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ACTE 1
Un vaisseau spatial quelque part dans l’univers, à 2 années-lumière de la terre en direction de la constellation d’Altaïr (constellation de l’Aigle dans la Voie Lactée).
TABLEAU 1
Le décor représente la passerelle du vaisseau. Il y a un grand tableau de bord, fait de plaques verticales transparentes et lumineuses.
Trois personnes sont présentes : l’Enseigne de vaisseau 1ere classe Nikolaï Lennenkov qui se tient sur le devant de la scène face au public, le lieutenant de vaisseau Caroline Rosemary assise sur le fauteuil du capitaine du vaisseau, l’androïde dénommé Charlie affairé à régler des instruments. Pour ce faire, il appuie sur les clignotements colorés incessants et aléatoires, prend des notes sur une tablette à l’aide d’un stylet. Les deux humains sont habillés avec des tenues identiques, assez sobres, d’apparence militaire, légères, confortables et fonctionnelles. Chacun a des galons représentant sa position hiérarchique. Il faudra que ce soit visible mais discret. Les trois portent un badge accroché à la poche poitrinaire comme en portent les employés des centrales nucléaires. L’androïde porte une combinaison brillante couleur or ou argent sans badge et sans galon.
Scène 1 Espoir déçu.
Nikolaï Lennenkov (N. L.) regarde vers le public comme s’il regardait un écran. Il semble captivé.
N.L. : Chaque jour, elle nous apparaît plus précise…
Caroline Rosemary (C. R.) sourit et vient le rejoindre. Pendant un instant, elle reste aussi en admiration, comme hypnotisée.
C.R. : Oui, Lieutenant. Chaque jour, le télescope de la proue confirme que nous nous en rapprochons… Lentement, patiemment.
N.L. : On voit bien désormais sa forme ovoïde…
C.R. : Altaïr tourne tellement vite sur elle-même que ses pôles sont aplatis. – elle soupire, d’impatience – Plus que 14 ans, 9 mois et 8 jours pour rejoindre son système.
N.L. (dépité) : Oui, bien sûr, on peut le voir comme ça.
C.R. (intriguée) : – tournant la tête vers lui – Qu’est-ce que vous voulez dire, Lieutenant ?
N.L. (amer) : Que vous auriez pu dire aussi : 22 mois pour avoir effectué, à peine, un huitième du voyage. – en soupirant et en secouant la tête de dépit – Quelle folie que la nôtre !
C.R. : Vous avez souvent ce genre de réflexions, Lieutenant ?
N.L. (songeur) : Ça m’arrive… – Il se ravise – Enfin, je veux dire…
C.R. (suspicieuse) : Que voulez-vous dire, Enseigne de 1ere classe Nikolaï Lennenkov ?
N.L. (embarrassé) : Qu’il m’arrive de plus en plus de mettre en balance le lourd tribut des 17 ans de notre voyage, face à nos chances de trouver une exoplanète accueillante dans la constellation de l’Aigle.
C.R. prend en main et examine le badge colorié de différentes pastilles de N. L.
C.R. : À quand remonte votre dernière séance d’hypnotique ?
N.L. (étonné) : À seulement deux jours. Comme c’est prévu dans mon protocole…
C.R. fixe le regard de N.L. un instant puis, elle relâche le badge.
C.R. (doctorale) : Grâce au génie humain, Lieutenant, nous voyageons quasiment à la vitesse de la lumière. Cette réalité est si exaltante qu’elle devrait alléger votre fardeau de ces 17 années.
N.L. : Je sais cela, capitaine, et je suis conscient de la chance que j’ai de faire partie de cette mission.
Elle le regarde dans les yeux, peu convaincue.
C.R. : De vous à moi, Nicolaï, pensez-vous vraiment ce que vous dites ?
N.L. : De vous à moi, Caroline, je vous avoue que je nourrissais en moi un secret espoir…
C.R. (intriguée) : Lequel ?
