Quand Janine s’en mêle..

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Edmond, jeune dramaturge parisien, vient de faire l’acquisition d’un petit théâtre laissé à l’abandon sur l’île inhabitée du Fauconier, au large de la côte atlantique. Il engage pour jouer sa pièce six comédiennes et comédiens dont la carrière est au plus bas. Mais l’un d’eux, que tous détestent pour son arrogance et son cynisme, est empoisonné sur scène. Un orage éclate alors et coupe la petite île du reste du monde. Tous seront soupçonnés car tous ont un mobile. Il faudra compter, pour résoudre le mystère, sur la ruse d’un inspecteur de police présent parmi les spectateurs et sur la concierge du théâtre, Janine, toujours prête à se mêler de tout ce qui ne la regarde pas. La pièce est participative. Sa fin sera donc soumise au choix du public, qui votera à l’entracte afin de décider de l’issue de l’intrigue en désignant qui il veut voir dans le rôle du meurtrier : six possibilités différentes. La troupe peut également opter pour un seul épilogue de son choix et ne jouer que celui-ci. Une comédie policière aux personnages hauts en couleur et pleine d’humour qui ravira tous les publics.

ACTE I

Scène 1

Fabienne, William, Corine

 

Fabienne, William et Corinne répètent l’une des scènes de la pièce qu’ils doivent jouer un peu plus tard dans la soirée.

William, dans le rôle de son personnage. – « Mais comment pouvez-vous, mon amie, supporter un tel mépris ?

Fabienne, jouant également son rôle. – C’est mon devoir d’épouse, voilà tout…

William. – Oubliez-le, je vous en conjure ! Suivez-moi, partons ensemble !

Fabienne. – Je ne le peux point. Je ternirais son honneur et je ne pourrais m’en remettre.

William. – Mais jusqu’où la vie aura-t-elle raison d’une existence où la joie n’a pas de bonheur ?

Fabienne. – Je vous en prie, ne vous mettez pas dans un état pareil et savourons plutôt ces derniers instants que nous pouvons passer ensemble. Prenez plutôt un de ces biscuits que je vous ai confectionnés avec tant d’amour et que vous appréciez tant.

William. – Merci, ma douce. Ils sont toujours délicieux…

Corinne, faisant un pas en avant et lançant sa réplique en jouant excessivement mal, en ondulant de la voix telle une modulation de fréquence. – Monsieur, on vous demande. C’est un client. »

William, changeant radicalement de ton et s’adressant à Corinne. – Non, non, non et non ! Mais qui m’a collé des comédiennes pareilles ?! Et dire que je devrais être en ce moment même dans l’un des plus grands théâtres parisiens jouant une pièce à la hauteur de mon talent ! Au lieu de ça, je me retrouve dans cet obscur théâtre de l’île du Fauconnier, perdue dans l’Atlantique au large de la côte landaise, affublé d’une comédienne qui n’a bien de comédienne que le nom…

Corinne, niaise. – Et qu’est-ce qui ne va pas cette fois-ci ? Je ne suis pas dans le ton du personnage ?

William. – Disons plutôt que tu n’es dans aucun personnage… Non, vraiment, je ferais mieux de m’occuper de choses qui en valent la peine et de m’assurer par exemple que notre chère concierge, Janine, a bien pensé à vérifier si les biscuits utilisés pour cette scène sont sans arachide. Je suis allergique aux arachides et je ne voudrais pas me retrouver dans l’incapacité de jouer ce soir à cause d’une erreur aussi stupide. La pièce ne reposerait alors que sur une grappe d’actrices sans grand talent.

Fabienne. – Il y a des grappes qui donnent du bon vin, William. Et puis arrête de bousculer cette petite. Tu vas lui faire perdre tous ses moyens !

William, à Fabienne. – Quels moyens ?! (À Corinne.) Non, décidément, ma petite, à part ton talent indiscutable à avoir su jouer de tes charmes auprès de notre cher producteur Edmond Gaillot, je dois t’avouer que je ne t’en vois aucun pour le théâtre.

Corinne pleure de façon idiote.

Fabienne, à William. – C’est malin ! À quelques heures de la première ! (À Corinne.) Allons, allons, ce n’était pas si mal que ça. C’est le trac qui a fait tenir à William des propos qui ont sans doute un peu dépassé sa pensée. (William grimace.) Allons, ça va aller, tu vas très bien t’en sortir. (À William.) Déjà que ce n’était pas terrible au départ, si en plus elle pleure ça va être une véritable catastrophe ! Ah ! ça m’épuise d’avance…

Corinne, qui entend, relève la tête et pleure encore plus fort. Le téléphone sonne. William répond. Corinne continue de pleurer dans son coin.

