Allô chérie ?… J’ai délocalisé ta mère !

200 millions de sans papiers ! Est-ce possible ?
Eh bien oui : après 40 jours de grève à l’usine « France Cellulose », c’est toute la France et une bonne partie de l’Europe qui se retrouvent sans papier… toilette ! Motif de la grève : le PDG, Charles-Antoine de Montaigu, s’entête à vouloir délocaliser son usine au Burkanda.
Projet qui n’enchante pas vraiment Célestine, sa fantasque belle-mère, laquelle décide ce jour-là de passer à l’ennemi et d’occuper sa propre usine, en y invitant les grévistes !
Un quatuor syndical très représentatif débarque donc pour occuper le bureau directorial.
Alors que des rumeurs et des preuves de détournements de fonds vers les îles Caïman se précisent, le gouvernement envoie sur place une bien séduisante médiatrice en la personne de Solange… Ex-fiancée de Charles-Antoine…
Cela suffira-t-il pour régler le conflit avant l’arrivée, prévue le lendemain, du ministre de l’économie du Burkanda ? Lequel doit apposer sa signature irrémédiable pour la délocalisation…
A votre avis… ?

Liste des personnages (13)

CHARLES-ANTOINEHomme • Adulte
Charles-Antoine De Montaigu, PDG de "France Cellulose", leader européen du papier toilette. Pas très clair sur le management, obsédé par les bénéfices et donc veut délocaliser en Afrique. Termine quelque peu "illuminé".
PATRICIAFemme • Jeune adulte/Adulte
Patricia, secrétaire craintive et obéissante.
CELESTINEFemme • Senior
Célestine : baronne et belle-maman du PDG, guindée mais en pleine libération, au point de soutenir les grévistes.
ANDRE(e)Indifferent • Jeune adulte/Adulte/Senior
André(e), journaliste, opportuniste et prêt à tout pour un scoop
BLANCHEFemme • Jeune adulte/Adulte
Blanche : agent de surface africaine… En réalité : journaliste elle aussi. Très motivée.
SOLANGEFemme • Jeune adulte/Adulte
Solange de Florigny(dite SDF) : médiatrice du gouvernement, déterminée et arriviste. Mais c'est aussi une ex de Charles-Antoine.
NONOHomme • Jeune adulte/Adulte/Senior
Nono, responsable local du syndicat CQFD, ami d'enfance de Charles-Antoine. Il occupe les lieux avec ses camarades et gère la crise avec calme et malice.
ARLETTEFemme • Jeune adulte/Adulte/Senior
Arlette Galilée, gréviste très antilibérale… Le portrait sur scène d'Arlette Laguiller, pour ceux d'entre vous qui se souviennent. Ses envolées militantes sont invariables et insupportables.
PAPYHomme • Adulte/Senior
Papy, syndicaliste basique avec du bon sens…
MICHEIndifferent • Jeune adulte/Adulte/Senior
MICHE : Gréviste baba cool. H ou F. Il est présent dans les versions 10, 11, 12 et 13 personnages.
Le PREFET (ou la Préfète)Indifferent • Adulte/Senior
Le (ou la) PREFET(e) : sa devise = pas de vagues ! Il (elle) est parfois en off au téléphone dans les versions 9 et 10 rôles Il (elle) apparaît sur scène à partir de la version à 11 personnages. C'est un petit rôle.
EDWIGEFemme • Adulte
F EDWIGE : épouse de Charles-Antoine. Présente seulement dans la version à 13 personnages et dans l'une des 2 versions possibles à 12 personnages.
SERAPHIN(e)Indifferent • Age indifferent
SERAPHIN(e) : ange gardien de Charles-Antoine (qui est le seul à le voir et l'entendre). Présente seulement dans la version à 13 personnages et dans l'une des 2 versions possibles à 12 personnages.

Décor (1)

DECOR UNIQUELe bureau du PDG de "France cellulose". Vu la raison sociale (fabrique de papier hygiénique) ça devrait vous inspirer pour la déco. Le bureau de la secrétaire est aussi sur la scène, de côté (porte et vitre de séparation ?). Un canapé fort apprécié des grévistes occupants les lieux.

ACTE 1

 

SCENE 1

PATRICIA - CHARLES-ANTOINE,

 

Charles-Antoine de Montaigu, PDG de la société « France Cellulose » est derrière son bureau. A côté de lui Patricia, sa secrétaire, lui tourne les pages d’un classeur et lui donne des explications.

