Bloc 9

« Va-t-on attendre le 22 -ème siècle pour raconter notre histoire en face ? ». Je suis le petit fils d’un « indigène » mort dans le camp de Ndjock lors de la colonisation allemande au Cameroun.

Quand j’arrive en Belgique le 6 septembre 2012, à la suite des persécutions liées à mon métier de journaliste, je suis loin d’imaginer, en quête d’asile, que je séjournerai dans un lieu d’internement.

Dans le camp de Bierset (Liège), je reçois une ration alimentaire, vis dans la promiscuité…. -hasard de la vie-, comme mon grand-père. « Nos femmes étaient des maitresses forcées de ces Blancs subalternes » Témoignage d’un rescapé
Bloc 9 est une invitation à regarder ensemble les oppressions, les affronter. Nous faisons un travail de mémoire et d’histoire, écoutons les récits, les cris des victimes, faisons preuve de pédagogie à travers des témoignages, récits, vidéo et audio.

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BLOC 9

 

Quand on n’a pas de tombes où se recueillir

 

 

 

 

 

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  1. Camp colonial de Ndjock au Cameroun. Des forçats chantent et dansent dans la cour. C’est dimanche, jour de relâche. (Jeux marionnettes dans une cage)

 

 

Debout, deux colons observent la cage en hauteur, sirotant du thé.

 

Libot

 

Je les aime bien.

 

Hans

 

Moi aussi, vous savez.

 

Libot

 

Cette manière de se ligoter est poétique.

 

Hans

 

Ce sont des rites méticuleux.

 

Libot

 

Ils dansent vraiment bien.

 

 

Hans

 

On voit qu’ils miment les meurtres qu’ils ne peuvent pas commettre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Libot

 

Absolument. Nous devrions les helléniser, les éduquer.

 

Hans

 

Ce ne sont cependant pas les derniers des hommes. Il faut classer, après eux, les petites races d’hommes qui habitent les régions les plus inaccessibles.

 

 

 

 

Libot

 

Moi qui ai vécu en Amérique centrale, je puis témoigner du désespoir des prêtres chrétiens qui s’efforçaient d’imprimer aux Indiens le sceau de la civilisation alors que ces derniers s’abîmaient dans l’alcool et des liqueurs fortes. En Amérique du Sud, dans les plantations, j’ai observé les ravages opérés par l’alcool sur les indigènes et précisément sur ceux enlevés en Afrique centrale, aucun mot ne pourrait décrire avec justesse ce que mes yeux ont vu. Les indigènes ne succombent pas seulement physiquement à l’ivrognerie, ils y succombent moralement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Dans la pénombre, un indigène danse au rythme d’une mélodie. Chants parlés

 

 

 

 

Ayissi Beko’o, l’ancêtre

 

Il n’y a rien d’aussi délicieux sur cette terre que le mets de pistaches cuit dans des feuilles de bananiers. Vraiment rien d’aussi délicieux que le mets de pistaches cuit dans des feuilles de bananiers. Le mets d’arachides est bon, c’est vrai, mais le mets de pistaches est meilleur ; surtout les pistaches concassées en saison sèche, pas les pistaches concassées en saison des pluies. Non pas celles-là.

Dieu merci, ma femme cuisine très très bien. Je ne dirai pas que c’est pour ça que je l’ai épousée.  Non. Mais soyons franc, Therissa m’a fait 2 beaux enfants. Bennebeu est grand, fort et bien musclé. Il a passé son initiation, le tso, sans problèmes.  Essimi Kouna, ma fille, son portrait vaut bien un poème. Beaucoup de garçons du village clament avec zèle sa beauté. Sa dote sera très élevée. C’est sûr. C’est sûr.

Therissa, ma femme, la première fois que je l’ai vue, c’était par hasard, par pur hasard, à la rivière. J’aurai pu lui dire tout de suite qu’elle est belle comme la lune, mais ça ne se fait pas. Ça ne se fait pas. De toutes façons, ça n’aurait pas marché, je n’avais rien à l’époque, pas même un champ, ni une case, encore moins une lance. C’est important d’avoir une lance pour aller chasser le gibier dans la forêt, prendre soin de sa famille.

 

C’est vrai que jeune j’ai des atouts. Je sais battre le tam-tam et le tambour des fêtes, et je me fatigue difficilement à ce jeu. Du coup, ma croissance inquiète plus d’un mari du village. Beaucoup de jeunes femmes mariées introduise mon nom dans des chansons d’amour. C’est à qui me violerait la première « Quelle chance pour être celle-là de gouter aux primeurs d’un arbre si vigoureux ! ». Ma mère s’enorgueillit de cet état de choses. Elle me demande cependant de ne pas regarder les femmes d’autrui. Et parfois, elle me demande si je suis déjà « un homme ». Mais je ne comprends pas le sens de sa question.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Il est rejoint par Mbani, une indigène.

Chants parlés.

 

Mbani

 

« Issam Seukleu », mon nom est « Issam Seukleu », qui veut dire « fluette ». Silures, anguilles, truites, poissons chats et crabes cohabitent en mon sein. Ma cambrure est la plus haute montagne du pays. Mon lait.  Mon lait peut nourrir la tribu Engap tout entière. Combien de fois j’ai été souillée ? Combien ? Combien ? Autant de fois que les gouttes de pluie qui tombent ; que les étoiles du ciel, que les grains de sable de la mer. Je suis une voute, une voute, prête à accueillir, à recueillir.  Je suis une route sans fin, sans fond.