N.L. : Eh bien, je ne vais pas vous refaire un cours sur le principe de la relativité restreinte d’Einstein mais nous savons que pendant les 22 mois de notre voyage, le temps sur Terre a passé bien plus vite que pour nous, à bord. On doit en être à … 1000 ans ?
C.R. : 1048 ans et 302 jours exactement. Vous étiez conscient de cet… inconvénient.
N.L. : Oui. Mais voilà… Quand j’ai embarqué, j’ai fait un pari avec moi-même. J’ai fait preuve d’optimisme. – Comme à regret – et j’ai eu tort…
C.R. (impatiente) : – un peu irritée qu’il fasse durer les choses – Eh bien, expliquez-vous ! Vous m’avez intriguée…
N.L. (Conciliant) : Eh bien, voyez-vous, jusqu’à 1 an de notre voyage, soit 500 ou 600 ans d’évolution terrienne, j’espérais que les progrès de la science feraient qu’un vaisseau, doté d’une technologie lui permettant de voyager encore plus vite, nous rattrape ! – Dépité – À ce jour, à plus de 1000 ans d’évolution terrienne depuis notre départ, je crains que l’humanité nous ait oubliés ou que les choses aient mal tourné. Qui sait ce que nous trouverons sur Terre à notre retour, 20 000 ans après notre départ…
C.R. (étonnée) : Mais qui parle de retour, Lieutenant ? – Elle désigne l’androïde qui ne cessera pas de pianoter sur ses pupitres – À part Charlie qui a été programmé pour cela… Ce sera le seul être à rapporter sur Terre la formidable nouvelle de la colonisation d’un nouveau monde de notre galaxie.
N.L. (moqueur) : Il va leur rapporter une nouvelle périmée de 10 000 ans ?
C.R. (revigorante) : C’est aussi cela, le côté fantastique de notre mission, Lieutenant ! Au-delà de ce pourquoi nous sommes là, c'est-à-dire, découvrir un nouveau monde, cela n’est-il pas exaltant de vivre au jour le jour, ce formidable bond dans le futur ?
N.L. (franc) : Très franchement, Caroline, je suis de plus en plus persuadé que nous ne trouverons aucune exoplanète vivable dans la constellation de l’étoile. Il faudra bien alors se résoudre à faire demi-tour. – amer – 34 années d’errance dans l’espace et l’espoir que sur Terre, il y ait encore de la vie à notre retour. – un peu pédant – Voilà ce que sera le résultat de notre si ‘fantastique’ mission.
C.R. (déçue) : Vous n’auriez jamais dû embarquer sur ce vaisseau, Lieutenant Lennenkov. Les psychologues ont fait une erreur en vous sélectionnant. – Elle fait mine de revenir vers les pupitres – Il est étonnant qu’ils n’aient pas détecté que vous étiez un ‘supra luministe’… – Ironiquement – L’absence de votre… vaisseau sauveur émergeant du futur Terrien démontre que vous étiez dans l’erreur. Je suis désolée pour vous. Moi, j’ai toujours eu les pieds sur terre, – Ironiquement – si vous me passez l’expression. – catégoriquement – J’ai toujours pensé que la vitesse de la lumière était in-fran-chi-ssable.
N.L. (amer) : J’avais espéré…
C.R. (fataliste) : On espère tous, ici, Lieutenant. Vous n’avez plus qu’à faire contre mauvaise fortune, bon cœur. – autoritaire – Je compte sur vous, Lieutenant, pour garder enfouies vos désillusions et pour montrer un bon exemple d’optimisme quant à l’issue heureuse de cette mission. N’est-ce pas Nikolaï ?
N.L. (amer) : – d’une manière un peu insolente – Le cœur a ses raisons que la raison ignore, Capitaine. Écoutez plutôt votre raison ! Elle vous conseillera de faire demi-tour plutôt que de sacrifier les plus belles années de tous ceux qui, comme vous et moi, ont fait l’erreur d’écouter d’abord leur cœur !
