ACTE I
Dalila est dans sa kitchenette. On sonne. C’est William. Il a un sac de sport à la main.
Dalila. – William !!!
William. – Bonjour, Dalila.
Dalila, en colère. – Qu’est-ce que tu viens faire ici ?
William. – Il faut que je te parle…
Dalila. – En ce qui me concerne, je pense qu’on s’est tout dit ! En plus tu tombes mal, je n’ai vraiment pas de temps à t’accorder aujourd’hui.
William. – Mais c’est important…
Dalila. – Oh ! ça peut certainement attendre vingt-quatre heures…
William. – S’il te plaît…
Dalila. – Écoute, excuse-moi mais j’attends du monde. Tu reviendras un autre jour.
William. – Tu peux bien m’accorder cinq minutes… allez…
Dalila, en soupirant. – Bon… vas-y… je t’écoute.
William. – Je ne vais pas rester sur le palier, laisse-moi entrer, quand même !
Dalila, soupirant à nouveau, elle s’efface pour le laisser entrer. – D’accord mais je te répète, j’ai très peu de temps. Alors fais vite.
William, pose son sac dans un coin et regarde autour de lui. – Dis donc, ça n’a pas changé ici. Les meubles, les rideaux, la déco…
Dalila. – Je peux savoir ce que tu as à me dire ?
William. – Tu te rappelles, je m’amusais à changer les bibelots de place… Même si c’était le plus petit, dans un coin, tu t’en rendais compte immédiatement.
Dalila, agacée. – Oui… J’aime que tout soit à la même place autour de moi.
William. – Moi aussi, j’étais toujours là… Ça ne t’a pas empêché de m’éjecter…
Dalila. – J’avais une bonne raison, non ?
William. – Oui… bien sûr…
Dalila. – Tu veux que je te rafraîchisse la mémoire ?
William. – Non, non…
Dalila. – Bon. Tu avais quelque chose d’important à me dire, il paraît, alors vas-y, dis-le. Dis-le et pars !
William. – Tu n’es pas très contente de me revoir, hein ?
Dalila. – Je crois que tu n’as pas bien compris : je n’ai vraiment pas le temps. Alors arrête de tourner autour du pot ! Je t’écoute. Tu as deux minutes…
William. – Tu ne me facilites pas la tâche…
Dalila. – C’est fini, oui ? Je t’avertis, si dans une seconde tu ne…
William. – Je n’arrive pas à vivre sans toi ! Je t’aime toujours et… je voudrais qu’on se remette ensemble…
Dalila. – Non, mais tu plaisantes ! Tu as oublié pourquoi on s’est séparés ?
William. – Et toi, pourquoi on s’est aimés…
Dalila, le poussant vers la porte. – Bon, si c’est tout ce que tu avais à me dire, tu peux repartir comme tu es venu.
William, se dégageant. – J’ai dérapé, d’accord… Si tu savais comme je regrette, comme je m’en veux… Tu ne peux pas me rayer de ta vie comme ça ! J’ai compris la leçon, tu sais, je te jure que si tu me laisses revenir…
Dalila. – Même pas en rêve !
William, suppliant. – Ne me dis pas que tu ne penses jamais à moi… Tiens, quand tu t’assois sur ce canapé…Tu te rappelles, on y avait…
Dalila. – Ça suffit ! Dehors ! (Elle ouvre la porte, le pousse dehors et referme.)
William, rentrant. – Il n’y a pas d’espoir, hein ?
Dalila. – Inutile de me faire tes yeux de cocker, ça ne marche pas.
William, abattu. – O.K… d’accord… tu ne m’aimes plus… Pardon de t’avoir dérangée, je ne t’embêterai plus… plus jamais… promis.
Il sort sur le palier, Dalila aperçoit le sac de sport.
Dalila. – Attends, tu oublies ton sac. (Elle le soulève, il est très lourd.) Mais… bon sang !… Qu’est-ce qu’il y a là-dedans ?
William, surjouant. – Rien !… Non ! Surtout ne l’ouvre pas !
Dalila. – Mais ce n’était pas mon intention…
William, même jeu. – N’insiste pas ! De toute façon, ce qui me concerne ne t’intéresse plus, c’est bien ce que tu m’as fait comprendre, non ? (Dalila, agacée, lui tourne le dos. Il vient vers son sac, tire la fermeture Éclair et l’attrape par une seule anse. À l’intérieur, il y a une grosse pierre avec une corde attachée autour qui se renverse sur le sol. Faussement :) Oh non ! Quand le sort s’en mêle…
Dalila. – Mais… qu’est-ce que… Tu penses aller où avec ça ?
William. – Je vais faire une balade autour du lac…
Dalila. – Avec une pierre entourée d’une corde ! Une corde que tu as l’intention de te nouer autour du cou ou de la taille avant de faire un plongeon dans le lac ! C’est ça ?
William, même jeu. – Ah ! mais pourquoi tu as ouvert ce sac ? Toi et ta maudite curiosité…
Dalila. – Tu veux te suicider ?!
William. – Qu’est-ce que ça peut te faire ?
Dalila. – Tu es complètement fou !
William. – Non, je suis désespéré… Tu ne m’aimes plus alors je ne veux plus vivre…
Dalila. – Mais… Mais tu te rends compte que si tu fais ça, tu vas bousiller ma vie ?