 

Quoi ? J’ai un mari. Oui, c’est vrai. Il l’aime, oui c’est aussi vrai. Mais pas assez pour lutter. Il me laisse partir tous les soirs et revenir tous les matins. Mais j’espère qu’il est déjà parti, que je ne le croiserai pas ce matin à mon retour. Son odeur, autant que ses caresses me répugnent. Mon mari a abandonné la lutte, m’a laissé. C’est pire que les coups que j’encaisse chaque soir dans smn ventre... Non je ne plus à lui. Non. Non. Non et non. Le mariage est fini. Je libre. Libre. Libre. Libre. Libre. Mais avant, je voudrais qu’il crève comme son cousin Issele, enterré vivant.

Quoi ! Quoi donc ? Je suis cruelle. Oui, oui.  Pourquoi, lui, il ne fait rien. C’est mon mari, c’est vrai, c’est bien vrai. Je suis restée plus longtemps que d’habitude cette nuit, ou plutôt ce matin… enfin je ne sais pas si c’est le matin ou c’est le soir. J’espère vraiment qu’il est déjà parti. Je ne supporte plus son regard, sa voix, ses mains, c’est pire que les coups dans mon ventre. J’espère vraiment qu’il n’est pas là. Mais, il est sera là certainement à m’attendre. Et à me poser toujours la même question :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Ayissi Beko’o

 

Tu as les nouvelles du village ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Pearle retrouve les 2 colons. Ils regardent tous les 3 au-dessus de la cage à marionnettes… Et puis un cri de femmes qui pleure

 

 

Hans

 

Avez-vous déjà vu une femme hurler de douleur parce qu’on lui badigeonne le sexe de…bitume ?

 

 

Pearle

 

De bitume ?

 

 

Hans

 

Un jour, un groupe de femmes est venu du pays pour rejoindre leurs époux. Pendant une semaine, elles ont vécu dans la clandestinité, leurs maris ont tout fait pour dissimuler leur présence. Alors que leurs hommes étaient au « balaton », chantier, j’ai mené une inspection surprise dans leurs baraquements…

 

 

 

Libot

 

N’en dites pas plus.

 

 Hans

Depuis ce jour-là, c’est la pagaille dans ma tête.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Pearle

 

Dans votre tête ? En avez-vous une ?

 

 

 

Hans

 

Aie!! Ces vilaines bestioles.… Je vais les exterminer.

Connaissez-vous Dusseldorf ? J’y suis né et j’y ai passé toute mon adolescence.

Alors que ma mère était enceinte de moi, mon père l’avait quitté pour sa meilleure amie une rue plus loin. La   p… !

 

 

Projection vidéo de la falaise de Ndjock au mur

 

Pearle regarde en direction de la falaise et s’exclame :

- Waow !!! C’est magnifique !

 

Hans

Les corps sont jetés d’ici. Certains sont pris par des éboulements de terrain quand on dynamite les roches. Ça arrive si souvent que vous ne pouvez l’imaginer. D’un seul coup, et boum !!

 

 

Ekobo, un nègre de salon, vient servir du thé à ses maîtres

 

Ekobo 

 

Voulez-vous une banane ? Ce sont les meilleures bananes du monde…

 

 

Pearle lance des morceaux de chocolat à Ekobo qui les attrape et lui fait signe de danser…

 

Hop ! Et hop …

 

(rires général)

 

 

 

 

 

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Pearle

 

Je me rappelle la première fois que j’ai mis les pieds en Afrique. C’était en Mauritanie, j’étais toute petite, j’avais 5 ou 6 ans. On avait des servantes et des serviteurs dans notre maison. Ils avaient des enfants de mon âge. Il m’était interdit de jouer avec ces enfants-là. Sur le coup, je n’avais pas réalisé …

 

Pearle chante

 

Là là là là là là

 

 

Aujourd’hui, j’ai plein des questions toujours sans réponse.  Comment à ma petite échelle, en tant que jeune européenne, réparer les carnages du passé, les blessures du présent ? Comment les discours sociaux sont-ils reconstruits ? Comment un pays, une société civile se culpabilise par rapport à l’action de ses ancêtres ?  Comment une injustice passée, peut se transformer en action prospective ? Quelle histoire de la colonisation, est-elle enseignée dans les écoles ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Musique de fanfare. Strass, paillettes …

Au cœur des intérêts stratégiques de la colonisation

 

Chef Yezoum, tribu du centre Cameroun

 

Le corps du blanc n’est pas sorti de l’eau. Ce n’est pas une sirène. Voici maintenant que ce blanc  est venu dans notre pays. Ne pensez pas que parce qu’il est petit, qu’il n’est pas à craindre. Le léopard est aussi petit, pourtant il inspire peur jour et nuit. L’homme blanc a un bon et mauvais côté, tout comme la lune.

Il va rester avec nous et nous lui ferons une case pour qu’il préfère rester ici.

