Venez donc dîner ce soir

Maryse et Louis Depierre s’apprêtent à passer une soirée estivale en famille dans leur jardin quand leur fille aînée, Chloé, débarque avec son fiancé, Marin, et ses futurs beaux-parents. Le problème c’est que Chloé a quelque peu enjolivé la situation de sa famille afin que celle-ci corresponde davantage à l’image qu’elle veut donner au sein de son école de commerce. Tout le monde va devoir jouer le jeu…

Maryse et Louis, simples et très ouverts, seront donc contraints de composer avec l’esprit étriqué des parents de Marin, bourgeois très conservateurs. Quand deux mondes aux antipodes se rencontrent, la situation devient vite détonante. Alors, si l’on ajoute à ce cocktail, une grand-mère sans filtre, une adolescente délurée, un frère aussi crétin que maladroit, une cousine sans-gêne et deux voisines agitatrices et intrusives, le résultat devient désopilant.

Une comédie drôle et explosive, qui charmera tous les publics.




Venez donc dîner ce soir

Acte I

Scène 1 : Louis, Maryse, Clémentine.

Quand le rideau s’ouvre, on entend le bruit des cigales un soir d’été.

Louis. — Ça va aller, Maryse ? Tu ne seras pas épuisée ? C’est vrai, ce n’est pas comme si c’était ta mère qui venait dîner à la maison…

Maryse, lisant Paris Match, assise sur une chaise. Tu sais, Louis, comme de toute façon quand maman arrivera rien ne lui conviendra, autant ne pas s’épuiser à la tâche !

Louis, posant le sac de charbon de bois. Oh ! Et puis ça va bien ! Tu as raison, ça fait trente ans que rien ne lui va, il n’y a donc aucune raison que ça change aujourd’hui, quels que soient les efforts que je pourrais fournir !

Maryse. — Mais oui ! Maman n’a jamais pu t’enquiller, tu le sais bien, mon chéri…

Louis. — C’est le moins que l’on puisse dire ! Tu te souviens de la première fois que j’ai rencontré tes parents ? Nous avions dîné chez eux, il y avait un silence monacal à table lorsque ta mère, qui me fixait depuis au moins une demi-heure, l’a soudainement rompu pour me demander si j’avais déjà envisagé de me refaire faire le nez…

Maryse. — Il est vrai qu’il y a plus agréable à entendre. Mais tu ressasses encore cette vieille histoire qui date de trente ans ? Passe à autre chose, mon chéri !

Louis. — Tu as parfaitement raison, je vais passer à autre chose… (Il se saisit d’un magazine et s’installe à son tour sur une chaise.) Je préparerai le barbecue quand elle sera là. Il ne sert à rien de se presser. Pour l’accueil que mes grillades vont recevoir, de toute façon…

Maryse. — Mais bien sûr, Louis ! Profite plutôt du calme de cette soirée d’été… Tu as déjà échappé aux remarques de ma mère sur ta conduite en envoyant ton frère la chercher à ta place, alors profite !

Louis. — Tu as raison, je vais savourer le calme de notre jardin et respirer l’air de l’océan avant l’arrivée de la méduse.

Maryse. — Et arrête d’appeler maman « la méduse ». Si elle s’en rend compte, tu vas encore t’attirer des ennuis…

Louis. — Excuse-moi, Maryse, mais j’ai beau me dire que je suis chez moi, dans mon jardin, et que se trouve ouverte la saison des barbecues, j’appréhende tout de même toujours un peu les dîners en compagnie de mon ahuri de frère jumeau, de ma charmante fille cadette et de… la méduse.

Maryse. — Mais détends-toi, oublie ton petit train-train de journaliste sportif au journal local ! Moi, je me sens déjà bien loin de mon quotidien, rivée à mon bureau de secrétaire… Ce sont les vacances !

Clémentine, entrant brusquement à jardin. Ouais, c’est ça, c’est les vacances ! Et comme d’hab, je m’ennuie grave ! Y a jamais grand-chose à faire ici… Bon, elle arrive quand, mémé Momone, qu’on ait un peu d’animation ?

Maryse, ironiquement. Mais bonsoir à toi aussi, ma petite fille chérie, et merci d’avoir enfin daigné sortir de ta chambre ! Tu as la chance de vivre à moins de 500 mètres de l’océan Atlantique et tu te plains ? Si tu t’ennuies tant à la maison, rien ne t’empêche de sortir de ta chambre et d’aller à la plage.