Sur un présentoir sont exposés les produits de la société : des rouleaux de papier toilettes et d’essuie-tout de toutes couleurs. Une banderole devant la scène ou dans la salle  indique : « Usine occupée – 40ème  jour de grève »

 

PATRICIA – Voici le contrat d’annulation de la société maritime.

Charles-ANTOINE (énervé) - Et encore une annulation ! C’est une catastrophe Patricia, une catastrophe !

PATRICIA – Là c’est la société des Hôtels Europalace, ils résilient leur contrat, ils ont trouvé un fournisseur américain.

Un objet vient soudain heurter la fenêtre du bureau. Ils sursautent.

CHARLES-ANTOINE (excédé) – Ils continuent leurs provocations ! Patricia, essayez à nouveau de m’appeler le préfet, je vous prie !

PATRICIA – Bien monsieur, mais je crains qu’il ne se soit mis volontairement aux abonnés absents, depuis ce matin dès que j’annonce votre nom, on me répond qu’il est en réunion ou déjà occupé au téléphone.

CHARLES-ANTOINE – Je m’en fous, réessayez quand même !

PATRICIA (elle referme son classeur) – Puisque vous insistez.

CHARLES-ANTOINE – Ce n’est pas moi qui insiste, ce sont les autres là dehors. D’ailleurs avant d’appeler regardez un peu où ils en sont de leur mascarade !

PATRICIA (téléphone mobile en main, elle va observer par la fenêtre) – Ils sont plus nombreux que ce matin. Je vois Grimaud et toutes ses ouvrières, le fils Labory et maintenant tous ceux du service technique. Ils continuent à faire cuire leurs saucisses.

CHARLES-ANTOINE –Ne m’en parlez pas, cette odeur de barbecue … Nauséabonde ! Comment peuvent-ils avaler ça ? Je comprends pourquoi certains préfèrent les balancer dans nos fenêtres.

PATRICIA - Tiens, c’est quoi ça ? Ils ont mis… Oh ! Ils ont mis une… Oh lala ! Ils ont mis…

CHARLES-ANTOINE – Et bien quoi ? Ils ont mis… Ils ont mis quoi ?

PATRICIA – Et bien euh… Une banderole sur la façade de l’atelier 3, une nouvelle banderole et en plus bien visible aussi sur l’avenue.

CHARLES-ANTOINE – Et c’est quoi cette banderole ?

PATRICIA – Ben… C’est que je n’ose pas…

CHARLES-ANTOINE – Osez Patricia, c’est un ordre !

PATRICIA – Il est écrit… Il est écrit… (Elle se met à débiter une phrase en bégayant au point  que l’on n’y comprend rien.) Montaitaimontututététégutégu  planqtontonplanktonton… Euh… Tontonton usine est dans la rue.

CHARLES-ANTOINE – Pardon ?

PATRICIA (elle prononce à nouveau, toujours inaudible, la même phrase) – Montaitai montutu montétégutégu  planqtonplanktonton, enfin ton… ton… Je peux pas ! …Ton usine est dans la rue.

CHARLES-ANTOINE – Vous voulez bien faire l’effort d’articuler Patricia ?

PATRICIA – Je peux pas monsieur !

CHARLES-ANTOINE – Bon… Je crains le pire ! (Il se lève et va à la fenêtre.)

Oh nom de dieu, enfin je veux dire… Ils ont osé !

PATRICIA – Vous voyez monsieur !

CHARLES-ANTOINE – Le préfet, Patricia, vite, le préfet et mettez le haut parleur.

Patricia s’active pour composer le numéro de la  préfecture. Sonneries, on décroche.

CABINET DU PREFET  (en son off) – Préfecture de Tarn et Moselle, bonjour.

PATRICIA – Allo ? Bonjour. Je suis la secrétaire de Monsieur Charles-Antoine de Montaigu qui souhaiterait parler à monsieur le Préfet en personne.

CABINET DU PREFET -  Bien madame, je vais voir si…

(Charles Antoine arrache le téléphone des mains de Patricia.)

CHARLES-ANTOINE – Charles Antoine de Montaigu lui-même ! Dites à Edouard… Enfin je veux dire à monsieur le préfet, que la situation ici est désormais intolérable et que je dois lui parler à tout prix immédiatement.

CABINET DU PREFET – Bien monsieur, je vais voir si monsieur le préfet est disponible.

Musique d’attente ou nouvelles sonneries.

CHARLES-ANTOINE (il est à nouveau à la fenêtre) – Impensable ! Déjà 40 jours que cela dure, mais là ils ont passé les bornes.