 

 

Roi Ngila, Souverain des Vouté , tribu Cameroun

 

Mes doléances sont simples : des fusils modernes pour étendre mes conquêtes, mes zones de capture d’esclaves. Je voudrai aussi sortir de la tutelle de mon oncle, le lamido de Tibati. Je vais proposer aux Allemands le monopole commercial, ils ne refuseront pas.

Comme cadeau royal et sans contrepartie, j’offre 120 femmes et de nombreuses défenses d’éléphants au lieutenant Tappenbeck. A Curt Von Morgen, son adjoint, je lui offre ma fille.

 

 

Essono Ela, notable de Yaoundé

 

Les Allemands sont détenteurs d’armes mystérieuses et puissantes. En échange de mon hospitalité, ils construisent leur première station à l’intérieur de ma chefferie, une tête de pont avancée pour la protection de leur caravane commerciale ; ils vont équiper mon armée de fusils modernes, ça me permettra de tenir tête à mes adversaires

 

 

 

Libot

 

Alors que les Ngumba nous lancent tout bêtement leur mbolo, c’est-à-dire bonjour, les Yaoundé eux, nous donnent des poignées de mains, et même, souvent, surtout les femmes, plus expansives, nous serrent dans leurs bras très cordialement. Nous avançons avec le cortège triomphal. Les femmes aident mes gens à porter leurs charges, et dans le village retentit le chant   composé express pour notre arrivée, accompagné de danses. Un chef d’un petit village à qui je veux remettre quelques brasses de tissus bleu en guise de cadeau, me prie de lui remettre plutôt un drapeau noir, blanc, rouge, ainsi on le reconnaitra dans sa tribu comme un ami des Blancs et comme  tel, il sera davantage respecté

 

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Pearle chante à nouveau

Là la la la la

 

Et lance chocolat à Ekobo qui les attrape…

 

 

Ekobo

 

Hum délicieux !!

 

N’eut été ma venue en Belgique, j’aurai pu mourir comme mon père sans avoir jamais mangé du vrai chocolat, dégusté un magnum, l’onctueuse glace enrobée d’un doux chocolat blanc ou noir. Pourtant, mon père a été toute sa vie, cultivateur de cacao.

 

Pour la première fois de ma vie, je consomme une vraie barre de chocolat à la sortie d’un magasin        à Liège en 2014. La tablette est emballée avec du papier aluminium. Je l’ouvre délicatement en fermant les yeux. La barre noire fond sur ma langue provoquant une étrange sensation qui me donne l’impression de rêver. Les arômes de cette merveilleuse crème envahissent l’intimité de mon être. Une exaltation papillaire explose ma bouche. Non, ce n’est pas vrai. Je n’en reviens pas.

 

Jusqu’ici, pour moi, il n’y a rien d’aussi bon que le chocolat « sauce d’arachides » de ISSA, le boutiquier malien de Sa’a, petit arrondissement située à 70 kilomètres de Yaoundé, la capitale du Cameroun.

 

 

Hans

 

Le chocolat « sauce d’arachides » est en réalité un mélange de résidus de chocolat avec de l’huile d’arachides.

 

Ekobo

 

Une couche de ce chocolat dans un morceau de pain, vous êtes au septième ciel.

Issa vend la cuillère à café de son chocolat « sauce d’arachide » à 25 FCFA, à peu près 5 centimes, un peu plus cher qu’une cuillère de beurre, 15 FCFA. J’aime aussi le mélange de Issa ; chocolat- beurre margarine.

 

Mais uniquement le beurre margarine de France. Pas ces nouveaux beurres fabriqués par la société des confiseries du Cameroun. Deux cuillères à café du chocolat « sauce d’arachide » pour une cuillère de beurre margarine de France, vous voyagez sans

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décoller, les amis. Le grand luxe, c’est le chocolat Mambo, 75 CFA, environ 45 centimes. Connaissez-vous le chocolat Mambo ? Si vous voulez avoir une chance avec une fille de mon quartier, investissez en priorité dans l’achat d’un Mambo. La petite barre à la couleur foncée est très prisée par la petite gente féminine du quartier.

 

A 8 ans, vous comprenez, on n’a vraiment pas conscience que le chocolat provient du cacao. Pourtant je jouis déjà d’une grande expérience de la culture de cacao.

J’ai 10 ans. Je suis le général des forêts qui part en guerre contre les colonies d’insectes et autres chenilles dévoreuses qui attaquent les jeunes  feuilles et pépins de notre plantation de cacao. Armé d’un pulvérisateur à manivelle, je passe les week-ends à arroser les plantes de fongicides, les sols d’herbicides et autres.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Mbani

 

Il y a 2 ans pendant le confinement, Ekobo a découvert, qu’il est marqué au fer rouge par l’horreur des camps, comme certains à l’évocation des camps de concentration nazi de l’Allemagne d’Adolphe Hitler, toutes choses étant égales par ailleurs.