Scène 2 La loi des séries
Le Quartier-maître Takeshi Murasaki (T. M.) entre vivement sur la passerelle.
T.M. : –s’adressant à N.L. – Ah ! Lieutenant, je vous cherchais. Le séparateur de positrons fait encore des siennes…
N.L. : J’arrive, Quartier-Maître Murasaki.
- M. et N.L. sortent
T.M. : – En sortant à N.L. – Je crains qu’il ne faille se résoudre à le changer.
Un court instant.
C.R. : – S’adressant à l’androïde – Vous avez tout enregistré, Charlie ?
Charlie : – Sans cesser de consulter le pupitre – Oui capitaine. J’ai consigné comme prévu, le comportement du lieutenant dans le dossier Z-28.
C.R. (Soucieuse) : Il s’ajoute aux nombreux autres cas… Mais je dois dire que celui-ci est assez subversif… Quelle insolence !
Charlie : Oui Capitaine. Nous sommes entrés dans la période des doutes depuis 3 mois et nous sommes déjà bien au-dessus de l’intensité prévue par les modèles.
C.R. : – Elle soupire – Veuillez adapter le programme hypnotique du lieutenant Lennenkov.
Charlie : À vos ordres, Capitaine. – Il se fige un instant – La mise à jour est effectuée mais je doute que les effets soient suffisants.
C.R. : Nous verrons bien…. Sinon, quels sont les paramètres du jour ?
Charlie (mécaniquement) : – de manière figée –
Jeudi 28 janvier 3021 à 8 h 44.
Temps de voyage effectué : 21 mois, 27 jours, 2 heures, 36 minutes, 55 secondes.
Temps de voyage restant : 14 ans, 9 mois et 8 jours, 10 heures, 16 minutes, 25 secondes.
Vitesse : 99,999 % de la vitesse de la lumière.
Équipage composé de 627 personnes : 313 hommes, 313 femmes et une unité Zintra 567.
Membres opérationnels : 612 dont 482 civils et 130 militaires,
Malades : 8 traitements bénins et non contagieux,
Blessés : 6 accidents mineurs de manutentions,
Paramètres vitaux : Tous opérationnels.
Nombre de réacteurs quantiques : 15 : 5 en fonctionnement, 5 en maintenance, 5 de remplacement.
Champ de protection météorites : opérationnel.
Champ de pesanteur artificielle : opérationnel.
Contamination par radiations gamma : Néant.
Contamination biolo… (gique de l’eau : Néant.)
C.R. (Coupant Charlie) : C’est bon Charlie. Merci.
Charlie reprend ses tâches près du pupitre comme si de rien n’était. Entre sur la passerelle L’enseigne de 2eme classe Dorothy Mc Gee (D.M.G.) et L’enseigne de 1ere classe. Andrea Ricci (A.R.)
D.M.G. : Je te dis que Peter est au courant.
A.R. : Mais non. Personne ne lui a dit.
D.M.G. : Mais bien sûr que si ! Pamela.
A.R. : N’importe quoi ! Pourquoi elle aurait fait ça ?
D.M.G. : – haussant les épaules – Mais parce qu’elle est amoureuse de Willy !
A.R. : De Willy ? Mais d’où tu sors ça toi ?
D.M.G. (exaspérée) : Mais de la saison deux ! Tu ne suis vraiment rien toi !
C.R. : – Autoritairement – Lieutenants Mc Gee et Ricci ! Je vous rappelle que vous êtes sur la passerelle et en service !
D.M.G. (confuse) : Oh ! Je vous prie de bien vouloir nous excuser, Capitaine. C’est qu’Andrea… – A.R. la regarde avec des yeux durs – Heu, je veux dire le lieutenant Ricci et moi-même avons commencé à suivre la même série antique et nous en… (discutions)
A.R. (en mentant) : Oui. Heu… C’est dans le cadre de notre étude sur l’influence des rapports humains des peuples primitifs sur leurs fonctions cognitives.