William. – Allô !… Ah ! c’est vous, Christiane ?

Fabienne entend le prénom et comprend qu’il s’agit de sa sœur. Elle tente alors de se saisir du téléphone.

Fabienne, à William. – C’est ma sœur, passe-la-moi !

William, poursuivant la conversation téléphonique pendant que Fabienne tente de saisir l’appareil. – Oh ! vous tombez mal, Fabienne est morte. (Désignant Fabienne d’un geste de la main.) Ah oui ! Très brutalement. D’après le médecin, elle a été victime du syndrome des grandes emmerdeuses. Alors faites-vous dépister, Christiane, parce que vous faites tout de même partie de la population à risque !

Fabienne, parvenant à saisir le téléphone. – Allô ! Christiane… Oh oui ! Il est très en forme, en effet… Il est aussi particulièrement agaçant, mais ça ce n’est pas nouveau. Excuse-moi de ne pas t’avoir donné de nouvelles plus tôt, mais nous sommes arrivés il y a une semaine sur l’île et, avec toutes les répétitions, nous n’avons pas eu une seconde à nous. Je suis vannée… Oui, la grande première a lieu ce soir…

William, à part. – La grande première ratée d’un navet écrit par le grand Edmond Gaillot !

Fabienne, au téléphone. – Jules et toi venez nous voir jouer demain soir ?… Tu verras, il est très simple de rejoindre l’île depuis le continent. Il vous suffira de prendre le bac dans le port de Mimizan et un petit quart d’heure plus tard vous serez sur l’île… C’est ça, à demain… Moi aussi je t’embrasse. (Elle raccroche.)

William. – Et ils ne pourront pas manquer le théâtre puisqu’il n’y a que lui ici… Le calme le plus complet, pas un seul habitant… Le dépaysement et l’exotisme, quoi ! Et encore, si les gens se déplacent depuis le continent, il faudra s’estimer heureux parce qu’avec cet orage qui menace… Mais quel mal m’en a pris d’accepter de venir jouer ici avec des comédiens de seconde zone ?!

Fabienne. – Tu es venu ici pour la même raison que nous tous : pour gagner ta vie car ta carrière est au plus bas.

William. – Ma carrière au plus bas ?! Mais quelle outrecuidance ! On n’attend que moi à Paris, madame ! Si l’on m’a demandé de venir ici, c’est simplement parce qu’il fallait une tête d’affiche.

Corinne, tout en continuant de pleurer. – Mais Edmond m’avait promis que ce serait moi la tête d’affiche…

William. – Comment te dire, ma petite Corinne… Si tu étais la tête d’affiche, alors il vaudrait autant fournir aux spectateurs les tomates avec le billet d’entrée.

Corinne sanglote.

 

 

 

 

 

 

Scène 2

Fabienne, William, Corinne, Marie-Bernadette, Edmond

 

Marie-Bernadette entre, en provenance du plateau, accompagnée d’Edmond qui lui tient la main. Elle récite de façon pincée et grandiloquente des vers de Paul Verlaine.

Marie-Bernadette. – « Au calme clair de lune triste et beau,

Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres

Et sangloter d’extase les jets d’eau,

Les grands jets d’eau sveltes parmi les marbres. »

William. – Et il ne manquait plus qu’eux !

Edmond. – Oh ! minou, c’est magnifique !

Marie-Bernadette. – Merci, minou. Mais tu sais, c’est Verlaine qu’il faut remercier pour la magnificence de ces quelques vers. Je n’en suis que l’humble interprète.

Edmond. – Ne sois pas modeste. La beauté de ce poème repose pour beaucoup sur ton interprétation, minou.

Marie-Bernadette, attendrie et faussement humble. – Oh ! minou…

William, à Edmond. – Peut-être faudrait-il préciser à « minou » qu’elle porte des cornes qui risquent de s’accrocher dans les cintres au-dessus de la scène… Enfin, moi je dis ça…

Marie-Bernadette, ayant entendu les propos de William. – Mon cher William, permettez-moi de vous conseiller d’aller vous faire contempler les replis de la zone sous-périnéenne du côté de l’Acropole.

Edmond. – Allons, allons, calmez-vous un peu. Il est normal que les esprits s’échauffent à moins d’une heure de la première, mais il faut que nous restions concentrés sur l’essentiel : la pièce que nous jouons ce soir. Gardez bien à l’esprit qu’il est pour moi capital que tout se passe pour le mieux. Je suis, ne l’oubliez pas, non seulement l’auteur de la pièce, mais également son producteur, son metteur en scène et le propriétaire de ce théâtre, acquis grâce à la générosité de ma chère Marie-Bernadette ici présente. (D’un air mielleux.) N’est-ce pas, minou ? J’espère vraiment que la menace d’orage ne rebutera pas les spectateurs…

Marie-Bernadette. – Ne te tracasse pas, minou.