 

 

 

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Hans

 

Nous passons toutes les heures pour tracer à la craie rouge la progression que chaque équipe doit faire sur la roche. Ils sont classés par 2 en fonction de leur taille. Le premier se tient contre la roche et porte sur son épaule gauche ou droite, un burin. Son second, derrière lui, porte un marteau de 10 kilogrammes qu’il frappe sur le burin pour que la roche saute. Souvent le marteau touche le cou de l’indigène contre la roche. Pas le temps d’organiser un enterrement, le mort est aussitôt jeté au bas de la falaise, qu’un autre prend la suite pour que le travail continue.

 

 

 

 

 

Libot

 

Dès l’arrivée des indigènes, on leur fait savoir qu’ils assurent la relève des travailleurs qui sont sur place et qui, pour l’instant se trouvent encore au chantier. Les affectations pour le lendemain sont décidées, les équipes de travail constituées. La seule équipe où l’on a une chance de survie est le groupe aidant les géomètres. Là, le travail est moins pénible. Le tracé est déjà fait. Il faut combler les marécages et les creux pour élever un remblai jusqu’au niveau suffisant pour la pause des rails. Un groupe va en avant-garde chercher de la latérite et la mettre en tas. Il faut la transporter sur la tête dans de petits paniers de 10 à 20 kg.  Le travail le plus pénible consiste à percer les collines jusqu’au niveau des rails. Il faut creuser une tranchée, piocher et déblayer la terre jusqu’à dix ou quinze mètres de profondeur. Si par malheur, il pleut, et que vous vous trouvez dans un trou, la terre peut vous ensevelir. Trente à quarante personnes meurent chaque fois de cette façon.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Ekobo

 

Diable, mais qu’est ce qui peut m’apaiser ? Depuis la conversation téléphonique avec ma maman, que je connais la vérité, je suis comme possédé, comme privé de l’usage de mes sens. Je voudrais déchirer mes vêtements, mordre ma chair. Et cette voix résonne encore plus fort dans ma tête.

 

Montani a bomgui monyayomo, maiyeun tsin lon. Ai bogbo tsozout. Aikeu tsik bilog assou kabat Yama

 

Traduction en français

 

Le blanc qui a humilié mon frère, je vais lui couper les cheveux, le mettre tout nu. Je vais lui envoyer faucher les herbes pour mon cheptel (*)

 

Mais qu’est-ce-que j’ai bourlingué hier. Franchement, qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez les gens ? Une fille s’est jetée sur nous hier alors que nous prenions un verre tranquillement au bar le 28, à la gare de Bruxelles Centrale. Elle s’est mise à manger des fleurs disposées dans un pot sur notre table. J’espère que rien ne lui est arrivé, tellement elle avait l’air perdue. Elle nous a raconté que son père est mourant, qu’il souffre d’un cancer en phase terminale. Bruxelles, j’ai tellement entendu parler de toi. En Afrique, certains t’appellent affectueusement Bx. Je me souviens qu’un jour à l’ambassade de Belgique à Ouagadougou, avant de me donner le visa d’entrée, l’ambassadeur m’avait fait un cours de phonétique, m’avait appris comment t’appeler : « Brussel , m’avait-il dit, pas brukssel ».

 

Chaque matin, je vais à ta rencontre. Sur les trottoirs, aux abords des gares, dans les marchés, tu ne me reconnais plus. Je viens à toi, parlant à des inconnus, essayant tant bien que mal de leur faire signer des domiciliations. Tu ne peux pas m’avoir oublié. Je venais en tant que journaliste couvrir des évènements sur ton sol. A l’époque, j’étais directeur marketing d’un des plus grands journaux panafricains distribué dans les avions qui atterrissaient sur les pistes de ton aéroport.

 

 

 

 

 

 

 

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Tu n’as pas oublié que j’étais reçu par des chefs d’Etats, que je dormais dans des hôtels 5 étoiles. Non tu ne l’as pas oublié, tu ne peux pas. Depuis 4 ans, je travaille pour une boite privée qui récolte des fonds dans la rue pour des ONG humanitaires. Malgré mon curriculum vitae long comme un bras, je ne décroche pas un boulot de journaliste.

 

 

Hans

 

En moyenne, Ekobo interpelle quotidiennement 1000 passants. Parfois il a peine à marcher en fin de journée, tellement il est épuisé. Il faut qu’il gagne sa pitance pour payer

son loyer, ses factures, son abonnement téléphonique etc. En tant qu’immigré

africain, c’est encore plus dur avec le dépaysement. Il ne manque de rien, mais les choses n’ont pas la même valeur pour lui ici. Les gens sont tristes la plupart du temps. Ils sont pressés, stressés, malgré le confort, le luxe.

 

 

Ayissi Beko’o

 

Ris, souris, reste joyeux. Soigne les apparences. Fais semblant. Ris.

Fais comme eux, comme ces blancs-là .

 

 

 

 

 

Ekobo

 

Ce matin, je pense aussi à toi, papa. Papa, je voudrais échapper à une vie sans relief. Affirmer qui je suis, sans peur de blesser, de choquer. Parler aussi bien de la colonisation, de la France, des politiques migratoires européennes, pas que de tes petites habitudes, de mes péchés capitaux.

 

A propos des plaisirs, je dissocie le plaisir de la lecture des autres pour trouver des excuses à ma vie remplie.. Je suis toujours en quête de jouissance. Je devrais pourtant m’interdire de me juger et vivre tout simplement. Ne pas avoir des sentiments de culpabilité parce que je fais le tour des cafés place de la Bourse(Le Mappa Mundo, l’Archiduc, le Coq, le bar des amis) tous les vendredis. Mes virées sont sans fin...

