Bon suaire, m’sieurs-dames !

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Clotilde, intéressée et sans scrupules, n’a qu’une ambition : devenir propriétaire du manoir de sa tante qui vit entourée de son mari, de sa fidèle bonne ainsi que d’une infirmière à domicile.

Pour parvenir à ses fins, elle imagine de lui faire signer subrepticement un document lui donnant l’usu-fruit de la propriété. Mais toutes ses tentatives pour obtenir cette signature tant convoitée vont échouer les unes après les autres. Elle imagine alors une ultime solution : avec l’aide de trois amis déguisés en fantômes, elle va essayer de faire croire à sa tante et à son oncle que le manoir est hanté. Pourtant, là encore, elle va se heurter à des difficultés imprévues. Un fou échappé de l’asile, un couple épique de cambrioleurs, un oncle se transformant en pépé flingueur, aidé par la bonne et l’infirmière, tout va contribuer pour Clotilde à un échec cuisant. Et c’est aussi sans compter sur l’arrivée inattendue du « vrai » fantôme du manoir ! Quant à la tante, sourde « comme trente-six mille pots », elle traversera cette aventure dans une complète insouciance.

Comme à l’accoutumée, Marie Laroche-Fermis a concocté une comédie trépidante, des personnages atypiques et hilarants et des situations désopilantes. A consommer sans modération.

 

 

 

 

 

ACTE 1

 

Hors scène, des cris de douleur retentissent.

Armand (off) - Aïe ! Aïe !… Ouille ! (Il surgit en pyjama. Il court dans tous les sens, tourne sur lui-même en criant. Il a une seringue énorme plantée dans une fesse qui dépasse de son pyjama.) Aïe ! Ah !!!

Une infirmière le poursuit.

Mlle Pasquet - Venez ici, espèce de douillet !

Armand - Douillet ?!… Monstre ! Assassine ! Prendre mon derrière pour une cible !

Mlle Pasquet - Vous n’avez qu’à vous laisser faire votre piqûre !

Armand - Je ne veux plus ! Vous entendez ? Je ne veux plus !… Tous les matins vous me torturez !

Mlle Pasquet - Je vous signale qu’il s’agit de votre traitement et que c’est indispensable !

Armand - J’ai horreur des piqûres !

Mlle Pasquet - Désolée mais c’est comme ça. Dans la vie, parfois, on n’a pas le choix… Et si vous étiez un patient normal, vous verriez que je fais ça avec doigté !

Armand - Avec doigté ?!

Mlle Pasquet - Puisque vous vous enfuyez, il faut bien que je me débrouille !

Armand (croisant les index dans sa direction) - « Vade retro » !

Mlle Pasquet - Ouh là là ! Qu’est-ce que j’ai peur !… Ce n’est pas la peine de vous sauver dans les couloirs… Vous avez vu comme je vise bien ?

Armand - Vous confondez piqûres et concours de fléchettes !

Mlle Pasquet - J’en ai assez de courir après vous autour du lit ! Il faut bien que je trouve un moyen… Tant pis pour vous… Venez donc là que je l’enlève ! (Elle s’avance vers lui d’un pas d’adjudant-chef. Le ton est impératif.) Allez ! Tournez-vous !

Armand (la suppliant) - Vous ferez ça avec douceur ? Hein ? C’est promis ?

Mlle Pasquet (d’un ton tout sauf rassurant) - Mais oui… Mais oui…

Armand - C’est que je suis sensible de ce côté-là…

Mlle Pasquet - Ne vous inquiétez pas, c’est une piqûre sous-cutanée.

Armand (dos au mur) - Pas si tanné que ça ! Oh non ! Pas si tanné !

Mlle Pasquet - Alors ? Vous vous tournez, oui ? Je n’ai pas que ça à faire, moi ! Après, il faut que j’aille aider votre femme pour sa toilette !

Armand tremble mais se retourne quand même, face au mur, s’y appuie et ferme les yeux.

Armand - Bon, allez-y… Mais doucement, hein ? Doucement !… (D’un geste musclé, L’infirmière appuie sur le piston de la seringue puis arrache l’aiguille.) Ah !!! Au secours ! On me tue !… Emma ! Emma !

Mlle Pasquet - Pas la peine de hurler ! Votre femme est sourde, vous le savez bien…

Armand - Ah ! que ça brûle !

Mlle Pasquet - Il fallait bien injecter le produit ! Allez, arrêtez votre cinéma ! C’est fait… jusqu’à demain matin !

Armand - Demain matin, vous ne me trouverez pas : je me cacherai !

Mlle Pasquet - Mais si, je vous trouverai ! On parie ?

Armand - Tortionnaire !

Mlle Pasquet - Mais oui… Mais oui… (Elle sort.)

Armand se frotte la fesse, tombe dans un fauteuil et se cale avec un coussin.

Armand - Ah ! quelle misère de se retrouver à la merci d’un dragon pareil !

Louise, la bonne, entre.

Louise - Ah ! j’ai entendu que vous étiez levé ! Je vais vous préparer votre petit déjeuner.

Armand - Depuis le temps que vous êtes à notre service, vous auriez pu venir à mon secours !

