Ben mon colon !

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Marc-Antoine, fils de colonel, a décidé de faire se rencontrer ses parents et la mère de Dalila, la jeune fille qu’il veut épouser. D’un milieu diamétralement opposé au leur, cette dernière arrive avec son compagnon. Tous deux, acteurs de seconde zone, mais persuadés d’être excellents, vont faire une entrée très remarquée au grand désespoir du colonel et de son épouse. Les amoureux ne seront pas au bout de leurs peines car c’est ce jour-là précisément qu’ont choisi leurs « ex » respectifs pour leur faire une visite surprise…

 

 

 

 

 

ACTE I

 

Dalila est dans sa kitchenette. On sonne. C’est William. Il a un sac de sport à la main.

Dalila. – William !!!

William. – Bonjour, Dalila.

Dalila, en colère. – Qu’est-ce que tu viens faire ici ?

William. – Il faut que je te parle…

Dalila. – En ce qui me concerne, je pense qu’on s’est tout dit ! En plus tu tombes mal, je n’ai vraiment pas de temps à t’accorder aujourd’hui.

William. – Mais c’est important…

Dalila. – Oh ! ça peut certainement attendre vingt-quatre heures…

William. – S’il te plaît…

Dalila. – Écoute, excuse-moi mais j’attends du monde. Tu reviendras un autre jour.

William. – Tu peux bien m’accorder cinq minutes… allez…

Dalila, en soupirant. – Bon… vas-y… je t’écoute.

William. – Je ne vais pas rester sur le palier, laisse-moi entrer, quand même !

Dalila, soupirant à nouveau, elle s’efface pour le laisser entrer. – D’accord mais je te répète, j’ai très peu de temps. Alors fais vite.

William, pose son sac dans un coin et regarde autour de lui. – Dis donc, ça n’a pas changé ici. Les meubles, les rideaux, la déco…

Dalila. – Je peux savoir ce que tu as à me dire ?

William. – Tu te rappelles, je m’amusais à changer les bibelots de place… Même si c’était le plus petit, dans un coin, tu t’en rendais compte immédiatement.

Dalila, agacée. – Oui… J’aime que tout soit à la même place autour de moi.

William. – Moi aussi, j’étais toujours là… Ça ne t’a pas empêché de m’éjecter…

Dalila. – J’avais une bonne raison, non ?

William. – Oui… bien sûr…

Dalila. – Tu veux que je te rafraîchisse la mémoire ?

William. – Non, non…

Dalila. – Bon. Tu avais quelque chose d’important à me dire, il paraît, alors vas-y, dis-le. Dis-le et pars !

William. – Tu n’es pas très contente de me revoir, hein ?

Dalila. – Je crois que tu n’as pas bien compris : je n’ai vraiment pas le temps. Alors arrête de tourner autour du pot ! Je t’écoute. Tu as deux minutes…

William. – Tu ne me facilites pas la tâche…

Dalila. – C’est fini, oui ? Je t’avertis, si dans une seconde tu ne…

William. – Je n’arrive pas à vivre sans toi ! Je t’aime toujours et… je voudrais qu’on se remette ensemble…

Dalila. – Non, mais tu plaisantes ! Tu as oublié pourquoi on s’est séparés ?

William. – Et toi, pourquoi on s’est aimés…

Dalila, le poussant vers la porte. – Bon, si c’est tout ce que tu avais à me dire, tu peux repartir comme tu es venu.

William, se dégageant. – J’ai dérapé, d’accord… Si tu savais comme je regrette, comme je m’en veux… Tu ne peux pas me rayer de ta vie comme ça ! J’ai compris la leçon, tu sais, je te jure que si tu me laisses revenir…

Dalila. – Même pas en rêve !

William, suppliant. – Ne me dis pas que tu ne penses jamais à moi… Tiens, quand tu t’assois sur ce canapé…Tu te rappelles, on y avait…

Dalila. – Ça suffit ! Dehors ! (Elle ouvre la porte, le pousse dehors et referme.)

William, rentrant. – Il n’y a pas d’espoir, hein ?

Dalila. – Inutile de me faire tes yeux de cocker, ça ne marche pas.

William, abattu. – O.K… d’accord… tu ne m’aimes plus… Pardon de t’avoir dérangée, je ne t’embêterai plus… plus jamais… promis.

Il sort sur le palier, Dalila aperçoit le sac de sport.

Dalila. – Attends, tu oublies ton sac. (Elle le soulève, il est très lourd.) Mais… bon sang !… Qu’est-ce qu’il y a là-dedans ?

William, surjouant. – Rien !… Non ! Surtout ne l’ouvre pas !

Dalila. – Mais ce n’était pas mon intention…

William, même jeu. – N’insiste pas ! De toute façon, ce qui me concerne ne t’intéresse plus, c’est bien ce que tu m’as fait comprendre, non ? (Dalila, agacée, lui tourne le dos. Il vient vers son sac, tire la fermeture Éclair et l’attrape par une seule anse. À l’intérieur, il y a une grosse pierre avec une corde attachée autour qui se renverse sur le sol. Faussement :) Oh non ! Quand le sort s’en mêle…

Dalila. – Mais… qu’est-ce que… Tu penses aller où avec ça ?

William. – Je vais faire une balade autour du lac…

Dalila. – Avec une pierre entourée d’une corde ! Une corde que tu as l’intention de te nouer autour du cou ou de la taille avant de faire un plongeon dans le lac ! C’est ça ?

William, même jeu. – Ah ! mais pourquoi tu as ouvert ce sac ? Toi et ta maudite curiosité…

Dalila. – Tu veux te suicider ?!

William. – Qu’est-ce que ça peut te faire ?