 

Dans le train retour Bruxelles-Liège, je m’enferme dans les toilettes pour danser. Je trémousse au son de « Obale ma » de Lady Ponce. Je suis moi, dans ma sauvagerie, ma brutalité. Les verbes n’ont plus de conjugaison, la langue française n’a plus de règles. Plus aucune obligation, de placer l’accent tonique au bon endroit. Dans ces toilettes de la SNCB, je convoque mes ancêtres. ATEUNEU ESSIMI, AYISSI BEKOO. Je suis à la

 

 

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frontière de l’ivresse. C’est le moment que je préfère le plus dans la semaine, dans ces toilettes je me retrouve. Je peux crier des jurons en ma langue maternelle : l’Eton..., faire des allongements inappropriés, je m’en fous. C’est la fête ...

« la Pête" !! »

 

Pourquoi dois-je parler de Shakespeare ? Pourquoi dois-je parler forcément le

français sans accent ?  il n’y a personne pour me dire que : « ce n’est pas bien ». Ah

la phonétique, quelle matière ! ... « Il faut bien prononcer le o fermé » ...Je suis

coincé dans cette aventure et parfois je me demande comment vais-je m’en sortir ?

 

 

Prière en chœur (TOUSTES)

Oh ! Dieu du ciel,

Sois loué !

Quoiqu’il m’arrive

Je te louerai

Toujours

Car tu

m’as extirpé vivant

De Balaton(*)

Cet enfer que je ne puis oublier

Mais dont je ne devrais pas me

souvenir ! Affreux, odieux, pire que la mort

 

 

 

 

 

Mbani

 

Mon père avait dit : « Tu seras heureuse. Un homme te veut, c’est ton bonheur. » J’entends encore la parole de mon père qui avait jugé mon mari à la taille de son champ. Mon mari est une vraie machine sexuelle. Quand il rentre du balaton (*), chantier, je suis finie, totalement finie. Il bondit sur moi et je le sens au centre de mes entrailles. Infatigable. Ses coups dans mon ventre sont pires que ceux de son chef. Mon mari n’est pas un homme, c’est une machine sexuelle. Il se charge du désir sur moi. Je peux me tordre de fatigue, crier de fatigue, pleurer de son plaisir qui ne finit pas. Il s’en fout. L’autre jour, il m’a dit : le rôle d’une femme baiser ! Ouvrir ses jambes, son corps ; et se taire.

Quand son chef me prend, c’est encore pire. Je pensais que les blancs étaient doux, enfin je croyais.

 

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Lui, -regard vers Libot- il me tient par les cheveux. Aucune délicatesse, aucune douceur.  Dès que je franchis le pas, il fonce sur moi comme un taureau. Dans une violence, il me déchire. Ivre de violence il me prend de manière incertaine dans la méconnaissance alcoolique. Le blanc a des mains froides, il me sert douloureusement contre lui, me consomme avec brutalité et m’oublie aussitôt quand le sommeil l’emporte. Il ronfle.

 

Bon, ce n’est guère mieux avec mon mari de toutes façons. Il ne sait pas toucher mon sein, ma fesse, ma tête, mon dos. Je ne sais pas si l’envie lui vient de me dire « je t’aime Mbani ». Qu’il veut me prendre. Etaler sur moi la douce caresse sensuelle. Je ne sais pas. Mon mari me déchire le cœur, le rêve, le désir de se sentir de toucher. Quand il me touche, c’est involontaire. C’est par ennuie. S’il ne s’ennuie pas, il ne me sert pas douloureusement contre lui.

 

Oui, je sais, vous vous dites, j’exagère. A mon époque, les femmes, ça sert juste à baiser, à ouvrir les jambes. En plus ici, on n’est pas libre. Pas opportun de vouloir jouer ici Antigone.

 

 

 

 

Plateau télévisé. Musique …strass, paillettes

 

Entre Camp Colonial et Camp Moderne

 

 

Libot

 

Tu es   beau et fort, une des épouses du chef pourrait tomber amoureuse de toi… Tu es travailleur ? Ta palmeraie est bien entretenue ?

Tu as une belle femme convoitée par le prêtre catholique blanc ? Tu ne peux ou ne veux pas, payer ton impôt ?

Tu es un captif d’une guerre tribale? TU N’AS AUCUN RECOURS !!! Tu seras probablement envoyé ici.

 

Mesdames, messieurs, bienvenue au camp de Ndjock. Nous sommes en mai 1885. Des officiers allemands ont mis le feu aux palais et aux habitations ; se sont emparés de symboles, d’effigies sacrées et d’autres biens culturels. Ils ont massacré hommes, femmes et enfants, certains sont conduits ici, réduits au travail forcé.  Au plan symbolique, ce camp est comparable à Robbin Island, la célèbre prison de Nelson Mandela où les prisonniers politiques, les indésirables, y étaient embastillés durant l’Apartheid.

 

 

 

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Libot

 

2 fois par semaine, ils font la queue pour recevoir leur ration alimentaire.

