Brigade financière

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Un très grand patron qui se rend à une convocation de “routine”. Une commissaire de la brigade financière qui enquête depuis des mois sur ses activités. Une confrontation en huis clos de deux visions du monde qui s’opposent. Entre cet homme de pouvoir et cette femme de droit s’engage une lutte, un duel d’intelligence entre privilège et justice. Avec pour enjeu la liberté ou la détention d’un homme, plus enclin à diriger qu’à obéir…

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SCÈNE 1

Mardi, 11 heures

 

Elle entre dans le bureau, un dossier sous le bras. Lui est assis, son portable à l’oreille.

Elle. – Je vous prie de m’excuser.

Lui, à son interlocuteur. – Je te laisse, il faut que j’y aille maintenant. (Il raccroche.) Je vous en prie.

Elle. – Non, vraiment. Un cas un peu difficile à traiter.

Lui. – Le quotidien, j’imagine ?

Elle, souriant. – Il y a aussi des cas faciles.

Lui. – Comme le mien ?

Elle s’assoit, place en évidence un dictaphone sur le bureau, l’actionne et ouvre son dossier qu’elle consulte.

Elle. – Merci d’être venu. Je ne vous ai pas fait attendre trop longtemps ?

Lui. – J’ai eu le temps de passer un ou deux coups de fil.

Elle relève la tête.

Elle. – Vous êtes content de votre portable ?

Lui, un peu énervé. – Très. Content, content. Content de ma voiture, de mon costume, de mon coiffeur…

Elle. – Parfait. Je vais vous demander de bien vouloir l’éteindre.

Lui. – Vous plaisantez ?

Elle. – Ça m’arrive. Pas aussi souvent que je l’aimerais ces jours-ci, mais ça m’arrive.

Lui. – Et si l’Élysée cherche à me joindre ?

Elle. – Ils devraient arriver à se passer de vous cinq minutes. Ils savent où vous êtes. Il leur suffira de m’appeler.

Lui. – Vous savez à qui vous parlez ?

Elle. – Et vous ? Il y a deux portes dans ce bureau : celle par laquelle vous êtes entré, et celle qui se trouve derrière moi et qui mène au dépôt. Dans un instant, vous sortirez par l’une ou par l’autre.

Lui. – Bien. À ce stade, je souhaiterais la présence de mon avocat.

Elle. – Votre avocat sera prévenu en cas de garde à vue bien sûr, et vous aurez alors une demi-heure pour vous entretenir avec lui. Mais à ce stade, il s’agit d’une audition libre, pour laquelle il n’est pas requis. Et puis, avec votre avocat vous verriez arriver les journalistes. C’est ce que vous souhaitez ?

Lui. – Parce que vous oseriez prévenir la presse ?

Elle. – Votre avocat s’en chargera très bien lui-même. Ce sera l’occasion pour lui de médiatiser son cabinet. Il pourra passer du coup ses honoraires de quatre cents à cinq cents euros de l’heure, et envisager un yacht, plutôt qu’un voilier. Auriez-vous l’obligeance d’éteindre votre portable ?

Lui, s’exécutant. – Ça commence bien.

Elle. – Ce n’est pas tellement comment ça commence qui importe, c’est comment ça se finit.

Lui, très calme. – Vous essayez de me faire peur ?

Elle. – Vous avez des raisons d’avoir peur ? (Elle pousse un papier vers lui.) C’est votre signature, là ? (Il prend le papier et acquiesce.) Je peux voir votre carte d’identité ? (Il la lui tend.) Merci. C’est la même signature.

Lui. – Oui, bien sûr.

Elle. – Vous n’en avez pas d’autre ?

Lui. – Non. J’ai cessé d’imiter la signature de mon père depuis que j’ai eu des bonnes notes au collège.

Elle. – Vous n’avez qu’une signature…

Lui. – Ça vous amuse, hein ?

Elle. – Quoi donc ?

Lui. – D’avoir le pouvoir.

Elle. – Oh ! le pouvoir, c’est plutôt un truc d’homme !

Lui. – Quand même, ça vous a émoustillée de me parler du dépôt derrière cette porte.

Elle. – Si ça m’avait fait autant d’effet que ça, je vous aurais parlé des quatre mètres carrés de la cellule qui se trouve en dessous de nous, au quatrième étage, de la banquette de soixante centimètres de large sur laquelle personne n’arrive à dormir, de la paroi en verre par laquelle on vous voit vous curer le nez ou de la sonnette par laquelle il faut demander le droit d’aller aux toilettes. Non, monsieur, ça ne me fait aucun effet.

Lui. – Il y a des gens à qui vous réussissez à faire peur, avec ce genre de conneries ?

Elle. – Les gens qui sont assis à votre place n’ont pas vraiment besoin de moi pour avoir peur.

