Frou-Frou les Bains

Nous sommes en 1910, à Frou-Frou les Bains, c’est le jour de l’ouverture de la cure mais il n’y a plus d’eau à la station thermale.
Les premiers curistes arrivent, c’est la panique.
Le temps de leur séjour, la vie et l’histoire des uns et des autres s’entrecroisent de façon aussi inattendue que loufoque et aboutit à une remise en forme cocasse qui finit miraculeusement lorsqu’ils apprennent qui est qui.




Frou-Frou les Bains

ACTE I

Paroles : Isabelle Spade

Musique : Patrick Haudecœur

Arrangement : Vincent Prezioso

(Air d’ouverture.)

FROU-FROU LES BAINS

(Chorégraphie avec des seaux, des balais et des serpillières, mettant en scène Juliette, Baptistin, Saturnin, Madeleine et le directeur.)

Couplet

Emmanchons nos serpillières
Ce n’est pas une sinécure
De chasser toute cette poussière
De la cave à la toiture
La saison thermale débute
Récurons toute la station
Complètes et demi-pensions
Arrivent dans quelques minutes

Refrain

Car c’est ici que l’on cure
De cette eau magique et pure
Les rhumatismes et les chagrins
Les dos, les os, les foies, les reins
Les p’tits bobos et les coups durs
Oui, c’est ici que l’on cure
À Frou-Frou les Bains

Couplet

LES Chœurs
Attention v’là l’directeur
C’est le maître de ces bains
Le directeur
Gouvernant avec rigueur
Pour les clients, toujours urbain
Ce sont des hommes qui font carrière
Âmes seules ou accompagnées
Des demoiselles et des belles-mères
De jeunes veuves aux petits pieds

Refrain

Car c’est ici que l’on cure
De cette eau magique et pure
Les rhumatismes et les chagrins
Les dos, les os, les foies, les reins
Les p’tits bobos et les coups durs
Oui, c’est ici que l’on cure
À Frou-Frou les Bains

LE DIRECTEUR Non, ça ne va pas ! Ça ne va pas du tout ! Quand je pense que cela fait des semaines qu’on répète ! Allez, disparaissez ! Ne restez pas dans le hall, nos premiers curistes vont arriver et rien n’est encore prêt ! Allez, dépêchez-vous ! Et n’oubliez pas de vérifier chaque chambre, ce lieu doit être d’une propreté impeccable. (Les employés sortent. Au public.) Ah ! directeur de cure thermale n’est pas un métier de tout repos ! Surtout que maintenant, je me retrouve bien seul à diriger cet établissement ; depuis la mort de ma pauvre femme, j’ai peu de cœur à l’ouvrage. Il faut dire aussi que je suis mal secondé. Regardez-moi ça ! (Le tableau des clés des chambres est décroché. Il appelle.) Baptistin ! Jamais là quand on a besoin de lui ! Baptistin !

BAPTISTIN (Off.) Voilà, voilà ! On arrive ! (Il entre.) Vous m’avez appelé, monsieur le directeur ?

LE DIRECTEUR Non, je criais ton nom par plaisir.

BAPTISTIN Ça c’est gentil. (Il repart.)

LE DIRECTEUR Reviens ici, imbécile ! Combien de fois t’ai-je dit de réparer ce tableau ? Tu attends qu’il se décroche complètement ?

BAPTISTIN Je le fais tout de suite, monsieur le directeur.

LE DIRECTEUR Un coup de marteau, ce n’est pas la mer à boire, que diable !

BAPTISTIN Oui, monsieur le directeur.

LE DIRECTEUR Je te rappelle que tu dois sortir les chaises longues et les parasols !

BAPTISTIN Oui, monsieur le directeur.

LE DIRECTEUR Tu sais, Baptistin, la concurrence est de plus en plus dure ; si notre lieu n’est pas impeccable, les curistes iront se faire curer ailleurs. Soyons vigilants !

BAPTISTIN Bien, monsieur le directeur.

LE DIRECTEUR Grâce au Ciel notre eau de source a des propriétés thérapeutiques exceptionnelles. Ma défunte femme disait toujours : « Notre eau est aussi pure que notre cœur. »

BAPTISTIN (Avec un sourire songeur.) Elle disait aussi : « Qui fait pipi contre le vent se lave les dents. » (Rupture devant le regard noir du directeur.) Mais… elle l’a pas dit souvent…

LE DIRECTEUR Elle savait de quoi elle parlait, elle a tenu cette cure pendant vingt ans ! Je vous ai déjà raconté comment nous fîmes connaissance ?