 

 

Hans

 

3 fois par jour, ils s’alignent pour avoir leur repas.

 

 

Libot

 

6 kilogrammes de farine de manioc,

 

Hans

 

vol au vent

 

Libot

 

1/2 kilogramme de viande

 

Hans

 

Lasagnes

 

Libot

 

un peu de sel dans une boite de tomate,

 

Hans

 

Encore lasagnes, ou poulet,

 

 

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Libot

 

de l’huile dans une autre boîte de pilchards,

 

 

 

Hans

 

boulettes !sauce tomate,

 

Libot

 

un morceau de savon pour 1mois.

 

Hans

 

frites et bien sûr… lasagnes.

 

 

 

Libot

 

Ils dorment 6 par cabanes.

 

Hans

 

Ils dorment 12 par chambre

 

Hans

 

Très Cher Commandant Von Kamptz,

 

 

Libot

 

Très Cher Secrétaire d’Etat à l’asile et la migration

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Hans

 

Pour trouver une solution de base fondamentale pouvant permettre la résolution du problème de la pénurie des  travailleurs,

 

Libot

 

Pour trouver une solution pour l’expulsion des étrangers

 

Hans

 

On ne peut faire appel qu’à l’aide de la Schutztruppe- la police coloniale-.

Libot

On ne peut faire appel qu’à l’aide de Frontex

Le fugitif est tenu par 8 solides gaillards qui doivent l’immobiliser. La tête du supplicié est enfouie dans la terre préalablement remué dans le but d’étouffer les cris de douleur du supplicié. Un surveillant s’assoit sur les épaules du fautif. Le malheureux reçoit ainsi 50 à 100 coups de fouets sur le derrière infligé par le bourreau qui peut être remplacé au cas où il présente des signes d’essoufflement. Le châtiment est appliqué en présence des autres travailleurs pour servir d’exemple et dissuader les autres candidats à l’évasion.

 

 

Vidéo Bloc 9

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Pearle

 

Nous sommes sur le point d’entrer dans la chambre 48 au BLOC 9 où Ekobo a séjourné. Un collaborateur de la Croix Rouge les y conduit. La porte est fermée. Avant d’entrer, il toque légèrement.

Pas de réponse… Il ouvre. À l’intérieur, il fait sombre ; on ne voit presque rien. Deux lits superposés sont disposés côte à côte dans un espace d’à peine vingt mètres carrés. Quatre personnes minimums y dorment confinés. Quelqu’un est recroquevillé au sol, sur ce qui semble être un matelas. Il se cache sous des couvertures. Dort-il ?« Ce n’est pas grave », lâche le collaborateur de la croix rouge.

 

 

 

 

 

 

 

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Musique. Plateau télévisé

 

Hans

 

Mesdames, messieurs, nous sommes en 2024, bienvenue au camp de Bierset, lieu d’internement, d’espace de relégation, de dispositifs de mise à l’écart des gens considérés comme intrus, sans titre et par conséquent sans droit et sans dignité. Ils se sont introduits là où il ne fallait pas sans y être invités, et sans qu’ils soient désirés. C’est une guerre, la guerre qui consiste à chasser, capturer, regrouper, trier, séparer et expulser.

 

Ils n’ont ni noms propres, ni visages singuliers, ni cartes d’identités. Ils sont des cryptes, des caveaux ambulants à la surface de multiples organes, formes vides mais menaçantes.   La priorité est d’identifier à tout prix ce qui est tapi derrière chaque apparition ; qui est qui, qui vit où, avec qui, et depuis quand, qui fait quoi, qui vient d’où, qui va où, quand, par quelle voie, pourquoi etc .

 

 

 

 

 

 

 

Ayissi Beko’o

 

Je grandis à vue d’œil. Mes seins d’homme sont démesurément enflés. Mes muscles saillants me donnent l’air d’un véritable « tarzan » africain. Le village grouille de mes cousins et cousines, de mes neveux et nièces. Nous nous promenons ensemble, nous disant nos confidences, mijotant ensemble des projets d’avenir et, surtout, nos velléités sur telle ou telle jeune fille. Nous commençons à nous faire des idées sur l’amour. Cependant, moi je ne suis pas encore « homme » et cela inquiète ma mère.

Ce soir, nous avons beaucoup joué. Mon sommeil doux et profond est entrecoupé d’un long rêve érotique. A mon réveil, à mon plus grand

 

 

 

 

 

 

 

 

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étonnement, mon obom, mon caleçon est mouillé. Non mais d’un liquide que je ne connais pas. Je cours consulter mon cousin Assoua qui est de 6 saisons mon ainé. Je lui raconte ma mésaventure. Il rit et se moque de moi et pour finir, il me balance en pleine figure

-Dis donc, tu deviens un homme. C’est bien ça !!

 

 

 

Pearle

 

En réalité le voyage commence en 2019 lorsque le nom d’Ayissi Beko’o est mentionné presque avec désinvolture lors d’une conversation téléphonique.

 

Voix audio maman en éton, langue du Cameroun

 

-Allo maman

-Comment vas-tu ?

 

 

Juste s’assurer qu’elle va bien ; qu’elle a reçu son transfert d’argent, qu’elle va acheter de la chloroquine pour soigner son paludisme.