William. – Surtout la mienne…
Dalila. – La mienne aussi ! Ce serait de ma faute… Je ne me le pardonnerais jamais !
William. – Ça… j’avoue que tu y serais un peu pour quelque chose. À ta place, moi aussi je serais rongé par le remords.
Dalila. – Je t’interdis de te suicider, tu entends ! Tu n’as pas le droit ! Reprends-toi, voyons, ce n’est pas la fin du monde ! Tu vas trouver quelqu’un d’autre… Tu m’oublieras !
William. – Je suis déjà mort… Tu étais le sel de ma vie. Sans toi tout est fade, alors à quoi bon…
Dalila. – Tu as un gros coup de blues, mais ça va passer.
William. – Je ne pense pas, non…
Dalila. – Tu sais ce que tu vas faire ? Tu vas réfléchir calmement à tout ça. Rentre chez toi et demain, promis, on en parlera.
William. – Oui, c’est ça… demain… demain… (Sourire triste. Il lui pince la joue tendrement et finit par une caresse. Il commence à partir.)
Dalila. – Non ! Attends ! Reste ici !
William. – Tu m’as dit que tu étais très occupée…
Dalila. – Je m’arrangerai.
William. – Laisse tomber. De toute façon, je veux être seul.
Dalila. – Il n’en est pas question ! Tu risques de faire une grosse bêtise. Allez, ne discute pas, tu restes, un point c’est tout !
William. – Puisque tu insistes…
Dalila. – Ce soir, on en reparlera tous les deux et tu verras, ça va aller.
William. – Si tu le dis… Je voudrais me passer un peu d’eau sur la figure.
Dalila. – Oui, bien sûr. La salle de bains, c’est par là.
William. – Je connais le chemin !
Elle prend le sac, le porte difficilement et le met sous le placard de l’évier.
Marc-Antoine arrive avec un carton de pâtissier.
Marc-Antoine. – Et voilà le gâteau ! Cette fois, il ne manque plus rien ! Je suis tombé sur la voisine d’en face, la mère Patouillard. Je ne pouvais plus m’en débarrasser. Elle voulait tout savoir. Elle est plus curieuse que trente-six fouines ! (Il voit la tête de Dalila.) Oh ! toi, tu stresses !
Dalila. – Ben… c’est-à-dire que…
Marc-Antoine, la prend dans ses bras et la fait tourner. – Allez, décontracte-toi, tu verras, tout se passera bien. Mes parents vont t’adorer !
Dalila. – Oui… sans doute… mais c’est plutôt que…
Marc-Antoine. – Et moi, je vais adorer ta mère… et je vais lui plaire aussi, c’est couru d’avance !
Dalila. – C’est que… il y a une chose qui risque de…
Marc-Antoine. – Rien du tout ! Arrête de te monter la tête. De toute façon, c’est trop tard. Aujourd’hui, c’est le grand jour. Tout ce petit monde va faire connaissance !
Dalila. – Justement… il faut que tu…
Marc-Antoine. – Tss tss tss… Allez, souris ! Mieux que ça ! (William revient de la salle de bains. Marc-Antoine se fige, éberlué.) Qu’est-ce qu’il fait là, lui ?
Dalila. – C’est ce que j’essaie de te dire depuis tout à l’heure…
William. – Je ne pensais pas rester mais Dalila a insisté.
Marc-Antoine, à Dalila. – Comment ça, tu as insisté ? Tu peux m’expliquer ?
William. – Ça ne sert à rien de lui crier dessus.
Marc-Antoine. – Je ne lui crie pas dessus, je veux des explications. Et puis d’abord, ce ne sont pas tes oignons, O.K. ?
Dalila, à Marc-Antoine. – Inutile de l’agresser. (À William.) Laisse-nous un moment, tu veux bien ?
William repart.
Marc-Antoine. – Je t’écoute.
Dalila. – William est venu pour me dire que je lui manquais…
Marc-Antoine. – Charmant.
Dalila. – Et qu’il voulait qu’on se remette ensemble…
Marc-Antoine. – De mieux en mieux ! Et tu as répondu quoi ? Non parce que, si tu as des doutes, ce serait bien que je le sache tout de suite. Il est encore temps de décommander les parents.
Dalila. – Arrête. Ne sois pas ridicule. Je lui ai fermement fait comprendre que tout était terminé.
Marc-Antoine. – Alors, pourquoi il est toujours là ? Et pourquoi il sortait de la chambre ?
Dalila. – De la salle de bains. Il a voulu se rafraîchir un peu, reprendre ses esprits. Tu dois le ménager… Il est très fragile, tu sais.
Marc-Antoine. – Oh ! le pauvre chou !
Dalila. – Ne plaisante pas ! Il voulait se suicider ! Tu te rends compte ?
Marc-Antoine. – Ah bon ! Et il ne veut plus ? Dommage…
Dalila. – Tu es cruel…
Marc-Antoine. – Quand on décide vraiment de se suicider, on le fait, on ne l’annonce pas en le criant sur les toits !
Dalila. – Mais il n’a rien dit ! Il allait repartir lorsque je me suis rendu compte qu’il oubliait son sac… Et tu sais ce qu’il y avait dedans ? Une pierre avec une corde attachée autour ! Tu te rends compte ?
Marc-Antoine. – Joli coup ! Il t’a mis ça sous le nez pour t’attendrir !
Dalila. – Pas du tout. Quand il a attrapé son sac, la...