Louise - Voyons, monsieur le baron, il faut être raisonnable ! Vous devez laisser Mlle Pasquet faire votre piqûre. C’est pour votre bien, vous le savez…

Armand - Tout ce que je sais, c’est que bientôt je ne pourrai plus m’asseoir du tout !… C’est un bourreau !

Louise - Je crois plutôt que vous devenez délicat…

Armand - Délicat ! Moi, je deviens délicat ? Vous prenez le parti de cette furie ?

Louise - Bien sûr que non, mais les trois autres infirmières n’ont pas tenu une semaine. C’est la seule qui ait bien voulu rester pour vous soigner !

Armand - Évidemment ! C’est une sadique ! (Haussement d’épaules de Louise.) Si, si ! Elle a ses petits yeux sournois qui rigolent quand elle me pique !

Louise - Si vous lui menez la vie dure, elle va partir aussi, vous savez…

Armand - Tant mieux !

Louise - Ne dites pas ça ! Vous préféreriez être à l’hôpital ? Ou en maison de retraite ?

Armand - Ah non ! Pas question ! Je veux rester ici, chez moi ! Autant mourir tout de suite… J’aime trop cet endroit !

Louise - Moi aussi j’aime ce manoir et depuis le temps que je travaille ici, qu’est-ce que je deviendrais si vous partiez ? Alors, vous voyez bien : il faut vous laisser soigner !

Armand - Eh oui ! Je sais bien… Vous avez raison, ma bonne Louise…

Louise - C’est sûr !… Bon, eh bien, je vais chercher le petit déjeuner… (Elle sort.)

Emma, la mémé, arrive. Elle est complètement sourde. Armand parle donc très fort.

Armand - Bonjour Emma ! Alors, ta nuit a été bonne ?

Emma - Non, pas de pomme. Je préfère du jus d’orange. Tu as bien dormi ?

Armand - Pas trop, non… (Il montre son épaule et parle fort.) Mon épaule m’a fait souffrir.

Emma - Tant mieux ! Quand tu as mal, c’est qu’il va pleuvoir !

La bonne apporte le petit déjeuner.

Louise - Bonjour Madame. Je vous sers votre chocolat. Attention, il est chaud !

Emma - C’est bien ! J’avais peur qu’il soit trop chaud.

La bonne sort.

Armand - Mais c’est ce qu’elle te dit ! Souffle dessus ! (Il lui montre.) Comme ça : pff… pff…

Emma - Je te signale que tu souffles à côté de ton bol… Ah ! mon pauvre Armand, il ne fait pas bon vieillir !

Armand est découragé.

L’infirmière arrive avec des médicaments.

Mlle Pasquet - C’est l’heure de prendre vos cachets ! (Emma les met dans sa bouche. L’infirmière prend un air suspicieux.) Ouvrez la bouche ! (Emma entrouvre à peine les lèvres.) Plus grand ! Soulevez la langue ! (Elle attrape une cuillère et inspecte le dessous de la langue.) J’en étais sûre ! Tous les jours, c’est la même comédie ! Je vous avertis : ou vous m’obéissez ou je m’en vais !

Emma - Bien sûr qu’ils sont mauvais ! Je le sais bien ! C’est pas la peine de me le dire !

Mlle Pasquet - Je vous l’ai répété au moins cent fois : il faut les avaler, pas les croquer !

Emma - J’aimerais vous y voir, moi ! Goûtez, vous verrez bien…

Mlle Pasquet - Avalez !

Emma croque avec un air misérable en faisant la grimace.

Emma - Je suis sûre que si je les avalais sans les croquer, ils feraient autant d’effet… (Elle se tourne vers Armand.) Elle fait ça pour me torturer !

Armand l’infirmière) - En tout cas, comme ça, on est sûr qu’elle les avale !

Mlle Pasquet - Même pas ! L’autre jour, Louise en a trouvé un tout mâchouillé sous son matelas… J’en ai assez de faire le gendarme. Emma.) Je vais me renseigner pour savoir si ce traitement existe en suppositoires… Comme ça, je suis sûre que vous les prendrez ! (Elle sort.)

Armand - Si elle administre les suppositoires comme elle fait les piqûres, il va y avoir du sport !

Emma - Évidemment qu’elle a tort ! Je suis sûre qu’il ne faut pas les croquer !

Clotilde, la nièce, arrive à cet instant.

Clotilde - Bonjour ma tante. Bonjour mon oncle. Alors, comment allez-vous ce matin ?

Armand - Mal…

Clotilde - Le contraire m’aurait étonnée… Que vous êtes bougon ! Et vous, ma tante, avez-vous bien dormi ?

Emma - Trop de bruit ? Ah non ! Je n’ai rien entendu…

Armand - En parlant de bruit, ils arrivent quand, tes amis ?

Clotilde - En fin de matinée. Vous verrez, mon oncle, comme ils sont agréables !

Armand - Et remuants…

Clotilde - Il faut faire revivre ces vieux murs !

Armand - Ces vieux murs, comme tu dis, sont comme nous : il leur faut du calme…

Clotilde - Tante Emma m’a donné son accord…

Armand - Évidemment ! Elle n’a rien compris à ce que tu lui demandais !

Clotilde - Mais si… N’est-ce pas, ma tante, que vous êtes contente de recevoir mes amis ?

Emma - De la...

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