 

En Afrique, la chloroquine est prescrite sans ordonnance. Ils parlent tous les deux du confinement, du coronavirus, de l’avenir de Mama Atangana Pantaléon, le benjamin de la famille, qui souhaite venir en Belgique pour y terminer ses études de droit, de ce qui se passe dans les champs de cacao de l’autre côté du fleuve.

 

Comme à l’accoutumée, le timbre de sa voix fait remonter des souvenirs : l’odeur des champs, les gouttes de pluie sur le toit de la cuisine, la boue noire du puits d’eau, le battement d’ailes des poules sur les arbres fruitiers derrière la maison.

La musique résonne.

 

Musique Mbarga Soukouss

 

 

 

 

 

 

 

 

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Ekobo

 

Je me rappelle de mes virées à Super Pakita, El Dorado... Je dansais « Essamba » de Mbarga Soukouss. C’est vrai j’aime surtout Zoa Mballa de Messi Martin. Messi Martin est indéniablement le père du bikutsi rock. C’est lui qui a trouvé l’idée originale de placer un morceau de mousse au niveau du chevalet de la guitare électrique pour la transformer en guitare balafon. Un génie !

 

C’est plus fort que moi, il faut que je parle de mon mal-être. J’ai quitté ma chambre à coucher pour aménager ici à cause du confort. Je me sens mieux, allongé sur ce meuble acheté pas cher chez Ikea. J’ai moins mal au dos que la semaine dernière. J’ai tout à portée de mains : la télécommande Tv, mon ordinateur, les toilettes ne sont pas loin...j’ai décroché la pendule au mur et enlevé la pile à cause du bruit.

Cette fois, ce n’est pas ma voisine du premier étage qui pollue de ses sabots mon espace. Je ne sais pas comment elle s’appelle, je crois l’avoir aperçue alors qu’elle venait retirer le courrier dans les boites aux lettres au rez-de chaussée. Enfin, je pouvais mettre un visage derrière chacun de ses pas qui m’empêche de jouir du calme de ce petit studio loué à 500 euros sur les bords de la Meuse.

La soixantaine passée, ma voisine du premier étage suintait de solitude ce jour-là. Pauvre femme. Elle portait une robe austère, couleur bleu pale, sortie de la garde-robe des sœurs servantes de Marie. Bien sûr, mon regard s’était longuement attardé sur ses chaussures. Elles étaient de couleur noire, un cuir vieilli, les bouts des semelles étaient larges et pointues. Un jour je n’en pouvais plus de ces nuisances continues. J’avais déboulé, sonné à sa porte, et avait trouvé, surpris, un homme. C’était sans doute son mari ... Cela m’avait freiné dans mes ardeurs. Je lui avais simplement dit : « Monsieur, excusez-moi, je suis votre voisin du rez de chaussée, pourriez-vous demander à votre femme de faire moins du bruit avec ses chaussures ?».

J’avais tôt fait de cacher mon agacement. Mais je crois que ce monsieur avait décelé que j’étais à bout de force. Ça faisait 4 ans que je vivais dans l’immeuble, que j’avais supporté ces bruits assourdissants. Je me souviens qu’un dimanche matin, alors que j’avais fait la fête la veille, elle m’avait réveillé...

 

 

 

 

 

 

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Hans

 

Stehend, schmutzig schwarz !

 

Mes soldats font irruption dans sa chambre à coucher, et lui donne l’ordre de se lever. Mais il fait la sourde oreille. Alors sa femme le secoue, le secoue encore.

 

(*)Hein !! Y a Ndzimen ?

 

 (Traduction : Qu’est-ce-qui se passe ?)

 

Les yeux mi-clos, il se lève. D’un coup sec, en pleine obscurité, un soldat le gifle en pleine figure. Il manque de s’écrouler mais sa femme le retient.

 

Schnell, elle se lève pour attiser le feu. Une étincelle éphémère éclaire la maison. Un autre soldat en profite pour lui assener deux autres coups, une gifle, à l’épaule. Il finit au sol comme un régime de bananes. A la vitesse de l’éclair, on lui attache la main droite à son cou avec une corde rugueuse. Dans l’ombre, j’entends sa femme pleurer. Il est nu comme un ver au milieu de la cour. Elle accourt lui apporter un pagne. Dans ses bras, un bébé.

 

Nous prenons la grande route du Nord le lendemain matin. Sur le chemin, des personnes rencontrées pleurent sur le sort des prisonniers. D’autres recitent des prières. Ordre est donné aux gardiens de ne jamais leur permettre de s’arrêter dans les villages, même pour demander de l’eau. Poussés comme des bêtes par les gardes qui leur demandent d’aller plus vite, les forçats marchent péniblement.

Le soleil commence à décliner. La caravane entre enfin dans un grand village où le chef de village attend  débout devant sa case à palabre. Il a prévu 5 cases, tué un mouton et apprêté divers plats, de quoi satisfaire 100 à 150 personnes. Il n’attend pas  autant de monde visiblement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Ayissi Beko’o

 

Nu corps, mon pagne ne cachant que le sexe, je suis étendu comme un bananier abattu. Je pense à mon palmier coupé, à Edéa, ma première épouse avec son enfant garçon, à nos fêtes nocturnes.