Dalila. – Tu es complètement fou !

William. – Non, je suis désespéré… Tu ne m’aimes plus alors je ne veux plus vivre…

Dalila. – Mais… Mais tu te rends compte que si tu fais ça, tu vas bousiller ma vie ?

William. – Surtout la mienne…

Dalila. – La mienne aussi ! Ce serait de ma faute… Je ne me le pardonnerais jamais !

William. – Ça… j’avoue que tu y serais un peu pour quelque chose. À ta place, moi aussi je serais rongé par le remords.

Dalila. – Je t’interdis de te suicider, tu entends ! Tu n’as pas le droit ! Reprends-toi, voyons, ce n’est pas la fin du monde ! Tu vas trouver quelqu’un d’autre… Tu m’oublieras !

William. – Je suis déjà mort… Tu étais le sel de ma vie. Sans toi tout est fade, alors à quoi bon…

Dalila. – Tu as un gros coup de blues, mais ça va passer.

William. – Je ne pense pas, non…

Dalila. – Tu sais ce que tu vas faire ? Tu vas réfléchir calmement à tout ça. Rentre chez toi et demain, promis, on en parlera.

William. – Oui, c’est ça… demain… demain… (Sourire triste. Il lui pince la joue tendrement et finit par une caresse. Il commence à partir.)

Dalila. – Non ! Attends ! Reste ici !

William. – Tu m’as dit que tu étais très occupée…

Dalila. – Je m’arrangerai.

William. – Laisse tomber. De toute façon, je veux être seul.

Dalila. – Il n’en est pas question ! Tu risques de faire une grosse bêtise. Allez, ne discute pas, tu restes, un point c’est tout !

William. – Puisque tu insistes…

Dalila. – Ce soir, on en reparlera tous les deux et tu verras, ça va aller.

William. – Si tu le dis… Je voudrais me passer un peu d’eau sur la figure.

Dalila. – Oui, bien sûr. La salle de bains, c’est par là.

William. – Je connais le chemin !

Elle prend le sac, le porte difficilement et le met sous le placard de l’évier.

Marc-Antoine arrive avec un carton de pâtissier.

Marc-Antoine. – Et voilà le gâteau ! Cette fois, il ne manque plus rien ! Je suis tombé sur la voisine d’en face, la mère Patouillard. Je ne pouvais plus m’en débarrasser. Elle voulait tout savoir. Elle est plus curieuse que trente-six fouines ! (Il voit la tête de Dalila.) Oh ! toi, tu stresses !

Dalila. – Ben… c’est-à-dire que…

Marc-Antoine, la prend dans ses bras et la fait tourner. – Allez, décontracte-toi, tu verras, tout se passera bien. Mes parents vont t’adorer !

Dalila. – Oui… sans doute… mais c’est plutôt que…

Marc-Antoine. – Et moi, je vais adorer ta mère… et je vais lui plaire aussi, c’est couru d’avance !

Dalila. – C’est que… il y a une chose qui risque de…

Marc-Antoine. – Rien du tout ! Arrête de te monter la tête. De toute façon, c’est trop tard. Aujourd’hui, c’est le grand jour. Tout ce petit monde va faire connaissance !

Dalila. – Justement… il faut que tu…

Marc-Antoine. – Tss tss tss… Allez, souris ! Mieux que ça ! (William revient de la salle de bains. Marc-Antoine se fige, éberlué.) Qu’est-ce qu’il fait là, lui ?

Dalila. – C’est ce que j’essaie de te dire depuis tout à l’heure…

William. – Je ne pensais pas rester mais Dalila a insisté.

Marc-Antoine, à Dalila. – Comment ça, tu as insisté ? Tu peux m’expliquer ?

William. – Ça ne sert à rien de lui crier dessus.

Marc-Antoine. – Je ne lui crie pas dessus, je veux des explications. Et puis d’abord, ce ne sont pas tes oignons, O.K. ?

Dalila, à Marc-Antoine. – Inutile de l’agresser. (À William.) Laisse-nous un moment, tu veux bien ?

William repart.

Marc-Antoine. – Je t’écoute.

Dalila. – William est venu pour me dire que je lui manquais…

Marc-Antoine. – Charmant.

Dalila. – Et qu’il voulait qu’on se remette ensemble…

Marc-Antoine. – De mieux en mieux ! Et tu as répondu quoi ? Non parce que, si tu as des doutes, ce serait bien que je le sache tout de suite. Il est encore temps de décommander les parents.

Dalila. – Arrête. Ne sois pas ridicule. Je lui ai fermement fait comprendre que tout était terminé.

Marc-Antoine. – Alors, pourquoi il est toujours là ? Et pourquoi il sortait de la chambre ?

Dalila. – De la salle de bains. Il a voulu se rafraîchir un peu, reprendre ses esprits. Tu dois le ménager… Il est très fragile, tu sais.

Marc-Antoine. – Oh ! le pauvre chou !

Dalila. – Ne plaisante pas ! Il voulait se suicider ! Tu te rends compte ?

Marc-Antoine. – Ah bon ! Et il ne veut plus ? Dommage…

Dalila. – Tu es cruel…

Marc-Antoine. – Quand on décide vraiment de se suicider, on le fait, on ne l’annonce pas en le criant sur les toits !

Dalila. – Mais il n’a rien dit ! Il allait repartir lorsque je me suis rendu compte qu’il oubliait son sac… Et tu sais ce qu’il y avait dedans ? Une pierre avec une corde attachée autour ! Tu te rends compte ?

Marc-Antoine. – Joli coup ! Il t’a mis ça sous le nez pour t’attendrir !

Dalila. – Pas du tout. Quand il a attrapé son sac, la...

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