La Course à l’héritage

« Vous avez été choisi(e) pour être l’héritier d’une grande fortune, si la proposition vous intéresse, présentez-vous au 32 allée des mimosas. »

Tout le monde a un jour rêvé de recevoir une telle proposition, mais lorsque plusieurs postulants reçoivent le même courrier, comment les départager ?
Les malheureux candidats l’apprendront parfois à leurs dépens. Dans cette « course à l’héritage » ils auront à subir un certain nombre d’épreuves toutes plus incongrues les unes que les autres. Ainsi Éléonore, la vieille fille coincée, se retrouvera déguisée en Zorro, Georgette l’aguicheuse en Chaperon Rouge, alors qu’Henri l’agriculteur se déguisera en bébé, sa mère devra endosser un habit de mousquetaire tandis que Gino le hâbleur enfilera collants et tutu Jusqu’où peut-on aller pour s’enrichir ? Qui tire les ficelles de tout cela ? Un heureux dénouement nous l’apprendra.
Des situations aussi cocasses que les dialogues dans cette joyeuse comédie où la seule difficulté sera d’éviter que les comédiens ainsi affublés ne rient plus fort en coulisses que dans la salle.




La Course à l'héritage

Acte I

Une entrée. Un petit salon. Aux murs, des peintures d’art moderne. Quelques sculptures.

La soubrette. — Je vous en prie, installez-vous, je vais prévenir maître Thermo de votre arrivée, si vous voulez bien patienter.

Georgette. — O.K, O.K, pas de problème. Vous savez, je ne suis pas pressée, c’est pas le genre de la maison, j’ai tout mon temps… Ben, dites donc, y a l’air d’avoir du blé dans cette taule ! (Elle jette un regard circulaire.) J’suis pas franchement une connaisseuse, mais à mon avis y en a pour du pognon. Le gars qui crèche ici, c’est sûrement pas un S.D.F. (Elle regarde les tableaux.) Ah ouais ! Sûr qu’il y en a pour du fric… Moi, j’ai une copine qui s’y connaît en peinture ; elle m’a expliqué que les tableaux faits n’importe comment, ils coûtent aussi cher et parfois plus cher que ceux qui sont bien faits. Si, si, je vous assure !

La soubrette. — Voulez-vous vous dévêtir ?

Georgette. — Quoi ? Maintenant, là ?

La soubrette. — Puis-je vous débarrasser de votre manteau ?

Georgette. — Ah oui ! Mon manteau… J’croyais que vous vouliez que je me mette à poil ! J’étais étonnée : d’habitude, ce sont plutôt les messieurs qui me demandent ça. Remarquez, s’ils sont jolis garçons, j’ai rien contre, je ne suis pas une sainte-nitouche comme… certaines. (Elle finit sa phrase en observant l’entrée d’Éléonore, tailleur gris, chignon tiré, lunettes…)

Éléonore. — La porte était entrouverte, je me suis permis d’entrer. Je suis bien au 32, allée des Mimosas ? J’ai ici un courrier me demandant…

La soubrette. — Maître Thermo va vous recevoir, si vous voulez bien patienter… Puis-je vous débarrasser ?

Éléonore. — Non, merci.

Georgette. — Vous avez tort, vous allez crever de chaud. (Elle se vautre dans un canapé.)

La soubrette. — Je préviens maître Thermo. (Elle sort.)

Georgette, à Éléonore. Ne restez pas plantée là, venez vous asseoir.

Éléonore, d’un ton sec. Je ne suis pas fatiguée, merci.

Georgette. — Chacun fait comme il le sent. Moi, je vais me mettre à l’aise. (Elle enlève ses chaussures.) Walou, walou ! Visez un peu la moquette ! Ouah, la douceur, la mollesse ! On a l’impression de marcher sur du camembert… Me regardez pas comme ça, j’parle pas de l’odeur, j’parle du moelleux.

Éléonore. — J’avais compris, merci !

Georgette. — J’espère bien. Dites, vous le connaissez, le taulier ?

Éléonore. — Je vous demande pardon ?

Georgette. — Le type qui crèche ici, vous le connaissez ?

Éléonore. — Non, mademoiselle, je n’ai pas l’honneur de le connaître.

Georgette. — Ben, c’est comme moi. Dites donc, vous qui faites des belles phrases, vous pouvez m’expliquer pourquoi la boniche elle l’appelle maître ?

Éléonore. — Je pense, mademoiselle, que ce monsieur est notaire et doit être l’exécuteur testamentaire du propriétaire de ces lieux.

Georgette. — Qu’est-ce que vous jactez là ? J’entrave que couic ! Va falloir que j’branche mon décodeur ou que vous m’expliquiez plus tranquillement !

Entrée de Gino.

Gino. — Cette brave dame est en train de vous expliquer que l’proprio a passé l’arme à gauche et qu’avant d’calancher, il a trouvé un loulou pour lui dicter ses dernières volontés.

Georgette. — Bonjour, vous ! Eh ben, comme ça je comprends mieux ! Donc vous me dites que le type qu’est à côté, ce n’est pas le patron de la taule ?

Gino. — Affirmatif, poupée. J’ai affaire à un esprit vif, c’est appréciable.

Georgette. — Oh ! vous alors, vous avez le jugement rapide !

Gino, la regardant des pieds à la tête. C’est vrai, j’ai la réputation d’être connaisseur.

Georgette, minaudant. Et moi je ne déteste pas être connue.

Gino. — Eh bien, on devrait pouvoir s’entendre. (Il fait le tour de Georgette avec un regard gourmand.)