C.R. (ironique) : Voyez-vous ça…
D.M.G. (en mentant) : Au cas où nous découvririons un monde peuplé et moins avancé que le nôtre dans la constellation d’Altaïr…
C.R. (ironique) : Bien sûr.
C.R. tend à D.M.G. et à A.R. une tablette chacun, prises sur un des pupitres.
C.R. (autoritaire) : Tenez ! Votre travail de la journée. Rendez-moi compte en milieu d’après-midi.
A.R. (Respectueux) : À vos ordres, Capitaine.
D.M.G. et A.R. vont pour sortir.
C.R. : Lieutenant Mc Gee ?
D.M.G. (surprise) : – en se retournant – Capitaine ?
C.R. : Voulez-vous rester, un instant ?
D.M.G. jette un œil à A.R. qui s’était immobilisé également.
D.M.G. : – en murmure théâtre – Je te rejoins.
A.R. (inquiet) : – en murmure théâtre – Pas un mot, hein ?
D.M.G. (rassurante) : – en murmure théâtre – T’inquiète.
A.R. sort pendant que D.M.G. attend son sort, l’air faussement candide.
C.R. (amicale) : – en s’approchant de D.M.G. – Alors Dorothy, comment ça va ?
D.M.G. (sur ses gardes et faussement enthousiaste) : Bien, Capitaine ! J’attends ce soir avec impatience pour la fête du 1er 8e !
C.R. : Oui, je m’en réjouis également d’avance. Heu… – légèrement insidieuse – Vous semblez très liée avec l’enseigne de 2nde classe Andrea Ricci ?
N.L. (prudente) : C’est vrai que le lieutenant et moi, nous nous entendons bien…
C.R. (hypocritement) : Entente qui, j’en suis sûre, ne vous a fait perdre aucune objectivité ?
D.M.G. (avec aplomb) : Oh ! Mais bien entendu. Nous sommes amis, c’est tout. Nous connaissons tous les deux les exigences de cette mission. Et les programmes de l’hypnotique sont parfaitement efficaces pour… – reprenant la phrase du règlement – ‘inhiber tout penchant aux conséquences pernicieuses’.
C.R. (faussement soulagée) : Me voilà rassurée. – paternaliste – Vous comprenez, Lieutenant que des liaisons au sein de l’équipage de ce vaisseau ne pourraient être que néfastes à l’harmonie du groupe. Groupe que nous devons préserver coûte que coûte durant toute la durée de ce long voyage.
D.M.G. (avec aplomb) : J’en suis convaincue, Capitaine. Et Andrea… je veux dire le lieutenant Ricci, également.
C.R. (avec un rictus) : Eh bien, je ne vous retiens pas davantage, Lieutenant Mc Gee. Je vous attends en milieu d’après-midi pour votre rapport.
D.M.G. (respectueuse) : – Elle salue d’un petit hochement de tête – Capitaine.
D.M.C. sort. C.R. reste un moment perplexe.
C.R. (soupirant) : Il va falloir les surveiller de près, ces deux-là. Elle se paye ma tête, je ne crois pas me tromper !
Charlie : – tout en continuant à pianoter sur le pupitre coloré – C’est elle qui se trompe.
C.R. (étonnée) : Que voulez-vous dire ?
Charlie (professoral) : – tout en continuant à pianoter sur le pupitre coloré – Pamela n’est plus amoureuse de Willy. C’est Sue qui a tout révélé à Peter lorsqu’elle a découvert qu’Edouard était le père de Samantha.
C.R. (étonnée) : Le père de Samantha ? Mais qu’est-ce que… ? – réalisant et scandalisée – Charlie !
Charlie (fataliste) : – en s’arrêtant de pianoter – Je viens d’assimiler les 8455 épisodes des 34 saisons de la série présente dans la vidéothèque du vaisseau. – d’une manière décalée – Très curieux comportements que ces sociétés antiques. – d’une manière plus robotique – De la conversation des lieutenants Mc Gee et Ricci, j’ai reconstitué qu’ils visualisent la saison 2,...