A coup de chicottes, on nous fait descendre. Et après la traversée du bâtiment, on nous fait monter dans d’autres camions dont les roues, elles-mêmes en fer reposent sur des barres métalliques. Ce n’est plus des camions du modèle de ceux qui nous avaient transportées toute la nuit, mais une suite de compartiments sans chaises, ni lits. Nous sommes 90 dans le mien. Les deux portes qui se font face sont bouclées de l’extérieur. Et là-dedans, quelle puanteur, quelle chaleur ….

 

 

Hans

 

Henri. Morton

 

Libot

Docteur Livingstone, je présume

 

 

Coup de maillet sur la table. Ouverture de la conférence sur le partage du Lumumba

 

La Chancelière

 

Mesdames, messieurs, nous sommes réunis pour trouver un accord sur les modalités à observer pour occuper le Lumumba et pour éviter toutes formes de protestation. Monsieur le Représentant du gouvernement de Sa Majesté, notre haute assemblée vous écoute.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Sir Edouard

 

Je vous remercie monsieur le Chancelier. Si l’exploitation du Mandela est désirable, le bien-être des indigènes ne doit pas être négligé. Les indigènes ne sont pas représentés en notre sein, cependant les décisions de la conférence auront pour eux une extrême gravité.

 

 

Le baron

 

La France accepte le principe de liberté commerciale y compris dans les possessions françaises autour du bassin de Mandela. Cependant, elle se réserve le droit de souveraineté dans la colonie du Sankara.

 

 

La Marquise

 

Monsieur le Baron, je tiens à vous rappeler précisément que le Royaume du Portugal a des intérêts dans les environs du 5 degrés 12.

 

 

Henri Stanford

 

Des intérêts minimes …

 

La Marquise

N’oubliez pas messieurs, que le Portugal a introduit les germes de la civilisation au Samory Touré.

 

 

 

La Chancelière

 

Les délégués américains seraient ils disposés à communiquer à cette assemblée les positions du nouveau monde ?

 

 

 

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Stanford

 

With pleasure. Gentlemen. Avant 1884, de vastes étendues du Lumumba y compris de vastes régions intérieures étaient restées inconnues. Un citoyen Américain Henri Morton Stanley, réputé pour son intelligence, son courage, et ses talents d’explorateur, soutenu par notre très vénérable et généreux Roi de Belgique, apporta la civilisation sur ces terres perdues.

 

 

Gentlemen, voici les accords écrits par des souverains indigènes.

 

Le président des Etats Unis a reconnu l’association internationale du Mandela ainsi que le drapeau qu’il a adopté. Ce nouvel Etat montrera aux nègres que le gouvernement et la civilisation de la race blanche signifie pour eux paix et liberté.

 

 

La Comtesse

 

Messieurs, faites entrer monsieur Adolphe

 

Adolphe

 

Je m’appelle monsieur Adolph. Je suis le fils de Monsieur Adolphe. Nous sommes installés sur les côtes Lumumbiennes depuis plusieurs dizaines années. Nous possédons une dizaine de voiliers et un steamer qui font la ligne depuis Hambourg. Autant dire que nous connaissons très bien le Lumumba.

 

Je voudrais dire en préambule que je n’aborderai le sujet que sur l’angle purement commercial. La forme prédominante du commerce au Mandela est le troc.

Les Portugais ont adopté un système spécifique de taxes sur leurs côtes, le commerce s’est déplacé ailleurs au détriment de l’administration portugaise. Donc si vous messieurs les Français, excluez la rivière Sylvanus de la zone de libre-échange, c’est la colonie du Sankara qui le récupéra.

 

Lorsque ces points seront pris en compte, le monde civilisé pourra tirer bénéfice de ces immenses territoires.

 

 

 

 

Ekobo

 

 

L’été 2019, retour au pays. Un tour à l’ambassade. Un cachet sur le nouveau

passeport belge.

 

-Hey mon frère ! Pardon, il faut t’aligner.

 

L’avion de la compagnie Brussels Airlines qui me conduit à Yaoundé est bondé.

Pourtant, ce n’est pas la haute saison. Ils vont sans doute faire les affaires.

19 h, l’oiseau de fer se pose enfin sur le tarmac de l’aéroport de Yaoundé- Nsimalen.

 

-Bonjour l’artiste, il n’y a rien pour les pauvres,

 

lâche un conducteur de taxi à la quête d’un passager.

La famille est au grand complet pour accueillir le fils prodige après plus de 12 années

d’exil.

 

Direction quartier Mimboman, dans la périphérie Est de Yaoundé. Les rues sontsemi éclairées. La musique tonne dans la plupart des cafés-bar qui longent la grande avenue. Une nuit agitée dans une maison louée pour la circonstance.

Le lendemain, la route de Sa’a et puis le surlendemain, le village Momo.

Je suis  là debout, juste à côté de la tombe de mon père et de celle de ma grand-mère.

Peut-être, son corps a été déchiqueté par la dynamite ? Dévoré par l’angoisse de ce que je pourrais découvrir, alors commence l’enquête !!

 

 

 

 

 

 

FIN


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