Ces dames de bonne compagnie

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Après avoir bouclé sa valise et baissé le rideau de sa boutique d’antiquité, Charlotte s’évade vers les Pyrénées afin de profiter des joies et des bienfaits d’une cure thermale. Sur place, elle lie connaissance avec deux autres femmes venues comme elle, en solitaire, Mathilde et Louise. Ces trois drôles de dames se retrouvent chaque après-midi pour prendre le thé. Elles apprennent à se connaître, à partager leurs différences, parfois à s’opposer dans leurs points de vue. Le tempérament enjoué et romanesque de Charlotte, le franc parler de Mathilde et la sagacité de Louise, séparée d’un lieutenant-colonel, apportent de nombreux contrastes dans leur relation. Les discussions sont très animées. Lorsque Charlotte fait une rencontre sentimentale inattendue et que Louise repliée sur elle-même, a l’opportunité de rendre un grand service, ces dames donnent libre cours à leur émotivité et ne vont pas mâcher leurs mots.

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L’été. Une station thermale dans les Pyrénées. Un après-midi.

Un coin de parc avec quelques bacs à fleurs dont certains suspendus, des chaises éparpillées, une table ronde, un banc contre un muret de petite hauteur, un lampadaire.

On entend les trois coups. Au lever du rideau, Mathilde poursuit le bruit saccadé en tapant du pied. Elle observe avec des jumelles le lac et ses rivages. Charlotte apparaît.

Charlotte - Vous permettez que je m’installe ?

Mathilde (se retournant) - Je vous en prie. Poussez mon cabas.

Charlotte - Qu’est-ce que vous observez ?

Mathilde - Les poissons dans le lac. Avec cette chaleur, ils font des bonds hors de l’eau. Je les y encourage en tapant du pied… (Elle se présente.) Mathilde Humbert.

Charlotte - Charlotte Morin.

Mathilde (posant ses jumelles près du banc) - Votre visage ne m’est pas familier. C’est votre première cure ici ?

Charlotte - La première, oui.

Mathilde - Moi, c’est la troisième. La station thermale est petite, on repère assez vite les nouveaux arrivants. Vous allez découvrir : la localité a beaucoup de charme et les gens sont très avenants. On se soigne et on a l’impression d’être en vacances. C’est tout bénéfice !

Charlotte - J’ai quitté ce matin la capitale. Hier encore, je m’occupais de ma boutique d’antiquités, square des Batignolles.

Mathilde - Les magasins d’antiquités, les brocantes, les puces, les salles des ventes : la grande passion de mon défunt mari. Il n’achetait jamais rien mais il aimait regarder, découvrir, palper, humer pendant des heures objets d’art et curiosités de toutes sortes. Comme nous n’avons cessé de voyager toute notre vie, il a pu à loisir s’adonner à sa marotte. Lui et moi étions forains.

Charlotte - Oh ! c’est passionnant ! Vous vous occupiez d’un manège ? Un grand manège ?

Mathilde - Un stand. Un petit stand de tir à la carabine. Ça plaisait bien. La clientèle pouvait gagner de superbes lots : des girafes en peluche, des poupées aux robes chatoyantes, des bocaux avec des poissons chinois… Il y en avait pour tous les goûts.

Charlotte - Là, vous me scotchez. Moi qui ne tiens pas en place mais qui passe des heures assise sur une chaise Louis XVIII à attendre la clientèle, je ressens une petite pointe de jalousie.

Mathilde - C’est vrai que le métier de forain est à part, hors du temps. Une ambiance qui vous enveloppe totalement, où s’entremêlent les cris et les rires de gens venus s’amuser un moment au son de musiques continuelles à vous étourdir la tête. Faut supporter. Mais moi, je ne m’en suis jamais lassée… Bon ! Faut que je m’arrête ! Vous ne me connaissez pas mais j’ai une tendance à la nostalgie débordante !

Charlotte - Vous devez avoir plein de beaux souvenirs dans la tête.

Mathilde - Oui. Mais, aujourd’hui, la page est tournée. Ma vue se limite au troisième étage d’un immeuble de la rue Caulaincourt… Oh !… Vous avez vu ? Il a fait un de ces sauts, ce poisson !… Vous êtes descendue à quel hôtel ?

Charlotte - Le Grand Hôtel.

Mathilde - Le Grand Hôtel ! Un trois étoiles ! Un service très classe, m’a-t-on dit. Moi, j’ai mes petites habitudes à l’hôtel du Globe. La patronne accepte de me monter le petit déjeuner dans la chambre. J’adore le prendre au lit. Elle fait elle-même ses confitures. Que demander de plus ?

Charlotte - Ce matin, je suis allée à l’office de tourisme pour récupérer des documents. J’ai l’impression que la région permet de jolies balades.

Mathilde - Vous allez voir, ça grimpe partout ici !

Louise apparaît.

Louise - Bonjour Mathilde.

Mathilde - Ah ! Louise, comment allez-vous ? (A Charlotte.) Que je vous présente… Louise Parmentier…

Louise - Parmentier, oui. Ne cherchez aucune ascendance illustre. En plus, je hais les frites !