Lui. – Vous êtes comme un gardien de prison. Vous ne vous sentez pas impliquée dans la vie des autres. D’ailleurs, pourquoi le seriez-vous ? Vous êtes juste un fonctionnaire qui fait son travail, qui obéit et ne se pose pas de questions. Un rouage obéissant, qui punit en faisant semblant de ne pas y prendre de plaisir mais qui se trouve drôlement fortiche, le soir, quand elle a mis des gens un peu importants en prison.

Elle. – J’apprécie votre analyse psychologique, mais vous rendez mon boulot beaucoup plus exaltant qu’il ne l’est.

Lui. – Vraiment ?

Elle. – La plupart du temps, j’ai en face de moi des voyous. Ils se mentent à eux-mêmes, autant qu’ils mentent aux autres. Ils trichent, en cachette, et s’imaginent beaucoup plus forts qu’ils ne le sont.

Lui. – Et il n’y a jamais d’innocent ?

Elle. – C’est un concept relatif, l’innocence. Et peu répandu. En revanche, il y a une ligne à ne pas franchir, une ligne qui sépare d’un côté ceux qui font des photocopies en douce au bureau, et ceux qui se font construire une piscine olympique en truquant les comptes.

Lui. – Je n’ai pas de piscine.

Elle. – Je ne parlais pas de vous.

Lui. – Eh bien, peut-être pourrions-nous parler un peu de moi ? (Silence.) Vous avez fait deux perquisitions-surprises, à mon domicile et dans mes bureaux. Vous avez emporté mes dossiers, mes ordinateurs, ouvert mon courrier. Et hier votre assistant m’a demandé de lui apporter le détail de mes réductions d’impôt de ces trois dernières années.

Elle. – Mon collaborateur, pas mon assistant.

Lui. – Si vous voulez. Je les lui ai remis en arrivant à la brigade financière, il y a plus d’une heure, et il m’a conduit dans ce bureau.

Elle. – Oui ?

Lui. – Qu’est-ce que je fais là ?

Elle. – À votre avis ?

Lui. – Je n’en sais rien. En attendant, je rate tous mes rendez-vous.

Elle. – J’ai décidé de vous écouter. Je vous laisse une occasion de m’expliquer, de me faire comprendre votre point de vue, votre façon de travailler.

Lui. – Ce sera long. Je travaille beaucoup.

Elle. – J’ai tout mon temps.

Lui. – Pas moi.

Elle. – Il va falloir le prendre. Je vais vous écouter, seulement il va falloir me dire la vérité et ne rien me cacher. Parce que selon vos réponses, vous ressortirez libre ou mis en examen.

Lui. – Mais quelles réponses, bon sang ? Quelles sont les questions ?

Elle. – Avez-vous conduit certains de vos fournisseurs à surfacturer pour payer des travaux de sécurité et d’embellissement dans vos propriétés ?

Lui. – Non.

Elle. – Vous êtes-vous rendu coupable d’abus de biens sociaux ?

Lui. – Non.

Elle. – Avez-vous versé des pots-de-vin à des intermédiaires pour faciliter des ventes à l’étranger ?

Lui. – Non.

Elle. – Avez-vous blanchi l’argent de rétrocommissions pour financer la caisse d’un parti politique ?

Lui. – Bien sûr que non !

Elle. – Je vous remercie.

Lui. – Je peux partir ?

Elle. – Pas tout de suite. (Elle ouvre un registre, l’annote et le tend vers lui.) Je vais vous demander de signer ce registre : c’est l’heure de début de votre garde à vue.

Lui. – Vous commettez une grosse erreur. Je suis innocent.

Elle. – Je le préciserai sur le procès-verbal. (Il signe le registre.) Votre garde à vue va être notifiée à votre épouse, à votre société et à votre avocat. Les policiers de la brigade vont maintenant vous conduire en bas au quatrième étage. Vous voudrez bien leur remettre votre montre, votre ceinture, vos lacets et votre cravate avant d’entrer dans la cellule.

Lui. – J’y resterai combien de temps ?

Elle. – Juste le temps que soit tapé le PV de notre entretien. (Elle arrête le dictaphone et se lève.) À tout à l’heure.

 

NOIR

 

 

 

 

 

 

 

SCÈNE 2

Mardi, 17 heures

 

Lumière. Elle est assise sur son bureau et jette un coup d’œil au compte rendu. Elle se lève et va vers la porte du fond.

Elle. – Faites entrer ! (Elle va se rasseoir à son bureau. Lui entre. Elle met en marche le dictaphone.) Prenez place.

Lui. – Vous vous êtes bien foutue de moi !

Elle. – Je vous demande pardon ?

Lui. – J’ai poireauté des heures dans votre cagibi !

Elle. – Que voulez-vous, les secrétaires sont allées déjeuner.

Lui. – Je serais bien allé déjeuner moi aussi.

Elle. – On ne vous a pas apporté de repas ?

Lui. – Cette cochonnerie ? Vous appelez ça un repas ? C’est infect...

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