Georgette. — Sait-on jamais ? On pourrait être amenés à sympathiser.

Gino. — Alors comme ça, vous aussi, vous avez reçu une convocation ?

Georgette. — Une convocation ?

Gino. — Oui, une lettre vous demandant de vous rendre aujourd’hui à cette adresse.

Georgette. — Ah ! peut-être bien ! Moi, c’est ma copine Lucette avec qui je vis qui s’occupe du courrier, parce que faut vous dire que pour moi, la boîte à lettres, c’est prospectus, factures et compagnie. Enfin, rien d’intéressant… Moi, je préfère le téléphone, c’est plus pratique et plus sensuel, si vous voyez ce que je veux dire… Alors, vous comprenez, avant que je rencontre Lucette, j’ouvrais ma boîte à lettres quand je descendais mes poubelles, comme ça l’courrier y faisait qu’un voyage… direct au panier ! Sans intermédiaire, emballé, c’est pesé, salut la paperasse, bon voyage ! Enfin, j’vous raconte ma vie, c’est juste pour vous dire que maintenant c’est ma copine Lucette qui fait le tri, et ce matin, elle m’a juste dit : « Si tu veux gagner du blé facilement, rends-toi allée des Mimosas, ils t’expliqueront. »

Gino. — O.K. (À Éléonore.) Et vous, madame, vous l’avez, votre convocation ?

Éléonore. — Mademoiselle, jeune homme… Mademoiselle, je vous prie… J’ai effectivement reçu un courrier m’invitant à me présenter, mais sachez qu’en aucun cas je ne considère ceci comme une convocation. Je tiens à conserver mon libre arbitre dans cette affaire.

Georgette, à Gino. Pourquoi elle nous parle de l’arbitre ? C’est pour un match ? Lucette ne m’a rien dit.

Gino. — Elle ne vous a rien dit, votre copine ? Vous ne manquez pas d’air, vous ! Vous arrivez ici sans échauffement, vous n’avez même pas lu votre convocation, chapeau !

Georgette. — Je ne savais pas… Qu’est-ce qu’il faut faire ?

La soubrette revient.

La soubrette, à Georgette. Mademoiselle, si vous voulez bien me suivre, maître Thermo va vous recevoir.

Georgette. — Me recevoir ? Mais je ne connais même pas les règles du jeu ! De la crotte ! Moi, je n’y vais pas… Au moins, expliquez-moi à quoi on joue.

La soubrette. — Mais on ne joue pas, mademoiselle. Maître Thermo n’est pas là pour s’amuser.

Georgette. — Holà ! Ne me brusquez pas, j’aime pas ça ! Qu’il me laisse au moins prendre la température, votre maître Thermo !

Éléonore. — Écoutez, cessez de tergiverser. Si vous n’êtes pas prête, d’autres peuvent prendre votre place, ma petite.

Georgette. — Tiens, très bonne idée, ma grande. Je vous laisse ouvrir le bal ; quand j’aurai saisi la musique, je vous remplacerai.

La soubrette. — Qui dois-je annoncer ?

Éléonore. — Ne vous en faites pas, je suis assez grande pour m’annoncer toute seule.

Elles sortent.

Georgette. — Non mais c’est vrai, quoi ! Moi, si on ne m’explique pas, je n’comprends pas. Ras le bol, à la fin ! J’en ai marre de passer pour la reine des pommes simplement parce que j’ai raté le début du film !

Gino. — Ne vous fâchez pas, ma belle. Allez, j’avoue, je vous ai un peu chambrée, mais ce n’était pas bien méchant… Ne cherchez pas vos baskets, on n’est pas venus ici, a priori, pour faire du sport.

Georgette. — Remarquez, je m’en doutais un peu, gros bêta ! J’avais bien vu que l’autre cliente n’avait pas une tête de championne olympique. Allez, dites-moi tout, alors : qu’est-ce qu’on fait là ?

Gino. — J’peux pas encore vous l’dire, poupée. La seule chose qui est sûre, c’est que si c’est pas un gag, il est possible qu’on puisse se faire du fric dans cette histoire.

Georgette. — Et comment donc ?

Gino. — Le guignol dans la pièce à côté pourra nous le dire précisément, c’est lui qui a rédigé les courriers.

Georgette. — Qu’y avait-il donc d’écrit sur ces sacrés courriers ?

Gino. — Eh bien, écoutez, le plus simple est que je vous le lise. (Il sort la lettre.) Alors… « Vous êtes peut-être l’héritier d’une grande fortune, vous avez été tiré au sort pour faire partie des gagnants potentiels. Si la proposition vous intéresse, présentez-vous au 32 allée des Mimosas. Maître Thermo, notaire, vous fournira les explications supplémentaires. »

Georgette. — Ben dis donc ! Non, j’y crois pas. Ça s’peut pas. C’est un attrape-couillon, votre truc… Vous savez, moi, j’ai une collègue, Josiane qu’elle s’appelle, elle bosse au rayon parfumerie, elle devait gagner une super télé grand écran, « une merveille de la technologie » qu’elle nous disait, Josiane. Pendant un mois, elle nous a bassinés avec sa télé. Au bout du compte, macache ! Pas plus de télé que de beurre en branche. Vous auriez vu la tête de Josiane, verte qu’elle était ! Et je peux vous dire que pendant un...

Il vous reste 90% de ce texte à découvrir.


Achetez un pass à partir de 5€ pour accédez à tous nos textes en ligne, en intégralité.




Retour en haut
Retour haut de page