LE PREFET – Charles-Antoine, cher ami, comment allez-vous ?

CHARLES-ANTOINE – Mal, Edouard, très mal. Ils sont toujours là, sous mes fenêtres et si vous saviez ce qu’ils ont osé…

LE PREFET – Je sais mon ami, je sais. Les renseignements généraux viennent de m’informer.

CHARLES-ANTOINE – Vous vous rendez compte ?

LE PREFET – Ce n’est jamais qu’une banderole.

CHARLES-ANTOINE – Oui mais injurieuse !

LE PREFET – Injurieuse, injurieuse… Si l’on veut.

CHARLES-ANTOINE – Comment ça si l’on veut ? Mais je veux, moi ! (Il est à nouveau horrifié derrière la fenêtre.) Enfin, Edouard, ils ont mis en immenses lettres rouges « Montaigu, planque ton cul, ton usine est dans la rue ! ». Vous imaginez la réaction des passants ? Je vais être la risée de toute la ville, que dis-je de toute la région, de la France, de l’Europe, de…

Une nouvelle saucisse vient heurter la fenêtre où est posté Charles Antoine.

Vous entendez, aujourd’hui, ils ont trouvé un nouveau jeu. Voilà qu’ils canardent mes fenêtres avec des merguez. Des merguez nauséabondes !

LE PREFET – Que voulez-vous que l’on fasse ?

CHARLES-ANTOINE - Mais évacuez-moi tout ça et vite ! ça n’a que trop duré. 40 jours d’inactivité, imaginez la perte pour la société ! J’annule peu à peu toutes mes commandes, je perds les clients un à un ! Et n’oubliez pas que le ministre de l’économie du Burkanda doit venir visiter l’usine demain.

LE PREFET – Je sais cher ami, je sais… Mais si je fais évacuer l’usine ce sera pire encore. La population qui se contente pour l’instant d’exprimer sa sympathie aux grévistes va ouvertement apporter son soutien. Le député m’a appelé et il ne veut pas d’intervention musclée, il y a des élections dans 3 mois.

CHARLES-ANTOINE – Mais je me fous des élections moi ! Si l’usine ferme vous savez ce qu’elle va penser la population et ce qu’il va devenir le député, hein ? Et je fais quoi moi si le ministre Burkandais se pointe au milieu des merguez ? Je lui dis que c’est une coutume locale ?

LE PREFET – Allons, allons, cher ami, du calme. Je vous rappelle que cette grève vient de votre annonce de délocaliser votre usine au Burkanda l’année prochaine. La fermeture vous semblez bien l’avoir déjà programmée vous-même et bien avant ces événements.

CHARLES-ANTOINE – Allez-y ! Soutenez les tant que vous y êtes !

LE PREFET – Il n’est pas question de cela, mais comprenez que votre délocalisation ne fait pas l’unanimité même dans les rangs de nos amis et cela jusqu’au plus haut niveau de l’état. Et je ne parle pas de la pression mise par nos voisins européens dont les populations sont touchées… rendez-vous compte plus de 200 millions de « sans papier », enfin sans papier toilette depuis plus d’un mois !

CHARLES-ANTOINE – Je dois me laisser insulter  et ruiner !

LE PREFET – Je n’ai pas dit cela, mais cette grève est en train de dépasser le simple niveau local ou régional. Hier TF1 et RTL, aujourd’hui Antenne 2 et Europe 1… Il faut agir avec prudence. De plus les renseignements généraux me confirment que les journalistes bénéficient d’informations confidentielles qui ne peuvent venir que de votre Conseil d’Administration.

CHARLES-ANTOINE – Allons donc ? Vous êtes sûr ?

LE PREFET – Je vous le dis, mon vieux, il y a une taupe dans votre société qui renseigne les médias et peut-être même les syndicats. Ils ont en main vos bénéfices, vos arguments, votre stratégie et même des informations sur des choses dont je préfère croire qu’elles n’existent pas.

CHARLES-ANTOINE – Des choses dont… Des choses que ?

LE PREFET – Oui certains versements et numéros de comptes bancaires dans les îles caïmans.

CHARLES-ANTOINE – Ah mais, mais, mais…

LE PREFET – Allons, allons… Ce ne sont que des rumeurs sans fondement, n’est-ce pas ?

CHARLES-ANTOINE (il s’éponge le front) – Mais… Euh… mais oui sans fondement, évidemment.

LE PREFET – Vous voyez. Bon, soyez patient et RE-LA-TI-VI-SEZ.

