Brindezingues

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Deux sœurs et un frère enterrent leur mère. Les sœurs veulent vendre la ferme, Patou pour créer un supermarché de la cochonnaille et Fred pour partir à Hollywood réaliser son rêve de starlette. Mais Dom, le garçon, l’aîné, simplet mais gentil, Dom veut rester à la ferme où il a passé toute sa vie entre le tas de fumier et ses amis les serpents. La lutte est féroce, drôle et acharnée. L’appât du gain fait tomber les masques et la fraternité n’a plus cours quand la cupidité la remplace.
C’est la grande curée où chacun y laisse des plumes. Et Dom est bien démuni face à ses deux vipères de sœurs.
Une comédie à l’humour noir et provocant.

Tableau 1

 

Ils sont côte à côte, tête baissée, recueillis, car ils assistent à la crémation de leur mère. Ils tiennent une rose dans leur main.

Le fils est peut-être légèrement en retrait, derrière les filles, comme rejeté.

On peut entendre en fond sonore, à peine audible, la parole d’un prêtre.

Patou - Eh ben voilà ! Ça devait se terminer comme ça. Quand on a le diable dans la peau, il finit par vous vider de l’intérieur et quand il a tout bouffé, qu’il reste plus que la peau sur les os, pfutt, il se tire ailleurs et laisse la carcasse à la famille. Ah, il l’a bien désossée, la mère !

Dom (à mi-voix, en la tirant par la manche) - Patou !

Patou - Touche-moi pas !

Dom - Patou ! (Idem, sans la toucher.)

Patou - Et cause-moi pas non plus !

Dom - Pourquoi ça ?

Patou - Parce que j’t’aime pas. Et pis tu pues du bec pire qu’une poubelle d’hosto.

Dom - C’est mes dents. Faut que je les fasse réparer. Elles sont toutes pourrites !

Patou - M’en fous. Me cause pas !

Dom - Méchante.

Fred - Peuvent pas se taire, non ? C’est l’enterrement de manman, tout de même ! C’est pas le bal du samedi soir !… Bon, y se grouille l’autre radis noir, on se caille ici ! Allez… (Elle chante.) « Allumez le feu !!! » Ah, pis j’ai filé mon collant ! Zut, putain de bordel de merde, c’est pas mon jour. Manman qui se carapate, le taré qui nous tarabuste et mon collant qui file. Qui c’est qui va encore m’arriver ?

Dom - C’est ma sœur. Les deux. Les deux ça fait qu’une sœur vu que c’est des demi-sœurs. Pas bêta le Dom. Sait compter. Pis raisonner. L’a du vide dans la cervelle mais le reste c’est du dur. Du bien dur. Et ce qu’il a dans la tête, l’a pas ailleurs. Parole de Normand ! Tu cognes, ça fait comme une gamelle. Rapport au bout de fer qui m’est resté dans le crâne. (Il bouge la tête.) Drelin, drelin ! Un bout de faucille que je me suis cassé dans la bobine en voulant couper la queue du chien. M’a mordu, m’a poussé, m’a fait tomber sur la faucille. Saleté de clébard.

Patou - La vieille bique ! M’aura fait chier toute ma vie. Et même là, on se dit c’est terminé, va plus l’entendre râler sur tout, va plus nous pleurnicher dans le cou avec sa moustache qui pique, bon débarras, eh ben faut qu’elle se fasse enterrer le jour du boudin. Quand on fait le boudin, on a deux fois plus de monde à la boutique. Et elle, faut qu’a crève ce jour-là ! Ah non, j’te jure !

Dom - C’est manman qu’est dans la boîte. Ma pauvre tite manman qui pesait plus rien, qui voyait plus rien, qui pétait à table et se mouchait dans ses doigts. Elle qui me donnait des coups de ceinture quand je faisais des bêtises, elle en faisait encore plus que moi à la fin. Ce que j’en ai reçu des coups de ceinture ! Et les courses-poursuites autour de la table quand elle voulait me taper avec la mouvette en bois ! Heulà, m’a-t’y cogné la vache ! Mais c’était ma tite manman. La seule qui m’a jamais donné des bisous. Et maintenant la v’là morte. Ça me barbouille toute la boyauterie, moi !

Fred - Va pas arrêter de grommeler, le fondu de la terrine !

Dom - Ho ! hé ! Blonde !

Fred - Quelle foutue famille !

