Les demi-dieux du sport étude brûlent de se réaliser. En regard, familles, enseignants, personnel d’encadrement, peinent à incarner une image valorisante du monde adulte. A la première étincelle les mots déchirent l’espace ; ils sont vifs, bruts et mettent à nu les pensées les plus intimes. Au plateau s’incarne l’incivilité comme acte d’insoumission. Portés par le rythme d’une écriture acérée, langue corps et matière vidéo font le terreau d’où émergent les sensations de l’adolescence, la violence de l’obligation d’être ensemble, la difficulté de grandir, de se parler, tout simplement.FARTLEK est une proposition invitant à réfléchir aux rapports humains et leur rapide dégradation au quotidien. Les spectateurs sont invités à se confronter au miroir de la réalité d’une société d’individus avides de performances, oubliant l’humain, le fragile équilibre qui peut vaciller à tout moment entre chaque individu mis en porte-à-faux par la violence verbale…
Ma et Twan parcourent un monde ébranlé par le chaos des grands. Twan parvient à convaincre Ma de rejoindre la vallée aux pommes, espérant que là-bas, la vie puisse reprendre son cours. Quand les enfants sortent du sentier de la guerre, c'est pour jouer à l'aigle et au cochon. Sensible au sort des enfants en période de conflit, Marie-Pierre Cattino a écrit La Vallée aux pommes comme une reconquête du genre humain, entre rêve et cauchemar, avec lucidité et une extrême tendresse.
Comment raconter ce qui n’est plus ou n’a jamais été ? Pour parvenir à dire l’abandon d’un père et le vide qu’il a laissé, Pauline Ribat organise un récit à plusieurs voix. L’autrice, l’actrice et le personnage construisent une parole qui multiplie les entrées du « elle » au « je » . Les intimes fragments d’une disparition sont livrés à travers un jeu de miroir. En vingt-huit mouvements, il s’agit de reconstituer l’histoire de Melle R.Ce nom, qui ne peut être dit, est celui du père. Celui qui a abandonné la petite fille alors qu’elle avait sept ans. De son patronyme, l’autrice-personnage ne revendique, que l’initiale. Une façon également de faire disparaître l’homme qui a cessé d’être présent. « L’homme au regard turquin » , « L’homme qui m’a mise au monde » suffisent à le désigner. Les périphrases le tiennent à distance. Mais, sa disparition a créé un manque. Un manque et une nécessité de combler ce vide par des mots et une histoire à hauteur d’enfant.
La Métamorphose des cigognes est l’histoire violente et légère d’un homme enfermé entre quatre murs face à un gobelet vide. Pendant une heure, cet homme essaye de suivre le protocole sans lequel son projet ne verra pas le jour : faire un enfant par fécondation in vitro. Au gré des apparitions de personnages qui se veulent délirants à force de se vouloir pragmatiques, Marc Arnaud poétise une situation plus que triviale et fait de l’endroit sordide où il est enfermé le pays fantastique de son imagination.
Le texte est une adaptation libre et inspirée du récit fondateur de la religion Shintô, pour raconter l’éveil de la conscience face au mystère de la vie et du monde. Il est l’équivalent de la Bible ou du Mahabarata indien et met en scène le dieu Izanagi et la déesse Izanagi, le couple ayant donné naissance au monde.Rencontre entre l’enfance et les divinités première du Japon, c’est une épopée qui, en prenant pour point de départ des questions que nous nous sommes tous posées, trace un chemin initiatique où adultes, enfants célèbrent ensemble l’énigme d’être au monde.Une nuit, un enfant, dont la mère est absente, est visité par deux questions : « Comment tout a commencé ? » et « Pourquoi je suis moi-même ? ». Convaincu qu’il ne dormira plus s’il ne trouve les réponses, l’enfant va voir son père qui lui propose de remplacer son sommeil par une histoire ancienne narrant l’origine du monde : Le Kojiki…
Ainsi ce qui frappe immédiatement dans Cette présence derrière moi c’est la plasticité de la langue, son phrasé nerveux, propice à l’oralité et à l’incantation. On pense à Maïakovski qui déclara au début du siècle dernier que « le rythme constitue la forme magnétique du poème ».Ce texte, avec ses allitérations, ses expressions répétitives, ses ellipses, ses enchâssements se distingue par sa musicalité et précisément par son caractère performatif. La parole tient lieu d’action, et se place sous les auspices de Médée, citée dans le prologue. Mais celle qui parle ici n’a pas d’enfants. Elle n’a que son désir d’enfant à sacrifier. Et jamais son Jason n’est nommé. Il est, dans la parole absente, dans la parole manquante, dans ce qui