CHARLES-ANTOINE – Facile à dire, Edouard. Mais moi, je suis sur le front !

LE PREFET – Votre affaire, Charles-Antoine, prend une tournure nationale, et juste avant votre appel j’étais en ligne avec le premier Ministre. Il a nommé hier soir un médiateur pour votre conflit.

CHARLES-ANTOINE – Un médiateur ? Et qui est-ce, ce médiateur ?

LE PREFET – Je l’ignore, le premier ministre n’a pas voulu m’en dire plus au téléphone. Tout ce que je sais c’est que ce médiateur doit arriver dès cet après-midi pour prendre contact avec vous. Il aura une accréditation à entête de Matignon.

CHARLES- ANTOINE – C’est bien, mais en attendant, ça s’agite de plus en plus dans ma cour d’usine et je ne me sens même plus en sécurité.

PREFET – J’ai envoyé sur place depuis ce matin notre meilleur officier des renseignements généraux, le « number one » pour ce genre d’affaires délicates. Il a pour mission de s’infiltrer dans votre usine et de nous tenir en alerte si les choses venaient à s’aggraver brutalement. Il prendra discrètement contact avec vous sous le nom de Claude André, capitaine Claude André.

CHARLES-ANTOINE – Capitaine Claude André, bien reçu.

LE PREFET – Je lui ai demandé aussi d’essayer de découvrir l’origine des fuites au sein de votre Conseil d’Administration.

CHARLES-ANTOINE – Ah ça ! S’il pouvait trouver le nom du salaud qui balance des infos à la presse…

LE PREFET – Vous voyez, cher ami, que vous n’êtes pas abandonnés. Allons courage et à bientôt.

CHARLES-ANTOINE - C’est ça oui, à bientôt Edouard (Il raccroche.)

 

SCENE 2

PATRICIA - CHARLES ANTOINE – CELESTINE

 

PATRICIA – ça va monsieur ?

CHARLES-ANTOINE – Bof ! C’est un cauchemar Patricia ! Un cauchemar !

PATRICIA – Oh oui monsieur.

CHARLES-ANTOINE – Patricia, jurez-moi que vous n’avez rien entendu de cette conversation avec le préfet !

PATRICIA – Le préfet ? De quel préfet monsieur parle-t-il ? Je n’ai rien entendu et surtout pas ces histoires d’affreuses bestioles.

CHARLES-ANTOINE – Affreuses bestioles ?

PATRICIA – Ben oui, que monsieur ce rassure… Pas de versement, pas de numéro, pas de compte, pas de banque, pas d’île… D’ailleurs, j’ai horreur des caïmans.

CHARLES-ANTOINE – Bien, bien, mais… Bon, on semble prendre enfin les événements au sérieux, mais suffira-t-il d’un médiateur envoyé par Matignon et d’un capitaine de police, fut-il le « number one » pour sortir de cette situation ?

Entrée, par la porte donnant sur les appartements, de Célestine joyeuse et même exubérante. Vêtements élégants, large foulard rouge sur les épaules.

CELESTINE – Vous avez vu dehors ?

CHARLES-ANTOINE – Quoi dehors ?

CELESTINE – Oh, cette banderole… Quelle audace, quel humour !

CHARLES-ANTOINE – Je vous accorde l’audace, mais quant à l’humour…

CELESTINE – Mais enfin ! (Elle scande les mots en regardant par la fenêtre.) « Montaigu - planque ton cul - Ton usine est dans la rue – Montaigu - Planque ton cul – Ton usine… »

CHARLES-ANTOINE – C’est ça ne vous gênez pas ! C’est scandaleux !

CELESTINE – Oh lala ! Toujours ce manque chronique d’humour mon petit Charles-Antoine ! Mais comment ma fille a-elle pu épouser un pareil coincé !

CHARLES-ANTOINE – Laissez donc Edwige en dehors de ça ! Et, s’il vous plaît, ne m’appelez pas votre « petit Charles-Antoine ».

PATRICIA (gênée par la tournure de la conversation) – Hum, hum…

CHARLES-ANTOINE – Patricia, vous pouvez retourner dans votre bureau, je vous appelle si j’ai besoin.

PATRICIA – Bien monsieur.

Patricia sort.

CELESTINE (imitant le ton de son gendre) – « Patricia, vous pouvez retourner dans votre bureau, je vous appelle si j’ai besoin ». Macho !

CHARLES-ANTOINE – Je ne répondrai pas à vos provocations.

CELESTINE – Exploiteur ! (Il ne répond pas.)… Esclavagiste ! (Toujours pas...

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