Patou - Parle pour toi !

Fred - C’est ce que je dis ! Foutue famille. T’es pas mieux que lui. T’as un portefeuille à la place du cœur et un tiroir-caisse dans la cervelle.

Patou - Et toi, c’est du silicone qui te dégouline par les vergetures. Si tu te crois belle avec tes gros nichons…

Fred - Charcutière !

Patou - Shampouineuse !

Dom - Hé, les filles, c’est la mort de manman, tout même.

Fred et Patou - Mongol !

Des murmures désapprobateurs les obligent à se taire.

Silence.

On entend les dernières paroles du prêtre.

Dom - Amen. (Aussitôt les deux filles jettent leurs roses et s’en vont dans des directions opposées. Dom reste seul. Il balbutie.) Ben vous venez pas boire un coup ? Dom a préparé des Smarties et du quatre-quarts. (Elles ne répondent pas, sortent. Il ramasse les roses.) Ça va faire un ti bouquet pour la maison qu’est bien triste. (Vers les endroits où sont sorties Fred et Patou.) Et pour manman, on fait quoi ?

Pas de réponse.

Apparaît, comme par miracle, une urne funéraire encore fumante.

Dom s’en saisit religieusement (quoique se brûlant les doigts) et sort.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tableau 2

 

Une grande table de ferme sur laquelle sont répartis trois tas d’objets hétéroclites : des assiettes, des verres, des bibelots, etc.

Dans un coin il y a un vieux fauteuil défoncé.

Dans un autre coin de la pièce se trouve le vivarium de Dom avec des serpents et des araignées.

Dom est devant l’une des vitrines, il tient une souris vivante à la main et la met dans la cage de verre.

Dom - Mange, Coco, t’as besoin de manger pour grandir. T’es encore tout petit. On dirait un lacet de chaussure. Mais tu piques déjà, hein mon cochon ? C’est du bon petit Coco qui deviendra un beau grand cobra, ça ! Allez, vas-y, force-toi. Faut tout finir ! Tu gobes d’un coup sec et après tu avales. Tu vas voir, ça va couler tout seul. C’est bon le jus de souris pour les ti serpents comme toi. (Il quitte le vivarium et vient à la table.) Faut que Dom y fasse tout propre la maison pour la visite des frangines. (À l’urne.) Tes filles vont venir, Timanman ! Sont pas venues depuis longtemps, ça criait beaucoup avant, ça faisait bim, boum, crac, vlan, aaaaaaah, dans la tête de Dom. Les filles ça crie avec de la perceuse dans la voix. (Soudain.) Oh, l’a oublié Ursule, Dom ! (Il fonce au vivarium, ouvre une cage en verre. Il en sort une grosse araignée noire et velue.) Bonjour mademoiselle velue. (Il l’embrasse.) Ouh, tu chatouilles ! Tu t’es pas rasée aujourd’hui. (Il rit et remet l’araignée dans le vivarium. Puis il ouvre une petite boîte, prend une mouche et la donne à l’araignée.) Une bonne moumouche pour mademoiselle Ursule, mon amour de mygale. (Regarde une autre cage.) Non, monsieur Norbert, vous n’aurez rien, ça vous apprendra à vous échapper quand on vient faire le ménage chez vous. Vous êtes un scorpion fugueur et ça, papa Dom, il aime pas. (Il referme la cage et revient à la table.) Je suis dur avec M. Norbert, hein manman, mais moi l’aime pas qu’il se sauve. Tu souviens quand il s’avait échappé de ma chambre et que tu l’avais retrouvé dans le paquet de café ? Ah, la syncope ! Les yeux tout blancs, la langue baveuse et les mains en hélice d’avion ! (Il joue la suffocation.) Ah ! ah ! ah ! Toute blanchite et puis boum par terre Timanman ! Dom l’a mis du vinaigre plein la figure et la manman bonne à laver mais revenue. L’a plus jamais fait le café Timanman !

Fred et Patou sont entrées pendant la fin de la tirade de Dom.

Patou porte un vélo sur son dos, elle a des traces de cambouis sur le visage et sur les mains.

Fred - Alors grand taré, tu parles tout seul ?

Dom - Dom pas taré ! Dis pas ça !

Fred - Mais c’est pour rigoler ! On t’a toujours appelé comme ça.

Dom - Faut arrêter ! Dom fait des efforts pour être intelligent. Il regarde « Questions pour un...

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