. — C’est déjà fait, il me semble.

Josiane. — Ah oui ! C’est vrai ! On fait des fois de ces choses sans même s’en rendre compte !

Aline. — C’est fou, hein ?

Josiane. — Tenez, pas plus tard qu’hier, je regardais Maigret à la télé… Vous connaissez Maigret, bien sûr ?

Patrick. — Je n’ai pas de télévision.

Josiane. — Ah ? ça existe encore ? Enfin, ça vous regarde de ne pas pouvoir la regarder… (Comme subjuguée.) N’empêche, quel bel homme ce Maigret ! Quelle classe !… Bon, pour revenir à hier, pendant que Maigret cherchait le coupable, eh ben moi, en même temps, machinalement, je me suis mise à chercher mes lunettes… C’est dingue, vous trouvez pas ?

Patrick. — Oh ! très certainement !

Josiane. — Mais je me suis même pas présentée !

Aline, fausse. — Quel dommage !

Josiane. — Josiane… Josiane Mougin.

Patrick, avec gentillesse. — Patrick Gruissan. Et voici ma mère, Aline.

Aline, se forçant. — Enchantée.

Josiane. — En chantier, comme dirait mon frère Paulo… Il est dans le BTP, c’est pour ça !… (Rigolant.) Enchanté, en chantier…

Patrick. — Très bien, très bien…

Josiane. — Ouais, enfin, très bien, c’est vous qui le dites : c’est pas de tout repos comme job ! On pose des briques, mais on en gagne pas beaucoup.

Aline. — Nous n’en doutons pas une seconde, mais pourrions-nous savoir ce qui nous vaut l’honneur de votre visite, mademoiselle Mangin ?

Patrick, rectifiant. — Mougin, maman, Mougin.

Aline. — Oui, bon, machin ou truc, c’est kif-kif.

Josiane. — Ben pas tout à fait quand même ! Est-ce que j’ai une tête de truc, moi ? (Se reprenant.) Bon, pour tout vous dire, je suis votre voisine du dessous.

Patrick. — Nous parlions justement de vous, il y a cinq minutes à peine.

Josiane, très agréablement surprise. — De moi ?

Patrick, rectifiant. — Pardon, je voulais dire du voisinage en général.

Aline. — Faut pas exagérer non plus.

Josiane. — Ah ? Dommage… ça fait toujours plaisir quand les autres parlent de vous, même en mal… ça montre que vous existez… Alors ce matin, je me suis dit… Vous me direz qu’il y a qu’à moi que je peux me dire quelque chose, vu que je suis seule… Eh ben je me suis dit : Josiane, tu vas aller souhaiter la bienvenue aux nouveaux voisins.

Patrick. — C’est gentil.

Josiane. — Faut dire que ça m’occupe aussi…

Patrick. — Je vous offre un verre ?

Josiane. — C’est pas de refus… ça tire soif de grimper…

Patrick, qui s’est mis derrière le bar. — Un gin, ça vous va ?

Josiane, rigolant. — Le jean, ça me va pas : ça me sert trop au niveau des hanches !

Patrick. — Hum… Un petit scotch alors ?

Josiane. — Moi, le scotch, c’est sur la bouche qu’il faudrait me le mettre !

Aline. — Quel réalisme !

Patrick. — Vous préféreriez un whisky ?

Aline. — Whisky ou scotch, éternel débat !

Josiane, chantant, sur l’air de Starsky et Hutch. — Whisky ou scotch… Ta ta ta ta ta ta… Whisky ou scotch… ça vous rappelle rien ?… La série policière…

Patrick. — J’avoue que non.

Josiane. — C’est vrai que vous n’avez pas la télé… Remarquez, entre nous, question ambiance et rythme, ça vaut pas Maigret.

Patrick. — Alors, votre choix ?

Josiane. — Va pour le scotch.

Patrick. — Avec glaçons ?

Josiane, pouffant. — Pour une fille, une vie sans glaçons, c’est triste, non ?

Aline. — Amis poètes, bonjour !

Patrick, tendant un verre à Josiane. — Voilà. Scotch on the rocks !