Mathilde - Nous avons sympathisé il y a quelques jours dans ce parc… Charlotte Morin qui tient une boutique d’antiquités, square des Batignolles…

Charlotte - Enchantée.

Louise - Ah ! les Batignolles ! Le quartier s’est dégradé ces dernières années… Il avait le charme d’un village paisible ; aujourd’hui, certaines rues sont devenues bruyantes, inaccessibles.

Charlotte - Je ne partage pas du tout votre avis. Les commerçants, les habitants affichent un esprit convivial.

Mathilde - Voulez-vous vous joindre à nous pour boire un thé ? Nous avons pris le pli de nous retrouver ici à seize heures pour déguster une tasse de Darjeeling. On se rend chacune à notre tour à la buvette d’à côté.

Charlotte - Avec grand plaisir. Mais je serais heureuse de vous l’offrir.

Louise - Il n’y a aucune raison.

Charlotte - Je viens vous envahir, j’y tiens absolument.

Mathilde - Nous « envahir » est un bien grand mot. Il y a de l’espace. Je ne sais pas pourquoi ce coin de parc est peu fréquenté…

Louise - Tant mieux. On entend suffisamment jacasser autour de nous, aux thermes. D’ailleurs, ce n’est pas conforme aux règles de la logique.

Mathilde - Comment ça ?

Louise - On se rend aux thermes pour boire. Si l’on trouve le temps de bavarder, c’est que l’on ne boit pas assez !

Charlotte - La buvette se trouve où ?

Mathilde - Ce petit chemin qui part vers la gauche vous mène tout droit. Vous ne pouvez pas vous tromper.

Charlotte s’éloigne.

Mathilde - Elle est charmante.

Louise - J’étais sûre que vous alliez me dire ça. Vous trouvez tout le monde charmant. C’est une maladie.

Mathilde - Ah non ! Il y a des exceptions et, depuis sept jours, je pourrais même vous citer un nom bien précis.

Louise - Elle joue de l’épate, j’aime pas beaucoup. Quel âge lui donnez-vous ?

Mathilde - Assurément moins que celui que vous lui trouvez !

Louise - Tiens, vous avez apporté une paire de jumelles ?

Mathilde - Oui. Pour contempler la nature de plus près… (Scrutant à nouveau au loin.) Oh ! un couple d’amoureux qui s’embrasse !

Louise - Ah ! d’accord ! C’est la nature humaine qui vous intéresse… Ça ne vous gêne pas de vous montrer indiscrète ? (Mathilde hausse les épaules.) J’espère qu’elle ne va pas s’incruster.

Mathilde - Qui donc ?

Louise - Cette Charlotte Morin… Nous étions détendues toutes les deux à discuter de choses et d’autres, nous n’avions pas besoin d’une compagnie supplémentaire.

Mathilde - Moi, j’apprécie. Nos échanges seront plus diversifiés.

Louise - Surtout ça vous permet de récupérer une oreille neuve qui se montrera plus attentive à toutes vos histoires du passé.

Mathilde - Et alors ? Je suis fière de mes souvenirs, moi ! J’aime les évoquer, c’est vrai. Pour vous, on n’est pas fixé. En une semaine, je n’ai pas appris grand-chose sur votre vie.

Louise - Suffisamment, à mon goût… Elle en met du temps… Permettez ?

Louise récupère la paire de jumelles et observe le chemin qui mène à la buvette.

Mathilde - Maintenant, vous êtes impatiente de la revoir. Vous ne savez pas ce que vous voulez.

Louise - Si je prends mon thé trop tard, je trouve difficilement le sommeil le soir… Ah ! la voilà ! Elle a acheté des pâtisseries.

Mathilde - Quelle bonne idée ! Elle fait fort. Elle s’attaque à votre péché mignon !

Louise - Que la gourmandise fasse partie des péchés capitaux tient pour moi de l’erreur de diagnostic. De toute façon, Dieu ne peut pas m’en vouloir : j’affectionne surtout les religieuses au chocolat !

Mathilde (rieuse) - Moi, c’est le pet-de-nonne !

Louise - Ça ne m’étonne pas de vous.

Mathilde (refroidie) - Ce que vous pouvez être désobligeante par moments…

 

NOIR

 

 

 

 

Retour lumière. Quelques jours plus tard. Charlotte lit, tandis que Louise inspecte un bac à géraniums en touchant la terre avec un doigt.

Louise - C’est sec !

Charlotte (levant son nez) - Vous dites ?

Louise - La terre est sèche. Ils pourraient penser à arroser, tout de même ! Pour une ville d’eau, ne pas soigner ses plantes fleuries c’est lamentable ! Remarquez, pourquoi se fatiguer inutilement puisqu’on nous annonce en début de soirée de fortes averses orageuses ?

Charlotte - On fera avec. Ma balade digestive après le dîner s’effectuera sous un parapluie.

Louise - Quel plaisir ! Si vous avez besoin de renseignements sur le temps, n’hésitez pas. Matin, midi et soir, je consulte les météos sur toutes les chaînes. Une vraie passion. Et puis, ça m’occupe.

Charlotte - Il faut bien s’enrichir l’esprit…

Louise - Qu’est-ce qu’elle fabrique ? Elle devrait être là…

Charlotte - Mathilde ne va pas...

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