BAPTISTIN Deux cents fois ! (Il sort.)

ELLE EST ÉPATANTE CETTE PETITE FEMME-LÀ

Albert Willemetz, Henri Christiné

(Chanson interprétée par le directeur. Pendant le deuxième refrain, Baptistin, pour réparer le tableau des clés, donne des coups de marteau dessus, ce qui fait énormément de bruit. En principe le public applaudit à la fin de la chanson, Baptistin prend à son compte les applaudissements et salue.)

BAPTISTIN Ça y est, j’ai réparé le tableau !

LE DIRECTEUR Oui… on a entendu ! Et ça tient ?

BAPTISTIN Oh oui, c’est du solide ! (Le tableau se décroche à nouveau. Au directeur.) Ça va ? Vous n’êtes pas blessé ?

LE DIRECTEUR Rassurez-moi, vous n’allez tout de même pas passer la matinée sur ce tableau ?

BAPTISTIN Non, monsieur le directeur !

LE DIRECTEUR Je vous rappelle que vous devez sortir les chaises longues et les parasols. C’est fini les vacances, vous n’êtes plus en balade à Paris ici ! (Il sort.)

BAPTISTIN Bien, monsieur le directeur. (Au public.) Parlons-en de ma balade à Paris : un vrai cauchemar ! Je suis tombé sur une folle qui voulait se jeter du pont de l’Alma par désespoir d’amour. Manque de pot, je passais par là et je l’ai sauvée ! Je dis manque de pot parce qu’après elle ne m’a pas lâché d’une semelle : « Vous êtes mon sauveur, nous sommes faits l’un pour l’autre, vous êtes l’amour de ma vie. » J’aurais dû la pousser dans l’eau, elle m’a gâché mon week-end ! Alors pour m’en débarrasser je lui ai raconté que j’étais légionnaire et que je devais rejoindre mon unité, sinon j’y serais encore.

(Juliette entre précipitamment, lui saute au cou et l’embrasse vigoureusement.)

JULIETTE Coucou !

BAPTISTIN Non, Juliette, arrête…

JULIETTE Il n’a pas envie de faire un gros câlin à sa petite Juliette adorée ?

BAPTISTIN Non, pas ici…

JULIETTE (Toujours aussi fougueuse.) Oh oui, il aime ça les câlins… Hein que t’aimes ça ? Dis-moi que t’aimes ça !

BAPTISTIN Oui, il aime ça… mais arrête, t’es folle, ton père est dans les parages.

JULIETTE Qu’est-ce que ça peut faire, puisque c’est aujourd’hui le grand jour ?

BAPTISTIN Le grand jour ? Ah oui, le grand jour, justement, je voulais t’en parler. On ne pourrait pas remettre ça à plus tard ? Parce que là ton père m’a l’air d’une humeur massacrante et…

JULIETTE Comment ?

BAPTISTIN Non, je disais si on pouvait…

JULIETTE Tu te fous de moi ou quoi ?

BAPTISTIN Mais pas du tout.

JULIETTE Je te demande si tu te fous de moi. Ça fait des semaines que tu me dis : « le jour de l’ouverture de la cure, je demande ta main à ton père » et le jour venu, vlan ! tu te défiles !

BAPTISTIN Mais non…

JULIETTE Baptistin, t’en aimes une autre ?

BAPTISTIN T’es bête, mon poussin, tu sais bien que c’est toi que j’aime.

JULIETTE Non, parce que soyons clairs… (Elle prend son couteau et le lui met sous la gorge.) Tu me trompes, je te saigne !

BAPTISTIN (Câlin.) Oui… C’est pour ça que je t’aime, mon poussin. Ben alors… Qui c’est le poussin à son canard ? Le coin-coin…

JULIETTE Arrête, tu me chatouilles.

BAPTISTIN Les piou-pious…

JULIETTE Arrête, je te dis !

BAPTISTIN Y a deux piou-pious…

JULIETTE (Avec force.) Arrête ! Plus de piou-pious, fini les piou-pious, parle à mon père d’abord.