n’a pas su ou voulu se dire Il est dans ce qu’il a laissé entendre, laissé supposer, laissé croire, sans jamais vraiment nommer ni affirmer. Jason, c’est l’autre déficient qui n’a pas de parole, c’est-à-dire qui ne tient pas sa parole ou plus précisément qui ne tient pas dans sa parole, qui est incapable de lui donner chair, la chair que celle qui parle voudrait précisément porter en elle. Jason, c’est celui qui laisse venir et ne veut pas s’engager, c’est l’homme en qui l’on a fondé l’espoir qu’il serait peut-être possible de construire une alliance et avec lequel il serait possible de donner un corps à l’amour.Alors la parole de cette femme apparaît au contraire comme jetée dans une sorte d’exaspération rageuse et convulsive, expulsée d’un corps qui semble s’impatienter. Elle explose et s’éparpille dans un chant fiévreux et heurté où s’expriment le sentiment amoureux, le ressentiment et dans un même mouvement le désir effréné que cela cesse et ne cesse pas. C’est une sorte de transe qui vise à exorciser, cette « projection avortée / d’une possible unité à deux ». Le texte varie les intensités, rend compte de pulsions contradictoires, suscite des scènes dont on ne sait si elles sont fantasmées ou vécues. Ainsi de cette évocation d’un avortement ou d’une fausse couche, comme s’il s’agissait, pour dire adieu à cet enfant non encore né, d’en être la meurtrière. Comme si c’était là pour se venger du désamour et de l’inadéquation du couple la seule issue : tuer dans l’oeuf toute possibilité d’avenir.Il fallait une actrice capable, selon l’élégante formule de Vladimir Jankélévitch d’une « virtuosité vertueuse » pour restituer et incarner cette parole incandescente, cette incantation aux forces obscures qui parfois nous régissent. Jana Klein, dédicataire de ce texte, a su lui donner chair, et exprimer avec maîtrise, ce qui échappe à la raison. Et ce n’est pas l’un des moindres mérites de Noémie Fargier que d’avoir su trouver une interprète à la hauteur de ce texte sombre, dense et puissant. C’est en cela qu’elle se révèle une véritable femme de théâtre. Elle ose elle-même donner à ses rêves d’écriture la matière et l’épaisseur que laissent entrevoir des mots jetés sur une page blanche. Préface (extrait) Arnaud Carbonnier
1956. La guerre d’Algérie éclate. Paul, le marseillais, est envoyé comme des centaines de jeunes pour y faire son service militaire. Comme Jacques, le breton, plus sûr de lui, plus obstiné. Leur rencontre a lieu sur le bateau. Jacques, par-dessus l’épaule de Paul, lira les premières lignes qu’il écrit à sa mère et lui soufflera : « Raye ça… qui veut inquiéter une mère ? ». La pacification, le maintien de l’ordre deviendra pendant des mois, leur quotidien. Affectés à Colomb-Béchar, ils guetteront, la nuit, se tiendront les coudes, crèveront de trouille, ensemble, auront peur d’avancer dans le jour et se faire tirer dessus. Mais ce qui les tiendra en vie, ce sont les lettres écrites à leur famille. Celles que Paul écrit à ses parents morts d’inquiétude. Jacques souhaite que Paul écrive à sa sœur. Lui qui sait si bien user des mots, il pourra raconter la vérité, si par malheur, il ne rentrait pas au pays après la quille. Qui est donc cette sœur, que peut-il lui dire, lui qui ment déjà dans ses lettres à ses parents, pense Paul ? Pourtant un jour, il se laissera tenter par une première lettre mais en cachette de Jacques. Ce geste les désunira-t-il ? L’amour de Claire serait-il plus fort que la trouille, la suspicion, le doute, la peur, la folie ? Paul écrira à Claire et se mettra à mentir à son frère. Car c’est cela qu’il a appris tout ce temps d’Algérie. Paul se sent vil, transparent, inexistant mais Claire réussit à le fait rêver. Elle apparaît dans ses rêves. A la fin de la guerre, Jacques rentrera dans un cercueil, Paul, le survivant, épousera sa sœur et lui fera deux enfants. Mais la vie ne sera ni lisse ni apaisée… Des années plus tard, Rémi, à la mort de sa mère, découvre la correspondance de ses parents et l’itinéraire de vie dont son père ne semble pas s’être tout à fait remis.
Et si on commençait par la fin ? Si on terminait par le début ? C’est le pari réussi de Benoît Fourchard, avec ce texte tout à la fois théâtral et romanesque – on a la sensation de lire une pièce et un roman. Il y a d’abord la surprise de cette chronologie à l’envers, puis le plaisir de la suivre. De ne pas se demander « Qu’est-ce qui va se passer ? », mais « Qu’est-ce qui s’est passé avant, et encore avant ? » Étrange suspense. L’écriture nous attrape tout de suite, prenante, souvent haletante.