Clémentine. — Ouais, c’est ça, on lui dira… Alors, elle est bientôt là, mémé Momone ?

Louis, ironiquement. Mais oui, ma petite Clémentine chérie ! Elle ne devrait plus tarder. (Une pause, se parlant à lui-même.) Et le moins que l’on puisse dire, c’est que mémé Momone ne sera pas perdue…

Clémentine va pour s’asseoir et manque de renverser l’urne funéraire qui se trouve au bord de la table de jardin.

Clémentine. — Oh ! et cette urne ! On va finir par renverser pépé, à force de le poser n’importe où !

Maryse. — Tu sais bien que conserver son urne parmi nous c’est ma façon à moi de continuer à partager de bons moments avec lui…

Clémentine. — Si au moins ça faisait plaisir à mémé…

Maryse. — Mais ça lui fait plaisir ! Simplement elle le dit avec ses mots à elle…

Scène 2 : les mêmes, Simone, Philippe.

Simone, entrant par la porte du fond. Ouf ! J’ai bien cru que je n’arriverais jamais ! (Apercevant l’urne funéraire de son mari posée sur la table de jardin.) Mais ce n’est pas vrai que tu as ressorti cette urne, Maryse, elle va encore me couper l’appétit ! (À Louis, en désignant l’urne.) Enfin, mon petit Louis, si vous manquez de braise pour votre barbecue, vous pourrez toujours vous servir !

Maryse, choquée. Maman ! (Elles s’embrassent tout de même.)

Clémentine. — T’as raison, ça a vraiment l’air de lui faire plaisir ! (Elle se précipite dans les bras de sa grand-mère.) Mémé Momone !

Simone, heureuse de la voir. Ma petite chérie ! (Se tournant vers Louis et le saluant froidement à distance.) Louis…

Louis, tout aussi froidement. Simone…

Simone, à Louis. Je suppose que vous avez prévu un barbecue, comme d’habitude ? (À Maryse.) Et toi, dis-moi, d’où sors-tu cette robe ? Tu as fait une descente dans une bourse aux vêtements ou bien tu l’as dégotée dans un vide-grenier ? Ah non ! Laisse-moi deviner : tu l’as trouvée sur le crassier… (Elle rit avec sa petite-fille.)

Maryse. — Je te remercie, maman… Décidément, c’est toujours aussi agréable de t’inviter à dîner.

Simone. — Oh ! mais c’est pour toi, ma chérie !

Maryse, à Louis. Qu’est-ce que je te disais ! Inutile de se mettre martel en tête, rien ne lui ira…

Louis. — Avez-vous fait bon voyage, au moins, Simone ?

Simone. — Bon voyage, bon voyage… Vous parlez d’un voyage ! J’habite à six kilomètres !

Maryse. — Ce que Louis te demande, maman, c’est si son frère a été d’une compagnie agréable pendant qu’il te conduisait. Tiens, d’ailleurs, où est-il, Philippe ?

Simone. — Il rentre la voiture dans votre garage. Enfin s’il arrive à la faire passer dans l’encadrement de la porte sans l’accrocher ni d’un côté ni de l’autre… Et s’il a pensé à ouvrir le portail ce sera déjà beau ! Non mais ce garçon est un véritable danger au volant !

Louis. — Simone, mon frère a tout de même eu la gentillesse de venir vous chercher même si, je vous le concède, il n’est peut-être pas vraiment en route pour le Nobel…

Simone. — « Pas vraiment en route pour le Nobel », c’est un euphémisme. Mais vous savez, Louis, les Français ont en moyenne 1,8 enfant. Le cas de votre jumeau s’explique donc scientifiquement. Vous, vous êtes le 1 et votre frère le 0,8 !

Louis, à lui-même. Mieux vaut voir le verre à moitié plein qu’à moitié vide… (À Simone.) Je vous remercie, Simone, de me considérer comme le 1, ce n’est déjà pas si mal pour un début de soirée… Bon, je vais à la cuisine. Je vais prendre l’air… à l’intérieur ! (Il sort à cour.)

Simone. — Dis-moi, ma chérie, Louis semble de bien mauvaise humeur…

Maryse. — Il faut dire que tu démarres fort ! Il sait très bien à quoi s’en tenir avec son frère Philippe, mais tu attaques tout de même sa famille.

Simone. — Si on ne peut plus rien dire !

Clémentine. — T’inquiète pas, ma petite mémé ! Ils n’ont aucun humour, ici !