BAPTISTIN On n’est pas à deux jours près.

JULIETTE Tu sais que la baronne de Morton la Garenne vient ici accompagnée de son fils Charles ?

BAPTISTIN Et alors ?

JULIETTE Alors mon père a l’intention de nous marier. Il serait fier que sa fille devienne une de Morton la Garenne.

BAPTISTIN Toi avec le fils de la baronne ?

JULIETTE Pourquoi pas ? C’est un garçon intelligent, délicat et plein de charme.

BAPTISTIN On ne doit pas parler du même, alors.

JULIETTE Et puis je ne vais pas attendre toute ma vie que tu te décides à faire ta demande.

BAPTISTIN Je vais la faire, ma demande, mon poussin, mais si je te dis que ce n’est pas le moment, c’est que ce n’est pas le moment.

JULIETTE Avec toi ce n’est jamais le moment. La vérité, c’est que tu as peur de mon père. Voilà le problème !

BAPTISTIN Peur de ton père ? Alors là, pas du tout ! Du tout, du tout.

JULIETTE (Elle fait croire à Baptistin que son père est derrière lui.) Bonjour, papa !

BAPTISTIN (Réaction.) AH ! (Sourire de Juliette.) C’est malin ! J’ai besoin d’établir une certaine complicité avec lui… Si j’arrive à me rendre indispensable, à être son bras droit, il n’aura plus aucune raison de me refuser ta main. Et qui c’est qui sera le coin-coin à son piou-piou ? Le piou-piou à son coin-coin…

JULIETTE Mon Dieu !

TEL QU’IL EST

Maurice Alexander, Maurice Vandair, Charlys

(Chorégraphie dans laquelle Juliette malmène Baptistin. Pendant qu’ils dansent, Baptistin fait tomber Juliette qui continue de chanter.)

BAPTISTIN Je t’ai pas fait mal ?

JULIETTE Chut !

BAPTISTIN J’ai de la crème, si tu…

JULIETTE Tu vas la fermer, oui ?

(Juliette finit la chanson et le directeur entre à l’insu de Baptistin qui s’est assis sur le banc.)

LE DIRECTEUR Monsieur désire autre chose ?

BAPTISTIN Merci, mon vieux ! (Réaction.) Ah !…

LE DIRECTEUR Allez-y, ne vous gênez pas ! Il suffit que je m’absente trente secondes pour que vous en profitiez pour vous pavaner ! Bravo ! Belle mentalité.

BAPTISTIN Non, je…

LE DIRECTEUR Taisez-vous ! (À Juliette.) Tu vas bien, ma chérie ? (À Baptistin.) Faites attention, mon garçon, faites très attention, vous êtes sur une pente savonneuse… et ça mousse, ça mousse !

BAPTISTIN Oui, monsieur le directeur.

LE DIRECTEUR Reprenez votre travail. (Baptistin se rassoit.) Reprenez votre travail !

BAPTISTIN Je vérifiais le banc. Tout va bien.

LE DIRECTEUR (À Juliette.) Alors, ma chérie, prête à accueillir ton futur fiancé ? Quand je pense que j’ai connu le baron tout petit et qu’aujourd’hui il va venir me demander la main de ma fille, je n’ose y croire.

JULIETTE (Fort pour que Baptistin entende.) Tu crois que M. Charles fera sa demande pendant son séjour ?

LE DIRECTEUR Si je le crois ? Mais j’en suis certain ! Je me suis laissé dire qu’il était impatient de revenir à la cure et je doute fort que ce soit pour les bienfaits de notre eau.

JULIETTE Je te laisse, j’ai du travail en cuisine. Baptistin a quelque chose à te demander.

LE DIRECTEUR C’est ça… À plus tard, fillette. (À part.) Elle est mignonne. (Rudement, à Baptistin.) Qu’est-ce que vous voulez ?

BAPTISTIN Je vous demande pardon ?

LE DIRECTEUR Ma fille me dit que vous avez quelque chose à me demander, je vous écoute.

BAPTISTIN (Décontenancé.) Ah bon, elle a dit que je… Remarquez, j’ai déjà les gants…

Le DIRECTEUR Dépêchez-vous, mon vieux, je n’ai pas que ça à faire.

BAPTISTIN Oui…...

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