Corinne se saisit d’un plateau sur lequel se trouvent différents jus de fruits. Elle en propose à Marie-Bernadette de façon mielleuse.

Corinne. – Marie-Bernadette, j’ai pensé qu’un petit rafraîchissement vous ferait plaisir. Qu’est-ce que je peux vous proposer ? Jus d’orange, jus de pomme, jus de mangue, jus de fraise, jus d’ananas ou jus de tomate ?

Marie-Bernadette. – C’est gentil mais je ne bois que du jus de pamplemousse, ma petite Corinne… Vous n’en avez pas ?

Corinne. – Non…

Marie-Bernadette. – Alors, non merci mon petit…

Corinne repart poser son plateau, visiblement agacée mais cherchant à le cacher.

 

 

Scène 3

Fabienne, William, Corinne, Marie-Bernadette, Edmond, Janine

 

Janine entre avec un plumeau à la main.

Janine. – Bon, c’est pas tout ça mais faudrait p’t-être que j’attaque le ménage et le rangement de tout votre bazar avant le début de la pièce ! Sinon ça va-t-être comme à toutes les répétitions : vous n’allez plus savoir où sont vos costumes. Mme du Serpolet…

Marie-Bernadette. – Mme Léra du Serpolet, je vous prie.

Janine. – C’est ça, oui… Mme Marie-Bernadette, quoi ! Mme Marie-Bernadette, donc, va pousser des cris et dire que c’est effroyable parce qu’elle ne retrouve pas ses affaires, M. Réal va nous redire qu’à Paris ça ne se passerait pas comme ça et normalement, si ça file droit, Mlle Boba va finir par pleurer. Pour le soir de la première, ce serait moche…

Edmond. – Janine, je préférerais que vous alliez aux entrées. C’est vous qui êtes au guichet ce soir, ne l’oubliez pas !

Janine. – Comment que je pourrais l’oublier ? C’est moi qui va y être tous les soirs ! Vous inquiétez pas, m’sieur Gaillot, c’est comme si j’y étais. Une concierge de théâtre ça doit savoir tout faire. (Elle range un peu autour d’elle.)

William. – Fabienne, nous pourrions peut-être terminer notre répétition sur scène ? Corinne et toi en avez bien besoin.

William sort. Fabienne lui emboîte le pas.

Fabienne. – Ce que tu m’agaces, mon pauvre William !

Corinne. – Je vous rejoins dans cinq minutes…

Marie-Bernadette, se levant et allant pour sortir. – Puis-je me joindre à vous et vous donner la réplique ? Une grande comédienne comme moi doit savoir se mettre à la portée de la nouvelle génération et lui permettre de partager son haut magistère intellectuel et théâtral… (Une pause.) L’essentiel est de savoir par ailleurs conserver toute son humilité.

Marie-Bernadette sort.

 

 

Scène 4

Corinne, Edmond, Janine

 

Janine poursuit son nettoyage et son rangement. Edmond la regarde, agacé.

Janine, voyant l’agacement d’Edmond. – Oui, oui, oui, j’y vais à vos entrées, m’sieur Gaillot. Dans cinq minutes c’est tout nickel ici et je m’y colle.

Edmond. – Janine ! (Une pause.) Janine… (Lui faisant signe de sortir.)

Janine, comprenant qu’Edmond veut rester seul avec Corinne. – Ah !!! J’y vais ! (Elle adresse à Edmond un clin d’œil qui se voulait discret mais qui est loin de l’être. Elle lui fait signe qu’elle restera muette.) Vous me connaissez !

Edmond. – Justement ! (Il reproduit le geste par lequel Janine lui a fait comprendre qu’elle resterait muette.)

Janine sort.

Corinne. – Oh ! Edmond, je n’en peux plus… William est insupportable avec moi. En plus, il me dit que je joue mal…

Edmond, faux. – Mais comment peut-il se permettre ?…

Corinne. – Et Marie-Bernadette est très étrange avec moi, j’ai l’impression qu’elle se doute de quelque chose…

Edmond. – Ne t’inquiète pas, nous serons bientôt loin de tout ça. Sois patiente, j’ai encore besoin de quelques mois pour que Marie-Bernadette me transfère tous les fonds qu’elle m’a promis.

Corinne. – Mais tu es vraiment sûr qu’elle ne se doute de rien ?

Edmond. – Certain. Elle est persuadée de me transférer de l’argent pour réaménager ce théâtre dans...

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