Josiane, qui n’a visiblement pas tout compris. — Comme vous dites… (Prononcé à la française.) Thank you. (Après un temps.) Alors vous êtes là depuis deux jours, c’est ça ?

Patrick. — Affirmatif.

Josiane. — Affirmatif ! Le mot préféré de mon cousin Michou.

Patrick. — Il est dans l’armée ?

Josiane. — Non, pourquoi ? Il est coiffeur… Affirmatif… Coiffeur… Vous captez ?

Patrick. — Je… Oui, j’essaie de vous suivre.

Josiane. — C’est sûr qu’avec moi, faut embrayer ! Un brave garçon ce Michou, mais qu’est-ce qu’il cause !

Aline. — C’est sûrement de famille.

Patrick, amusé. — Si vous me permettez l’expression : c’est un coiffeur qui a donc du mal à la boucler… La boucler…

Aline, réprobatrice. — Patrick ! Si toi aussi tu t’y mets !

Patrick. — Ben quoi ! (Rigolant.) Tant que je ne frise pas le ridicule !

Aline. — Hum…

Josiane. — Vous verrez, vous serez bien dans notre immeuble… Les gens sont comme moi : très agréables. Enfin, dans l’ensemble… (Sur le ton de la confidence.) Parce qu’il y a des exceptions.

Aline. — Tiens donc !

Josiane. — Tenez, par exemple, prenez Mme Fruchard, ma voisine de palier. Enfin, quand je dis prenez, bon courage, vu le tour de taille ! Bon, eh ben c’est pas pour dire du mal, mais elle a pas inventé l’eau chaude. Le comble, c’est que son mari est chauffagiste ! Bon, c’est pas un prix Nobel lui non plus.

Aline. — Qui se ressemble s’assemble !

Josiane. — Comme vous dites. (Bas.) Entre nous, le père Fruchard, il flirte plus avec ses clientes qu’avec la finesse… Je ne vous ai rien dit, évidemment.

Patrick. — Évidemment.

Josiane, à Patrick. — Et sans être indiscrète, c’est pas du tout mon genre, hein. Vous êtes marié ?

Patrick. — Non, au grand dam de ma mère.

Josiane. — Oh ! mais je ne doute pas que votre mère soit une grande dame !

Aline, fausse. — Venant de vous, ça me va droit au cœur.

Josiane, à Aline. — Tout bien réfléchi, votre fils, il a de la chance dans son malheur.

Aline. — Et pourquoi donc ?

Josiane. — Parce qu’il y a pas mal de célibataires dans l’immeuble, à commencer par bibi… Un vrai nid ! À croire qu’on s’attire entre nous… L’avantage, c’est que ça offre des opportunités, pas vrai ?

Aline, ne portant pas grand intérêt aux propos de Josiane. — Sans doute.

Patrick, taquin. — Ma mère disait justement que l’amour est à notre porte.

Aline. — Des fois, il vaut mieux la laisser fermée.

Josiane. — Quoi donc ?

Aline. — La porte ou la bouche, au choix.

Josiane. — Ah ?… (Elle promène son regard du sol au plafond.) En tout cas, vous avez rudement bien aménagé l’appart… Sans vouloir juger ; ce que je déteste faire. Faut dire que les proprios d’avant n’avaient pas de goût !

Patrick. — Je reconnais qu’il y avait pas mal de travaux à réaliser : les murs, les plafonds…

Josiane. — Comme on dit : qui veut carreler bien aménage sa toiture !

Aline, avec ironie. — Un vrai festival d’humour !

Josiane. — Et comme le répète mon frère Paulo – vous savez, celui qu’est dans le BTP – les maisons, c’est comme les bonnes femmes : refaire du neuf sur du vieux, c’est pas évident… (À Aline.) J’dis pas ça par rapport à vous, hein, mais par rapport à l’appart.

Patrick. — Hum… Un autre verre ?

Josiane. — J’dis pas non… Rien ne vaut un remontant avant de redescendre, hein ?

Patrick, servant Josiane. — Heureusement que vous n’avez pas beaucoup de route à faire… Boire ou conduire, il aurait fallu choisir.

Josiane, avalant son verre d’une traite. — Moi, j’ai choisi : j’ai pas de voiture.

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