Le téléphone sonne.

Maryse. — Louis, téléphone ! (Le téléphone sonne encore.) Téléphone !

Louis, voix off. J’y vais, j’y vais ! Deux secondes, j’avais les doigts dans les saucisses et les ventrèches… Je m’en occupe, je réponds !

Maryse, à Simone. Bon, à part ça, comment vas-tu ?

Simone. — Alors là, tout va bien, ma chérie ! J’ai fait la rencontre… (Se ravisant, elle saisit l’urne de son mari posée sur la table et la place dessous.) J’ai fait la rencontre d’un sympathique monsieur qui vient d’emménager à deux pas de chez moi.

Maryse, choquée. Mais maman !…

Simone. — Oh ! inutile de prendre des airs de vierge constipée, ma petite Maryse ! Ce n’est pas pour la bagatelle mais tout simplement pour son argent.

Maryse. — Mais c’est encore pire !

Simone. — Comment ça, encore pire ? Au contraire, je ne trahis pas ton père mais je me fais régulièrement inviter au restaurant et offrir quelques bijoux.

Clémentine. — Et il est bel homme ?

Simone. — Sans plus… Mais l’essentiel c’est d’avoir les avantages sans les inconvénients. D’autant que ton père, côté cadeaux… À part une rose quand nous nous disputions, rien d’autre ! Une fois, il m’avait d’ailleurs tellement agacée en débarquant avec sa rose à la main, que je lui avais envoyé mon gros réveil bleu à la tête. Et puis j’ai terriblement regretté… (Marquant une pause.) C’est vrai, je l’aimais bien ce réveil…

Maryse, scandalisée. Maman ! (Elle se baisse sous la table et ramasse l’urne.) Viens là, papa ! N’écoute pas ! (Elle serre l’urne dans ses bras avant de la déposer à nouveau sur la table mais plus loin.)

Clémentine. — Mémé, t’es géniale ! Heureusement que tu es arrivée, au moins on s’amuse !

Philippe Depierre entre.

Simone. — Tiens, voilà le Nobel !

Philippe. — Nobel ?… Eh ben non, Simone ! C’est moi, Philippe. Philippe Depierre, le frère jumeau de Louis ! (À Maryse.) Elle ne perdrait pas un peu la tête, ta maman ?… (À Simone.) Je ne suis pas de la famille de Chantal Nobel, Simone ! Mais moi aussi j’aimais bien Châteauvallon. Oh ! Pauvre mémé Momone…

Simone. — Châteauvallon… Il ne s’imagine tout de même pas que je perds la boule ?

Maryse. — Il faut dire qu’à force d’essayer de le faire tourner en bourrique… Tu sais qu’il est quand même un peu démuni…

Simone. — Démuni ? Non, ma chérie, il est con.

Philippe. — En tout cas, Simone, on s’est bien amusés tous les deux en voiture !

Simone. — Mais bien sûr qu’on s’est amusés, Philippe ! (Se tournant vers Maryse.) Quand je te le disais…

Maryse. — Il a encore fait son jeu de passer au rouge et de s’arrêter au vert, c’est ça ?

Simone. — Devine…

Philippe. — Bon, ben je vais aller porter vos bagages dans votre chambre, Simone.

Clémentine. — Tes bagages ? Tu dors ici, mémé ?

Simone. — Mais bien sûr, ma petite chérie ! Je tiens à profiter de toi le plus longtemps possible ! Je ne rentrerai donc que demain matin. Et puis tu ne crois quand même pas que je vais prendre le risque de dormir seule après avoir ingurgité les grillades carbonisées de ton père ?

Maryse. — Nous n’avions pas franchement prévu, mais tu es toujours la bienvenue, ma chère maman. Philippe n’a qu’à déposer tes affaires sur le lit de la mezzanine.

Philippe sort par la porte du fond avec les bagages de Simone.

Scène 3 : Maryse, Clémentine,
Simone, Louis.

Simone, ironique. J’étais certaine d’être bien accueillie… Bon, tu pourrais peut-être servir l’apéritif ?

Maryse. — Avec plaisir, maman. (Elle entre dans le salon par la porte du fond.)

Simone. — Alors dis-moi, ma chérie, comment vas-tu ?

Clémentine. — Ben je trouve le temps un peu long… On ne sort jamais de la maison, on ne fait pas grand-chose avec papa et maman.

Simone. — Mais il faut provoquer un peu les événements, sortir, t’aérer ! Moi, à ton âge…

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